Histoires grotesques et sérieuses/Le Joueur d’échecs de Maelzel
Histoires grotesques et sérieuses, Michel Lévy frères, (p. 112-167).
LE
JOUEUR D’ÉCHECS DE MAELZEL
Aucune exhibition du même genre n’a jamais peut-être autant excité l’attention publique que le Joueur d’échecs de Maelzel. Partout où il s’est fait voir, il a été, pour toutes les personnes qui pensent, l’objet d’une intense curiosité. Toutefois la question du modus operandi n’est pas encore résolue. Rien n’a été écrit sur ce sujet qui puisse être considéré comme décisif. En effet, nous rencontrons partout des hommes doués du génie de la mécanique, doués d’une perspicacité générale fort grande et d’un rare discernement, qui n’hésitent pas à déclarer que l’automate en question est une pure machine, dont les mouvements n’ont aucun rapport avec l’action humaine, et qui est conséquemment, sans aucune comparaison, la plus étonnante de toutes les inventions humaines. Et cette conclusion, disons-le, serait irréfutable, si la supposition qui la précède était juste et plausible. Si nous adoptions leur hypothèse, il serait vraiment absurde de comparer au Joueur d’échecs tout autre individu analogue, soit des temps anciens, soit des temps modernes. Cependant il a existé bien des automates, et des plus surprenants. Dans les lettres de Brewster sur la Magie naturelle, nous en trouvons une liste des plus remarquables. Parmi ceux-là, on peut citer d’abord, comme ayant positivement existé, le carrosse inventé par M. Camus pour l’amusement de Louis XIV, alors enfant. Une table, ayant quatre pieds de carré environ, était placée dans la chambre destinée à l’expérience. Sur cette table était posé un carrosse long de six pouces, en bois, et traîné par deux chevaux faits de la même matière. Une glace étant abaissée, on apercevait une dame sur la banquette postérieure. Sur le siège un cocher tenait les rênes, et par derrière, un valet de pied et un page occupaient leurs places ordinaires. M. Camus touchait alors un ressort ; immédiatement le cocher faisait claquer son fouet, et les chevaux marchaient naturellement le long du bord de la table, traînant le carrosse derrière eux. Étant allés aussi loin que possible dans ce premier sens, ils opéraient brusquement un tour sur la gauche, et le véhicule reprenait sa course à angle droit, toujours le long du bord extrême de la table. Le carrosse continuait ainsi jusqu’à ce qu’il fût arrivé en face du fauteuil occupé par le jeune prince. Là, il s’arrêtait ; le page descendait et ouvrait la portière ; la dame mettait pied à terre et présentait une pétition à son souverain, puis elle rentrait. Le page relevait le marchepied, fermait la portière et reprenait sa place ; le cocher fouettait ses chevaux, et le carrosse retournait vers sa position première.
Le Magicien de M. Maillardet mérite également d’être noté. Nous copions le compte rendu suivant dans les Lettres déjà citées du docteur Brewster, qui a tiré ses principaux renseignements de l’Encyclopédie d’Édimbourg.
« Une des pièces mécaniques les plus populaires que nous ayons vues est le Magicien construit par M. Maillardet, dont la spécialité consiste à répondre à certaines questions données. Une figure habillée en magicien apparaît assise au pied d’un mur, tenant une baguette dans la main droite, et dans l’autre un livre. Des questions en un certain nombre, préparées à l’avance, sont inscrites dans des médaillons ovales ; le spectateur ayant détaché celles de son choix, pour lesquelles il demande une réponse, et les ayant placées dans un tiroir destiné à les recevoir, le tiroir se ferme par un ressort jusqu’à ce que la réponse soit transmise. Le magicien se lève alors de son siège, incline la tête, décrit des cercles, et, consultant son livre, comme préoccupé par une profonde pensée, l’élève à la hauteur de son visage. Feignant ainsi de méditer sur la question posée, il lève sa baguette et en frappe le mur au-dessus de sa tête ; les deux battants d’une porte s’ouvrent et laissent voir une réponse appropriée à la question. La porte se referme ; le magicien reprend son attitude primitive, et le tiroir s’ouvre pour rendre le médaillon. Ces médaillons sont au nombre de vingt, contenant tous des questions différentes, auxquelles le magicien riposte par des réponses adaptées d’une façon étonnante. Les médaillons sont faits de minces planches de cuivre, de forme elliptique, se ressemblant toutes exactement. Quelques-uns des médaillons portent une question écrite de chaque côté, et, dans ce cas le magicien répond successivement aux deux. Si le tiroir se referme sans qu’un médaillon y ait été déposé, le magicien se lève, consulte son livre, secoue la tête et se rassied ; les deux battants de la porte restent fermés et le tiroir revient vide. Si deux médaillons sont mis ensemble dans le tiroir, on n’obtient de réponse que pour celui qui est placé en dessous. Quand la machine est montée, le mouvement peut durer une heure à peu près, et, pendant ce temps, l’automate peut répondre à environ cinquante questions. L’inventeur affirmait que les moyens par lesquels les divers médaillons agissaient sur la machine, pour produire les réponses convenables aux questions inscrites, étaient excessivement simples. »
Le canard de Vaucanson était encore plus remarquable. Il était de grosseur naturelle et imitait si parfaitement l’animal vivant, que tous les spectateurs subissaient l’illusion. Il exécutait, dit Brewster, toutes les attitudes et tous les gestes de la vie ; mangeait et buvait avec avidité ; accomplissait tous les mouvements de tête et de gosier qui sont le propre du canard, et, comme lui, troublait vivement l’eau, qu’il aspirait avec son bec. Il produisait aussi le cri nasillard de la bête avec une vérité complète de naturel. Dans la structure anatomique, l’artiste avait déployé la plus haute habileté. Chaque os du canard réel avait son correspondant dans l’automate, et les ailes étaient anatomiquement exactes. Chaque cavité, apophyse ou courbure était strictement imitée, et chaque os opérait son mouvement propre. Quand on jetait du grain devant lui, l’animal allongeait le cou pour le becqueter, l’avalait et le digérait[1].
