Le Lalita-Vistara, ou Développement des jeux/Introduction

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Traduction par Philippe-Édouard Foucaux.
Texte établi par Musée Guimet, Paris (Annales du Musée Guimet, tome 6p. i-xxiii).

INTRODUCTION



I

Le Lalita vistara dont voici une traduction nouvelle et complète[1] faite sur le texte sanskrit imprimé à Calcutta dans la Bibliotheca Indica[2], est, parmi les livres bouddhiques, un de ceux qui ont été connus les premiers des savants européens. Dès l’année 1807, le major Knox avait apporté du Népal à Calcutta un manuscrit de ce livre dont parle Colebrooke dans un Mémoire sur la secte des Djaïns[3], où il lui donne le nom de Lalita pourâṇa[4].

Une des premières questions qui se présentent au sujet du Lalita vistara est celle de la date de sa composition.

Suivant M. Rhys Davids : « Le Lalita vistara est un livre sanskrit, un poème, d’une date et d’une autorité inconnues, composé, probablement au Népâl, par quelque bouddhiste qui vivait entre les années 600 et 1000 après la mort du Bouddha. Comme document pour le Bouddhisme primitif, il est à peu près de la même valeur que le serait un poème du moyen âge pour les faits de l’Évangile. Cette question de l’autorité du Lalita vistara est si importante, on renvoie si souvent à ce livre comme décidant les questions du Bouddhisme primitif, que tout lecteur de livres sur ce sujet fera bien de préciser et d’avoir présent à la mémoire ce qu’on sait de cette date[5]. »

M. Rhys Davids ne semble pas avoir examiné avec attention le texte sanskrit du Lalita vistara, car il y aurait vu que ce livre, qu’il appelle un poème, contient trois cents pages de prose et, tout au plus, deux cents pages de vers dans des mètres extrêmement variés. Il y aurait vu aussi que la prose est écrite en un Sanskrit généralement correct, tandis que les parties en vers appartiennent à un dialecte particulier où abondent des formes insolites empruntées parfois à la langue du Véda et plus souvent au Pâli et au Prâkrit : d’où l’on peut conclure que la prose et les vers ne sont ni du même auteur ni de la même époque.

Il n’est pas inutile de remarquer ici que, dans le Mahâvastu, l’un des ouvrages les plus importants de la collection des livres bouddhiques du Nord[6] les formes insolites des Gâthâs paraissent assez fréquemment dans la prose[7]. Ajoutons que M. Sénart nous a fait connaître la découverte, dans le Penjâb, d’un manuscrit sur écorce de bouleau, contenant un traité d’arithmétique, rédigé dans ce même dialecte, ce qui confirmerait l’opinion émise par lui que le dialecte des Gâthâs fut une véritable langue littéraire[8].

Pour n’omettre aucun éclaircissement sur ce que l’on sait du dialecte des Gâthâs, j’emprunte à M. Râjendralâlamittra l’intéressant passage suivant de l’Introduction qui précède sa traduction anglaise du Lalita vistara, p. 39 :

« On peut supposer, ce qui semble le plus vraisemblable, que la prose et la poésie sont les productions de deux âges différents ; mais alors se présenterait cette question : Comment ont-elles été associées l’une à l’autre ? Qui est-ce qui aurait amené les auteurs des parties en prose à insérer dans leurs ouvrages les productions incorrectes venues de l’autre côté de l’Indus ? La véracité et l’authenticité de ces narrations auraient pu seules amener leur adoption. Mais comment supposer, avec vraisemblance, que l’histoire la plus authentique de Çâkya, dans les 300 années qui ont suivi sa mort, pouvait se trouver seulement dans des contrées éloignées de cent milles du lieu de sa naissance et du champ de ses prédications ? Les grands Soûtras, on le suppose, ont été compilés environ vers le temps de la troisième convocation (309 av. J.-C.), époque où il n’est nullement vraisemblable que les sages de l’Inde centrale soient allés au Kachemir à la recherche de renseignements qui pouvaient être recueillis à leur porte.

La conjecture la plus raisonnable paraît être que les Gâthâs sont l’œuvre de bardes qui étaient les contemporains ou les successeurs immédiats de Çâkya, lesquels racontaient, devant le peuple assemblé de Magadha, les paroles et les actions de leur grand précepteur, en vers d’un langage aisé et populaire qui, dans le cours du temps, en vinrent à être regardés comme la source la plus authentique de toute information se rattachant au fondateur du Bouddhisme. La haute estime qu’on a, dans l’Inde, pour les ballades et les improvisations des bardes et, en particulier, dans les écrits bouddhiques, favorise cette supposition ; et la circonstance que les parties poétiques sont généralement introduites pour corroborer le récit en prose avec les mots : « Et ici il est dit : », apporte une forte présomption de vérité. « Suivant le Mahâvânsa, les écritures bouddhiques étaient chantées, un chapitre après l’autre, telles qu’elles étaient compilées par les Theros (vétérans) de la première Assemblée. Cela n’eût guère été possible si les Soûtras n’avaient pas été en vers, et nous apprenons, dans le chapitre 37 du même livre, qu’ils étaient en vers et, de plus, sous la forme de Gâthâs.

« Le savant professeur Max Müller[9] et le Dr A. Weber[10] ont adopté cette manière d’envisager l’origine du dialecte des GâthâsJohn Muir donne son opinion avec un peu d’hésitation, en disant : « Les particularités du dialecte des Gâthâs sont tellement anormales qu’il est très difficile de les expliquer. En tout cas, il est clair que si ce n’était pas une langue parlée, ce dialecte était au moins un langage écrit dans un âge reculé[11]… »

« Le professeur Benfey, tout en adoptant ma manière de voir, suggère une légère modification. Il dit : « Les vues du Babou Râjendralâla, sur l’origine des Gâthâs, se recommandent de beaucoup de manières ; elles exigent seulement une légère modification, la substitution de croyants inspirés, — comme l’étaient la plupart des plus anciens bouddhistes, — sortis des plus basses classes du peuple, à la place de bardes de profession[12].

