Le Laurier Sanglant/52

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Le Laurier SanglantCalmann-Lévy, éditeurs (p. 213-214).

LES PETITS BOUQUETS




1915.


Un simple « territo » de quarante ans passés,
Humble cultivateur dans quelque coin du Maine ;
Un de ces pauvres gars que l’on remarque à peine…
Mais le plus grand blessé de tous nos grands blessés.

Une jambe en lambeaux et les deux bras cassés…
Elle sourit pourtant, la triste loque humaine,
Quand la sœur vient, deux ou trois fois dans la semaine,
Remplacer les bouquets à son chevet placés.


Des fleurs à ce rustique, à ce simple, à cet homme
Que la douleur torture et que la fièvre assomme…
Peut-il goûter leur grâce et leur charme si doux ?

Je lui demande, hier : « Tu les trouves jolies ?… »
Il me répond, du bout de ses lèvres pâlies :
« C’est surtout qu’ça m’rappell’ notre jardin d’ chez nous ! »