Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Lettre F

La bibliothèque libre.
Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 158-175).
◄  E
G  ►

F


FABRICANT, s. m. — Le marchand qui fait fabriquer les étoffes de soie. Le canut nomme souvent mon marchand le fabricant pour lequel il travaille.

FABRIQUE, s. f. — Fabrique des étoffes de soie. La fabrique marche, Est en activité. — La fabrique ne va pas. — Acheter en fabrique, Acheter directement chez le marchand.

FACE. — J’ai un architecte en face. L’archi- tecte est en face, sans doute, mais vous n’en êtes pas propriétaire, à moins pourtant que vous ne soyez sa femme.

FAÇON, s. f. — À Saint-Laurent, on mettait la petite Catiche, âgée de cinq ans, coucher avec la servante Françon. Un jour que la mère vint pour la lever, elle trouva Catiche après s’étirer, en disant avec langueur : Je farins bin ina façon, stu demadin ! — Qué que te dios ? — Y est la Françon que dio come iquien, de veys, lo demadin.

Il faut laisser la façon aux tailleurs. — Se dit aux personnes qui font des cérémonies pour accepter quelque chose.

De façon à ce que, de manière à ce que pour « De façon que, De manière que », Si les piquantes tournures archaïques, les vieux mots savoureux sont de bon emploi, rien d’odieux comme les fautes de français. Je dois confesser que maint journaliste use des barbarismes ci-dessus au jour la journée.

FAÇURE, s. f. — Partie de l’étoffe fabriquée qui est entre le battant et la poitrine du canut (ou de la canuse). — De l’ital. facciola, même sens, avec substitution de suffixe.

FAGANAT, s. m. — Odeur plate et particulièrement nauséabonde ; par exemple, le matin, l’odeur des chambres où l’on a couché et qui n’ont pas été airées. Quand Agnus Poupard se maria, il disait qu’il aimait bien sa femme, qu’elle était bien gentille, mais qu’elle sentait le faganat. — Vieux franç. faguenas, même sens, du provenç. faguina, fouine. Fagaat, odeur de fouine.

FAIENCE. — Je tombe en faïence d’inhalation. C’est une forme pittoresque de « Je tombe en défaillance d’inanition ». Faïence, pas n’est besoin de le dire, représente faillance, de faillir.

FAILLIR. — La plupart du monde, les bacheliers, les licenciés eux-mêmes écrivent : Il a failli mourir. Ni Molard, ni Humbert, ni aucun autre n’a relevé ce qu’il ne pensait pas être une incorrection, mais la seule façon de parler classique et française est : « il a failli à mourir. » Quand nous parlons lyonnais, parlons lyonnais, mais quand nous parlons français, parlons français.

FAIM.-— Une faim canife. Canife est la traduction de canine, peu intelligible, tandis qu’une faim canife, on voit tout de suite que c’est une faim aiguisée.

Avoir faim comme le Rhône a soif, N’avoir pas faim du tout, vu que le Rhône a suffisamment de quoi boire.

J’ai une faim, que je la vois courir. Quand on voit courir sa faim devant soi, c’est que véritablement on ne saurait s’abuser sur son existence.

FAIRE. — Il ne fait pas bon faire. Voy. bon.

Faire mimi. Voy. mimi.

Il fait des choses qui ne sont pas de faire, me disait une bonne dame en se plaignant de son mari (elles se plaignent toutes de leurs maris). Voy. connaître.

Il fait bon connaître son monde, Il est utile de connaitre les gens avec qui on a affaire.

Faire dans les draps, les nouveautés, etc. Faire le commerce de ces articles. Lorsque Napoléon revint de l’île d’Elbe, il reçut à Lyon les notabilités de la ville hommes et dames. Tâchant d’avoir un mot aimable pour tous, il dit à une dame : Que fait votre mari ? — Sire, il fait dans les draps (historique).

Rendez-moi donc le livre que je vous ai prêté, il me fait besoin pour « J’en ai besoin ». Faire besoin est dans Molière.

Faire faute. La même chose que faire besoin.

Faire courage, Se donner du cœur à l’ouvrage, redoubler d’efforts. Allons, il faut avoir une postérité ! Fais courage ! disait un bon-papa à son petit-fils, marié depuis trois ans et qui n’avait pas d’enfant.

Faire contre. Voy. contre.

Faire son grand tour, son petit tour. Demandez aux fillettes des écoles. En levant la main : Ma sœur, mon grand tour !

J’ai besoin de prendre l’air, je vais faire un tour. Sous-entendez « de promenade ».

J’ai fait demander de vos nouvelles, d’après Humbert, n’est pas français. Il faut dire : J’ai envoyé savoir. Si je comprends en quoi « faire demander des nouvelles » est incorrect, je veux être empalé !

J’ai beaucoup à faire. Même observation. Dites : J’ai beaucoup d’affaires, ajoute Humbert. — Pas du tout, ce n’est pas la même chose, pas du tout.

Je m’en suis fait (ou mis ou f…chu) pour quinze sous, Cette fantaisie ou cet accident m’a fait dépenser quinze sous.

Faire son fendant, son faraud, dites : « faire le fendant, etc. » (Humbert.) — Je crois qu’il a tort. On dit en effet « sentir son épaule de mouton », quoique l’épaule ne soit pas à celui qui sent. Je pense que la meilleure tournure serait « faire du fendant ».

Faire du lard, Engraisser par l’oisiveté.

Faire la bête pour avoir du son, jouer le rôle de niais ou d’ignorant dans un but d’intérêt.

Faire cinq sous. Une bonne mère : Allons, petit cayon, essuie le raisiné de ta menotte et fais cinq sous à la dame ! C’est-à-dire touche-lui la main. Curieuse locution qui doit avoir quelque bien de parenté avec la légende du Juif-Errant, qui en donnant cinq sous donnait tout ce qu’il possédait.

À quoi le Jean-Pierre passe-t-il son temps ? — À faire des pertuis dans des trous. C’est-à-dire à ne rien faire.

Cette dame a fait fortune dans les draps. Se dit parfois en parlant de personnes dont le commerce a été fructueux.

Faire lumière, Éclairer (les Italiens disent correctement far lume). — Il fait soleil (mais on ne dirait pas « il fait lune » ). Pourquoi ne pas dire « il fait soleil », puisqu’on dit « il fait jour » ?

Faire eccuse. Voy. excuse.

On vous fait à savoir qu’il a été perdu, etc. Ainsi disait le célèbre crieur Larose ; ainsi disons-nous. Et c’est du français très correct, malgré la bizarrerie de la tournure. Seulement il faut remarquer que à savoir est une corruption du vieux verbe assavoir. Comp. « On vous saura à dire ».

Il n’y a que celui qui ne fait rien qui ne se trompe pas. Dicton véridique et que nous répétons toutes et quantes fois que nous avons fait une erreur. La femme d’un de mes amis le surprit un jour avec l’apprentisse. La bonne femme de taper. Que veux-tu, disait le mari avec bonhomie, il n’y a que celui qui ne fait rien qui ne se trompe pas.

Faire, loc. explétive. Pourquoi faire grognes-tu ? — Se met parfois à la fin de la phrase : Pourquoi lui écrivez-vous faire ?

FAITIÈRE, s. f., terme de construction. — Tuiles faitières, Rang de grosses tuiles placées sur le faitage. — Vieux franc. festière, de faîte.

FALLOIR. — Le digne Molerd veut qu’on dise : « Il ne s’en est guère fallu, » au lieu de notre tournure : « Il ne s’en est fallu de guère. » Il fait tort à ses connaissances. « L’un fait beaucoup de bruit qui ne lui sert de guère, » a dit Molière.

FANON, s. m. — Estôme. « Comment voulez-vous que je vous aime, lorsque je n’ai rien dans le fanon ? » disait mélancoliquement mon camarade Picampot à sa colombe. Sur quoi la colombe, qui était poche-grasse chez Mme de Saint-Plumé, de lui donner quelques béatilles, accompagnées de quelques verres de vin. — Je ne serais pas surpris que fanon eût eu d’abord ici la signification de fanal qu’il avait au xvie siècle. Puis le sens serait dérivé à celui de fanon, peau que les bœufs ont sous le menton, et qui, dans l’exprestion actuelle, est prise pour synonyme d’estomac, de gésier.

FANAL, s. m. — S’emploie aussi pour fanon. C’est un changement de suffixe, sous cette idée que la nourriture est à l’estôme ce que l’huile est au fanal.

FANTÔME, s. f. — Une grande fantôme de femme. Se dit d’une femme grande et dégingandée.

FAQUE, s. f. — Poche. Ce mot, dont ma mère usait constamment, s’est, je crois, à peu près perdu. — C’est du vieux franç. Rabelais nous apprend que le bon Panurge « en son saye avoit plus de vingt et six petites bougettes ou fasques ».

FAQUIN, s. m. — Bien mis et fier de ses vêtements. T’esses ben tant faquin avè ta vagnotte neuve, que brille comme les vieilles soutanes de M. le curé ? — C’est le français faquin, avec une dérivation de sens, vraisemblablement parce qu’on a vu dans faquin un dérivé de (fat). Le provençal de faquin a fait faquino, lévite.

FARAUD. — J’ai rencontré Desvessons sur les Tapis. Il était faraud comme le chien du bourreau quand son maître va faire ses Pâques.

FARBALAS, s. m. — Falbalas. L devant une des consonnes T, P, B, F devient R.

FARCE. — En voir la farce. — Je m’ai acheté des grollons neufs. Je m’y ai dit : bah, pour deux petits écus j’en verrai la farce !

FARCIR. — Farcir l’âne. Si vous avez à table un ami qui montre peu d’appétit, la politesse exige que vous l’encouragiez à manger en disant : Allons, allons, du courage ! il faut farcir l’âne.