« Si Benfey avait employé le mot addition au lieu de substitution, il n’y aurait eu aucune exception à faire. Que quelques-uns des plus ardents disciples de Çâkya, qui continuèrent son ministère et propagèrent sa religion, après son Nirvâṇa, aient rappelé ses enseignements en prose ou en vers, il est naturel de le supposer ; et qu’on leur doive quelques-unes des Gâthâs, cela ne peut être positivement nié ; mais d’après ce qui est connu de l’histoire des premiers chefs du Bouddhisme, il est difficile d’en inférer qu’ils appartenaient aux plus basses classes du peuple, et étaient ainsi, généralement, assez ignorants pour être incapables d’écrire d’une manière passablement correcte en sanskrit. La plupart d’entre eux étaient Brahmanes ou Kchatriyas et tous renommés pour leur savoir, leur sagesse et leur capacité. Il est tout naturel de supposer que les écrivains Bouddhistes de l’âge suivant fissent des citations des paroles et des écrits de ces chefs et non de ceux qui sortaient des plus basses classes du peuple, lesquels, quoique formant la grande masse de la congrégation, prenaient rarement une part décisive dans les enseignements de la doctrine bouddhiste, et leur autorité ne pouvait être invoquée avec quelque chance de donner de l’authenticité aux récits des écrivains plus récents. Quoique les distinctions de caste fussent abolies en tout ce qui regardait la religion et dans le clergé, les écrits des bouddhistes du Népâl, ne laissent pas douter que, comme distinction sociale, la caste resta, en principe, parmi eux, avec à peu près autant de force et de ténacité que parmi les Brahmanistes, pendant la période Hindoue ; et de fréquents rappels sont faits de Brahmanes bouddhistes qui, la plupart, étaient des hommes importants. Même de nos jours, il ne manque pas d’exemples de dissidents de l’Hindouisme qui s’appellent eux-mêmes « Brahmanes chrétiens ». Il ne serait donc pas raisonnable d’attribuer les imperfections littéraires des Gâthâs à l’ignorance des classes inférieures. Ces imperfections, en outre, ne sont pas dues, évidemment, à l’ignorance, mais aux expressions familières, aux archaïsmes et autres causes qui montrent les particularités du langage de l’époque où les Gâthâs furent écrites. Le caractère familier du langage des bardes ou rhapsodes populaires, est, d’un autre côté, aussi bien connu en Europe que dans l’Inde.

« Leurs ballades et romans, le plus souvent improvisés, ne pouvaient atteindre une grande pureté de diction et leur succès dépendait, en grande partie, de leur simplicité familière. Un nombreux auditoire composé d’hommes de classes et d’ordres différents, ne pouvait guère subir l’influence d’un langage raffiné et élevé. Une seule vulgarité, ou un mot familier, en pareil cas, faisait plus d’effet que le discours d’un puriste. Cela est particulièrement compris dans l’Inde. Nos Ghâtaks ou Rhapsodes ne sont pas des ignorants ; ils peuvent écrire correctement en sanskrit, mais leurs ballades et leurs vers élogieux sont hérissés de mots vulgaires et familiers empruntés à la langue usuelle et, plus ils s’en servent, plus ils réussissent à se faire applaudir d’un nombreux auditoire.

« Que les ancêtres de nos Ghâtaks et de nos Bhâts aient aussi bien compris ce système et l’aient suivi avec soin, il n’y a nulle raison d’en douter. Les écrits des Kouladjñas bengalis prouvent avec évidence que tel a été le système pendant mille ans, au moins, et que, auparavant, c’est aussi le même système qui a dû agir. Le goût du peuple pour cette forme populaire de langage est si marqué que, aujourd’hui même, la récitation du Mahâbhârata et du Râmâyana ne peut attirer un nombreux auditoire à moins de mêler au récit original des expressions vulgaires qui lui donnent une couleur locale. Quand les textes originaux sont, le matin, lus et expliqués en simple prose, à l’occasion de cérémonies appelées Kathakatha, l’auditoire est réduit à quelques personnes, rarement plus d’une douzaine ; mais lorsque, dans l’après-midi, les mêmes récits sont embellis par un Kathaka avec toute la dextérité d’un esprit exercé qui connaît parfaitement la langue usuelle, tous les villages viennent se grouper autour de lui et boivent avec avidité chaque mot qui tombe de ses lèvres. L’institution des Bhâts est aussi vieille que la civilisation Indo-Aryenne ; il y en a quelques traces dans les Védas et, dans toutes les réunions et fêtes religieuses ou quasi religieuses : mariages, Srâddhas et assemblées solennelles, l’usage a toujours été, pour les Bhâts, de réciter de longues pièces de vers en l’honneur de l’hôte, de ses ancêtres, de sa caste et de son pays.

Aux convocations et assemblées religieuses, l’objet de la louange est, nécessairement, le fondateur de la religion ainsi que les objets du culte ; mais, partout, le langage est, autant que possible, simple, vulgaire et familier. Aujourd’hui, le langage usuel du lieu est généralement préféré, mais, quelques vers sanskrits y sont invariablement ajoutés et ces vers ont beaucoup du caractère des Gâthâs bouddhiques.

Il n’y a pas de raison de douter, qu’aux trois grands conciles, les séances commençaient et finissaient par la récitation de vers louangeurs. Le Mahâvanso, comme on l’a montré plus haut, mentionne clairement la récitation des Gâthâs, et la qualification d’instituteur était prouvée en lui faisant réciter quelques Gâthâs. Il a dû en être de même à toutes les convocations et conférences, et la conclusion à en tirer, me paraît être, en conséquence, que la masse des Gâthâs est due à des Rhapsodes ou bardes de profession et, probablement aussi, à quelques instituteurs religieux. »

Puisque nous avons parlé du Mahâvastu, il n’est pas inutile de remarquer ici que Eugène Burnouf le regarde comme « ayant une grande valeur et une incontestable antiquité. » Or, si, d’après le témoignage des historiens chinois[13], ce livre est, pour la secte des

Mahâsañghikas, ce que l’Abhinichkramana soûtra est pour celle des Dharmagouptas et le Lalita vistara pour celle des Sarvâstivâdas, il s’ensuit que ces livres existaient simultanément à l’époque qui doit être celle où les disciples du Bouddha se divisèrent en sectes, c’est-à-dire vers le iie siècle après la mort de Çâkya Mouni, puisque, suivant l’auteur du Mahâvañsa, il ne s’était produit qu’une seule hérésie pendant le siècle qui avait suivi cette mort[14].

