Le Jeu des épées/Chrysostome

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Le Jeu des épéesMercure de FrancePoèmes 1887-1897 (p. 194-195).
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CHRYSOSTOME

À Stéphane Mallarmé.

Le Poète éperdu sanglotait sur les roses
Pour n’avoir pu cueillir, avec leur vain parfum,
Que pétales éparpillés au vent défunt,
Souvenirs de baisers au seuil de portes closes.

Le magicien vint qui connaît toutes choses
Et lui dit à genoux le secret opportun
Qui fait revivre, rouge en l’âme de chacun,
La rose plus réelle, hélas ! d’être sans causes.

Et depuis, dans la nuit où dort tout front mortel,
Pour recréer les fleurs aux mots du sortilège,
Le poète, priant sous la croix de l’autel,


Tend ses lèvres — baiser pour d’autre sacrilège ! —
À la flamme des cieux dont son rêve s’éprit,
Comme un calice où Dieu déversera l’esprit
Qui perpétue avril au milieu de la neige.