Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Lettre J

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Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 201-206).
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J


JABOT. — Faire jabot, Se rengorger. Piquerneux a-t-hérité de huit cents francs de son oncle. Ça lui fait faire jabot.Se donner du jabot, même sens. L’idée est-elle : faire comme les dindons qui rentrent leur cou en faisant avancer leur jabot ? Ou bien : porter le jabot, comme les seigneurs au xviiie siècle ?

JACOBINE, s. f. — 1. Petite chambre sous les toits. La maison a deux étages et des jacobines.

2. Petite fenêtre au dernier étage. Il a passé la tête par la jacobine. Le sens 2 est un dérivé de 1. Jacobine représente vraisemblablement « cellule de Jacobin ». Une chambre petite comme une cellule ; celles des Jacobins, moines mendiants, devaient particulièrement être modestes.

JACQUARD, s. f. — Une jacquard, abréviation de Une machine à la Jacquard.

Faire une chose à la Jacquard, la faire avec des moyens abrégés, très rapides. L’expression est devenue surannée et l’on dit aujourd’hui faire à la vapeur. Je suppose que demain l’on dira faire à l’électricité.

JACQUARDIER, s. m. — Canut en façonné. — De Jacquard, cela se voit oculiquement.

JACQUES, s. m. — Geai. Y a Brigolat qu’a acheté un Jacques pour se tenir compagnie. — Naturablement le Jacques est le parent de la Margot. Le populaire aime à donner aux animaux des noms de chrétien : le martin (l’âne ou le bouc suivant les pays), le martinet, comme qui dirait le petit Martin ; la margot, la pie ; le Jacquot, le perroquet.

Le chemin de Saint-Jacques. Voy. chemin.

Faire le Jacques, Faire le niais, l’imbécile. Les noms propres ont été souvent pris pour synonymes de niais ; comp. battre Jeannot.

JACQUET, s. m. — « Jeune domestique, dites jokey (sic), mot anglais », écrit Molard. Il ignorait que les Lyonnais parlaient très bien, et que ce sont les Anglais qui, en nous empruntant le nom de jacquet, l’ont estropié en jockey. Jacquet a disparu, et jockey ne s’emploie plus qu’en langue du turf. — Il faut du reste éviter l’usage de ces mots étrangers, qui nous estropient la langue et nous exposent à des pataquès. J’avais un jour présenté à une dame un jeune homme de mes amis, à coupe britannique. Comment le trouvez-vous ? disais-je à la visite suivante. N’est-ce pas qu’il a l’air d’un gentleman ? — En effet, me dit la dame, il a tout à fait l’air d’un gentil mâle. Éviter aussi de se donner du genre, comme une dame (j’ai vu la lettre) qui avait lancé des billets d’invitation ainsi conçus : Mme X… a l’honneur d’inviter Mme Z… pour mardi, à un five o’clock à quatre heures.

JACQUETTE, s. f. — C’était un tout petit, tout petit triangle de grosse toile qui, aux bèches, remplaçait le caleçon et faisait l’office de feuille de vigne. À chaque pointe était attachée une sifelle. Celles de devant s’attachaient autour du corps de manière à former ceinture et celle de derrière, passant entre les cuisses, venait s’attacher aux reins. De mauvais plaisants faisaient semblant de se tromper et mettaient la jacquette par derrière. C’était une source d’inépuisables plaisanteries. Il y avait toujours sur le pont des jeunes filles qui, accoudées au parapet, contemplaient les baigneurs. Le père Marmet, le borgne, leur criait des gognandises, en leur offrant de leur mettre des jacquettes.

L’administration des bèches prêtait gratuitement ce bouclier de la pudeur. Mais une ordonnance de police prescrivit de remplacer les jacquettes par des caleçons. Sous l’influence anglaise, nous sommes devenus de plus en plus pudiques, à l’extérieur (pour certaines choses seulement). Je suis frappé de la liberté de manières qui existait jadis (voy. par exemple innocents) ; et à côté de cela il y avait vingt fois moins d’attentats à la pudeur, vingt fois moins d’enfants naturels et le crime passionnel était inconnu. Nous ne sommes que des sépulcres blanchis.