Tout cela s’accorde avec la tradition chinoise qui nous apprend qu’une traduction du Lalita vistara, en chinois, fut faite l’an 65 de J.-C., ce qui reporte forcément l’existence de ce livre au siècle qui a précédé notre ère et lui assigne une antiquité de deux mille ans, au moins. C’est le résultat auquel, par d’autres considérations, j’étais déjà arrivé, dans l’introduction du Rgya-tcher-rol-pa, p. XVI et suivantes.

M. Wassilief est du même avis : « Quoique le Lalita vistara, dit-il, soit compté au nombre des Soûtras du Mahâyâna, tout fait voir que son origine remonte aux premiers commencements des légendes[15] ».

Consultons maintenant, pour la date du Lalita vistara, M. A. Weber dont personne ne contestera l’autorité en pareille matière.

« Le principal point est d’établir une chronologie relative et un ordre de succession parmi les diverses écritures bouddhiques, tâche que Eugène Burnouf, dont les recherches sont notre seule autorité, a accomplie avec un grand jugement et des conclusions acceptables. En premier lieu, parlant des Soûtras ou paroles du Bouddha lui-même, Burnouf les divise en Soûtras simples et en Soûtras appelés Mahâvâipulya Soûtras ou Mahâyâna Soûtras, en déclarant que ces derniers sont les plus modernes pour le langage, la forme et la doctrine. En ce qui regarde ce dernier point, il a raison sans nul doute, car en premier lieu, dans les Mahâvâipoulyas Soûtras, le Bouddha paraît presque exclusivement entouré de dieux et de Bôdhisattvas, personnages particuliers à la mythologie bouddhique, tandis que, dans les Soûtras simples, ce sont des êtres humains qui forment la plus grande partie de son entourage et auxquels les dieux sont seulement associés.

« En second lieu, les Soûtras simples ne présentent pas de traces de ces doctrines qui ne sont pas la propriété commune des Bouddhistes, mais appartiennent seulement aux Bouddhistes du nord, comme, par exemple, le culte d’Amitabha, de Mañjouçri, d’Avalôkitêçvara, d’Adibouddha et des Dhyânibouddhas[16], et, de plus, ne présentent pas de traces de charmes mystiques et de formules magiques qu’on trouve en abondance dans les Mahâvâipoulyas Soûtras seulement. Mais que cette circonstance que le langage de ces longs morceaux poétiques, fréquemment insérés dans les Mahâvâipoulyas Soûtras, sous une forme très altérée, mélange de Sanskrit, de Pâli et de Prâkrit (ce qui n’est pas le cas pour la partie en prose)[17], soit donnée pour preuve de la postériorité des Mahâyânas Soûtras, cela, jusqu’à présent, ne semble nullement certain. Ces parties poétiques s’accordent-elles réellement d’une manière si complète, pour la forme et le fond, avec le texte en prose qu’elles puissent être regardées comme une simple amplification ou une rectification[18] ? Ou bien n’en sont-elles pas plutôt distinctes précisément sur ces points, de sorte que nous pouvons les regarder commodes fragments de traditions plus anciennes, exactement comme les pièces analogues qui se présentent si souvent dans les Brâhmanas. Dans le dernier cas, nous devrions les regarder plutôt comme une preuve que les légendes bouddhiques, n’étaient pas, à l’origine, composées en Sanskrit, mais dans les dialectes vulgaires.

« Suivant le récit du voyageur chinois Fahiang qui fit un pèlerinage de la Chine dans l’Inde dans les années 399-414 de J.-C., il semble résulter que les Mahâyânas Soûtras étaient déjà assez répandus à cette époque, puisque Fahiang mentionne quelques-unes des doctrines particulières à ces Soûtras comme étant amplement étudiées[19]. »

De ce qui précède on peut inférer d’abord : que les Mahâyânas Soûtras ayant été répandus et amplement étudiés aux premiers siècles de notre ère, ils devaient n’être plus nouveaux dans l’Inde à cette époque ; ensuite, que les parties poétiques de ces livres étant composées dans un dialecte particulier qui se rapprochait de la langue usuelle du temps, elles sont plus anciennes que les parties en prose.

L’on peut donc, sans crainte de se tromper beaucoup, reporter la composition des Mahâyânas Soûtras aux siècles qui ont précédé notre ère, avant l’époque où a été faite la récension définitive du Mahâbhârata. Ce qui donne à cette supposition une grande vraisemblance, c’est que le nom de Krĭchṇa, comme dieu, ne paraît pas dans les Mahâyânas Soûtras tandis qu’on y trouve le nom de Vichnou (et son synonyme Nârâyaṇa) dont Krĭchṇa est l’incarnation.

Le Mahâbhârata est la glorification de Krĭchṇa. Rien n’empêche donc de croire que les Brahmines qui voyaient avec inquiétude l’influence croissante du Bouddhisme sur les peuples et les rois, crurent trouver un excellent moyen de combattre cette influence, en lui opposant, pour la neutraliser, celle d’une autre religion.

Le culte de Krĭchṇa, nouveau à cette époque, leur aurait semblé remplir ces conditions et ils auraient alors, dans le Mahâbhârata, le grand poème en l’honneur du dieu Krĭchṇa, rassemblé les vieilles légendes du Brahmanisme, dont les Bouddhistes avaient déjà adopté une partie, en les modifiant de manière à les mettre d’accord avec la doctrine qu’ils propageaient[20].