FARETTES. — Faire ses fredaines, se mettre en fête. Le père Pelachon est allé à la vogue du Grand-Trou. I va faire ses farettes ! — Est-ce affarette ? Faire ses farettes, « faire ses petites affaires » ?

FARFOTEMENT, s. m. — Bruit d’une respiration gênée, bruit de râle. Fraisse signale cette phrase, dite à un médecin de Saint-Just, moins de huit jours avant qu’il écrivit son article : « Messieu le médecin, j’ai mal à mon reculement (c’estun bossu qui parle) et je sens de farfotements dans l’estomac. » — De farfoter.

FARFOTER, v. n. — Râler. Bonnes gens, il est à l’agonie ! Il farfote ! — Onomatopée.

S’emploie aussi pour exprimer une chose moins triste que le râle d’un agonisant. Il se dit aussi du bruit que fait un fricot sur le feu. C’est un petit bruit particulièrement agréable. Farfoter se distingue aussi de gargoter en ce sens qu’il n’a pas le caractère péjoratif.

FARINE JAUNE. — Farine de maïs. — De la couleur, indubitablement.

FARINETTE. — Donner à la farinette, Faire farinette. C’est, au jeu de cartes, distribuer les cartes une par une. C’est l’idée d’une chose très menue comme la farine. Il est impossible de donner plus menu que un à un.

FARINIÈRE, s. f. — 1. Pièce où l’on met la farine. Aujourd’hui il n’y a que les boulangers qui aient des farinières, mais autrefois, comme on faisait son pain, chaque maison bourgeoise avait sa farinière, au moins à la campagne qu’on habitait l’été.

2. Coffre à farine. « Une farinière bois sapin avec sa porte toute neuve, » dit un inventaire des meubles de la Manécanterie, de 1633.

FARSIFIER, v. a. — Falsifier.

FATIGUÉ, ÉE, adj. — Indisposé, ée. S’emploie aussi dans le sens de très malade. Comment va monsieur ? — Il est bien fatigué. Le médecin a dit qu’il ne passerait pas la nuit.

FATIGUER, v. a. — Fatiguer la salade, L’oucher longtemps et en appuyant, de manière que les feuilles soient un peu flapies. Les Lyonnais l’aiment mieux ainsi. Beaucoup préfèrent même la salade de la veille, qu’on appelle alors salade cuite (ne pas confondre avec la salade cuite, macédoine). Ma mère la mangeait toujours ainsi, au vieux goût lyonnais, que l’on trouve aujourd’hui singulier. Maintenant, dans les restaurants, on mange la salade si fraîche qu’on y trouve encore souvent les chenilles.

FAUSSE-LISSE, s. f., terme de canuserie. — Elle serait mieux nommée faux-peigne. C’est une lisse en soie de remisse faisant peigne, que l’on place au-devant du peigne dans les gros comptes, où il y a un trop grand nombre de bouts dans chaque dent du peigne. On partage les bouts dans la fausse-lisse, à seule fin de ne pas faire des chemins dans l’étoffe.

FAUTE. — Avoir faute, Avoir besoin. Mame Piluchon, faites excuse de vous laisser un m’ment, j’ai faute de pancher de l’eau.Faute de, suivi d’un substantif, est employé par les bons auteurs. « Je porte tout mon avoir avec moi, disait le digne Béroalde, de peur d’avoir bien faute de poux. » Par analogie, les Lyonnais se sont servis de faute de devant un verbe. Il s’emploie même isolément, et quand un mami dit en société : Maman, j’ai faute, tout le monde comprend et sourit de cette preuve de bonne éducation, d’un air flatteur pour la maman.

Ce livre me fait faute. Voy. faire besoin.

Le jeu ne demande que faute. Dicton que l’on rappelle au joueur qui veut revenir sur un oubli ou sur une distraction.

FAUTER, v. n. — Faire une faute. Quand une femme a fauté une fois, disait le bon père Navet, de la Grande-Côte, c’est comme aux chevaux couronnés, ça marque toujou.

FAUX. — Faux comme Judas. Quelqu’un qui n’est pas un modèle de franchise.

FAUX-FILET, terme de boucherie. — Morceau moins bon que le filet, mais succulent encore. Il est attenant au filet, du côté opposé au pendant de filet.

FAVETTE, s. f. — Frayeur. Prendre la favette, Prendre peur. Je croyais ce mot tiré de l’argot, mais je ne l’ai trouvé dans aucun dictionnaire des termes populaires. La favette, c’est proprement la petite fève. On trouve en provençal avè le favo, avoir le guignon, littéralement avoir la fève ; je suppose que le mot lyonnais et la locution provenç. se rapportent à quelque croyance populaire où la fève tient un rôle.

FAYARD, s. m. — Hêtre. — De fagum.

FAYE (fa-ye), s. f. — Brebis. À table, en tiripilant un gigot : C’est pas de mouton que le nagu t’a donné, c’est quèque vieille faye. De fœta.

FÈGE, s. m. — 1. Foie. Le chagrin lui a délavoré le fège.

2, s. f. En particulier, Tranches de foie cuit qu’on achète pour mettre en salade, communément avec des pieds de mouton. De fidica, forme de ficata (jecur ficatum : Pinguibus et ficis pastum jecur anseris albi).

FEMME. — Femme du Puy, homme de Lyon font bonne maison. Parce que l’une est avare, et l’autre laborieux.

Quand la maison porte sur quatre piliers, la femme en tient trois (quand elle n’en tient pas quatre). Le sûr, c’est que l’ordre et l’économie de la femme font la prospérité du ménage.

Il faut laisser les portes et les femmes comme on les trouve, C’est ce que me répétait toujours mon maître d’apprentissage (Dieu ait son âme), qui m’a donné tant de bons conseils.

Les femmes en vivent et les hommes en meurent. C’est un proverbe que répétait souvent M. Chrétien aux jeunes gens qui allaient le consulter.

FENAISON. — « Temps de faner le foin ; dites fanaison. » (Molard.) — Observation fausse. « Il (fenaison) se dit aussi du temps où l’on coupe les foins, » écrivait déjà l’Académie en 1798.

FENASSU, s. m. — Cotillonneur. Le père Chauchaud, y est un bonhomme, mais un petit peu fenassu. — Du patois fena, femme, avec le suffixe u et insertion de la syllabe ass pour donner le caractère fréquentatif. Comp. mardassu, celui qui est habituellement malpropre, et mardu, celui qui l’est dans la circonstance même.

FENDRE (SE), v. pr. — Faire acte de générosité. Le père Pourillon vous ferait pas tort d’un sou, mai i n’aime pas à se fendre. S’emploie devant un complément avec la préposition de. Pour la noce de mon neveu Cotivesse, je m’ai fendu d’un cabaret qui m’a coûté douze francs.

FENIÈRE, s. f. — Fenil. — De fœnaria.

FENNE, s. f. — Femme. Lorsque, en parlant de sa femme, on ne dit pas « la bourgeoise » ou « la grosse », on dit toujours notre fenne, parce que ma femme serait outrecuidant, et que d’ailleurs on ne doit pas avancer une proposition hasardée. Fenne, épave de notre ancien patois, tend à vieillir. — De femina, où m est tombée tandis que c’est n dans le français femme.

FENOTTE, s. f. — Femme. S’emploie dans un sens aimable, comme tous les diminutifs. J’ai trouvé dimanche aux Charpennes une petite fenotte, gentille comme cinq sous. — Si elle est sage, va pas rien la déranger ! — Si elle est sage ! que je le pense ! Alle a dit tout de suite : « Te sais, pas de bêtise sans voir les liards ! » — Comp. menotte, petiote, pillote, etc.

FER, s. m. — Fer à velours. On l’appelle fer parce qu’il est en cuivre. C’est une mince lamelle de cuivre, dont la longueur égale la largeur de l’étoffe, et dans laquelle on a creusé une rainure. Cette lamelle, plate en dessous, est passée dans l’ouverture de la medée, la rainure du côté du peigne, et d’un coup du battant articulé, on la tourne de manière qu’elle présente la rainure en dessus. Puis lorsqu’on a passé un nombre suffisant de coups pour retenir la chaîne faisant poil, l’ouvrier coupe le poil à l’aide du rabot dont le couteau glisse dans la rainure, et il retire le fer. Il y a aussi des « fers en bois », ce sont ceux de la peluche, et enfin des « fers en fer », ce sont ceux du velours frisé.

Fer de collet, terme de canuserie, ouvrages façonnés, Petit crochet en fer, placé à l’extrémité inférieure du collet, et auquel on accroche au moyen d’une boucle les arcades correspondantes deux par deux (voy. arcades).

Il ne vaut pas les quatre fers d’un chien. Se dit d’un homme de mince valeur, les fers d’un chien ne représentant pas gros d’argent.

S’étendre les quatre fers en l’air, Faire une chute à la renverse sur le dos.

FERMER. — Le père Chamaut a fait fermer son gone, que lui faisait de misères… Marie, fermez le linge dans la garde-robe… J’ai perdu ma loquetière, je suis fermé dehors. On prétend qu’il faut dire enfermer. Je n’y vois pas de mal pour les deux premiers exemples, mais pour le dernier, ce me semble, enfermer n’irait pas mieux. Mais, dit-on, si vous êtes fermé, vous n’êtes pas dehors, et si vous êtes dehors, vous n’êtes pas fermé. Pardon, vous êtes bien fermé puisque vous ne pouvez pas franchir la porte, et vous êtes bien fermé dehors, puisque vous n’êtes pas dedans. Tirez-vous de là !