JAMBE. — Il n’y a pas tant de mal qu’à la jambe de l’autre, Le mal n’est pas irréparable. Il paraît que cet « autre » avait la jambe bien endommagée.

Ça me fait belle jambe. Se dit ironiquement à propos d’un honneur ou de toute autre chose qui ne vous rapporte rien. Tous mes compliments pour votre nomination de chevalier de la Pastonade agricole ! — Ça me fait belle jambe ! — Dans ma jeunesse, il y avait une honorable maison de commerce dont la raison sociale était Pascalon et Bellejambe. On disait toujours : Ça me fait Bellejambe et Pascalon.

Avoir les jambes en manches de veste (très usité), Les avoir médiocrement rectilignes.

Avoir les jambes en septante-sept, Les avoir toutes les deux jetées du même côté.

Avoir les jambes en paragraphe (§§), Même sens.

Avoir les jambes en pieds de banc, Les avoir jetées à droite et à gauche.

Avoir les jambes en parenthèses, Les avoir arquées.

Avoir les jambes en compas d’épaisseur, Même sens.

JAMBÉ. — Il est bien jambé, Il a la jambe bien prise, fortement musclée. Molard ne l’admet pas, mais tous les Lyonnais l’admettent.

Jambé comme un coq. Se dit de quelqu’un dont le mollet n’est pas exagéré.

Jambé comme une girafe, Même sens.

JAMBEROTTE. — Sauter à la jamberotte, Sauter sur un pied. — De gamba rupta, jambe rompue.

JAMBETTE, s. f. — Parlant par respect, Morceau de cornet en terre, destiné à conduire la colombine de personne, du siège des commodités dans la culotte (voy. ce mot).

JAMBONS. — Se dit quelquefois d’autres jambons que ceux du porc. À cordier, j’ai parlé du très digne abbé Ponthus, vicaire à Saint-Bonaventure au temps du curé Pascal, et le meilleur ami de mon père (c’est lui qui m’a baptisé). Il aimait à gosser comme pas un. Revenant un jour par la voiture de Meyzieu, il avait devant lui une énorme femme de campagne qui portait un jambon. Arrivée près de l’octroi, l’énorme femme voulut cacher son jambon pour ne pas payer d’entrée, et à cette fin, elle s’assit dessus. Vient le gapian : Ces messieurs et dames n’ont rien à déclarer de sujet aux droits ?Rien, répond tout le monde. Au moment où le gapian va pour se retirer : Pardon, M. le préposé, fait M. Ponthus, cette dame a deux jambons sous elle ! La bonne femme de rougir jusqu’au blanc des yeux, mais ce n’était peut-être pas de pudeur. — Oh, ceux-là, fit le gapian en souriant finement, nous ne les saisissons pas !

JANOT. — Battre Janot, Donner de mauvaises défaites, radoter, parler en bajafle. J’y ai dit avec fermeté à Pistolet : « C’est-i vrai ça qu’on dit, que te vois ma femme ? » Alors il a battu Janot. J’y ai plus rien dit, j’ai vu que ça lui faisait de la peine. — L’idée est certainement « agir, parler en Janot (Janot en vieux français égalait caquenano ; comp. Jocrisse) », mais pour- quoi « battre » ?

JAPPE. — Avoir bonne jappe, Avoir bonne langue, Être éloquent. M. Glapissant, l’avocat, est-ce un grand talent ? — Oh, je crois ben, il a bonne jappe ! I te vous parle deux heures sans moucher ni cracher.

JAPILLER, v. n. — Bavarder, Parler avec volubilité et inconsidérément. — C’est japper, avec le suffixe fréquentatif iller.

JAPPILLAGE, s. m. — Bavardage, sots contes. Voyons, vas-tu te fâcher pour ça ? Te sais bien ce que c’est que le jappillage des femmes !

JAQUILLER, v. a. — Jacasser, bavarder d’une façon fatigante. — Fait sur jaque, jacques (voy. ce mot).

JARDIN. — Le Jardin de la France. Voy. Guille.