Ce qui vient à l’appui de l’opinion que le Mahâbhârata a pris sa forme définitive au moment où le Bouddhisme était le plus florissant, c’est que, dans la Bhagavadgîtâ qui, dans le Mahâbhârata, expose la quintessence de la doctrine du Krĭchṇaïsme, le Brahmanisme présente à ses fidèles la délivrance finale comme bien plus facile à atteindre qu’elle ne l’est pour les Bouddhistes. C’est ainsi qu’il fait, par la bouche de Krĭchṇa lui-même, cette promesse à quiconque est un fervent adorateur de ce dieu : « On peut affirmer que celui qui m’est dévoué ne se perd jamais, car ceux qui sont de naissance inférieure : femmes, Vâîcyas et Çoudras même, s’ils ont recours à moi, obtiennent la voie suprême[21].

Ce Slôka de la Bhagavadgîtâ, remarquable déjà à l’égard des Vâiçyas (agriculteurs ou marchands) et des Çoudras (domestiques), l’est encore plus en ce qui regarde les femmes auxquelles il promet une délivrance finale immédiate, tandis que le Bouddhisme ne la leur promet qu’après qu’elles auront mérité de renaître à l’état d’homme, après une longue série d’existences remplies de bonnes œuvres.

Les Brahmanes, en prêchant cette doctrine, en même temps qu’ils attiraient à eux les classes inférieures, semblent aussi avoir compté sur l’influence des femmes pour propager le culte de Krĭchṇa dont le sensualisme devait plaire à l’imagination ardente des Hindous.

II

Il y a en ce moment, en Angleterre, une école d’orientalistes, dont E.-C. Childers, de son vivant, était un des chefs, qui n’admet pas que le Bouddhisme orthodoxe puisse se trouver ailleurs que dans les livres conservés à Ceylan. Mais, si j’en crois M. Olcott[22], même à Ceylan, il faut savoir choisir, car il y a là, parmi les prêtres, deux opinions bien tranchées sur la nature du Nirvâṇa (délivrance finale) ; l’une qui affirme l’annihilation complète de l’âme, l’autre qui soutient qu’elle survit après la destruction du corps.

Je soutenais cette dernière opinion, et, c’est à la suite d’une discussion à ce sujet que, dans une note placée à la fin de son dictionnaire Pâli anglais, à propos de la divergence d’opinions entre nous sur la manière de définir le Nirvâṇa des Bouddhistes, qu’il considère comme l’annihilation complète, tandis que je n’admettais pas cette opinion, E. C. Childers s’exprime ainsi :

« Je suis obligé de dire que les arguments de M. Foucaux n’ébranlent pas le moins du monde ma confiance dans mes vues. On peut, dès le début, voir combien la base de discussion entre nous a peu de rapports, quand M. F. cite, contre moi, le Lalita vistara qu’il appelle un texte canonique ! Néanmoins, le passage cité peut se concilier avec le bouddhisme orthodoxe et je suis disposé à l’accepter. Mais quand M. F. dit : « Et comme il faut, pour arriver au Nirvâṇa, se débarrasser de tout composé, la comparaison de la lampe qui s’éteint ne nous montre que la disparition d’un composé et nullement l’annihilation de l’esprit. » il est clair qu’il est sous l’impression de cette idée que l’esprit n’est pas un composé. Je me permets donc de le renvoyer à l’article Sankharo de mon dictionnaire ; il y verra que l’esprit est le plus important des Sankharas (composés), ce qui apportera une réponse complète à son argument. »

Eh bien ! après avoir lu, avec la plus grande attention, l’article Sankharo du dictionnaire Pâli, au lieu d’être convaincu, j’arrive juste à une conclusion contraire à celle qu’attendait E. Childers, tout simplement parce que j’aurais dû dire l’âme[23] au lieu de l’esprit[24]. Voici pourquoi :

« Les traditions bouddhiques du Nord et du Sud s’accordent pour nous dire que le Bouddha et, après lui, les bouddhistes de tous les temps, ont tenu pour certain que les âmes n’ont pas eu de commencement[25].

« Il s’en suit que les âmes n’étant le produit d’aucune cause ne font pas partie des composés, puisque, c’est Childers lui-même qui le dit. (p. 453, col. 2, de son dictionnaire) : les composés sont tout ce qui est le produit d’une cause.

« Il y a donc une différence bien marquée entre l’âme et l’esprit. L’esprit est un résultat de l’union de l’âme avec les organes du corps, tandis que l’âme peut être ramenée à un état absolu, ce qui arrive, en effet, toutes les fois que, suivant le dogme de la transmigration, elle passe d’un corps dans un autre et pendant l’intervalle où elle n’est ni dans le corps qu’elle vient de quitter et pas encore dans celui qu’elle va animer.

« Puisque Childers n’admet pas l’autorité des livres du Nord, je vais, quoiqu’ils soient ici d’accord avec ceux du Sud, emprunter à son dictionnaire Pâli (p. 58, col. 1) la définition des êtres du monde sans forme, qui, en prenant un corps, ont produit le monde de la transmigration. Ces êtres, selon lui, n’ont pas de corps et sont de purs rayonnements (effulgences) doués d’intelligence. Doués d’intelligence, il est vrai, mais entachés d’ignorance, c’est-à-dire de l’idée qui consiste à prendre pour durable ce qui n’est que passager. Or, l’omniscience qui conduit au Nirvâṇa étant juste tout le contraire de cette ignorance, pourquoi l’âme, à l’aide de l’omniscience, n’entrerait-elle pas dans un monde sans forme où l’intelligence subsisterait, affranchie pour toujours de l’ignorance qui retient les êtres dans le cercle de la transmigration ? »

J’avais écrit ce qu’on vient de lire en prenant le dogme de la transmigration comme l’enseignent les brahmanes, les bouddhistes du nord de l’Inde, ceux de la Chine et du Tibet, auxquels on peut joindre la plus grande partie des bouddhistes de Ceylan, de Siam et de Birmanie. On verra, tout à l’heure, qu’en admettant comme la seule vraie doctrine de Çâkya, celle que, sous le nom de Karma enseignent certains livres de Ceylan, mon raisonnement, fondé sur la différence de l’âme et de l’esprit, manque de base solide, car nous n’aurons plus alors devant nous qu’une suite d’abstractions produisant alternativement une suite de corps et d’âmes complètement indépendants les uns des autres. Si telle est la vraie doctrine de Çâkya, il est permis de croire qu’elle devait avoir peu de succès auprès du vulgaire qui n’a jamais eu beaucoup de goût pour les abstractions, et qui, sans nul doute, préférait le système généralement adopté, si, toutefois, on daignait lui faire connaître l’autre.