Si ces machines révélaient du génie, que devrons-nous donc penser de la machine à calculer de M. Babbage ? Que penserons-nous d’une mécanique de bois et de métal qui non-seulement peut computer les tables astronomiques et nautiques jusqu’à n’importe quel point donné, mais encore confirmer la certitude mathématique de ses opérations par la faculté de corriger les erreurs possibles ? Que penserons-nous d’une mécanique qui non-seulement peut accomplir tout cela, mais encore imprime matériellement les résultats de ses calculs compliqués, aussitôt qu’ils sont obtenus, et sans la plus légère intervention de l’intelligence humaine ? On répondra peut-être qu’une machine telle que celle que nous décrivons est, sans aucune comparaison possible, bien au-dessus du Joueur d’échecs de Maelzel. En aucune façon ; elle est au contraire bien inférieure ; pourvu toutefois que nous ayons admis d’abord (ce qui ne saurait être raisonnablement admis un seul instant) que le Joueur d’échecs est une pure machine et accomplit ses opérations sans aucune intervention humaine immédiate. Les calculs arithmétiques ou algébriques sont, par leur nature même, fixes et déterminés. Certaines données étant acceptées, certains résultats s’ensuivent nécessairement et inévitablement. Ces résultats ne dépendent de rien et ne subissent d’influence de rien que des données primitivement acceptées. Et la question à résoudre marche, ou devrait marcher, vers la solution finale, par une série de points infaillibles qui ne sont passibles d’aucun changement et ne sont soumis à aucune modification. Ceci étant adopté, nous pouvons, sans difficulté, concevoir la possibilité de construire une pièce mécanique qui, prenant son point de départ dans les données de la question à résoudre, continuera ses mouvements régulièrement, progressivement, sans déviation aucune, vers la solution demandée, puisque ces mouvements, quelque complexes qu’on les suppose, n’ont jamais pu être conçus que finis et déterminés. Mais dans le cas du Joueur d’échecs il y a une immense différence. Ici, il n’y a pas de marche déterminée. Aucun coup, dans le jeu des échecs, ne résulte nécessairement d’un autre coup quelconque. D’aucune disposition particulière des pièces, à un point quelconque de la partie, nous ne pouvons déduire leur disposition future à un autre point quelconque. Supposons le premier coup d’une partie d’échecs mis en regard des données d’un problème algébrique, et nous saisirons immédiatement l’énorme différence qui les distingue. Dans le cas des données algébriques, le second pas de la question, qui en dépend absolument, en résulte inévitablement. Il est créé par la donnée. Il faut qu’il soit ce qu’il est et non pas un autre. Mais le premier coup dans une partie d’échecs n’est pas nécessairement suivi d’un second coup déterminé. Pendant que le problème algébrique marche vers la solution, la certitude des opérations reste entièrement intacte. Le second pas n’étant que la conséquence des données, le troisième est également une conséquence du second, le quatrième du troisième, le cinquième du quatrième, et ainsi de suite, sans aucune alternative possible, jusqu’à la fin. Mais, dans les échecs, l’incertitude du coup suivant est en proportion de la marche de la partie. Quelques coups ont eu lieu, mais aucun pas certain n’a été fait. Différents spectateurs pourront conseiller différents coups. Tout dépend donc ici du jugement variable des joueurs. Or, même en accordant (ce qui ne peut pas être accordé) que les mouvements de l’Automate joueur d’échecs soient en eux-mêmes déterminés, ils seraient nécessairement interrompus et dérangés par la volonté non déterminée de son antagoniste. Il n’y a donc aucune analogie entre les opérations du Joueur d’échecs et celles de la machine à calculer de M. Babbage ; et s’il nous plaît d’appeler le premier une pure machine, nous serons forcés d’admettre qu’il est, sans aucune comparaison possible, la plus extraordinaire invention de l’humanité. Cependant son premier introducteur, le baron Kempelen, ne se faisait pas scrupule de le déclarer « une pièce mécanique très-ordinaire, — une babiole dont les effets ne paraissaient si merveilleux que par l’audace de la conception et le choix heureux des moyens adoptés pour favoriser l’illusion ». Mais il est inutile de s’appesantir sur ce point. Il est tout à fait certain que les opérations de l’Automate sont réglées par l’esprit, et non par autre chose. On peut même dire que cette confirmation est susceptible d’une démonstration mathématique, à priori. La seule chose en question est donc la manière dont se produit l’intervention humaine. Avant d’entrer dans ce sujet, il serait sans doute convenable de donner l’histoire et la description très-brèves du Joueur d’échecs, pour la commodité de ceux de nos lecteurs qui n’ont jamais eu l’occasion d’assister à l’exhibition de M. Maelzel.
L’Automate joueur d’échecs fut inventé, en 1769, par le baron Kempelen, gentilhomme de Presbourg, en Hongrie, qui postérieurement le céda, avec le secret de ses opérations, à son propriétaire actuel[2]. Peu de temps après son achèvement, il fut exposé à Presbourg, à Paris, à Vienne, et dans d’autres villes du continent. En 1783 et 1784, il fut transporté à Londres par M. Maelzel. Dans ces dernières années, l’Automate a visité les principales villes des États-Unis. Partout où il s’est fait voir, il a excité la plus vive curiosité, et de nombreuses tentatives ont été faites, par des hommes de toutes classes, pour pénétrer le mystère de ses mouvements. La gravure qui précède donne une représentation passable de la figure que les citoyens de Richmond ont pu contempler, il y a quelques semaines. Le bras droit, toutefois, devrait s’étendre plus avant sur la caisse ; un échiquier devrait aussi s’y faire voir ; enfin le coussin ne devrait pas être aperçu tant que la main tient la pipe. Quelques altérations sans importance ont eu lieu dans le costume du Joueur d’échecs depuis qu’il est la propriété de M. Maelzel ; — ainsi, dans le principe, il ne portait pas de plumet.
À l’heure marquée pour l’exhibition, un rideau est tiré, ou bien une porte à deux battants s’ouvre, et la machine est roulée à environ douze pieds du spectateur le plus rapproché, devant lequel une corde reste tendue. On aperçoit une figure, habillée à la turque, et assise, les jambes croisées, devant une vaste caisse qui semble faite de bois d’érable, et qui lui sert de table.
L’exhibiteur roulera, si on l’exige, la machine vers n’importe quel endroit de la salle, la laissera stationner sur n’importe quel point désigné, ou même la changera plusieurs fois de place pendant la durée de la partie. La base de la caisse est assez élevée au-dessus du plancher, au moyen de roulettes ou de petits cylindres de cuivre sur lesquels on la fait mouvoir, et les spectateurs peuvent ainsi apercevoir toute la portion d’espace comprise au-dessous de l’Automate. La chaise sur laquelle repose la figure est fixe et adhérente à la caisse. Sur le plan supérieur de cette caisse est un échiquier, également adhérent. Le bras droit du Joueur d’échecs est étendu tout du long devant lui, faisant angle droit avec son corps, et appuyé dans une pose indolente, au bord de l’échiquier. La main est tournée, le dos en dessus. L’échiquier a dix-huit pouces de carré. Le bras gauche de la figure est fléchi au coude, et la main gauche tient une pipe. Une draperie verte cache le dos du Turc et recouvre en partie le devant des deux épaules. La caisse, si l’on en juge par son aspect extérieur, est divisée en cinq compartiments, — trois armoires d’égale dimension et deux tiroirs qui occupent la partie du coffre placée au-dessous des armoires. Les observations précédentes ont trait à l’aspect de l’Automate, considéré au premier coup d’œil, quand il est introduit en présence des spectateurs.