JARDINAGE, s. m. — Hortolage, légumes. On ne peut pas faire un bon diner sans jardinage.

JARDINIÈRE, s. f. — Taupe-grillon, grillotalpa. — De jardin, avec le suffixe ière, comme courtilière de courtil.

JARDU, s. m. — Homme sale, dégoûtant. Il est devenu suranné, mais est encore en usage à Rive-de-Gier. Les jardus de la Grenette. C’était un vieux dicton qui n’avait sans doute d’autre origine, sinon que la plupart des quartiers avaient leur sobriquet injurieux. — Probablement de jarde, tumeur phlegmoneuse au jarret du cheval. Le jardu, primitivement, était celui qui avait des ulcères aux jambes, auxquelles le populaire attribuait un caractère syphilitique. De là le sens s’est étendu à homme malsain, dégoûtant.

JARLOT, JARLON. Voy. gerlot.

JASERON, s. m. — Chaîne d’or à plusieurs rangs que les femmes se mettaient autour du cou. On connaissait la dot d’une fille au nombre des rangs. Je me rappelle encore le jaseran (c’est le nom dans nos campagnes) de ma nourrice, avec sa belle plaque, qui me tirait les yeux. Primitivement jazerenc était un adjectif qui signifiait de mailles. Trestut le cors et l’osberc jazerenc, « tout le corps et le haubert à mailles ». (Roland, v. 1604). Puis jazerenc est devenu un substantif qui a servi à désigner le haubert. Au temps de Rabelais, il avait déjà notre signification. « Les patenostres, anneaux, jazerans, carcans estoient de fines pierreries. » — De l’espagnol jazarino, algérien.

JEAN BROCHE. — Surnom donné aux petits garçons. Jean (lors même qu’il s’appellerait Magloire) Broche (lors même qu’il s’appellerait Bousinet), va donc m’acheter pour deux sous de tabac ! — À la maison quand on n’appelait pas Lustucru (c’était moi), ou bien Coco (c’était moi), on appelait Jean Broche (c’était moi). — De broche, objet fluet et petit.

JEAN-DU-SIAU, s. m. — L’annulaire (voy. cortiaud).

JETER, v. n. — Suppurer, en parlant d’un abcès, d’une plaie. Sa postume jette. — C’est l’abréviation de jeter de borme (v. borme).

Ne pas jeter les épaules de mouton par la fenêtre, Voy. épaule.

JETU, s. m. — Instrument composé d’une poche au bout d’un long manche, et dont on se sert pour couler la lessive. « Un gettoir de lissive, » dit un Invent. de la Manécanterie, de 1633. — De jeter, avec le suff. u, représentant orem.

JEU. — Ce n’est pas de jeu. Se dit de toute chose non loyale. C’est le foul play des Anglais.

JEUDIS. — La semaine des quatre jeudis. Cela vaut autant à dire comme en mil huit cent jamais. Je le savais et pourtant cette semaine des quatre jeudis sonnait à mon oreille comme un idéal merveilleux, après lequel je soupirais sans espérer de l’atteindre ! Toute notre vie, hélas ! se passe à attendre la semaine des quatre jeudis.

JEÛNE. — Jouer à la jeûne. Si vous êtes trois, par exemple, à jouer aux gobilles à poque avant pot, il y en a un, compréhensiblement, qui restera le dernier à faire son pot. À celui-là les autres ont le droit de tirer sur sa gobille en tenant le poing au bord du pot. Tant que sa gobille est ainsi chassée, on dit du gone qu’il « jeûne ». Jouer aux gobilles avec cette condition, c’est jouer à la jeûne. — Jeûne est un subst. verbal de jeûner.

JICLE, s. m. — Couleuvre à collier, coluber natrix. — Un bâton recouvert de la peau d’un vieux jicle. — Subst. verbal de jicler, à cause des mouvements brusques et convulsifs du jicle, qui jaillit, pour ainsi dire, en s’élançant.

Malin comme un jicle. Se dit de quelqu’un de vif, qui se rebiffe facilement. Cela ne veut pas dire méchant, car le jicle est inoffensif. Me mère disait : Lustucru n’est pas méchant, mais il est malin comme un jicle.