FERMETURE, s. f. — Devanture, revêtement en boiserie du devant d’une boutique. Fermeture se dit proprement de ce qui ferme la boutique, et la devanture ne la ferme pas. Quoique ça, nous employons constament fermeture pour devanture. Simple nuance.

FERRANDINIERS, s. m. pl. — C’était le nom que s’était donné un compagnonnage pour la canuserie, comme pour la charpenterie il y avait les gavots et les devoirants. J’imagine que le nom devait venir d’un fondateur nommé Ferrand. Suivent la tradition, ils avaient une mère (gargotière) qui tenait la pension des ouvriers. Les ferrandiniers portaient la canne floquetée. Il advint qu’un beau jour — en 1846 — quelques compagnons, s’apercevant que les ferrandiniers étaient toujours farauds et ne travaillaient guère, demandèrent à connaître l’état de la caisse. On la trouva vide. Les ferrandiniers en pied, qui étaient peu nombreux, mangeaient, dit-on, l’argent versé par les aspirants. Il y eut alors une scission ; les mécontents s’installèrent rue Bodin, dans le voisinage de l’église Saint-Bernard. On les appela les renégats. Cette rivalité provoqua de violentes altercations entre ferrandiniers et renégats.

L’institution disparut en 1848.

FERRATIER, s. m. — Ferronnier. Va don m’acheter pour deux sous de broquettes chez le ferratier. — C’est un vieux mot lyonnais. En 1451 et 1475, Étienne Laurencin était maitre de métiers pour les ferratiers.

FERRER. — Se faire ferrer. Se dit quelquefois à propos d’une jeune fille qu’on mène chez le bijoutier pour acheter les cadeaux de noce. La Goton que s’est fait ferrer chez M. Bijoutin ! Plus que ça d’ébouriffure !

FESSES (parlant par respect). — Avoir les joues comme les fesses d’un pauvre homme. Voyez sous c…

N’y aller que d’une fesse, Faire une chose sans attrait, sans conviction. I ne s’est marié comme qui dirait que d’une fesse.

Quand j’ai entendu siffler les balles, je te f…iche mon billet que j’ai eu chaud aux fesses. Je n’avais jamais remarqué cet effet de la peur.

Par les fesses. Dans un grand bal chez Mme X…, un danseur poussa un candélabre trop près de la cheminée. On n’y prit pas garde. Au bout d’un moment, pan ! voilà la glace fêlée. On se prit à rire. Riez, riez, dit la maitresse de la maison, vous ne savez pas que vous m’en fichez pour cinq cents francs par les fesses ! (historique).

Hors de propos, as-tu remarqué, lecteur, comme l’homophonie des sons entraine la dérivation des sens, encore que les objets n’aient pas de rapport ? Dans le Briançonnais, faisses (fissa), signifie des bandes de végétation à la jonction des escarpements de rochers. Par suite un lieu de ce genre, qui était la propriété de Mme Carl, a pris le nom de les Fesses de Mme Carl. Ici pourtant les objets n’ont pas de rapport.

FESSIER (parlant par respect). — Des gens de haut fessier. Se disais jadis des gens de haute lignée. Se dit aujourd’hui de quiconque a une haute position et une grande fortune. Par le temps qui court, il y a des politiciens radicaux qui étaient de très bas fessier et qui sont devenus de très haut fessier.

FEU. — Monter le feu. Voy. monter.

Feu, s. m. — Échauffement. Mme Irma Bousasse est bien fatiguée. — Quoi qu’elle a ? — C’est un grand feu.Le père fumeron : Faut y faire prendre de gramin par en n’haut et de mauve par en bas.

Feux, s. m. pl. — Boutons avec aspect rouge, quelquefois purulents. T’as vu le prétendu de la Tiennette ? Comment qu’il est ? — Il a des feux par la figure que ça fait regret.

Craindre comme le feu. Se dit de quelque chose ou de quelqu’un pour lequel on ne nourrit pas une tendresse inépuisable.

S’embrouiller dans les feux de file, Se noyer dans son crachat. — Trope emprunté à l’art militaire.

FEUILLE. — Qui craint la feuille, il ne doit pas aller au bois. Dicton affectionné des Lyonnais pour dire que qui ne veut pas attraper de boucharles, il ne doit pas aller boire dans tous les verres.

FEUILLETTE, s. f. — 1. Demi-pièce de vin ou cenpote, comprenant 105 litres environ.

2. Mesure de vin contenant la moitié du pot. Pour cette dernière on disait plus volontiers foliette. On ne connait plus aujourd’hui que 1. — De phialetta.

FEUTRÉ. — Te crains pas le froid, t’as l’estôme bien feutré. Mauvaise plaisanterie que l’on dit à ceux qui sont bossus par devant.

I fait froid, faut se feutrer l’estôme par dedans : appare voir ce carrichon de rôti ! Instance aimable auprès d’un invité.

FIABLE, adj. des 2 g. — À qui l’on se peut fier. Mon cousin Aug. F… était juge de paix dans un bourg du Lyonnais. Vient un paysan réclamant 300 francs à un voisin auquel il les avait prêtés. As-tu un billet ? fit mon cousin. — Non, monsu ; je me pinsôve qu’al équiet fiôble. — Comment, tu prêtes comme ça cent écus ! Crois-tu que je préterais cent écus à ma femme sans billet ? (historique).

FIACRES DE VENISSIEUX. — Voy. Artillerie de Villeurbanne.

FIAGEÔLES, s. f. pl. — Haricots. Un bon père : Cadet, mange don pas tant de fiageôles, que par après le nous emboconneras.

FIANCE, s. f. — Action de se fier. J’ai z’eu tort de mettre ma fiance en ce garçon, disait la pauvre Bernarde qui était devenue embarrassée. — Vieux français.

FIARDE, s. f. — Toupie. — Du vieux lyonn. fierdre, frapper, parce que la fiarde se frappait avec un fouet pour la faire tourner. Aujourd’hui la fiarde est lancée en déroulant la corde qui l’enveloppe. — Fierdre, de ferere pour ferire.

Avoir les tetons en pointe de fiarde. Se dit des femmes qui ont les seins fermes et aigus, à la façon par exemple de celles qu’on voit représentées sur les bas-reliefs égyptiens.

Jouer comme une fiarde, Jouer comme un fifre. À la manille : Pourquoi que te coupes, quand je tiens ? Tiens, te joues comme une fiarde.

FICELLE, s. f. — Nom donné aux chemins de fer funiculaires. Longtemps on a dit la Ficelle tout court, parce qu’il n’y en avait qu’une. Aujourd’hui l’on dit la Ficelle de la Croix-Rousse, la Ficelle de Saint-Just, la Ficelle de la Croix-Pâquet. Cette métaphore diminutive et méprisante est admirable.

Être ficelle, Être d’une probité médiocre. M. Finochon est un homme qu’a de l’estoc ; dommage qu’i soye un peu ficelle. — Je me demande quelle analogie on a pu voir entre un morceau de ficelle et un filou ? Possible quelque vague analogie de consonnance, tout simplement.

F…ICHANT, adj. — Ennuyeux, désagréable. L’ouvrage ne va pas, la bareille se vide, la femme se remplit, c’est f…ichant tout de même (la finale correcte est : on s’em…, et puis on se mange). On cite aussi cet exemple : C’est b…ment f…chant, dit la princesse, que son extrême timidité avait jusque-là empêchée de prendre la parole.

FIDÈLE, adj. — Probe, honnête, en parlant des domestiques. La Marie est très fidèle ; voilà vingt ans que nous l’avons. Au mot fidèle on attache l’idée de quelqu’un à qui l’on donne une sorte de mission de confiance. La fidélité n’est pas exactement la même chose que la probité.

FIEL. — N’avoir pas plus de fiel qu’un pigeon, Être incapable de méchanceté, de rancune. — De la croyance populaire que le pigeon est le seul animal qui n’ait point de fiel.

FIER, ÈRE, adj. — Se dit de quelqu’un de bien mis. Comme t’esses fier aujourd’hui ! Comme tu es bien paré ! — Dérivation de sens du franç. fier, qui semble confirmer pour faraud l’étymologie ferus.

Il n’est pas fier, il boirait avec un paysan pourvu qu’il paie. Raillerie à l’adresse des pique-assiettes.

FI ET FAIT, adj. — Fieffé. Un scélérat fi et fait. C’est la diérèse (d’ailleurs très euphonique) de e qui a amené cette singulière confusion que, pour mon compte, j’ai faite longtemps.

FIÈVRE. — Fièvre de veau, Tremblement que, dans les froids, on prend souvent après le repas, et qui est l’effet de la digestion. P’pa, je grelotte, disais-je parfois à mon père. — C’est la fièvre du veau, qui tremble quand il est soûl, qu’il me répondait.

FIFI, s. m. — Chéri, favori. Le frère lui donne toujours la croix parce que c’est son fifi (et non parce qu’il est).

FIFRE, s. m. — Lamproie. — De la forme ronde et allongée de la lamproie.

FIFRE, le plus souvent FIFRE DE MORNANT. — Surnom des habitants de Mornant, parce que, me racontait mon père, le curé, mécontent de ce que les hommes sortaient toujours lorsqu’il allait prêcher, tira un jour un fifre de sa poche et se mit à en jouer en chaire. Sur quoi les hommes de rentrer en hâte, croyant que le curé était devenu fou. Le curé fit alors fermer les portes, et commença ainsi : Grand Diu ! I modont à voutra parola, et y rintront ou brut d’in fifro !

FIFRER, v. a. — Boire, en parlant du vin. Le Barnabé, pour fifrer et se balader, y a pas son pareil. Comp. flûter, même sens. On dit aussi : Il a fifré tout son bien, Il dissipé tout son bien en plaisirs.

