Le Jeu des épées/Funérailles

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Le Jeu des épéesMercure de FrancePoèmes 1887-1897 (p. 227).

FUNÉRAILLES

D’avoir, roi, ravagé les rivages de cette mer
Où ses galères, tremblant du tonnerre des trompettes,
Mordaient, dans l’écume et le sang, de leurs rostres de fer
Les tours en feu d’où sifflaient les flèches des arbalètes,

Il se lassa. Donc dans ses palais, loin des flots amers,
Il laissa mourir son âme au son des flûtes de fête,
Esclave des enchanteresses qui parfument l’air
De danses, et des bouffons qui poussent des cris de bêtes.

Mais l’Archange noir qui veille à l’horloge du destin
Cria ! La couronne chut sur la pourpre avec le sceptre,
Et l’on vit aux doigts du roi les écailles de la lèpre.

Et quand ses funérailles étonnèrent le matin
De musiques et d’étendards, nul sous le char qui grince
Ne lança de fleurs, sauf un enfant fou, le futur Prince.