JICLER, v. n. — Jaillir avec force. J’ai mis mon clapoton dans n’un gaillot, que l’eau m’en a jiclé jusqu’au cotivet. — Du germanique geis, mouvement violent ; d’où les geisers d’Islande, sources jaillissantes.

JICLETTE, s. f. — Faire la jiclette, dans le langage des gones, c’est pomper (ou tirer la soupape de la borne-fontaine) d’une main et, bouchant de l’autre l’orifice de sortie, diriger des jets d’eau sur les gones présents, voire sur les passants. C’est très amusant, encore bien qu’on y coure quelquefois le risque d’un coup de pied au bas de la Grand’Côte.

JIDAS, s. m. — Parlant par respect, Document humain. Ce mot est surtout usité chez les mariniers. L’un d’eux me racontait qu’en sortant de son bateau il avait glissé sur un jidas. — De Judas, considéré comme le type de la traitrise, soit parce que le document humain fait glisser, soit simplement parce qu’il souille sans qu’on s’en aperçoive.

JOINT, JUINT, s. m. — Graisse. S’emploie presque exclusivement dans l’expression : De vieux joint, De la vieille graisse : « Barnadine les fesait (les matefains) avè de vieux joint et un lichet pour l’économé. » (Oraison funéraire.).— Que don que t’as mangé, que ton flat a le goût devieux joint ? — C’est de beurre que nous a porté mon oncle le pojau. — D’unctum, franç. oing.

JOINTE, s. f. — Roquet de jointe, terme de canuserie. — C’est un roquet d’organsin, enfilé à une corde au-dessus de la longueur, et qui sert, quand on remonde, à appondre les fils cassés.

JOINTER, v. a., terme de construction. — Jointoyer. Il semble bien que la forme jointer a dû précéder jointoyer, qui en est un fréquentatif.

JOLI. — Un joli enterrement. Voy. enterrement.

Joli comme un petit cœur. Comparaison aimable qu’on n’applique pas ordinairement aux vieilles femmes.

Faire le joli cœur, Faire l’aimable, le sémillant, le spirituel. Cette locution doit appartenir au français populaire.

JOLIMENT. — Cette dame est joliment laide ! Ça semble drôle, mais tout le monde comprend. Dans beaucoup de cas, joliment est pris pour synonyme d’ecxrêmement.

JORDONNE. — Une madame Jordonne, Une qui veut toujours tout diriger, tout ordonner. Je crois bien que cela se dit partout, (Nana régnait sur ce tas de crapauds ; elle faisait sa mademoiselle Jordonne. Zola) ; mais ce qui est peut-être plus original, c’est :

JORDONNER, v. n. — Faire la madame Jordonne. Te sais ben comme est mame Torgniolet, elle veut toujours jordonner. Elle a dit comme ça à la Jacqueline : « I te faut pus y avoir d’enfants ! » et la Jacqueline y a dit : « Vous dites ça parce que votre homme vous trouve trop laide pour vous n’en faire. »

JOSEPH (SAINT). — Les saints eux-mêmes ont leur destin. Vous ne sauriez, dans toutes les cathédrales du xiiie siècle, rencontrer une chapelle dédiée à saint Joseph, et, aujourd’hui, la dévotion à saint Joseph vient immédiatement après la dévotion à la sainte Vierge. J’étais un jour à Saint-Denis, dans la chapelle de saint Joseph. J’avais devant moi un bon canut qui, se croyant seul, faisait sa prière à voix assez haute pour que je l’entendisse : Grand saint Joset, patron des maris, faites-moi la grâce que, si je le suis, ça soye sans le saxoir ; si je le sais, que ça soye sans le voir ; et, si je le vois… eh bien… donnez-moi patience !

JOUES. — Des joues, parlant par respect, comme les fesses d’un pauvre homme. Voy. c…

JOUIR. — Ce sale gone nous fait tourner en bourrique : pas moyen d’en jouir ! Voyez chaver.