FIGNOLER, v. a. — Se dit d’un ouvrage que l’on polit, que l’on finit avec grand soin, et surtout d’une peinture. L’école de peinture lyonnaise, au commencement du siècle, fignolait beaucoup. — Fait sur fin.

FIGUETTE, s. f. — Flacon. — Probablement une corruption de l’ital. fiaschetta, petite bouteille. La corruption peut avoir eu lieu sous l’influence de figue, à cause de la forme (comp. poire à poudre).

FIGURE, s. f. — Visage. Ne dites pas se laver la figure, mais se laver le visage, prétendent les grammairiens. Du reste, nous ne faisons jamais la faute, nous disons toujours se laver le groin.

Une figure à coucher dehors (le visage est si laid qu’on ne laisse pas entrer celui qui le porte).

Une figure (parlant par respect) à ch… contre (très péjoratif).

Une figure comme la porte de Roanne (l’ancienne prison de Roanne, de l’autre côté de l’eau). Voy. gai.

Une figure de dies iræ. Voy. dies iræ.

Une figure de jugement dernier.

Ces trois métaphores s’emploient à propos de visages qui manquent de gaîté.

Une figure qu’on dirait qu’on s’est assis dessus. Se dit d’un visage plat, à nez épaté.

FIL. — Fil d’arcade, voy. arcade.

Fil de maille, Fil qui tient le maillon suspendu dans le tissage des façonnés.

Les fils de la vigne, du fraisier, pour Mains, vrilles, etc. Expression tout à fait appropriée.

Avoir le fil, Avoir l’esprit fin, aiguisé. Mélaphore tirée du couteau qui a le fil.

FILANDRES, s. f. pl. — Fils des haricots verts, des pois gourmands, etc. — Il est français, mais, je crois, peu usité ailleurs que chez nous. Les demoiselles à brevet disent filaments.

FILET. — La releveuse qui t’a coupé le filet ne t’a pas rien volé ton argent. Se dit à un grand parleur.

Je m’en vas faire un filet d’eau. Euphémisme plein de délicatesse.

FILIOLES, s. f. pl. — Rejetons d’arbustes, de plantes, qu’on enlève pour les planter. — De filiola, fille en bas âge.

FILIP. — Faire filip, Fouetter l’air avec une houssine. Gare que je te fasse filip ! Prends garde que je ne te fouette ! — Onomatopée du sifflement. Comp. l’angle fillip, chiquenaude.

FILIPOT, s. m., terme de menuiserie. — Fourrure rapportée entre deux lames de parquet disjointes. — C’est le franç. flipot, dont j’ignore l’origine. Nous avons inséré un i pour la facilité du prononcer.

FILLASSE, s. f. — Fille de mauvaise vie. Fille + asse. On sait que le suffixe asse est essentiellement péjoratif.

FILLATRE, s. des 2 g. — Gendre, et très exceptionnellement bru (pour ce dernier on dit communément gendresse). — De fillastrem. qu’on trouve dans les inscriptions de la décadence pour privignus.

FILOCHE, s. f. — Bourse. — Parce que les anciennes bourses étaient en filet.

FILOCHER, v. a. — Fabriquer du filet. Le gapian était après filocher. V. filoche.

FILOCHON, s. m. — Filet en forme de poche, qui sert à prendre les poissons dans les bachus. — Fait sur filoche, probablement parce que le filochon est en forme de poche ou de bourse.

FILOGNE, s. f. — Chanvre à filer, étoupe. Dans toutes les bonnes maisons, la ménagère avait jadis en réserve une provision de filogne pour le cas où une seringue perdrait, et où l’on serait obligé de la chambrer. — De fil, avec un suffixe ogne, probablement par analogie avec cologne, à cause de la parenté des objets.

FILS. — Ne pas dire « le fils Gâtouillon » mais « Gâtouillon fils ». En place, vous avez le droit de dire « le père Gâtouillon ». — Logique des précieux !

FILTRER, v. n. — Terme savant qui s’est introduit de l’anglais par suite du grand développement de l’instruction secondaire. Te sais pas, y a Crapouillaud qu’a voulu filtrer avec mameselle Baluchon. Y a le pipa que te vous a pris le bâton du pojau ! Y a fallu qu’i se renquille vite ! — Métathèse de flirter.

FIN, INE, adj. intensif. — Le fin fond des enfers, Tout à fait au fond. À la procession ils étaient les beaux fins premiers, Tout à fait en tête. Du linge fin blanc de buye, Du linge tout frais de lessive.

Fin, adv. — Très, très bien. Il entend bien fin, Il a l’oreille très fine.

FINABLEMENT, adv. —— Finalement, d’une manière définitive. Ne croyez mie que ce soit une corruption. C’est du vieux franç. « Finablement s’accorderent lesdites parties, » dit un texte de 1361.

FINASSU, s. m. — Homme rusé, qui use de mauvaises finesses. Le père Virolet est un finassu. I sait par cœur tout son code (j’ai rencontré un canut comme cela). — Forme de finasseur.

FINI, adj. (ne s’emploie guère qu’au masc.) — Parfait, achevé. Un grimpeur fini (des Alpinistes), Un danseur fini, Un noceur fini (s’il n’y avait pas tant de noceurs finis, la célèbre « question sociale » serait résolue).

FINIR. — Il y a quelque chose d’enfantin dans le mal que s’infligent les grammairiens pour corriger ce qui est correct. Molard condamne l’expression : Il faut en finir. Et l’Académie, en 1798, donnait déjà l’exemple : Il est temps d’en finir.

Des gens qui ont fini de bien faire. Très usité pour Des pas-rien. Après cela ils n’ont pas eu de peine à finir de bien faire ; je crois bien qu’ils n’ont jamais commencé.

Les ouvriers ne sont pas finis de payer. Locut. usuelle que le sévère Molard aurait mieux fait de signaler que en finir. « Des ouvriers qui ne sont pas finis de payer » pour « qu’on n’a pas fini de payer », est une simple métonymie du 2e genre (l’effet pour la cause), mais elle m’enchante.

Faire finir quelqu’un, L’obliger à cesser de faire quelque chose. Meman, faites don fini la Julie, elle me pique avè de z’epingles dans les gras.

FINISSAGE, s. m., terme de canuserie. — Ce qui manque de trame pour finir une pièce. Une supposition qu’il manque 300 grammes de trame. Le canut porte une canette au magasin, d’après quoi l’on teint la quantité nécessaire. Et le canut de courir chez la dévideuse : Je vous apporte mon finissage, dépêchez-vous vite !

FINITION, s. f. — La même chose que définition (voy. ce mot).

FINOCHE, s. m. — La même chose que finassu et fait de même sur fin, mais avec le suffixe oche, non moins péjoratif. Comp. damoche.

FIOLER, v. a. — Boire. Se fioler, S’enivrer. La femme : Dans quel état tu me reviens ! — Que veux-tu, on peut pourtant pas voir de vieux t’amis sans se fioler un petit peu ! — Non de fiole, comme on le croirait au premier abord, mais de fioula, fiola, en patois lyonnais jouer du flageolet, siffler, de sibilare. Comp. siffler un verre de vin.

FION, s. m. — Un coup de fion. — Velà mon ode terminée ; il n’y manque plus qu’un coup de fion, c’est-à-dire quelques retouches pour lui donner de la tournure, du ragoût. Je ne suis pas ce qu’on appelle jolie, mais avec un coup de fion, on fait encore ses frais aux Charpennes, c’est-à-dire avec un peu de toilette.

Faire des fions, Faire des tours d’adresse, de grâce. Quand le velocipeteux a vu la Benoîte, i s’est mis à faire des fions. — Je n’entrevois rien sur la formation de ce mot expressif.

FIXE, s. m. — Revenu assuré par une place. C’est l’ambition de beaucoup de mères de famille d’avoir un gendre qui ait un fixe. La mère Filoselle, la mercière de la Grand’Rue, m’avait chargé de lui trouver un parti pour sa Mélanie. Je lui proposai mon ami Cacanet, l’architecte qui est aujourd’hui en si grand renom. — Un architèque, qu’est-ce que c’est que ça ? Ça a-t-i un fisque ? — Non, mais Cacanet a beaucoup de talent et gagnera beaucoup d’argent. — Tout ça, c’est hypothéqué sur les brouillards du Rhône ; je veux un fillâtre qu’oye un fisque ! — Alors, prenez le fils Lassonde ; il est gapian et a un fixe de douze cents francs. — Et voilà comment la Mélanie est devenue Mme Lassonde.

FIXER, v. a. — Regarder fixement. Fixer le soleil, Fixer une dame. Peu correct, mais usité. On dit aussi fisquer. Alors, pour parler avec correction, il faut dire regarder fisquement.

FLACHE, s. m., terme de charpente. — On dit qu’une pièce de bois équarrie dans son ensemble a du flache, lorsqu’à certains endroits il manque du bois pour que l’équarissage soit à vive arête. — C’est le vieux franç. flache, employé au moyen âge dans le même sens.

FLAFLA, s. m. — Faire du flafla, Faire ses embarras. La noce à Patafiaut, i sont n’allés à Saint-Denis en voiture. — Tout ça pour faire du flafla ! — Onomatopée.

FLANC, s. m. — S’emploie pour côté. J’ai beau me virer d’un flanc et de l’autre, je vois pas revenir ma femme.

