Le Jardin du Silence et la Ville du Roy/IV/Pourquoi d’un nouveau paysage…

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G. Oudin & Cie (p. 127-129).



III


            Pourquoi d’un nouveau paysage
            Ne pas faire un nouvel ami ?
            Pourquoi ne se sentir soumis
            Qu’à l’unique amour d’un visage ?

            Comme on serait libre en son cœur
            D’une infidélité si tendre
            Et qu’on aurait de joie à prendre
            Le sourire de toute fleur !


            Mais la vie railleuse et cruelle
            Nous inflige le lourd désir
            De rester quand il faut partir,
            De souffrir en ouvrant ses ailes.

            Ainsi la beauté d’un printemps
            Ne nous sépare d’un automne ;
            Et l’amant trouve monotone
            Sa convoitise d’un instant.

            Le premier jardin que l’on laisse
            Est toujours le plus doux jardin.
            Les roses des nouvelles mains
            Ont beau sangloter de tendresse

            Et faire assaut de leur couleur,
            Rien ne peut fléchir la pensée
            D’une saison et d’une allée
            Quand l’enfance en a pris l’odeur.

            L’enfance c’est le ciel qui s’ouvre
            Lorsqu’on ne croyait plus au ciel ;
            C’est l’abeille qui fait son miel,
            C’est la ruche dont on se couvre.


            L’âge c’est ce qui vient après :
            La douleur, la route et l’espace.
            Si des yeux l’enfance s’efface
            Le cœur en garde les regrets.

            Rien n’est humain de nos voyages
            Et la vie nous fait voyager.
            Le plus heureux des naufragés
            N’oublie pas son premier rivage.