Ici, il est nécessaire de citer les lignes suivantes empruntées à M. Rhys Davids[26] :

« On n’a jamais trouvé nulle part, dans les Pitakas Pâlis, aucune mention, ou même une référence à la transmigration des âmes[27] qu’on suppose communément être une partie fondamentale du Bouddhisme. En conséquence, je n’hésite nullement à soutenir que Gôtama n’enseigna pas la transmigration des âmes. Ce qu’il enseigna serait bien mieux exprimé sommairement, si nous voulions conserver le mot transmigration par transmigration d’un caractère. Mais il serait plus juste de supprimer complètement le mot transmigration quand on parlera du Bouddhisme et de dire que sa doctrine est la doctrine du Karma.

« Gôtama soutenait que, après la mort de tout être humain ou non, rien du tout ne survivait, si ce n’est ce Karma, c’est-à-dire le résultat de ses œuvres en pensée ou en action.

« Chaque individu, humain ou divin a été le dernier héritier et le dernier résultat du Karma d’une longue série d’individus du passé, série si longue que son commencement est au delà de la portée du calcul et que sa fin coïncidera[28] avec la fin du monde, d’où il suivrait que chaque génération est le résultat exact, inévitable et naturel de la génération qui l’a précédée, cette dernière étant le résultat d’une génération précédente, et ainsi, successivement, durant un passé réellement sans limites. »

Cette manière de définir la transmigration est si différente de celle qui est généralement admise, que je crois utile de traduire ici ce qu’en dit Th. Goldstücker qui a été un des premiers à nous la faire connaître en Europe[29].

« Suivant les Brahmanes et la plus grande masse des Bouddhistes, c’est toujours la même âme qui, depuis sa première naissance, revient dans ses naissances subséquentes, jusqu’à ce que, enfin, elle soit complètement délivrée de la transmigration. Mais chez les Bouddhistes du Sud, une idée a aussi pris racine. Dans leur croyance, la succession des existences d’un être est aussi une succession d’âmes et, chacune de ces âmes, quoique étant le résultat de celle qui l’a précédée, n’est nullement identique avec elle, de sorte que le corps meurt et l’âme avec lui, ne laissant derrière elle que les bonnes et mauvaises actions qu’elle a faites pendant sa vie. Le résultat de ces actions devient alors la semence d’une nouvelle vie, et l’âme de cette nouvelle vie est, en conséquence, le produit nécessaire de l’âme de la vie antérieure[30]. Ainsi, toutes les âmes qui se succèdent ont à travailler à la solution du même problème qui commença quand leur premier ancêtre entra en ce monde ; mais aucune naissance successive n’est animée par la même âme[31].

« Ce dogme est élucidé dans leurs ouvrages par diverses comparaisons. Une lampe, disent-ils, par exemple, est allumée à une autre ; la lumière de la dernière n’est pas identique à celle de la première, mais, néanmoins, sans l’une, l’autre n’aurait pas été produite. Ou encore : Un arbre produit un fruit ; de ce fruit sort un autre arbre, et ainsi de suite. Le premier arbre n’est pas le même que le dernier, quoique le fruit soit la cause nécessaire du dernier[32]. »

Ces comparaisons où brille, si on les applique à l’âme, la confusion du physique et du moral, ne peuvent satisfaire un esprit accoutumé aux déductions rigoureuses ; car le passage d’une lumière à une autre et d’un arbre à un autre arbre y est toujours produit par une liaison physique, tandis que, quand il s’agit de l’entrée d’une chose immatérielle, comme l’âme, dans une chose matérielle, comme le corps, il est impossible qu’il n’y ait pas un instant où l’âme n’est ni dans le corps qu’elle vient de quitter ni dans celui qu’elle va animer. De sorte que même dans la comparaison de la semence, qui, au premier abord, semble plus juste, parce qu’une semence est complètement séparée de l’arbre, sa qualité de matière vient se mettre à la traverse du raisonnement. Venue d’un arbre, cette semence donnera forcément naissance à un arbre de la même espèce, qui, à son tour, produira une semence toute pareille, tandis que l’âme produite par le Karma, c’est-à-dire par une abstraction, sera indépendante et dirigera le corps à son gré.

En soutenant, comme on l’a vu, que dans le Nirvâṇa l’âme survivait au corps, je parlais au point de vue de la transmigration comme elle est généralement comprise par les Bouddhistes du Nord et même aussi par le plus grand nombre des Bouddhistes du Sud.

Entreprendre ici une discussion pour déterminer quelle était la pensée de Çâkya Mouni sur ce que M. Rhys Davids propose d’appeler la transmigration d’un caractère, prendrait plus de temps et de place que nous n’en avons à notre disposition ; mais il était nécessaire d’appeler l’attention des lecteurs français sur cette manière d’envisager la transmigration, manière qui, sans nul doute, sera nouvelle pour la plupart d’entre eux.

En disant que les textes bouddhiques du Nord n’étaient pas une autorité sûre pour l’étude du Bouddhisme primitif, on en donnait pour preuve, entr’autres, que le Dhammapadam, l’un des livres regardés comme absolument nécessaires pour bien comprendre la pensée de Gôtama, ne se trouvait ni dans les livres sanskrits du Népal ni dans les livres tibétains du Kanjour. On ne fera plus ce reproche aux textes du Nord depuis que M. V. W. Rockhill a trouvé dans la collection tibétaine, un recueil des sentences, qui, bien que portant un autre nom, est la reproduction exacte du Dhammapadam[33].

