Le Laurier Sanglant/49

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Le Laurier SanglantCalmann-Lévy, éditeurs (p. 207-208).

DEUIL ET VICTOIRE




1915.


Le cerveau tourmenté d’un sommeil incertain
Où la guerre agita sa vision fantasque,
Là-bas, du vieux clocher arrondi comme un casque,
J’entends venir à moi l’angelus du matin.

C’est d’abord un murmure, un soupir argentin
Semblant sortir des fonds brumeux du pays basque…
Puis il s’enfle, il grandit, porté par la bourrasque
Qui s’avance, en hurlant, de l’horizon lointain.


Ding !… dong !… Le double son à mon oreille arrive
Tantôt comme une plainte alanguie et naïve ;
Tantôt comme un refrain triomphant et précis…

Et je crois, — me plaisant à ce rêve illusoire, —
Que si le premier coup dit le deuil du pays,
Le second, par avance, a chanté sa victoire !