M. Maelzel annonce alors à l’assemblée qu’il va exposer à ses yeux le mécanisme de l’Automate. Tirant de sa poche un trousseau de clefs, il ouvre avec l’une d’elles la porte marquée du chiffre 1 dans la gravure page 122, et livre ainsi tout l’intérieur de l’armoire à l’examen des personnes présentes. Tout cet espace est en apparence rempli de roues, de pignons, de leviers et d’autres engins mécaniques, entassés et serrés les uns contre les autres, de sorte que le regard ne peut pénétrer qu’à une petite distance à travers l’ensemble. Laissant cette porte ouverte toute grande, Maelzel passe alors derrière la caisse et, soulevant le manteau de la figure, ouvre une autre porte placée juste derrière la première déjà ouverte. Tenant une bougie allumée devant cette porte, et changeant en même temps la machine de place à plusieurs reprises, il fait ainsi pénétrer une vive lumière à travers toute l’armoire, qui alors apparaît pleine, absolument pleine d’engins mécaniques. Les assistants étant bien convaincus de ce fait, Maelzel repousse la porte de derrière, la referme, ôte la clef de la serrure, laisse retomber le manteau de la figure, et revient par devant. La porte marquée du chiffre 1 est restée ouverte, on s’en souvient. L’exhibiteur procède maintenant à l’ouverture du tiroir placé sous les armoires au bas de la caisse ; car, bien qu’il y ait en apparence deux tiroirs, il n’y en a qu’un en réalité, les deux poignées et les deux trous de clef ne figurant que pour l’ornement. Ce tiroir ouvert dans toute son étendue, on aperçoit un petit coussin, avec une collection complète d’échecs, fixés dans un châssis de manière à s’y maintenir perpendiculairement. Laissant ce tiroir ouvert, ainsi que l’armoire numéro 1, Maelzel ouvre la porte numéro 2 et la porte numéro 3, qui ne sont, comme on le voit alors, que les deux battants d’une même porte, ouvrant sur un seul et même compartiment. Toutefois, à la droite de ce compartiment (c’est-à-dire à la droite du spectateur), il existe une petite partie séparée, large de six pouces, et occupée par des pièces mécaniques. Quant au principal compartiment (en parlant de cette partie de la caisse visible après l’ouverture des portes 2 et 3, nous l’appellerons toujours le principal compartiment), il est revêtu d’une étoffe sombre et ne contient pas d’autres engins mécaniques que deux pièces d’acier, en forme de quart de cercle, placées chacune à l’un des deux coins supérieurs de derrière du compartiment. Une petite éminence, de huit pouces de carré environ, également recouverte d’une étoffe sombre, s’élève de la base du compartiment près du coin le plus reculé à la gauche du spectateur. Laissant ouvertes les portes 2 et 3, ainsi que le tiroir et la porte 1, l’exhibiteur se dirige derrière le principal compartiment, et, ouvrant là une autre porte, en éclaire parfaitement tout l’intérieur en y introduisant une bougie allumée. Toute la caisse ayant été ainsi exposée, en apparence, à l’examen de l’assemblée, Maelzel, laissant toujours les portes et le tiroir ouverts, retourne complétement l’Automate et expose le dos du Turc en soulevant la draperie. Une porte d’environ dix pouces de carré s’ouvre dans les reins de la figure, et une autre aussi, mais plus petite, dans la cuisse gauche. L’intérieur de la figure, vu ainsi à travers ces ouvertures, paraît occupé par des pièces mécaniques. En général, chaque spectateur est dès lors convaincu qu’il a vu et complètement examiné, simultanément, toutes les parties constitutives de l’Automate, et l’idée qu’une personne ait pu, pendant une exhibition si complète de l’intérieur, y rester cachée, est immédiatement rejetée par les esprits, comme excessivement absurde, si toutefois elle a été acceptée un instant.
M. Maelzel, replaçant la machine dans sa position première, informe maintenant la société que l’Automate jouera une partie d’échecs avec quiconque se présentera comme adversaire. Le défi étant accepté, une petite table est dressée pour l’antagoniste, et placée tout près de la corde, non pas en face, mais à un bout extrême, pour ne priver aucune personne de l’assemblée de la vue de l’Automate. D’un tiroir de cette table est tiré un jeu d’échecs, et généralement, mais pas toujours, Maelzel les range de sa propre main sur l’échiquier, qui consiste simplement en carrés peints sur la table, selon le nombre habituel. L’adversaire s’étant assis, l’exhibiteur se dirige vers le tiroir de la caisse, et en tire le coussin, qu’il place comme support, sous le bras gauche de l’Automate, après lui avoir retiré la pipe de la main. Prenant ensuite dans le même tiroir le jeu d’échecs de l’Automate, il dispose les pièces sur l’échiquier placé devant la figure. Puis il repousse les portes et les ferme, laissant le trousseau de clefs suspendu à la porte numéro 1. Il ferme également le tiroir, et enfin il monte la machine en introduisant une clef dans un trou placé à l’extrémité gauche de la machine (gauche du spectateur). La partie commence, l’Automate faisant le premier coup. La durée de la partie est généralement limitée à une demi-heure ; mais, si elle n’est pas finie à l’expiration de cette période, et si l’adversaire prétend qu’il croit pouvoir battre l’Automate, M. Maelzel s’oppose rarement à la continuation de la partie. Ne pas fatiguer l’assemblée, tel est le motif ostensible, et sans doute réel, de cette limitation de temps. Naturellement on devine qu’à chaque coup joué par l’adversaire à sa propre table, M. Maelzel lui-même, agissant comme représentant de l’adversaire, exécute le coup correspondant sur la caisse de l’Automate. De même, quand le Turc joue, le coup correspondant est exécuté, à la table de l’adversaire, par M. Maelzel, agissant alors comme représentant de l’Automate. De cette façon, il est nécessaire que l’exhibiteur passe souvent d’une table vers l’autre. Souvent aussi il retourne vers la figure pour emporter les pièces qu’elle a prises et qu’il dépose au fur et à mesure, sur la caisse, à gauche de l’échiquier (à sa propre gauche). Quand l’Automate hésite relativement à un coup, on voit quelquefois l’exhibiteur se placer très-près de sa droite, et poser sa main de temps à autre, d’une façon négligente, sur la caisse. Il a aussi une certaine trépidation des pieds, propre à insinuer dans les esprits qui sont plus rusés que sagaces l’idée d’une connivence entre la machine et lui. Ces particularités sont sans doute de purs tics de M. Maelzel, ou, s’il en a conscience, il s’en sert dans le but de suggérer aux spectateurs cette fausse idée qu’il n’y a dans l’Automate qu’un pur mécanisme.
Le Turc joue de la main gauche. Tous les mouvements sont opérés à angle droit. Ainsi, la main (qui est gantée et pliée d’une façon naturelle) est portée directement au-dessus de la pièce qu’il faut mouvoir, puis finalement s’abaisse dessus, et dans beaucoup de cas les doigts s’en emparent sans difficulté. Quelquefois, cependant, quand la pièce n’est pas précisément et exactement sur la place qu’elle doit occuper, l’Automate échoue dans son effort pour la saisir. Quand cet accident se produit, il ne fait pas un second effort, mais le bras continue son mouvement dans le sens primitivement voulu, tout comme si les doigts s’étaient emparés de la pièce. Ayant ainsi désigné la place où le coup aurait dû être fait, le bras se retire vers le coussin, et Maelzel exécute le mouvement indiqué par l’Automate. À chaque mouvement de la figure, on entend remuer la mécanique. Pendant la marche de la partie, le Turc, de temps à autre, roule ses yeux comme s’il examinait l’échiquier, remue la tête, et prononce le mot échec, quand il y a lieu[3].
L’antagoniste a-t-il joué à faux, il tape vivement sur la caisse avec les doigts de sa main droite, secoue énergiquement la tête, et, remettant à sa place première la pièce déplacée à tort, prend pour lui le droit de jouer le coup suivant. Quand il a gagné la partie, il balance sa tête avec un air de triomphe, regarde complaisamment les spectateurs autour de lui, et, reculant son bras gauche plus loin que d’ordinaire, laisse ses doigts seulement reposer sur le coussin. En général, le Turc est victorieux ; — une ou deux fois il a été battu. La partie finie, Maelzel exhibera de nouveau, si on le désire, le mécanisme de la caisse, de la même manière qu’au commencement. La machine est roulée en arrière, et un rideau qui se déploie la cache aux yeux des spectateurs.