Jouir d’une mauvaise réputation, d’une mauvaise santé. C’est jouir, au sens de possession avantageuse, dérivé au sens général de possession.

JOUR. — Jour sur semaine, Jour ouvrable. Quel jour sons-nous ? — Le quatorze. — Je pourrai rendre le vingt. — Faut voir sur l’armana si c’est un jour sur semaine.

Quel jour sommes-nous du mois ? Abréviation de « À quel jour ».

Un grand jour se prépare. Ingénieux calembour pour prévenir un ami que sa culotte commence à se trouer au derrière.

Jour ou non. — Musardinet n’est pas un rossard. I se lève toujours à dix heures, jour ou non.

JOURNAL. — Lire le journal. La même chose que Lire la Gazette. Voy. ce mot.

JOURNALIER, adj. — Être journalier, Être ci ou ça, suivant les jours. En partie tous nos hommes à grand talent, nos grands poètes, sont journaliers. Un jour ça vient, un jour ça ne vient pas. Neque semper arcum tendit Apollo.

JOURNÉEIl a fait ce commerce toute la sainte journée, pour Toute la journée. — Ce n’est point un simple pléonasme, car sainte est ici singulièrement renforçant. Mais pourquoi ce qualificatif sainte plutôt que tout autre ?

Aller en journée, Aller à ses journées, Aller au dehors travailler à ses journées. Qui qu’i marie le Laurent ? disait un jour notre voisine. — Euh, fit la bourgeoise, une fille qui va à ses journées. — Ben quoi ! repartit mon bourgeois, c’est une fille honnête ; vaut mieux ça que si elle allait à ses nuits.

JOUTEUR, s. m. — Celui qui joute dans les joutes nautiques. La Société des Jouteurs était une célèbre société de mariniers fondée en 1811. Ils étaient au nombre de trente-trois. Le dernier, nommé Aubert, est mort vers 1870. La société n’a pas eu de continuateurs.

JU, pron. —— C’est je en enclitique. Dis-je devient dis-ju parce que e devient tonique par sa position. Il est alors remplacé par une voyelle plus sonore. « Vous, dis-ju, dont l’âme vigorette cherche toujou, pour pertagé et meurtiplié se n’ardeur, une drole compagnonne… » (Ressit des amours.)

JUDAS, s. m. — Petit guichet composé de lames métalliques disposées comme celles des abat-jour, à seule fin de pouvoir aguincher les galavards qui viennent sonner aux portes. Je croyais que ce mot si pittoresque était un pur provincialisme, d’autant plus que je n’ai pas remarqué de judas aux portes palières ailleurs qu’à Lyon, mais, à mon grand étonnement, je le vois au Dict. de l’Académie.

Faux comme Judas. Se dit de quelqu’un dont la franchise laisse un peu à désirer.

JUGE DE PAIX, s. m. — Le nez. À la réunion publique, il a reçu un coup de poing sur le juge de paix que lui a fait jicler le sanque comme un bœuf. C’était pour l’étude des questions sociales. — Juge de paix, calembour de mauvais goût.

JUGEMENT. — Une figure de jugement dernier. Voy. figure.

JUGISTRE, s. m. — Jésuite. C’est le premier j qui a appelé le second à se substituer à z. Comp. pour g dur, reguingote au lieu de redingote.

JUIFESSE, s. f. — Juive. Fait sur Juif, avec une terminaison par analogie avec celle des mots dont le féminin est en esse : pauvre, pauvresse ; devin, devineresse, etc. Mais la seconde partie du mot est désagréable au prononcer. Il y en a d’autres qui disent Juivesse, et la transformation de f finale en v est plus conforme aux lois phonétiques que sa conservation, mais la seconde partie du mot n’en est pas plus jolie.

JUINDRE, v. a. — 1. Rejoindre. Le Joset a juint son régiment.

2. Atteindre, toucher. À la réunion électorable, le parzident m’a lancé son grollon, que s’i m’avait juint, i me démontait la ganache !

JUINT. — De vieux juint. Voy. joint.