Cette découverte qui, certainement, ne sera pas la seule, prouve qu’il est nécessaire d’examiner avec attention tous les livres du Kanjour pour les comparer à ceux du Ceylan, afin de bien reconnaître en quoi l’école du Nord diffère de celle du Sud. La vraie doctrine de Çâkya Mouni, devra se trouver, comme l’a dit justement Eugène Burnouf, là où les traditions du Sud et du Nord seront complètement d’accord entre elles.

En publiant une nouvelle traduction française du Lalita vistara, faite, cette fois-ci, sur le texte original sanskrit, il ne m’en coûte nullement de reconnaître que l’interprétation de plus d’un passage est loin de me satisfaire. Je dois rependant avertir le lecteur qui lira ma traduction, en ayant sous les yeux le texte imprimé de la Bibliotheca indica, de vouloir bien, avant de critiquer cette traduction, attendre la publication du second volume où il trouvera un grand nombre de variantes empruntées à un excellent manuscrit de la Société Asiatique et à deux autres manuscrits qui appartiennent à la Bibliothèque Nationale. Il verra, en lisant ces variantes, quel secours peut apporter, dans la critique des textes originaux, leur comparaison avec des traductions d’une exactitude remarquable comme celles que contient la collection tibétaine.

Si cette nouvelle traduction du Lalita vistara paraît aujourd’hui, c’est grâce à son insertion dans les Annales du Musée Guimet, car, autrement, sa publication aurait pu être longtemps retardée. J’espère qu’elle sera favorablement accueillie en un moment où le Bouddhisme, attire plus que jamais, dans l’Inde, en Angleterre, en Russie, en Allemagne, en Amérique et en France, l’attention de tous ceux qui s’intéressent à l’étude des religions.


Paris, ce 20 décembre 1883.


OUVRAGES À CONSULTER
POUR
LA VIE DE BOUDDHA ÇÂKYA-MUNI


Vie de Bouddha d’après les livres Mongols par Klaproth (Journal asiatique, t. IV (1824), pp. 9 et 45).
Recherches sur la religion de , professée par les bonzes Ho-chang, de la Chine, par Deshauterayes (Journal asiatique, t. VII (1825), pp. 150, 228, 311 ; t. VIII (1826), pp. 40, 74, 179, 219).
Sketch of Buddhism derived from the Buddha scriptures of Nepâl, by B. H. Hodgson (Transactions of the Roy. As. Soc. of great Britain and Ireland, t. II (1830), p. 222).
On Buddha and the Phrabāt, by J. Low (Trans. of the Roy. As. Soc. of great Britain and Ireland, t. III (1835), p. 57).
Asiatic Researches, t. XX. In-4°, Calcutta, 1836.
Notes on the Buddhas, from Ceylonese authorities, with an attempt to fix the dates of the last four, being those of the Mahâ-Bhadra-Kalpa, or present age, by J. Forbes (Journal of the As. Soc. of Bengal, t. V (1836), p. 321).
Introduction à l’histoire du Bouddhisme Indien, par E. Burnouf. In-4°, Paris, 1844.
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Rgya-tcher-rol-pa. Version tibétaine du Lalita vistara traduite pour la première fois en français, par P. É. Foucaux. in-4o, Paris, 1847-1848. T. I. Texte tibétain ; t. II, traduction française.
Eine tibetische Lebensbeschreibung Çâkya Muni’s, von Anton Schiffner. In-4°, Saint-Pétersbourg, 1849.
Life of Gaudama, by Rév. Chester Bennet (Journ. of the american oriental Society, vol. III, New-York, 1852).


Le Lotus de la Bonne Loi, par E. Burnouf. In-4o, Paris, 1852.
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Le Bouddhisme, son fondateur, ses écritures, par F. Nève. In-8o, Paris, 1853.
Die Religion des Buddha, von Carl Friedrich Koeppen. In-8o, Berlin, 1857.
Le Bouddha et sa religion, par J. Barthélemy Saint-Hilaire. In-8o, Paris, 1862.
Buddhism in Tibet, including a Description of the materials collected during a Scientific Mission to India and High-Asia, by Em. von Schlagintweit. Atlas, in-folio et 1 vol. In-8o, Leipzig, 1863.
The Life or Legend of Gautama the Buddha of the Burmese, by Rév. P. Bigandet. In-8o, Rangoon. 1866.
The Legends and theories of the Buddhists compared with history and science, with introductory, notices on the life of Gotama Buddha, by R. Spence Hardy. In-8o, London, 1866).
Des premiers essais de prédication du Buddha Çâkya-Mouni, par L. Feer (Journal Asiatique, 6e série, t. VIII (1806), pp. 84 et 271.
Histoire du Bouddha Sâkya-Mouni depuis sa naissance jusqu’à sa mort, par Mary Summer. In-18, Paris, 1874.
The Wheel of the Law. Buddhism illustrated from Siamese sources, by H. Alabaster. In-8o, London, 1871.
The Dātbāvansa, on history of the Toothrelic of Ceylon, translated from the Pāli into English, by sir Mutu Coomara Swamy. In-8o, London, 1874.
The romantic Legend of Sâkya-Buddha from the Chinese-Sanskrit, by Samuel Beal. In-12, London, 1875.
Memoir on the Tooth-relic of Ceylon, with a preliminary Essay on the life of Gotama Buddha, by J. Gerson da Cunha. In-8o, London, 1875.
History of the Island of Lankā from the earliest period to the present time. Visits of Buddhas in the Island, extracted from the Pūjāvalya and Sarvajñagunalankāraya, with a literal translation into English, by Rev. C. Alwyss. In-8o, Colombo, 1870.
Vie ou Légende de Gaudama, le Bouddha des Birmans, par Mgr Bigandet, traduite en français, par Victor Gauvain, grand In-8o, Paris, 1878.
Visites des Buddhas dans l’île de Lanka (Ceylan), extraits du Pūjāvalya et du Sarvajñagunalankāraya, par le Rév. C. Alwyss, traduit en français, par L. de Milloué (Annales du Musée Guimet, t. I, In-4o, Paris, 1880).
Buddha, Sein Leben, seine Lehre, seine Gemeinde, von Hermann Oldenderg, In-8o, Berlin, 1881.
Lectures on the origin and Growth of Religions, as illustrated by some points in the history of Indian Buddhism, by Rhys Davids (The Hibbert Lectures, In-8o, London, 1881).
Mahâ parinibbâna Suttanta. The book of the great Decease, by Rhys Davis (Sacred Books of the East, t. XI. In-8o, Oxford, 1881).
Histoire du Bouddhisme dans l’Inde, par H. Kern, traduite en français (Revue de l’histoire des Religions, 1881-82-83. In-8o, Paris)
Le Bouddhisme au Tibet, par Em. de Schlagintweit, traduit en français, par L. de Milloué (Annales du Musée Guimet. T. III. In-4o, Paris, 1881).