FLANDRIN. — En passant, un souvenir au Clos Flandrin. C’était un vaste tènement cultivé, qui s’étendait depuis le chemin de ronde derrière le rempart de la Croix-Rousse (cela s’appelait la rue Bellevue), au nord, jusque vers la Tour Pitrat au sud ; et, du côté de matin, depuis la rue Jean-Baptiste-Say vers la Grand’Côte, jusque par là vers le clos Champavert (où est maintenant l’École normale) à l’ouest. Au matin, le tènement formait une pointe, dont le côté s’alignait sur ce qui est aujourd’hui la rue Jean-Baptiste-Say. Il était clos là par une simple haie. Du côté du rempart, un mur de pisé à demi détruit. Une vigne était plantée dans la partie avoisinant le Mont-Sauvage (tènement de la Tour Pitrat). Du côté de la rue Jean-Baptiste-Say et de la rue Bellevue, un champ de blé. On avait ainsi la campagne en plein Lyon. La propriétaire, une vieille fille, Mlle Flandrin, avait pour tout logement une petite cadolle dans le voisinage de la Tour Pitrat, logement partagé avec plusieurs chiens, qu’elle lâchait la nuit pour écarter les maraudeurs. Près de la cadolle une basse-cour et des chèvres, que Mlle Flandrin menait en champ dans la partie inculte de son clos. Déjà à cette époque, la propriétaire aurait pu tirer parti de sa propriété en la dépeçant, mais cette vie de philosophe lui convenait sans doute. Après sa mort, vers 1845, on morcela peu à peu le terrain. Bientôt s’élevèrent des maisons dont plusieurs même furent démolies pour ln Ficelle en 1856.

FLAPE, adj. des 2 g. — Flasque, mou, pendant. Avec ces corsets d’aujourd’hui, disait le fils Ganachard, les plus flapes paraissent fermes. On trompe sur tout. C’est comme le vin fuchsiné, qu’on dirait du vin franc bon. — D’une racine germanique flap, qui exprime une chose pendante.

FLAPIR, v. n. — Flétrir, au sens de rendre mou, flape. Le gel a tout flapi ces doucettes. — De flape.

FLASQUE, s. f. — 1. Bouteille garnie d’osier pour mettre de la boisson.

2. Poire à poudre. — Bas latin flasca, sorte de vase en cuir destiné à protéger les vases en verre. C’est la garniture qui, au sens 1, a donné son nom à l’objet.

FLAT, s. m. — Souffle, haleine. Que le b… a le flat punais ! est une exclamation que j’ai bien souvent entendue. Par extension, air empuanti. Quel flat m’est venu par le nez ! — De flatus.

FLÉAU. — Le cœur me battait comme un fléau. Comparaison très usitée et très énergique.

FLÈNE, s. f. — Taie d’oreiller. Si usité que j’ai vieilli sans savoir qu’il fallût dire autrement, jusqu’au jour où une dame m’a corrigé, en m’apprenant qu’il fallait dire tête d’oreiller. — Vieux franc. flaine, couette pour lit, assez vraisemblablement de flamineum « voile, couvre-chief » en laine.

FLEUR. — Fleur de lait, Premier lait.

À fleur et à mesure, À fur et à mesure (qui est d’ailleurs un beau pléonasme). Nous avons rectifié en fleur ce mot fur, qui était inintelligible.

FLEURIR. — Tiens, on dit qu’y a plus de miracle, et velà le bec des ânes que fleurit ! Aimable couyonnade que l’on dit aux benonis qui ont l’habitude de tenir une fleur à la bouche.

FLOQUET, s. m. — Ce n’est pas l’ancien président de la Chambre, c’est une touffe de ruban ou de soie, qui sert de pompon. As-te vu la Mélie qu’a mis de floquets à son bonnet ? Autant le z’âniers que vont en calèche ! — Du vieux franç. floc, même sens. « Or notez que Panurge avait mis au bout de sa longue braguette un beau floc de soyc rouge, blanche, verte et bleue, » dit le respectable Rabelais.

FLORAISON, — « Floraison, temps où naissent les fleurs, » est repoussé par Molard qui veut qu’on dise fleuraison. Je reconnais que fleuraison est mieux fait que floraison, mais déjà au temps de Molard les deux étaient autorisés par l’Académie.

FLOTTE. — De par les cuistres, vous pouvez dire une flotte de soie, mais vous ne pouvez pas dire une flotte de fil, il faut dire un écheveau de fil, mais vous pouvez dire aussi un écheveau de soie !!!

Flotte, terme de fabrique. — Division de la pantime. Voy. metteuse en mains.

Lever la flotte, Piquer l’once, enlever un peu de soie sur les matières confiées par le fabricant. M. Manilion avait confié sa femme au cousin Mâchefer pour lui faire faire le voyage de Marseille. Je ne sais qui lui mit la puce à l’oreille, mais il vint confier ses inquiétudes à mon bourgeois, qui était renommé pour ses bons conseils. Euh, euh, fit mon bourgeois, je connais Mâchefer, il aura pe t’ête ben levé la flotte, mais vela tout. — Il entendait que Mâchefer était manquablement allé jusqu’à ce que nos bons ancêtres appelaient la petite-oie, mais non jusqu’à la grande-oie.

FLOTTILLON, s. m., terme de fabrique. — Subdivision de la flotte. Voy. metteuse en main.

FLOUPÉ, ÉE, adj. — Ne s’emploie guère que dans l’expression Être bien floupé, Être bien mis, de façon cossue. Bigre, comme t’esses floupé ! — C’est la vagnotte à mon oncle Pissard, qu’i m’a prétée pour ma fréquentation. — L’auteur ignore l’origine de ce mot, qui ne figure pas dans les dictionnaires d’argot.

FLÛTER, v. a. — Boire. Je suppose que c’est le mouvement des lèvres en jouant de la flûte qui a donné l’idée de la métaphore.

FLÛTES, s. f. pl. — Jambes. Comp. tibia.

FOIE, s. m. — Avoir le foie blanc se dit de celui qui a enterré plusieurs conjoints. M. Empereur, le fabricant, enterre sa quatrième femme. Sûr qu’il a le foie blanc.

FOIREUX (parlant par respect). — Un temps foireux. Se dit d’un temps humide qui menace la pluie.

FOIS. — Une fois.Quand une fois j’aurai tout mis dans la sache, Quand j’aurai tout mis dans la sache. De même en allemand. Un de mes camarades, Allemand, me disait toujours : « Fiens une fois, » pour « viens ». Il traduisait Komm einmal.

La fois, Ce jour. La fois que vous êtes venu. Au catéchisme : Qu’est-ce que la foi ? — C’est le jeudi ! — ?? — C’est la fois où l’on ne va pas à l’école.

Des fois. 1. Parfois. Vas-tu souvent au café chantant ? — Des fois avec la Josette, des fois tout seul.

2. Peut-être. Pleuvra-t-il ? — Des fois oui, des fois non.

FOLIARET. — Un petit vent foliaret, Un petit vent de printemps qui fait pousser les feuilles. — Du vieux lyonn. folia, feuille.

FONCER, v. a. — 1. Se précipiter, fondre dessus. Il fonça sur les ennemis. Ce mot peu français a cependant pénétré chez certains littérateurs. « De grâce, mon bon ami, foncez droit sur la situation… (Lagenevais, Revue des Deux-Mondes, 3e période, t. 44, p. 225). » Ce français ne me parait pas valoir le lyonnais. Foncer en ce sens a été aussi employé par Vallès dans le Réfractaire, et je le vois, sous la signature de M. Fouquier, dans le Courrier de Lyon du 14 novembre 1879.

2. Financer. Qui don que fonce pour la Ninique (Monique), qu’elle est toujours si bien floupée ? — Ça doit étre M. Bichon ou M. Dindonaud. — Des fois tous les deux. Ce sens est ancien dans le français. « Il lui convenoit foncer et bailler argent à ce maitre président, » dit le bon Eutrapel.

3. Foncer un tonneau, Y mettre un fond. C’est le sens primitif et étymologique du mot. Pour le sens 2, il se tire tout naturellement de fonds, argent. Le sens 1 est assez difficile à expliquer autrement que par une vague analogie de sons avec fondre.

FOND. — Te fie pas trop à M. Griffard, le procureur ! C’est une ficelle. — Te fais pas de bile, je le connais à fond de Chaponost ! Tout à fait à fond. — Mauvais jeu de mots, conservé depuis 1848, et qui vient de ce qu’à cette époque, un nommé Fond, de Chaponost, fut nommé représentant du peuple. Son rôle ne fut pas très brillant. Que voulez-vous ? À cette époque il n’y avait pas de grèves. Impossible de fret son chemin en politique.

FONDATIONS, terme de construction. — Fondements. Les fondations d’un bâtiment. En ce sens, il n’est pas rigoureusement français. Le fondation est l’action de faire les fondements. Mais ce dernier mot est désagréable au prononcer. Cela me rappelle une séance d’une société de charité, où l’excellent Ch…, qui fut architecte, rendait compte de l’état d’une famille pauvre qu’il visitait : Ils sont dénués de tout fondement, dit-il (surprise générale).

FONICUNES. — Des fonicunes de séné. C’est bien fait, père Ganivesse ! Si vous aviez dit, comme votre mère, de feuilles de séné vous ne vous seriez pas exposé à donner des coups de pied au Cheval de Bronze !

FORCÉE. — Faire une chose à la forcée, La faire par force. Il s’est bien marié à la forcée. Le père de la bôye avait pris sa tavelle. Excellente locution.

FORCER, v. n. — À table, revenir à un plat en se forçant. Dans un diner de confirmation, Mgr de Bonald engageait un digne curé de campagne à prendre d’un plat : Merci, Monseigneur, fit-il respectueusement, j’ai déjà forcé deux fois sur la salade.

Au jeu de gobilles, donner un coup de poignet au lieu de jouer seulement avec les doigts.

FORCES, s. m. pl., terme de canuserie. — Sorte de ciseaux qui servent au remondage.

FORÇURE, s. f. — Effort, tension trop grande d’un muscle. Quand on s’est fait une forçure, il faut tout de suite aller chez le rhabilleur. Le père Tapard, de Bourgneuf, était très ennuyé parce qu’en battant sa femme il s’était fait une forçure.