Plusieurs tentatives ont été faites pour résoudre le mystère de l’Automate. L’opinion la plus générale, opinion trop souvent adoptée par des gens de qui l’intelligence promettait mieux, a été, comme nous l’avons déjà dit, que l’action humaine n’y entrait pour rien, que la machine était une pure machine, et rien de plus. Quelques-uns, toutefois, ont soutenu que l’exhibiteur lui-même réglait les mouvements de l’Automate par quelque moyen mécanique agissant à travers les pieds de la caisse. D’autres, à leur tour, ont parlé audacieusement d’un aimant. De la première de ces opinions, nous n’avons, pour le présent, rien à dire de plus que ce que nous en avons déjà dit. Relativement à la seconde, il suffira de répéter ce que nous avons déjà mentionné, à savoir que la machine roule sur des cylindres, et est, à la requête d’un spectateur quelconque, poussée dans n’importe quel endroit de la salle, même pendant toute la durée de la partie. La supposition d’un aimant est également insoutenable ; — car, si un aimant servait d’agent, un autre aimant caché dans la poche d’un spectateur dérangerait tout le mécanisme. D’ailleurs, l’exhibiteur ne s’opposera pas à ce qu’on laisse sur la caisse une pierre aimantée, la plus puissante même, pendant toute la durée de l’exhibition.
Le premier essai d’explication écrit, le premier du moins dont nous ayons connaissance, s’est produit dans une grosse brochure imprimée à Paris en 1785. L’hypothèse de l’auteur se réduisait à ceci : qu’un nain faisait mouvoir la machine. Il était supposé que ce nain se cachait pendant qu’on ouvrait la caisse, en fourrant ses jambes dans deux cylindres creux (qu’on représentait comme faisant partie du mécanisme de l’armoire no 1, bien qu’ils n’y figurent pas), pendant que son corps restait entièrement hors de la caisse, recouvert par le manteau du Turc. Quand les portes étaient fermées, le nain trouvait le moyen de passer son corps dans la caisse, le bruit produit par quelque partie de la mécanique lui permettant de le faire sans être entendu, et aussi de fermer la porte par laquelle il était entré. L’intérieur de l’Automate étant ainsi exhibé, et aucune personne n’y étant vue, les spectateurs, dit l’auteur de la brochure, sont convaincus qu’il n’y a en effet personne dans aucune partie de la machine. — Toute l’hypothèse est trop visiblement absurde pour mériter un commentaire ou une réfutation, et aussi apprenons-nous qu’elle n’attira que fort médiocrement l’attention publique.
En 1789, un livre fut publié à Dresde par M. I.-F. Freyhere, dans lequel se trouvait un nouvel essai d’explication du mystère. Le livre de M. Freyhere était passablement gros et copieusement illustré de planches coloriées. Quant à lui, il supposait « qu’un grand garçon, fort instruit et juste assez mince pour pouvoir se cacher dans un tiroir placé immédiatement au-dessous de l’échiquier, » jouait la partie d’échecs et effectuait toutes les évolutions de l’Automate. Cette idée, quoique encore plus sotte que celle de l’auteur parisien, reçut toutefois un meilleur accueil, et fut, jusqu’à un certain point, adoptée comme la vraie solution du miracle, jusqu’au moment où l’inventeur mit fin à la discussion en autorisant un soigneux examen du couvercle de la caisse.
Ces bizarres essais d’explication furent suivis d’autres non moins bizarres. Dans ces dernières années, toutefois, un écrivain anonyme, tout en suivant une voie de raisonnement fort peu philosophique, est parvenu à tomber sur une solution plausible, — quoique nous ne puissions la considérer comme la seule absolument vraie. Son article fut publié primitivement dans un journal hebdomadaire de Baltimore, illustré de gravures, et portant pour titre : une Tentative d’analyse de l’Automate joueur d’échecs de M. Maelzel. Nous croyons que cet article est l’édition primitive de la brochure à laquelle sir Brewster fait allusion dans ses Lettres sur la magie naturelle, et qu’il n’hésite pas à déclarer une parfaite et satisfaisante explication. Les résultats de l’analyse sont, en somme, et sans aucun doute, justes ; mais, pour que Brewster ait consenti à y voir une parfaite et satisfaisante explication, il faut supposer qu’il ne l’a lue que d’une manière distraite et précipitée. Dans le compendium de cet essai, présenté dans les Lettres sur la magie naturelle, il est absolument impossible d’arriver à une conclusion claire relativement à la perfection ou à l’imperfection de l’analyse, à cause du très-mauvais arrangement et de l’insuffisance des lettres de renvoi. Le même défaut se trouve dans la Tentative d’analyse, telle que nous l’avons lue sous sa première forme. La solution consiste dans une série d’explications minutieuses (accompagnées de gravures sur bois, le tout occupant un grand nombre de pages), dont le but est de montrer la possibilité de déplacer les compartiments de la caisse, de telle façon qu’un être humain, caché dans l’intérieur, puisse transporter des parties de son corps d’un lieu à l’autre de la caisse, pendant l’exhibition du mécanisme, et échapper ainsi à l’attention des spectateurs. Il n’y a pas lieu de douter, comme nous l’avons déjà fait observer et comme nous allons essayer de le prouver, que le principe, ou plutôt le résultat de cette explication, ne soit le seul vrai. Il y a une personne cachée dans la caisse pendant tout le temps employé à en montrer l’intérieur. Toutefois, nous repousserons toute la verbeuse description de la manière selon laquelle doivent se mouvoir les compartiments pour se prêter aux mouvements de la personne cachée. Nous la repoussons comme une pure théorie admise à priori, et à laquelle les circonstances devront ensuite s’adapter. Nous ne sommes amenés et nous ne pouvons être amenés à cette théorie par aucun raisonnement d’induction. La manière quelconque dont s’opère le déplacement est ce qui échappe à l’observation à chaque point de l’exhibition. Montrer qu’il n’est pas impossible que certains mouvements s’effectuent d’une certaine manière n’est pas du tout montrer qu’ils ont été positivement effectués de cette manière-là. Il peut exister une infinité d’autres méthodes par lesquelles les mêmes résultats peuvent être obtenus. La probabilité que la seule supposée se trouve être la seule juste est donc dans le rapport de l’unité à l’infini. Mais, en réalité, ce point particulier — la mobilité des compartiments — est sans aucune importance. Il est absolument inutile de consacrer sept ou huit pages à vouloir prouver ce qu’aucune personne de bon sens ne niera, — à savoir que le puissant génie mécanique du baron Kempelen a pu découvrir les moyens nécessaires pour fermer une porte ou faire glisser un panneau, avec un agent humain également à son service et en contact immédiat avec le panneau ou la porte, ainsi que toutes les opérations exécutées de manière à échapper entièrement à l’observation des spectateurs, — comme le montre l’auteur de l’Essai, et comme nous essayerons nous-même de le montrer plus complètement.
Dans cette tentative d’explication de l’Automate, nous montrerons d’abord comment ses opérations s’effectuent, et ensuite nous décrirons, aussi brièvement que possible, la nature des observations d’où nous avons déduit notre résultat.