JUIVER, v. a. — Tromper en matière de commerce, spécialement vendre un objet très au-dessus de sa valeur. T’as une vagnote toute neuve. Ousque t’as acheté ça ? chez quèque Juif ? — Je l’ai ben achetée chez un chrétien, mais i m’a juivé tout de même.

JUIVESSE, s. f. Voy. Juifesse.

JUMELLES, s. f. pl. — 1. Jumelles de trapon, terme de construction. Se dit de deux pierres de taille placées à droite et à gauche d’une ouverture de cave et contre lesquelles vient appuyer la voûte.

2. Terme de fabrique. Se dit de deux pièces de soie qui se tissent ensemble comme, par exemple, pour les ceintures des dames.

3. Un fondeur lyonnais inventa une pièce d’artillerie nommée jumelle et composée de deux canons réunis par le milieu. (Em. Vingt.)

JURER, v. n. — Le chat jure. Voy. fout’fout’.

JUS. — Trouver le jus bon. Se dit lorsque quelqu’un, ayant tiré quelque avantage d’un autre, est bien aise de continuer. Son procureur lui faisait toujours recommencer de procès. I trouvait le jus bon. Mais l’autre s’est lassé. Il a fait la paix avec les ceusse qu’il était en guerre.

JUS NOIR. — Suc de réglisse. Dans mon enfance on le vendait chez les épiciers par gros bâtons, où l’on ébréchait la lame de son couteau pour en couper de petites braises, que l’on mettait dans la bouche (le jus noir est très fort). Puis les apothicaires ont fait des boites pleines de petites crottes de jus noir, fabriquées à la mécanique. C’est notre grand remède contre le rhume, et quand il ne fait pas de bien au rhume, il fait toujours du bien au pharmacien. Nous prononçons toujours jus noir comme s’il était tout d’un mot.

Un professeur de la Martinière, ayant croqué un rhume, suçait force jus noir en faisant sa leçon de grammaire aux élèves de première année. Après avoir parlé du « complément direct (que ces termes de grammaire sont beaux !) » il demande un exemple. Un gone espiègle se lève : Je suce mon jus noir ! — Très bien ! fait le professeur, maintenant comment écrivez-vous jus noir ? Le gone d’épeler : j, u, ju ; n, o, i, noi ; r, e, re ; junoire ! — Très bien encore ! L’orthographe n’est peut-être pas absolument conforme à celle de l’Académie, mais elle est tout à fait lyonnaise.

Au fig. Roupie des tabasseux. Dans mon enfance, il y avait beaucoup plus de priseurs que de fumeurs, et c’est à chaque instant que dans les salons on entendait une bonne dame dire à son mari : Dodophe (ou Tuthur), torche donc ton jus noir ! — C’est de là que les mouchenez ont pris le nom de tire-jus.

JUSQUE. — Jusqu’à tant que, Jusqu’à ce que. J’attendrai la Fine jusqu’à tant qu’elle vienne. C’est du vieux franç. On le trouve dans Marot et dans Rabelais. Comme euphonie, cette locution est très préférable à jusqu’à ce que, détesté de Votaire, et non sans raison.

JUSTE. — Juste comme le doigt au trou. Locution qui s’emploie en parlant d’une chose bien mesurée, bien appropriée, bien exacte. Mon addition est-elle juste ? — Juste comme le doigt au trou… Combien y a-t il de pas d’ici à ce prunier ? — Vingt-cing. — Vous avez deviné juste comme le doigt au trou ! Et ainsi du reste. Qui nous saura à dire ce qui a inspiré cette curieuse métaphore ?

À juste.Nous sommes à juste de pain. Si vient de z’amis, i faudra leur donner de mouchons de chandelles. — On dit aussi : Nous n’avons que juste de pain, pour « nous n’avons exactement de pain que le nécessaire ».

Comme de juste. Cette locution si simple, si franche, si concise, n’est dans aucun dictionnaire. Pour parler académiquement il faudra dire comme il est juste, ce qui est évidemment moins bon,

JUSTICE. — Faire justice, Tuer un porc. Je ne sais pas démêler l’origine de cette bizarre expression qui se retrouve en Beaujolais et dans le bas Dauphiné.