FORJET, s. m. — Partie du toit qui dépasse l’alignement de la façade. — Subst. verbal de forjeter.

FORJETER, v. n. — Se dit d’un mur qui a perdu l’aplomb. Ce mur forjette, Se jette en avant. — Vieux lyonn. forgecter, projecter en avant de l’alignement. « Des tentes sur liteaux de bois qui se leveront de nuyt contre les murs sans être forgectées (1524, ap. Charvet). » — De foras et du primitif de jeter.

FORMANSES, s. f. pl. — Formes du raisin (v. ce mot). — De formantia, de formare.

FORME, s. f. — Nom de la grappe du raisin lorsqu’elle n’a pas encore fleuri. Forme, raisin déjà formé.

FORMETTE, s. f., terme de construction. — Partie de maçonnerie mince dans la largeur d’une fenêtre, et s’élevant du sol jusqu’à la coudière. — Évidemment de forme, mais la dérivation du sens ne se voit pas sans lunettes.

FORQUETTE, s. f. — Batelet en usage pour la pêche à l’épervier. Le devant est large et plat, et forme une sorte de lerrasse où se meut librement celui qui lance l’épervier. Vraisemblablement du nom d’un appareil de pêche, tiré lui-même de furca. Une sorte de harpon, en usage sur les bateaux, se nommait furculus.

FORTUNE. — Se faire dire la bonne fortune, Se faire dire la bonne aventure. Voici la bonne fortune qui me fut dite, quand j’avais vingt-deux ans, par l’excellente mère Crozier, d’Amplepuis, qui avait passé les quatre-vingt-cinq : Allons, ménat, faites voir votre main !… Hum, hum, vous avez ben t’ayu de bonnes amies !… Enfin, vous êtes ben gentil tout de même, pas méchant, je vois ça. Maintenant, dites trois fois : Qu’aurai-je tout l’an ?

— Qu’aurai-je tout l’an ? Qu’aurai-je tout l’an ? Qu’aurai-je tout l’an ?

— Le partus du c… puyant ! (historique).

Il y avait là des demoiselles. Je fus fort humilié.

À mon ême, bonne fortune, en ce sens, est excellent français, car la fortune de quelqu’un, aux termes du dictionnaire, c’est ce qui peut lui arriver de bien ou de mal.

FORTUNÉ, ÉE, adj. — Riche, qui a de la fortune. Le français fortuné, heureux, prend le mot de fortune au sens de bonne chance, le lyonnais au sens de richesse.

FOSSÉ. — À table, dans un grand diner, le petit Tintin, qui n’a pas eu de tourte, a l’air tout déconfit. La bonne mère s’en apercevant : Eh, mon pauvre Tintin, l’on t’a pris pour un fossé, l’on l’a sauté ! — Plaisanterie règlementaire.

FOUET. — Avoir le fouet, Recevoir le fouet, Recevoir la fessée. Le Guste, qu’avait manqué à sa m’man, a reçu le fouet. Le fait est que le gone, littéralement, n’a pas reçu le fouet en cadeau, mais il comprend tout de même.

FOUETTÉE, s. f. — « Dites fessée. » Il est vrai que fouettée n’est pas dans les dictionnaires, mais il est correctement fait sur fouetter, très exactement comme fessée sur fesser, et le terme est moins bas.

FOUILLERET. — Vent fouilleret. Se dit d’un de ces vents tourbillonnants qui se glissent sous les cotillons. Avant qu’il y eût des plaques de tôle aux parapets du vieux pont Morand, le vent fouilleret y était redoutable pour les dames ; d’autant plus que nos grand’mères ne portaient jamais de pantalons, ce qui, par parenthèse, était infiniment meilleur pour la santé. — C’est vent foliaret, vent tiède qui fait pousser les feuilles, détourné de son sens sous l’influence de fouiller, foliaret étant moins clair que fouilleret.

FOUINARD, s. m. — Rusé. Ce n’est pas la signification de l’argot.

FOUINASSE, s. f. — Celui qui fouinasse. — Subst. verbal de fouinasser.

FOUINASSER, v. n. — Fureter, espionner, tâcher de saisir les secrets. — De fouine. Le dérivé naturel serait fouiner. On a inséré la syllabe ass pour accentuer le caractère péjoratif.

FOULARDIER, s. m. — Ouvrier qui tisse les foulards.

FOURACHAUX, s. m. — Écervelé, ébravagé, qui fait des folies. Le Barnabé, pas méchant, mais un fourachaux fini. Un four à chaux ne peut manquer d’être échauffé. Sur cette formation comp. brûlôt, qui a aussi le sens de jeune fou.

Les ouvriers des fours à chaux de Vaise et de Saint-Clair jouissaient d’une mauvaise réputation méritée. (P. B.)

FOURCHE, s. f. — Angle que forment les deux cuisses. Quand j’étais gone, à Sainte-Foy, il me survint une enflure douloureuse à la partie inférieure du tibia. C’était sans doute une petite périostéite circonscrite, à la suite de quelque contusion passée inaperçue. On fit venir le père C…, vieil officier de santé qui, pour le choléra, croyait fermement à l’empoisonnement des puits par des gens payés par Louis-Philippe. Il diagnostique une tumeur en voie de formation, fait mettre des émollients, qui agirent comme un notaire sur une jambe de bois. Rien n’y faisant rien, on fit venir une rhabilleuse de Saint-Just, qui examina le mal longtemps, et déclara gravement que je m’étais fait un détour à la fourche (!!!). Elle me tiripilla la fourche pendant un bon quart d’heure, après quoi elle déclara que c’était remis. Mais il n’y eut de remis que la pièce de quarante sous qu’elle se fit remettre. — Enfin la bonne Nature fit la guérison, en dépit des médecins et des rhabilleuses. — Vieux français forcheure, même sens, de forche, fourche.

FOURCHETÉE, s. f. — Une fourchetée de salade, Ce qu’en peut piquer une fourchette. Interdit par les clercs. Et ils disent cuillerée, de cuiller, comme nous disons fourchetée, de fourchette ! (Littré a cependant admis fourchetée.)

FOURCHETTE, s. f. — Creux de l’estomac, Les côtes inférieures viennent en effet y former une fourche.

Avoir mal à la fourchette. Recevoir un coup de poing à la fourchette (très mauvais). — Vieux franç. forcelle. Au xviie siècle on disait encore la forcèle de l’estomac pour le creux de l’estomac.

Marquer à la fourchette. Se dit lorsque, au jeu, billard, dominos, cartes, etc., on marque plus de points que l’on n’en a fait. — De ce que, avec une fourchette, on fait quatre raies au lieu d’une. — Par extension, se dit d’articles exagérés dans un compte. Par exemple les maçons ayant l’habitude de la fourchette, ils portent communément : « Fourni 100 tuiles, » sous-entendu à diviser par 4.

FOURCHU. — Pied fourchu. Molard, en donnant cette expression, ajoute : « Droit qui se paye sur les bêtes qui ont le pied fendu ou fourché. Dites pied fourché. » L’Académie dit aujourd’hui : « Pied fourchu, pied fendu des animaux ruminants. »

FOURMIS. — Avoir les fourmis aux pieds, Y avoir des fourmillements. Dans l’expression lyonnaise, l’image est bien plus forte.

FOURRAGER, v.a. — Chasser bruyamment, chasser en frappant. J’ai fourragé le chat qu’était après mes canaris. — Dérivation de sens du français fourrager appliqué activement : « Fourrager un pays. » Nous l’avons appliqué aux personnes.

FOURVIÈRES. — Une vieille chanson lyonnaise à danser dit :

Vira ton c…

Du côté de Fourvières ;
Vira ton c…

Du côté de Saint-Just !

Ma pauvre mère me le chantait toutes les fois qu’elle venait pour me bailler un remède.

FOUT’ FOUT’. — Fout’, fout’, c’est le jurement des chats. Les chats ne péchant pas, on admet que jurer comme eux, ce n’est pas pécher.

FOUTAISE, s. f. — C’est de la foutaise, C’est une chose sans valeur. Tout ce que tu dis là, c’est des foutaises. Le bon Littré a admis fichaise, qui en est un diminutif. C’est peut-être étendre un peu trop loin pour le français les devoirs de l’hospitalité.

FOUTIMASSÉ, ÉE, adj. — Je suis tout foutimassé, ce matin, Je me sens mal en train, mal disposé. Il est un peu bas, et il est mieux d’employer nos bonnes vieilles expressions lyonnaises : « J’ai la v… du, etc. tournée, » ou d’autres de ce genre.

FOUTRAU, s. m. — Tumulte, violences, coups. Eh ben, as-tu vu ce foutrau à la Chambre ? — Le foutrau était un ancien jeu de cartes où les as se livraient combat. — L’origine est évidemment le verbe f… Foutrau, action de se f… des coups.

Il a pris son foutrau. Se dit de quelqu’un qui s’emporte brusquement.

FOUTRAUD, AUDE, s. — Benet, caquenano. Même origine que le précédent, mais f… n’a ici qu’une signification méprisante. Comp. f… bête.

F…ICHER, F…ICHU. — S’emploient dans diverses locutions. — Au sens de fait. Il ou elle est bien f…ichu à ma fantaisie. Se dit d’un joli tableau, d’une jolie femme,

Au sens de capable : Il n’est pas f…ichu de le faire.

Avec mal, signifie mal disposé, souffrant. Je me sens tout mal f…ichu ce matin.

Se substitue à mettre, faire (voy. faire). Nous nous en sommes f…ichu pour nos trente sous chacun, mais aussi nous avons bien dîné !