Il est nécessaire, pour bien faire comprendre la question, que nous répétions ici en peu de mots la routine adoptée par l’exhibiteur pour montrer l’intérieur de la caisse, — routine dont il ne s’écarte jamais en aucun point, ni en aucun détail. D’abord, il ouvre la porte no 1. La laissant ouverte, il tourne derrière la caisse et ouvre une porte située précisément en face de la porte no 1. À cette porte de derrière il tient une bougie allumée. Il repousse alors la porte de derrière, la ferme, et, revenant par-devant, ouvre le tiroir dans toute sa longueur. Ceci fait, il ouvre les portes no 2 et no 3 (les deux battants), et découvre l’intérieur du compartiment principal. Laissant ouverts ce principal compartiment, le tiroir et la porte de face de l’armoire no 1, il retourne encore par derrière et ouvre la porte de derrière du principal compartiment. Pour refermer la caisse, il n’observe aucun ordre particulier, sauf que la porte à battants est toujours fermée avant le tiroir.
Maintenant, supposons que, quand la machine est traînée en présence des spectateurs, un homme soit déjà caché dedans. Son corps est placé derrière le fouillis de mécaniques dans l’armoire no 1 (la partie postérieure de cet appareil mécanique étant disposée pour glisser en masse du principal compartiment dans l’armoire no 1, quand la circonstance l’exige), et ses jambes sont étendues dans le principal compartiment. Quand Maelzel ouvre la porte no 1, l’homme caché ne risque pas d’être découvert, car l’œil le plus exercé ne peut pas pénétrer au delà de deux pouces dans les ténèbres. Mais le cas est bien différent quand la porte de derrière de l’armoire no 1 est ouverte. Une lumière brillante pénètre alors l’armoire, et le corps de l’homme serait découvert s’il y était resté. Mais il n’en est pas ainsi. La clef placée dans la serrure de la porte de derrière a été un signal au bruit duquel la personne cachée a ramené son corps en avant jusqu’à un angle aussi aigu que possible, — se fourrant entièrement, ou à peu près, dans le principal compartiment. Mais c’est là une position pénible, dans laquelle on ne peut pas longtemps se maintenir. Aussi voyons-nous que Maelzel ferme la porte de derrière. Ceci fait, rien n’empêche que le corps de l’homme ne reprenne sa position première, — car l’armoire est redevenue assez sombre pour défier l’examen. Le tiroir est alors ouvert, et les jambes de la personne cachée tombent, par-derrière, dans l’espace qu’il occupait tout à l’heure[4]. Il n’y a donc plus aucune partie de l’homme dans le compartiment principal, son corps étant placé derrière le mécanisme de l’armoire no 1, et ses jambes dans l’espace occupé naguère par le tiroir. L’exhibiteur est donc libre maintenant de montrer le compartiment principal. C’est ce qu’il fait, — ouvrant les deux portes, celle de face et celle de derrière ; et l’on n’y aperçoit personne. Les spectateurs sont maintenant convaincus que tout l’ensemble de la caisse est exposé à leurs regards, ainsi que toutes les parties, dans un seul et même instant. Mais évidemment, il n’en est pas ainsi. Ils n’aperçoivent ni l’espace compris derrière le tiroir ouvert, ni l’intérieur de l’armoire no 1, — dont Maelzel a virtuellement fermé la porte de face quand il fermait la porte de derrière. Ayant fait alors tourner la machine sur elle-même, soulevé le manteau du Turc, ouvert les portes du dos et de la cuisse et montré le tronc de l’Automate plein de pièces mécaniques, il ramène le tout à sa position première et ferme les portes. L’homme est libre maintenant de se mouvoir. Il se hausse dans le corps du Turc juste assez pour que ses yeux se trouvent au niveau de l’échiquier. Il est très-probable qu’il s’assied sur le petit bloc carré, la petite éminence qu’on a aperçue dans un coin du compartiment principal, alors que les portes étaient ouvertes. Dans cette position, il voit l’échiquier à travers la poitrine du Turc, qui est en gaze. Ramenant son bras droit par devant sa poitrine, il fait mouvoir le petit mécanisme nécessaire pour diriger le bras gauche et les doigts de la figure. Ce mécanisme est placé juste au-dessous de l’épaule gauche du Turc et peut donc être facilement atteint par la main droite de l’homme caché, si nous supposons son bras droit ramené sur sa poitrine. Les mouvements de la tête, des yeux et du bras droit de la figure, ainsi que le bruit imitant le mot échec, sont produits par un autre mécanisme intérieur, et opérés à volonté par l’homme caché. Tout l’ensemble de ce mécanisme, c’est-à-dire tout le mécanisme essentiel à l’automate, est très-probablement contenu dans la petite armoire (large de six pouces environ) qui occupe la droite du principal compartiment (droite du spectateur).
Dans cette analyse des opérations de l’Automate, nous avons volontairement évité de parler de la manière dont se meuvent les compartiments, et l’on comprendra facilement que cette question est sans aucune importance, puisque l’habileté du charpentier le plus ordinaire fournit une infinité de moyens d’y satisfaire, et puisque nous avons montré que, quelle que soit la manière dont l’opération a lieu, elle a lieu hors de la vue du spectateur. Notre résultat est fondé sur les observations suivantes, relevées durant de fréquentes visites que nous avons faites à l’Automate de Maelzel[5].
Les coups joués par le Turc n’ont pas lieu à des intervalles de temps réguliers, mais se conforment aux intervalles des coups de l’adversaire, — bien que cette condition (la régularité), si importante dans toute espèce de combinaison mécanique, eût pu facilement être remplie en limitant le temps accordé pour les coups de l’adversaire. Si, par exemple, cette limite était de trois minutes, les coups de l’Automate pourraient avoir lieu à des intervalles quelconques plus longs que trois minutes. Donc, le fait de l’irrégularité, quand la régularité aurait pu être si facilement obtenue, sert à prouver que la régularité n’a pas d’importance dans l’action de l’Automate, — en d’autres termes, que l’Automate n’est pas une pure machine.
Quand l’Automate est au moment de remuer une pièce, un mouvement distinct peut être aperçu juste au-dessous de l’épaule gauche, lequel mouvement fait trembler très-légèrement la draperie qui recouvre le devant de l’épaule gauche. Ce tremblement précède invariablement de deux secondes à peu près le mouvement du bras lui-même, et le bras ne se meut jamais, dans aucun cas, sans ce mouvement précurseur de l’épaule. Or, supposons que l’adversaire pousse une pièce, et que le coup correspondant soit exécuté par Maelzel, selon son habitude, sur l’échiquier de l’Automate ; supposons que l’adversaire surveille attentivement l’Automate jusqu’à ce qu’il découvre ce mouvement précurseur de l’épaule. Aussitôt qu’il a découvert ce mouvement et avant que le bras mécanique commence à se mouvoir, supposons qu’il retire sa pièce, comme s’il s’apercevait d’une erreur dans sa manœuvre ; on verra alors que le mouvement du bras, qui, dans tous les autres cas, succède immédiatement au mouvement de l’épaule, et cette fois retenu, — n’a pas lieu, — quoique Maelzel n’ait pas encore exécuté sur l’échiquier de l’Automate le coup correspondant à la retraite de l’adversaire. Dans ce cas, il est évident que l’Automate allait jouer, — et que, s’il n’a pas joué, ça été un effet simplement produit par la retraite de l’adversaire, et sans aucune intervention de Maelzel.
