Le Jeu des épées/Dédicace

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Le Jeu des épéesMercure de FrancePoèmes 1887-1897 (p. 193).

DÉDICACE

Frère, qui t’a dit mort ? Certes la porte est close
Qui donne sur la nuit où se turent tes pas,
Et ceux qui près du feu devisent de la rose
S’étonnent que ta voix ne leur réponde pas.

Mais d’autres sont entrés par la porte de l’aube,
Et nous dirent ton nom consacré par tes chants ;
Et nous sûmes alors, malgré l’Hôte qui daube,
Que tu n’étais pas mort au carrefour des champs.

Tu nous guettes, ô Frère, aux carreaux de l’auberge,
Et le Passeur t’attend encore sur la berge.
Si l’on faisait silence, on entendrait couler

Tes larmes sur le seuil qu’éclaire un peu la flamme,
Et voici que le vent nocturne va troubler
Ton ombre dans les fleurs où revivra ton âme.