Buddha, his life, his doctrine, his order, by H. Oldenberg, translated from the German, by William Hoey. In-8o, London, 1882.
Essai sur la légende du Buddha, son caractère et ses origines, par É. Sénart. In-8o, Paris, 1882.
Der Buddhismus, und seine Geschichte in India. Eine Darstellung der Lehren und Geschichte der buddhistischen Kirche, von H. Kern. In-8o, Leipzig, 1882.
Fragments extraits du Kandjour, traduits du Tibétain, par Léon Féer (Annales du Musée Guimet. T. V. In-4o, Paris, 1883).
Fo-sho-hing-lsan-King, À Life of Buddha, by Asvghosha Bodhisattva, translated from sanskrit into Chinese, by Dharmaraksha A. D. 420 : and from Chinese into English, by Samuel Beal (Sacred Books of the East, edited by Max Muller, T. XIX. In-8o, Oxford, 1883).
The popular Life of Buddha, containing an answer to the « Hibbert Lectures » of 1881, by Arthur Lillie. In-8o, London, 1883.
Le Dāthāvança ou histoire de la Dent-relique de Ceylan, par sir Mutu Coomara Swamy, traduite en français (Annales du Musée Guimet, t. VII. In-4o, Paris, 1884).
Mémoire sur la Dent-relique de Ceylan, précédé d’un essai préliminaire sur la vie de Gautama Buddha, par J. Gerson da Cunha, traduit en français, par L. de Milloué (Annales du Musée Guimet, t. VII. In-4o, Paris, 1884).

  1. La première traduction française du Lalita vistara, avec quelques retranchements, a été faite par celui qui écrit ces lignes, sur la version tibétaine de ce livre qui se trouve dans le Kanjour. Elle a été imprimée, avec le texte tibétain, à l’Imprimerie Nationale, en 2 vol. in-4o, Paris, 1847-1848.
  2. The Lalita vistara memoirs of the early life of Sâkya Siñha, edited by Râjendralâlamittra, 1 vol. in-8o, 1877. La traduction anglaise qui complétera cet ouvrage est, au moment où j’écris, à moitié imprimée.
  3. Asiatic Researches, t. IX, et Miscellaneous Essays, by H. T. Colebrooke, vol. II, p. 199.
  4. Une analyse du Lalita vistara, par R. Lenz, a été insérée, en 1836, dans le Bulletin scientifique de Saint-Pétersbourg.

    M. Salomon Lefman a publié à Berlin, en 1874, la traduction allemande des cinq premiers chapitres du Lalita vistara avec d’abondantes notes qui remplissent les trois quarts de son volume. M. Lefman avait annoncé une édition critique du texte sanskrit du Lalita vistara pour paraître en 1877. Nous regrettons vivement de n’avoir pu nous servir de cette édition nouvelle dont aucune partie n’a encore paru.

  5. The Hibbert. Lectures, 1881, p. 197 et suiv.
  6. Le Mahâvastu, texte sanskrit publié pour la première fois et accompagné d’introductions et d’un commentaire par É. Sénart (Collection d’ouvrages orientaux publiés par la Société Asiatique), T. I, 1882.
  7. Ces exemples pris au hasard : P. 41, II, 6, 7 et 10. p. 128, l. 9. — p. 193, l. 16 et 17. — p. 229, l. 12, etc.
  8. Journal Asiatique, février-mars, 1883, p. 236.
  9. Chips, I, p. 297 et suiv.
  10. Indische Studien, III, p. 139-140.
  11. Sanskrit texts, II, p. 126.
  12. Göttingen Gelehrte Anziegen, for 1861, p. 134.
  13. Sam. Beal, Romantic Legend of Sâkya, p. 5.
  14. Lotus de la loi, trad. par Eug. Burnouf, p. 356.
  15. Le Bouddisme, ses dogmes, son histoire et sa littérature, trad. du russe par M. G. A. La Comme, p. 176. — V. aussi, p. 31 et 119, quelques détails sur l’origine des Mahâyâna Soûtras.
  16. Aucun de ces personnages n’apparaît dans le Lalita vistara où l’on ne trouve non plus ni charmes mystiques ni formules magiques.
  17. Nous avons vu, p. ii. n. 3, que ces formes altérées se trouvent dans la prose du Mahâvastou.
  18. Ce qui prouve bien que les Gâthâs, ou parties en vers, ne sont ni des amplifications ni des rectifications, c’est que, dans les chapitres VI à XVI du Lalita vistara, les Gâthâs sont tellement liées au récit qu’on ne pourrait les en détacher sans omettre une partie des faits les plus importants de la vie de Çâkya-Mounî. Les Gâthâs sont donc la partie principale, puisqu’elles racontent des événements qui ne sont plus dans la partie en prose, laquelle n’a été écrite que pour relier entr’eux les récits que contiennent ces Gâthâs.
  19. The history of Indian Literature, by Albrecht Weber, p. 298 et suiv.
  20. V. la légende du pigeon et du faucon, suivant les Brahmanes et les Bouddhistes, dans : Le Mahâbhârata ; onze épisodes de ce poème traduits par P. E. Foucaux ; Introd., p. XXXI et p. 231 et suiv.