Ce fait prouve nettement : — primo, que l’intervention de Maelzel, exécutant sur l’échiquier du Turc les coups de l’adversaire, n’est pas indispensable pour les mouvements du Turc ; — secundo, que les mouvements de l’Automate sont réglés par l’esprit, par quelque personne pouvant apercevoir l’échiquier de l’adversaire ; — tertio, que ses mouvements ne sont pas réglés par l’esprit de Maelzel, qui avait le dos tourné du côté de l’adversaire pendant que celui-ci opérait son mouvement de retraite.
L’Automate ne gagne pas invariablement. Si la machine était une pure machine, il n’en serait pas ainsi ; elle devrait toujours gagner. Étant découvert le principe par lequel une machine peut jouer une partie d’échecs, l’extension du même principe la doit rendre capable de la gagner, et une extension plus grande, de gagner toutes les parties, c’est-à-dire de battre n’importe quel adversaire. Il suffira d’un peu de réflexion pour convaincre chacun qu’il n’est pas plus difficile, en ce qui regarde le principe des opérations nécessaires, de faire une machine gagnant toutes les parties que d’en faire une qui n’en gagne qu’une seule. Si donc nous regardons le Joueur d’échecs comme une machine, nous devons supposer (ce qui est singulièrement improbable) que l’inventeur a mieux aimé la laisser incomplète que la faire parfaite, — supposition qui apparaît encore plus absurde si nous réfléchissons qu’en la laissant incomplète, il fournissait un argument contre la possibilité supposée d’une pure machine ; — c’est justement l’argument dont nous profitons ici.
Quand la situation de la partie est difficile ou complexe, nous ne voyons jamais le Turc secouer la tête ou rouler ses yeux. C’est seulement quand son prochain coup est d’une nature évidente, ou quand la partie se présente de telle façon que pour l’homme placé dans l’Automate il n’y a pas nécessité de réfléchir. Or, ces mouvements particuliers de la tête et des yeux sont des mouvements propres aux personnes plongées dans une méditation, et l’ingénieux baron Kempelen aurait ajusté ces mouvements (si la machine était une pure machine) aux occasions qui leur serviraient de prétexte naturel, — c’est-à-dire aux occasions de complexité. Mais c’est l’inverse qui a lieu, et cet inverse s’accorde justement avec notre supposition d’un homme caché dans l’intérieur. Quand il est contraint de méditer son jeu, il n’a pas assez de loisir pour faire jouer la mécanique qui met en branle la tête et les yeux. Mais, quand le coup à jouer est évident, il a le temps de regarder autour de lui, et c’est pourquoi nous voyons alors la tête s’agiter et les yeux rouler.
Quand la machine est tournée pour permettre aux spectateurs d’examiner le dos du Turc, et quand la draperie est enlevée et les portes du tronc et de la cuisse ouvertes, l’intérieur du tronc paraît encombré de mécaniques. En examinant les mécaniques pendant que l’Automate était en mouvement, c’est-à-dire pendant que la machine roulait sur ses roulettes, il nous a semblé que certaines parties du mécanisme changeaient de forme et de position à un degré trop marqué pour être expliqué par les simples lois de la perspective ; et plusieurs examens subséquents nous ont convaincu que ces altérations exagérées devaient être attribuées à des miroirs placés dans l’intérieur du tronc. L’introduction des miroirs dans le mécanisme ne peut pas avoir pour but d’agir, à un degré quelconque, sur le mécanisme même. Leur action, quelle que soit cette action, ne peut être dirigée que sur l’œil du spectateur. Nous conclûmes tout de suite que ces miroirs étaient disposés pour multiplier aux yeux du public les quelques pièces mécaniques du tronc de manière à faire croire qu’il en est rempli. De ceci nous inférons directement que la machine n’est pas une pure machine ; car, si telle elle était, l’inventeur, bien loin de désirer que son mécanisme parût très-compliqué et d’user de supercherie pour lui donner cette apparence, aurait été particulièrement soigneux de convaincre les spectateurs de la simplicité des moyens par lesquels il obtenait de si miraculeux résultats.
La physionomie extérieure, et particulièrement la gesticulation du Turc, ne sont, considérées comme imitations de la vie, que des imitations très-banales. La physionomie est une œuvre qui ne témoigne d’aucune ingéniosité, et elle est bien dépassée, dans la ressemblance humaine, par les plus vulgaires ouvrages en cire. Les yeux roulent dans la tête sans aucun naturel et sans mouvements correspondants des lèvres ou des sourcils. Le bras, surtout, accomplit ses opérations d’une manière excessivement roide, disgracieuse, convulsive et rectangulaire. Or, tout cela est le résultat de l’impuissance de Maelzel à faire mieux, ou d’une négligence volontaire, — la négligence accidentelle devant être mise hors de question, quand nous voyons que l’ingénieux propriétaire emploie tout son temps à perfectionner ses machines. Assurément, nous ne devons pas attribuer à l’incapacité cette apparence hors nature ; car tous les autres automates de Maelzel prouvent sa miraculeuse habileté à copier exactement les mouvements et toutes les caractéristiques de la vie. Ses danseurs de corde, par exemple, sont inimitables. Quand le clown rit, ses lèvres, ses yeux, ses sourcils, ses paupières, tous les traits de sa physionomie enfin, sont pénétrés de leur expression naturelle. Chez lui et chez son compagnon, chaque geste est si parfaitement aisé, si bien délivré de toute trace d’artifice, que, si ce n’était l’exiguïté de leur taille et la faculté accordée aux spectateurs de se les faire passer de main en main avant l’exécution de la danse, il serait difficile de convaincre une assemblée que ces automates de bois ne sont pas des créatures vivantes. Nous ne pouvons donc pas douter des talents de M. Maelzel, et nous sommes contraints d’admettre qu’il a laissé volontairement à son Joueur d’échecs la même physionomie artificielle et barbare que le baron Kempelen lui avait donnée dès le principe, non pas évidemment sans dessein. Quel était son dessein, il n’est pas difficile de le deviner. Si l’Automate avait imité exactement la vie dans ses mouvements, le spectateur eût été plus porté à attribuer ses opérations à leur véritable cause, c’est-à-dire à l’action humaine cachée, qu’il ne l’est actuellement, les manœuvres gauches et rectangulaires de la poupée inspirant l’idée d’une pure mécanique livrée à elle-même.
Quand, peu de temps avant le commencement de la partie, l’exhibiteur, selon son habitude, monte son Automate, une oreille un peu familiarisée avec les sons produits par le montage d’un système mécanique découvrira tout de suite que l’axe que la clef fait tourner dans la caisse du Joueur d’échecs ne peut être en rapport ni avec un poids, ni avec un levier, ni avec aucun engin mécanique quelconque. La conséquence que nous en tirons est la même que dans notre dernière observation. Le montage n’est pas essentiel aux opérations de l’Automate, et n’a lieu que dans le but de faire naître chez les spectateurs l’idée fausse d’un mécanisme.
