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Le Laurier Sanglant/53

La bibliothèque libre.
Le Laurier SanglantCalmann-Lévy, éditeurs (p. 215-216).

LE DERNIER REGARD




À mon ami René Vallery-Radot,
Président de la Société : « Les Amis des soldats Aveugles ».


1916.


Parmi tous ces récits de guerre merveilleux
Où l'ai-je lu, ce mot de sublime courage ?…
Un soldat, un héros, combattant avec rage,
Roule à terre… Une balle a crevé ses deux yeux.

Être aveugle, à vingt ans !… N’eût-il pas valu mieux
Mourir, mourir d’un coup ?… Ne plus voir, à cet âge !...
Toute la vie, un voile noir sur le visage…
Ne plus jouir jamais de la clarté des cieux !


À l’ambulance, autour de lui, chacun s’empresse…
Un officier accourt, lui parle avec tendresse,
Le serre dans ses bras : « Mon enfant !… Mon ami !… »

Et lui, très simplement : « Merci, mon capitaine…
» Mais je me souviendrai, quand j’aurai trop de peine,
» Que mon dernier regard a vu fuir l’ennemi ! »