    L’Histoire de Nala se trouve dans la dix huitième section du Gandavyûha des bouddhistes du Nord. V. Introd. de l’édition sanskrite du Lalita vistara par Râjendra. p. 9. — V. aussi le Dasarathajâtaka, beeing the Buddhist story of king Râma, by B. Fansboll.

    Il faut remarquer ici, à propos de cette dernière légende, qu’à la fin de son excellent mémoire sur le Râmâyana inséré dans The Indian Antiquary, t. I, M. A. Weber regarde le Dasarathajâtaka comme la première forme de l’histoire de Râma et de Sitâ, ce qui prouverait que des emprunts ont été faits au fonds commun des légendes indiennes, aussi bien par les brahmanes que par les bouddhistes, préoccupés, les uns et les autres, de faire prévaloir leurs systèmes, en y rattachant, sans souci de leur origine, toutes les traditions du passé.

  21. Bhagavadgîtâ, IX, 32. Ce même slôka est répété dans le Mahâbhârata, éd. de Calcutta, t. IV, p. 295, sl. 363. Il fait partie de l’Anougîta qui a été traduit en anglais, à la suite de la Bhagavadgîta, dans The sacred books of the East, par Kâshinâth, t. VIII, p. 255.
  22. Le bouddhisme sous forme de catholicisme, par H. S. Olcott, {{abr|traduct. française, p. 20, in-12, Paris, 1883.

    Voyez aussi Mgr Bigandet : La vie de Gaudama ; trad. fr., p. 27, et Spence Hardy, Manual of Buddhism, p. 297, au bas.

  23. Dans son dictionnaire Pâli, au mot Attâ, Childers explique ce mot par : Self, body, person, individuality « soi, le corps, la personne, l’individualité. »
  24. Ibid. au mot Mano : The mind, the intellect, the thoughts, the heart « l’esprit, l’intellect, les pensées, le cœur. »
  25. Ibid., p. 31, col. 1, les mots Anamatagge sañsare sont expliqués : « Dans les existences sans nombre qui n’ont pas eu de commencement », suivant Rogers, et, suivant Turnour : « Sans commencement et sans fin. »
  26. Hibbert Lectures, On the origin and growth of religion, etc. p. 91. Et dans : Buddhism, par le même, p. 100 et suiv.V. aussi les Buddhist birth stories, du même auteur, t. I, p. 25.
  27. Comment accorder cette assertion avec ce passage du Manual of Buddhism, de Spence Hardy, p. 397 : « Même dans les compositions historiques, dans les narrations, dans la conversation, l’idée commune de la transmigration se présente continuellement. Nous rencontrons d’innombrables passages comme le suivant : « Ces personnages, par le secours de Bouddha, allèrent (après leur mort), dans le monde céleste. » À la fin de l’Apannaka Djâtaka, le Bouddha lui-même dit : « Le marchand peu sage d’autrefois et sa compagnie, ce sont le Dévadatta et ses disciples d’aujourd’hui, et moi, j’étais alors le sage marchand. » La conclusion de tous les Djâtakas est une déclaration semblable.

    Dans le volume que vient de publier M. Rhys Davids : Buddhist birth stories, qui contient la traduction de la première partie du livre des Djâtakas, on voit, en effet, qu’à la fin de chaque récit, le Bouddha fait la même déclaration.

    C’est une manière implicite, sinon explicite de parler de la transmigration.

  28. À moins que le Nirvâṇa n’interrompe cette série d’existences, ce que {{M.|Rhys Davids ne nous dit pas ici.
  29. Chambers Encyclopœdia, au mot Transmigration. Reproduit dans les Literary Remains of Th. Goldtsücker, t. I, p. 205 et suiv. Voy. aussi Koeppen, Die Religion des Budda, p. 300.

    Mgr Bigandet, dans son beau livre : The life of Gaudama etc., Rangoon, 1866, p. 21. en note, (traduct. franç., p. 27), nous avait aussi fait connaître cette doctrine qu’il traite de startling « étrange, étonnante », laquelle, ajoute-t-il, est généralement inconnue au peuple. Voyez aussi : Buddhist controversye held at Pantura, Ceylan, 1873, p. 16-18.

  30. Ceci est le contraire de ce qu’enseignent les Oupanichats brahmaniques : « L’âme n’est pas produite par une autre et nulle autre n’est produite par elle. Sans naissance, éternelle et sans déclin, elle n’est pas tuée quoique le corps soit tué. Si celui qui tue dit : Je tue, celui qui est tué dit : Je suis tué, tous les deux ne connaissent pas la vérité. » Kathaka Oupanichat, p. 105, trad. anglaise, dans la Bibliotheca indica ; Bhagavadgîtâ, II, 19.
  31. Si c’est là la véritable doctrine du Bouddha (quoiqu’il soit permis d’en douter, quand Mgr Bigandet nous avertit qu’elle est, en Birmanie, généralement ignorée du peuple et quand M. Olcott nous dit qu’à Ceylan, un certain nombre de prêtres ne l’admettent pas), il reste à expliquer clairement comment l’âme venue la dernière peut expier les fautes et recevoir les récompenses des millions d’âmes qui l’ont précédée et auxquelles elle est complètement étrangère.
  32. V. dans le Manual of Buddhism, de Spence Hardy, p. 397-398, quelques autres comparaisons du même genre. L’auteur du manuel fait ensuite la réflexion que voici : Les difficultés adhérentes à ce dogme particulier apparaissent dans le fait qu’il est généralement rejeté. Même les prêtres l’ont quelquefois nié ; mais quand on leur a montré les passages où il est enseigné dans leurs livres sacrés, ils ont été obligés de reconnaître que c’était un des dogmes de leur religion.
  33. Udanavarga : A collection of Verses from the Buddhist Canon. Being the northern buddhist version of Dhammapadu. Translated from the Tibetan, by Woodville Rockhill. in-8o, London, Trubner (1883), V. aussi : Texts from the Buddhist Canon commonly known as Dhammapada, translated from the Chinese, by Samuel Beal. in-8o, London, Trubner, 1878.