Quand on pose très-explicitement cette question à Maelzel : « L’Automate est-il ou n’est-il pas une pure machine ? » il fait invariablement la même réponse : « Je n’ai pas à m’expliquer là-dessus. » Or, la notoriété de l’Automate, et la grande curiosité qu’il a excitée partout, sont dues à cette opinion dominante qu’il est une pure machine, plus particulièrement qu’à toute autre circonstance. Naturellement, il est de l’intérêt du propriétaire de le présenter comme une chose telle. Et quel moyen plus simple, plus efficace peut-il y avoir, pour impressionner les spectateurs dans le sens désiré, qu’une déclaration positive et explicite à cet effet ? D’autre part, quel moyen plus simple, plus efficace pour détruire la confiance du spectateur dans l’Automate pris comme pure machine, que de refuser cette déclaration explicite ? Or, nous sommes naturellement portés à raisonner ainsi : — Il est de l’intérêt de Maelzel de présenter la chose comme une pure machine ; — il se refuse à le faire, directement du moins, par la parole ; mais il ne se fait pas scrupule et il est évidemment soigneux de le persuader indirectement par ses actions ; si la chose était vraiment telle qu’il cherche à l’exprimer par ses actions, il se servirait très-volontiers du témoignage plus direct des paroles ; — la conclusion, c’est que la conscience qu’il a que la chose n’est pas une pure machine est la raison de son silence ; — ses actions ne peuvent pas le compromettre ni le convaincre d’une fausseté évidente ; — ce que ses paroles pourraient faire.
Quand Maelzel, dans l’exhibition de l’intérieur de la caisse, a ouvert la porte no 1, ainsi que la porte placée immédiatement derrière, il présente devant cette porte de derrière, comme nous l’avons dit, une bougie allumée, puis promène çà et là la machine entière pour convaincre l’assemblée que l’armoire no 1 est entièrement remplie par le mécanisme. Quand la machine est ainsi remuée, un observateur soigneux découvrira que, pendant que la partie du mécanisme placée près de la porte de devant no 1 reste parfaitement fixe et inébranlée, la partie postérieure oscille, presque imperceptiblement, avec les mouvements de la machine. Ce fut cette circonstance qui éveilla d’abord en nous le soupçon que la partie postérieure du mécanisme pouvait être disposée pour glisser aisément, en masse, et pour changer de place quand l’occasion l’exigeait. Nous avons déjà établi que cette occasion se présente quand l’homme caché ramène son corps dans une position droite après la fermeture de la porte de derrière.
Sir David Brewster affirme que la figure du Turc est de dimension naturelle ; mais en réalité elle dépasse de beaucoup les dimensions ordinaires. Rien de plus facile que de se tromper dans les appréciations de grandeurs. Le corps de l’Automate est généralement isolé, et n’ayant pas de moyens de le comparer immédiatement avec une figure humaine, nous nous laissons aller à le considérer comme étant de dimension ordinaire. Toutefois, on corrigera cette méprise en observant le Joueur d’échecs quand l’exhibiteur s’en rapproche, ainsi que cela arrive souvent. Sans doute, M. Maelzel n’est pas très-grand ; mais, quand il s’approche de la machine, sa tête se trouve à dix-huit pouces au moins au-dessous de la tête du Turc, bien que celui-ci, on s’en souvient, soit dans la position d’un homme assis.
La caisse derrière laquelle l’Automate est placé a juste trois pieds six pouces de longueur, deux pieds quatre pouces de profondeur et deux pieds six pouces de hauteur. Ces dimensions sont pleinement suffisantes pour loger un homme très au-dessus de la taille ordinaire, et le compartiment principal, à lui seul, peut contenir un homme ordinaire dans la position que nous avons attribuée à la personne cachée. Tels étant les faits (et quiconque en doute peut les vérifier lui-même par le calcul), il nous paraît inutile de nous appesantir dessus davantage. Nous ferons seulement observer que, bien que le couvercle de la caisse soit en apparence une planche de trois pouces d’épaisseur environ, le spectateur peut se convaincre, en se baissant pour l’examiner en dessous pendant que le principal compartiment est ouvert, qu’il est en réalité très-mince. La hauteur du tiroir peut aussi être mal appréciée par ceux qui l’examinent d’une manière insuffisante. Il y a un espace d’environ trois pouces entre le haut du tiroir tel qu’il paraît, vu de l’extérieur, et le bas de l’armoire, — espace qui doit être compris dans la hauteur du tiroir. Ces artifices, qui ont pour but de faire paraître l’espace compris dans la caisse moins grand qu’il n’est réellement, doivent être attribués au dessein de l’inventeur, qui est de frapper l’assemblée d’une idée fausse, — c’est-à-dire qu’un être humain ne pourrait pas se loger dans la caisse.
L’intérieur du principal compartiment est partout recouvert d’étoffe. Nous présumons que cette étoffe doit avoir un double objet. Une partie de l’étoffe, bien tendue, sert peut-être à représenter les seules cloisons qu’il soit nécessaire de déplacer pendant que l’homme change de position, à savoir la cloison placée entre la paroi postérieure du principal compartiment et la paroi postérieure de l’armoire no 1, puis la cloison entre le principal compartiment et l’espace derrière le tiroir quand il est ouvert. Si nous supposons que tel soit le cas, la difficulté de déplacer les cloisons disparaît tout à fait, si toutefois on a jamais pu se figurer qu’il y eût là une réelle difficulté. La seconde utilité de l’étoffe est d’amortir et de rendre indistincts les bruits occasionnés par les mouvements de la personne enfermée.
Comme nous l’avons déjà fait observer, l’adversaire ne peut pas jouer sur l’échiquier de l’Automate, mais il est assis à quelque distance de la machine. Si nous demandions pourquoi, on nous donnerait, sans doute, pour expliquer cette particularité, cette raison que, placé autrement, l’adversaire intercepterait pour le spectateur la vue de la machine. Mais on pourrait obvier facilement à cet inconvénient, soit en élevant les sièges de l’assemblée, soit en tournant vers elle l’un des bouts de la caisse pendant la durée de la partie. Le vrai motif de cette restriction est, peut-être, d’une nature bien différente. Si l’adversaire était assis en contact avec la caisse, le secret courrait quelque danger d’être découvert ; une oreille exercée, par exemple, pourrait surprendre la respiration de l’homme caché.
Quoique M. Maelzel, en découvrant l’intérieur de la machine, dévie quelquefois légèrement de la routine que nous avons tracée, toutefois, il ne s’en départ jamais assez, en aucun cas, pour créer un obstacle à notre solution. Par exemple, on l’a vu, dans un temps, ouvrir le tiroir avant tout le reste ; mais il n’ouvre jamais le principal compartiment sans fermer préalablement la porte de derrière de l’armoire no 1 ; il n’ouvre jamais le principal compartiment sans d’abord tirer le tiroir ; il ne ferme jamais le tiroir sans avoir d’abord fermé le principal compartiment ; il n’ouvre jamais la porte de derrière de l’armoire no 1 pendant que le principal compartiment est ouvert, et la partie d’échecs ne commence jamais avant que toute la machine soit close. Or, si on observe que jamais, pas même en un seul cas, M. Maelzel ne s’est départi de cette routine, dont nous avons tracé la marche comme nécessaire à notre solution, c’est déjà là un des plus forts arguments qui la puissent confirmer ; mais l’argument se trouve infiniment renforcé si nous tenons justement compte de cette circonstance, qu’il s’en est quelquefois départi, mais jamais assez pour infirmer la solution.