M. Allumbert, le grand ami de mon grand, avait de belles qualités : il était fort bonhomme, bon buveur (il buvait ses quatorze pots par jour), mais coléreux. Il fit une maladie. En ce temps l’on n’avait point de sœurs du Bon-Secours, mais des garde-malades, la plupart du temps bonnes gaillardes. Un jour que la garde voulait lui faire prendre un lavement, il s’emporta et lui dit violemment : Allez vous faire f… ! À quoi la garde de répondre avec douceur : Allez-y vous, Monsieur, moi j’en viens.

Au sens de donner : Je vous f…iche mon billet que… (voy. billet).

FOYÈRE, s. f. — Dalle mince et longue, en pierre polie ou en marbre, placée au devant d’un foyer de cheminée.

FRACTURER. — Molard repousse l’expression fracturer une porte, et, en effet l’Académie n’admet fracturer que comme terme de chirurgie. C’est un comble, suivant l’expression à la mode ; mais Littré dit très bien, sous une forme générale : « Fracturer, rompre la continuité d’un corps solide. »

FRAÎCHE. — À la fraîche, qui veut boire ? Cri des marchands de coco. Dans cette phrase, fraîche est une curieuse « substantialisation » de l’adjectif. Comp. à la forcée (voy. ce mot).

FRAICHEURS, s. f. pl. — Rhumatismes. J’ai de douleurs dans le cropion. — C’est des fraicheurs. On dit aussi Prendre des fraicheurs, pour prendre des rhumatismes. — Métonymie du premier genre, la cause pour l’effet.

FRAISES :

\relative c'' {
  \time 4/4
  \omit Staff.TimeSignature 
  \omit Score.BarLine
  \stemDown
  \key g \major 
  d2. g4 d1
  d4 b g a b1 b4
  \undo \omit Score.BarLine
  \bar "|."
}
\addlyrics {
  Frai -- ses fraich’ ! Oh, les bel -- les frai -- ses !
}

Notre sieur Marius Bardoire, de l’Académie, me communique une autre version du cri probablement plus moderne :

\relative c'' {
  \stemUp
  \numericTimeSignature
  \time 3/4
  d2 e4
  d2 e8 r
  \time 2/2
  e2 d
  c2. d4
  d2 d8 r
  \bar "|."
}
\addlyrics {
  Fraise, ô frai -- se, ô les bel -- les frai -- ses !
}

Nos plus jolies fraises viennent des bois de Courzieux.

Jadis il m’arrivait quelquefois de déjeûner au café de la Perle. Un jour, amenant un ami pour déjeûner, j’avise un joli panier de fraises. Tiens, fis-je, déjà des fraises ! — Oh ça, reprit le garçon en clignant finement de l’œil, ça n’est pas dans vos prix ! Ces garçons de café sont malhonnêtes.

FRANC, ANCHE, adj. — Franc comme l’or. Se dit de quelqu’un de très franc, de très sincère. L’or est souvent pris comme symbole de chose parfaite.

Franc comme l’osier. Ici, j’ai plus de peine à comprendre l’idée. Est-ce parce que l’osier ne se greffant pas, il est toujours franc de pied ?

Franc de collier. Humbert exige qu’on dise franc du collier. C’est bien chercher les poux parmi la paille. Littré donne en exemple « cheval franc de collier ». Comp. franc de pied.

FRANC, adv. — Tout à fait, entièrement. Ce vin est franc bon… La roue a passé franc à côté de ma jambe.

FRANCE. — À la nouvelle France, À la nouvelle mode. Il s’est fait bâtir une maison à la nouvelle France. Cette expression, fort répandue en 1830-1840, alors que les Romantiques prenaient le nom de Jeune France, me semble tombée en désuétude, comme souvent les expressions nées d’une circonstance.

FRANCHICOTER, v. n. — Parler avec affectation et en beau français. Le Jacquot a beau franchicoter i sera toujou le fils d’un canut. — Fait sur français avec un suffixe péjoratif de fantaisie.

FRANDE, s. f. — Corde qui sert à attacher le chargement des voitures. — De funda, fronde.

FRANGIN, s. f. — Compagnon, camarade. Ce mot, que les petits journaux ont essayé d’acclimater dans le langage guignol, n’est pas lyonnais ; il est emprunté à l’argot des voleurs. C’est une formation fantaisiste sur frare, frère.

FRAPPER (SE), v. pr. — Se croire atteint d’une maladie qui entraine la mort. Le pauvre père Melasse est pormonique ; i se frappe, et manquablement ça le rend plus malade. — Se frapper, sous-entendu l’imagination.

FRÉNÉTIQUES. — Avoir des coliques frénétiques. Dieu vous en préserve ! — Métathèse de néphrétique.

FRÉQUENTER, v. a. — Se dit des visites que l’on fait à une personne que l’on doit épouser prochainement. Il s’entend donc spécialement du bon motif. Cependant, par exception, on dit quelquefois d’un garçon et d’une fille : Ils se sont fréquentés avant de se marier, Ils ont fait la Trinité avant Pâques.

FRÉQUENTATION. — Être en fréquentation. Se dit d’un garçon qui fréquente une fille avant de l’épouser. Bouquet de fréquentation (voy. bouquet).

FRESILLE, s. f. — Menus branchages de bois mort que l’on ramasse par terre dans les bois. Faire une fresille. Au fig. Au diner de noces, j’ai pris de pâtisseries, de bonbons pour la Fine. J’ai fait ma petite fresille.

FRICASSÉE. — Une fille qui a les yeux tournés à la fricassée. Se dit d’une fille de tempérament amoureux. Ainsi quelqu’un qui a un grand appétit tourne volontiers les yeux du côté du fricot.

FRIGOUSSE, s. f. — Fricot. Allons, la Nanette, fais-nous de bonne frigousse, nous ons une faim canife ! — J’ai toujours pensé que la mère Brigousse devait une bonne partie de son succès à sa belle rime avec frigousse. Mot de fantaisie dont fricot est la souche.

FRINGALE. — Molard proscrit ce mot qui, en effet, n’était point de son temps au dictionnaire de l’Académie. Mais il s’est introduit dans l’édition de 1835. Ainsi les nouveautés prennent-elles place dans la maison en attendant qu’on les en chasse comme des vieilleries.

FRINGALER, v. n. — Se dit d’une voiture dont les roues glissent de côté par le verglas ou toute autre cause. — Il semble bien que la première partie du mot soit frein. Mais la seconde ? Est-ce le vieux français galler, frotter ? Fringaler, d’un frein qui frotte, qui glisse.

FRISER. — Friser comme la rue Longue, etc. Voy. cheveux.

Se dit de l’eau qui gèle légèrement et qui n’est pas à l’état uni. L’eau frise ce matin. Voy. crêmer, crêper.

Frisé comme un chou. Se dit de ces gens qui ont les cheveux en astrakan.

FRISETTES, s. f. pl. — Se dit des boucles de cheveux que les femmes font tomber sur leur front ou sur leurs tempes ou quelquefois sur leur cou. Qué jolies friseltes que vous avez, Mamezelle Mélina !

FRISEUR, s. m. — Friturier. Philomène, va m’acheter pour deux sous de merluche chez le friseur ! Chez nous les friseurs sont toujours vitriers. Pourquoi ? Quelle est la liaison mystérieuse entre ces deux professions ? « Insondable mystère ! » a dit le grand Hugo. — De plus, nos friseurs sont tous Piémontais. Mais grâce au progrès de l’instruction, ils ont pris un moyen terme entre le pur lyonnais friseur et le français friturier, et l’on peut lire sur un bout de carton appendu au-dessus de la poêle ; Malagutti (ou tout autre nom en i), friteur, pose les vitres à domicile.

FRISONS, s. m. pl. — 1. Le même que frisettes.

2. Copeaux. À la maison l’on ne connaissait pas frisons. L’on disait toujours écoupeaux.

FROID. — Nous le faisons féminin. La froid pique. Nous avons enduré la froid.

Ramasser froid, Prendre froid, Prendre un coup de froid, Prendre un refroidissement.

Prendre un froid et chaud. Mauvaise maladie. Le Père Petavet ne fait que tousser. —— C’est un froid et chaud. — Faut lui mettre un emplâtre de la rue Saint-Jean.Froid et chaud est une métathèse pour chaud et froid, seul employé par les personnes qui ont étudié la médecine.

Étre en froid avec quelqu’un, Être en délicatesse. Je ne sais pourquoi cette charmante locution ne figure pas dans les dictionnaires. L’Académie a celle-ci, bion plus bizarre : « Faire froid à quelqu’un. »

La froid va piquer, les étr… fument. Phrase que vous ne manquerez jamais à dire en passant devant un gone qui fume. Vous êtes sûr de lui faire plaisir.

Il est comme les mauvaises bêtes, il prend chaud en mangeant et froid en travaillant. Voy. chaud.

FROMAGE. — Fromage blanc (voy. claqueret), Fromage mou fait avec du lait de vache.

Fromage fort. C’est un fromage à l’état pâteux, de goût très monté. J’ai teté jusqu’à trois ans de lait qu’était épais comme de fromage fort, me disait un jour un Hercule, à la vogue de la Croix-Rousse. Ce fromage n’étant pas d’usance à la maison je me suis adressé, pour en avoir la recette, à mon excellent ami Claudius Porthos, qu’à cause de se stature, comparable à celle d’Ajax, et de ses muscles puissants, nous avons surnommé « le Rempart de la Croix-Rousse ». Je ne saurais mieux faire que de transcrire sa réponse ; elle est d’un homme congruent en la matière.