Pendant l’exhibition, il y a six bougies sur la table de l’Automate. Une question se présente naturellement : « Pourquoi employer tant de bougies, quand une seule ou deux, tout au plus, éclaireraient bien suffisamment l’échiquier pour les spectateurs, dans une salle, d’ailleurs, aussi bien illuminée que l’est toujours la salle de l’exhibition ; — puisque, de plus, si nous supposons que l’Automate est une pure machine, il n’y a aucune nécessité de déployer tant de lumière, et même qu’il n’en est pas besoin du tout pour lui permettre d’accomplir ses opérations ; — puisque, surtout, il n’y a qu’une seule bougie sur la table de l’adversaire ? » La réponse qui, la première, se présente à l’esprit, est qu’il faut une lumière aussi intense pour fournir à l’homme le moyen d’y voir à travers la matière transparente, probablement de la gaze ou de la mousseline très-fine, dont est faite la poitrine du Turc. Mais, quand nous examinons l’arrangement des bougies, une autre raison s’offre immédiatement. Il y a, disons-nous, six bougies en tout. Il y en a trois de chaque côté de la figure. Les plus éloignées du spectateur sont les plus longues ; — celles du milieu sont de deux pouces plus courtes, — et les plus rapprochées du public sont encore plus courtes de deux pouces environ ; — enfin les bougies placées d’un côté diffèrent en hauteur des bougies placées à l’opposite dans une proportion de plus de deux pouces, — c’est-à-dire que la plus longue bougie d’un des côtés est environ de trois pouces plus courte que la plus longue placée de l’autre côté, et ainsi de suite. On voit qu’ainsi il n’y a pas deux bougies de la même hauteur, et que la difficulté de vérifier la matière dont est faite la poitrine de l’Automate se trouve considérablement augmentée par l’effet éblouissant des croisements compliqués de rayons, — croisements qui sont produits en plaçant les centres d’irradiation à différents niveaux.
Du temps que le Joueur d’échecs était la propriété du baron Kempelen, on a observé plus d’une fois, d’abord, qu’un Italien à la suite du baron ne se faisait jamais voir pendant que le Turc jouait une partie d’échecs ; ensuite, que, l’Italien étant tombé sérieusement malade, l’exhibition fut interrompue jusqu’à sa guérison. Cet Italien professait une totale ignorance du jeu d’échecs, quoique toutes les autres personnes de la suite du baron jouassent passablement. Des observations analogues ont été faites depuis que Maelzel est entré en possession de l’Automate. Il y a un homme, Schlumberger, qui l’accompagne partout où il va, mais qui n’a pas d’autre occupation connue que de l’aider à emballer et à déballer l’Automate. Cet homme est à peu près de taille moyenne et a les épaules singulièrement voûtées. Se donne-t-il comme connaissant le jeu d’échecs ou comme n’y entendant rien ? c’est ce que nous ignorons. Mais il est bien certain qu’il a toujours été invisible pendant l’exhibition du Joueur d’échecs, quoiqu’on le voie souvent avant et après le spectacle. De plus, il y a quelques années, Maelzel étant en tournée à Richmond avec ses automates, et les exhibant, à ce que nous croyons, dans la maison consacrée maintenant par M. Bossieux à une Académie de danse, Schlumberger tomba tout à coup malade, et durant sa maladie il n’y eut aucune exhibition du Joueur d’échecs. Ces faits sont bien connus de plusieurs de nos concitoyens. La raison explicative de la suspension des représentations du Joueur d’échecs, telle qu’elle fut offerte au public, ne fut pas la maladie de Schlumberger. Les conclusions à tirer de tout ceci, nous les livrons, sans autre commentaire, à notre lecteur.
Le Turc joue avec son bras gauche. Une circonstance si remarquable ne peut pas être accidentelle. Brewster n’y prend pas garde ; il se contente, autant qu’il nous en souvient, de constater le fait. Les auteurs des Essais les plus récents sur l’Automate semblent n’avoir pas du tout remarqué ce point et n’y font pas allusion. L’auteur de la brochure cité par Brewster en fait mention, mais il reconnaît son impuissance à l’expliquer. Cependant, c’est évidemment de telles excentricités et incongruités que nous devons tirer (si toutefois la chose nous est possible) les déductions qui nous conduiront à la vérité.
Que l’Automate joue avec sa main gauche, c’est là une circonstance qui n’a pas de rapport avec la machine, considérée simplement comme machine. Toute combinaison mécanique qui obligerait un automate à remuer, d’une façon donnée quelconque, le bras gauche, pourrait, vice versa, le contraindre à remuer le bras droit. Mais ce principe ne peut pas s’étendre jusqu’à l’organisation humaine, où nous trouvons une différence radicale et marquée dans la conformation, et, de toute manière, dans les facultés des deux bras, le droit et le gauche. En réfléchissant sur ce dernier fait, nous rapprochons naturellement cette excentricité de l’Automate de cette particularité propre à l’organisation humaine. Et nous sommes alors contraints de supposer une sorte de renversement, car l’Automate joue précisément comme un homme ne jouerait pas. Ces idées, une fois acceptées, suffisent par elles-mêmes pour suggérer la conception d’un homme caché à l’intérieur. Encore quelques pas, et nous touchons finalement au résultat. L’Automate joue avec son bras gauche parce que, dans les conditions actuelles, l’homme ne peut jouer qu’avec son bras droit ; — c’est simplement faute de mieux. Supposons, par exemple, que l’Automate joue avec son bras droit. Pour atteindre le mécanisme qui fait mouvoir le bras, et que nous avons dit être juste au-dessous de l’épaule, il faudrait nécessairement que l’homme se servît de son bras droit dans une position excessivement pénible et embarrassée (c’est-à-dire en le soulevant tout contre son corps, strictement opprimé entre son corps et le flanc de l’Automate), ou bien qu’il se servît de son bras gauche en le ramenant sur sa poitrine. Dans aucun des deux cas il n’agirait avec la précision et l’aisance nécessaires. Au contraire, l’Automate jouant, comme il fait, avec son bras gauche, toutes les difficultés disparaissent : le bras droit de l’homme passe devant sa poitrine, et les doigts de sa main droite agissent, sans aucune gêne, sur le mécanisme de l’épaule de la figure.
Nous ne croyons pas qu’aucune objection raisonnable puisse être élevée contre cette explication de l’Automate joueur d’échecs.
- ↑ Sous le titre : Audroïdes, on trouvera dans l’Encyclopédie d’Edimbourg une liste complète des principaux automates des temps anciens et modernes
- ↑ Cet article écrit en 1835, quand M. Maelzel, qui vient de mourir récemment, montrait le Joueur d’échecs dans les États de l’Union. L’Automate, à ce que nous croyons, est maintenant (1853) en la possession du professeur J.-K. Mitchell, de Philadelphie. (Note de l’éditeur.)
- ↑ Le mot échec prononcé par le Turc est un perfectionnement de M. Maelzel. Quand elle était la propriété du baron Kempelen, la figure signifiait échec en frappant sur la caisse avec sa main droite.
- ↑ Sir David Brewster suppose qu’il y a toujours un grand espace derrière le tiroir, même quand il est fermé, — en d’autres termes, que le tiroir est « un faux tiroir ». Mais cette idée est absolument insoutenable. Une supercherie aussi vulgaire serait immédiatement découverte ; le tiroir, étant ouvert dans toute son étendue, fournirait ainsi l’occasion de comparer sa profondeur avec celle de la caisse.
- ↑ Plusieurs de ces observations ont simplement pour but de prouver que la machine est nécessairement réglée par la pensée, et il nous a paru que ce serait un travail superflu que de produire de nouveaux arguments à l’appui de ce qui a été déjà parfaitement admis. Mais notre dessein est de convaincre spécialement certains de nos amis, sur lesquels une méthode de raisonnement suggestive aura plus d’influence que la démonstration à priori la plus rigoureuse.