« Il y a fromage fort et fromage fort. Celui de la Bresse et du Dauphiné est assez primitif. On prend du fromage de vache, qu’on a fait préalablement sécher entre deux linges sur la braise ; on le met dans un pot de terre, et on le broie en le mouillant avec du bouillon de porreau, plus ou moins assaisonné de beurre frais. On le recroit en ajoutant du fromage et du bouillon. C’est l’enfance de l’art. Voici le vrai fromage fort de la Croix-Rousse :

« On achète une livre ou deux de fromage bleu bien fait ; on enlève la croûte et on le met dans un pot de terre. Il faut vous dire qu’il est important de prendre du fromage gras, dépourvu de vesons, qu’à l’Académie française ils appellent des asticots. Non que l’asticot soit à dédaigner par lui-même, mais comme celui-ci périt nécessairement dans le fromage fort, étouffé par les vapeurs de la fermentation, il devient peu ragoûtant. Ce n’est plus l’asticot aux tons d’ivoire, bien en chair, appétissant, qui gigaude sur l’assiette, et qu’on savoure avec délices, mais une espèce de pelure grisâtre : ce je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue, dont parle Bossuet. Le fromage bleu est alors arrosé de vin blanc sec et bien pitrogné avec une cuillère de bois. Lorsque la pâte est à point, on râpe du fromage de chèvre bien sec avec une râpoire, et on l’ajoute au levain jusqu’à ce que le pot soit à peu près plein. On continue de mouiller avec le vin blanc. Le fromage fort est fait !

« On le recroit, à mesure que le pot se vide, toujours avec du fromage de chèvre râpé et du vin blanc sec. De temps en temps, lorsqu’on s’aperçoit qu’il devient moins gras, on verse dessus un bol de beurre frais qu’on a fait liquéfier au four. Il ne faut pas que le beurre soit trop chaud.

« Première remarque importante : Ne jamais mouiller le fromage avec du bouillon, ce qui lui donne un goût d’aigre.

« Deuxième remarque importante : Brasser tous les jours le fromage avec une cuillère de bois.

« Un grand pot ainsi préparé et entretenu convenablement dure depuis l’automne jusqu’à l’été.

« Vous le voyez, un pot de fromage fort, bien réussi, vaut seul un long poème. Aussi une ménagère soucieuse n’oublie-t-elle jamais, au printemps, d’en conserver un petit pot pour l’hiver suivant. Elle remplit celui-là aux trois quarts, fait fondre une livre de beurre, et le verse presque froid sur le fromage. Elle descend ensuite le pot à la cave. Cette couche épaisse de beurre fondu est placée là à seule fin d’empêcher l’air extérieur de petafiner le fromage fort. On entretient ainsi le ferment sacré avec une piété jalouse qui rappelle celle des prêtresses de l’antiquité conservant le feu sur l’autel de Vesta. Je connais une famille à Fleurieu-sur-Saône, où le fromage fort est conservé depuis 1744. Lorsqu’une fille se marie, elle reçoit avec la couronne de fleurs d’oranger le pot précieux qu’elle transmet à ses enfants. Si, dans beaucoup de familles, le fromage fort ne remonte pas même à un siècle, il faut l’attribuer aux horreurs de 93, qui firent tout négliger. »

Fromage raffiné. Se dit des fromages du Mont-d’Or, lorsqu’ils sont avancés, bien gras, qu’ils coulent un peu et surtout qu’ils emboconnent fortement.

Fromage de geai. Voy. geai.

Fromage de Marolles. Durant mon enfance entière, chaque soir, toutes les rues de Lyon retentissaient de ce cri proféré sur une mélopée plaintive qui m’attristait : Fromage de Marolles ! D’autres criaient simplement :

\relative c'' {
  \stemUp
  \omit Staff.TimeSignature
  \omit Score.BarLine
  \time 4/4
  b2 a4 b2 a4
  \undo \omit Score.BarLine
  \bar "|."
}
\addlyrics {
  Ma -- rol’ Ma -- rol’ !
}

Mais quoi ! le fromage lui même a son destin. Vous demanderiez aujourd’hui du fromage de Marolles dans tous les restaurants de Lyon, que nul garçon ne saurait ce que c’est. Je n’en ai jamais mangé et ne sais même lequel des nombreux Marolles était le père de ce produit. Mon ami Porthos me dit que c’est un fromage carré, d’environ dix centimètres de côté ; que l’on en mange encore à la Croix-Rousse, mais moins qu’autrefois, et qu’il est moins bon.

Le fromage de Marolles est toujours en honneur dans le Nord, mais on l’appelle Maroilles (Maroiles, sans mouiller les l, conformément à le prononciation flamande). Maroilles est un village de l’arrondissement d’Avesnes, où se fabrique ce produit de forme carrée et de saveur aiguë.

FRONCER. — Nous l’employons au neutre. As-te vu la Bélonie que porte maintenant de collerettes que froncent ! Si y a pas de quoi faire suer la volaille !

FROUILLE, s. f. — Action de frouiller. La frouille revient à son maitre. Proverbe que l’on applique au joueur qui perd en dépit de ses frouilles ou de ses tentatives de frouille.

FROUILLER, v. n. — Tricher au jeu. Dans notre Midi, ceux qui tiennent les cafardières électorales frouillent toujours. Ils y fourrent des bulletins attenant.

FROUILLON, ONNE, s. — Celui ou celle qui frouille. Joue don pas avè le Philibert : c’est un frouillon. — Sur cet emploi du suffixe on, comp. barbouillon, souillon, sansouillon.

FRUIT. — Madame, prendrez-vous un fruit ? Lecteur, tu viens de commettre un solécisme : il faut dire du fruit. Mais tu diras : « Prendrez-vous une pêche ? » — Voilà ce qui s’appelle le fin du fin.

FUFU, s. m. — Étoffe sans consistance, très légère, qui ne vaut rien. C’te robe que t’as achetée là, c’est du fufu. — La racine fu, dans quantité de dialectes, exprime la vileté, le mépris qu’on a d’une chose. Comp. notre interjection phu !'

FUMANT, s. m. — Acide muriatique dilué dans environ six parties d’eau, que les épiciers vendent aux ménagères et qui fume en effet quand on le vide d’un vase dans un autre. On le nomme encore esprit de sel. On s’en sert au moyen d’une patte qu’on a mise au bout d’un bâton et qu’on trempe dans le liquide, parce que, en touchant avec les doigts, on se bûclerait. Avec cela on nettoie, parlant par respect, les cuvettes des commodités, que, c’est une merveille. Va don acheter pour deux sous de fumant pour te décochonner le groin ! Agréable plaisanterie qui, dans le grand monde, se dit à une personne dont le visage n’est pas d’une propreté absolue.

FUMELLE, s. f. — Femme, avec un sens ordinairement péjoratif. J’ai rencontré Cochonaud à la brasserie. Il était avè une fumelle. — De femella.

FUMER. — Fumer sa pipe ou simplement fumer, Être mécontent, rager en dedans. Le brave Baptiste, dont j’ai raconté l’histoire (voy. Baptiste), disait à mon oncle Cadet : Le compagnon, qu’il était parti, quand i m’a vu promener avè ma fenne le dimanche d’après à Saint-t’Ir’née, que nous n’étions pas brouillés pour ça, c’est lui que fumait !! — L’idée est-elle que celui qui est de mauvaise humeur avance les lèvres comme celui qui fume ?

Tant que la barbe en fume, Tant que dure dure, indéfiniment. I deviont monter la tour Pitrat tant que la barbe en fume, mais elle a abousé en route.

La froid va piquer, les étr… fument. Voy. froid.

FUMERONS, s. m. pl. — 1. Tisonnasses, morceaux de charbon de bois qui fument sans brûler.

2. Jambes. J’arrive de Saint-Syphorien par la voiture des frères Talon ; j’ai mes fumerons que me rentrent dans le ventre.Un fumeron long et mince peut assez bien figurer une jambe dans un pantalon noir.

3. Se dit des gones qui fument. Dans un bureau de tabac, en voyant un gone acheter une cigarette : Tiens, un fumeron ! On disait bien que le charbon de bois ne valait rien cette année !

FURON, s. m. — 1. Anneau. Tout le monde connait le jeu du furon, où l’on fait glisser un anneau dans une chevilière en chantant : Il court, il court le furon… Il a passé par ici, — Le furon du Bois joli… Furon signifie ici furet ; mais on a, par confusion, donné le nom de furon à l’anneau lui-même. Qui est-ce qui prête un furon, l’on va jouer !

2. D’anneau le nom s’est étendu symboliquement : Tourne ton petit furon, que je te donne un bouillon pointu, disait à son mami une bonne mère que j’ai bien connue.

FUSER, v. a. — Faire dépérir. Le pauvre père Bousard s’en va, c’est le chagrin que le fuse.Se fuser, dépérir. Quand on est vieux, l’esprit se fuse.

FUSIL. — Se taper le fusil, se bourrer le fusil, Manger fortement. Je sons allés au banquet électorable. Y en avait qui fesiont des discours. Nous, je nous sons tapé le fusil à en faire partir la culasse.

Prenez garde, son fusil écarte. Se dites personnes qui ont des dents de devant qui leur manquent, et par ainsi envoient des éclats de salive en éventail.

FÛT (fut’), s. m. — Tonneau. Autrefois beaucoup de personnes le faisaient féminin : Une fûte. Aujourd’hui je crois bien qu’en partie tout le monde le fait masculin. J’ai acheté un fût de Brindas. I m’a pas coûté cher, mais on peut pas le boire. Comme ça, c’est économe : on voit pas la fin des bouteilles. — De fustem. Le nom de la matière dont il est fait s’est étendu à l’objet lui-même. Comparez sapin = fiacre.

Sentir le fût, Avoir quelque chose à se reprocher. Le père Gripassier y est un brave homme ? — Hum, hum, i sent ben un peu le fût. Comparaison avec le vin qui a pris le goût du tonneau.