Le Livre de volupté/01

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Traduction par Abdul-Haqq Effendi.
Qizmich-Aga (Gay et Doucé) (p. 9-35).
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Première partie

Bandeau pour le Livre de volupté
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LE

LIVRE DE VOLUPTÉ



PREMIÈRE PARTIE.


LES POSITIONS.


Omar-ibn-Hafiz rapporte qu’il y avait autrefois dans l’Inde une femme alors bien connue, une étoile dans le monde de la galanterie, capable de satisfaire mille hommes par autant de différentes voluptés. On la nommait Elfiyé-Hanum. Elle était, en ce qui concerne les diverses façons de faire l’amour, d’une habileté hors ligne. Les amateurs de femmes ne parlaient d’elle qu’avec le plus profond respect, car nul ne s’éloignait d’elle encore agité de passion ou désireux de plaisir. Aussi combien de jeunes beautés, décidées à s’adonner au métier, ont-elles pris de ses leçons !

Un jour, par aventure, nombre de femmes galantes se trouvèrent ainsi assemblées autour d’elle ; il n’y avait là que des amies éprouvées, car on avait eu soin d’éloigner ces femmes qui viennent uniquement pour observer ce qui se passe d’extraordinaire et le répéter ; aussi la conversation était-elle générale.

— Ma chère Elfiyé-Cadine, dit l’une, il est une chose de première importance pour nous toutes qui sommes ici réunies ; nous voudrions avoir de vous quelques détails sur la manière de faire goûter à l’homme la plus grande somme de jouissances pendant la copulation et de nous l’attacher. Dites-nous aussi ce qu’il faut que nous évitions pour ne pas lui déplaire ; expliquez-nous, en un mot, comment nous pouvons lui inspirer amour et affection.

Elfiyé prend alors la parole pour répondre : — Mes chères filles, dit-elle, je vous conseille premièrement de vous montrer couvertes de vêtements parfaitement propres aux hommes qui s’approchent de vous : les sourcils noircis, les yeux animés par le sombre antimoine, les doigts soigneusement teints du rouge henné, toutes parfumées d’une agréable et suave odeur ; peignez-vous artistement, faites faire à vos cheveux plusieurs tours gracieux et arrangez-vous de façon à paraître en posséder plusieurs livres. Avec de l’assiduité vous arriverez graduellement à porter au dernier degré de perfection votre toilette ; alors l’homme sera de plus en plus porté vers vous. Prenez diverses couleurs, étendez-les sur votre visage et, par leur secours, relevez avec art votre teint. Ainsi vous satisferez à des goûts divers et vous exciterez la passion et le désir, car tout cela est fait en vue de faire naître un penchant pour vous.

— Mais comment, interrompt une des assistantes, la femme doit-elle s’y prendre pour donner du plaisir à l’homme, après avoir fait naître chez lui le désir ?

— Pour cela, dit-elle, il faut d’abord mettre en œuvre toutes les ressources de la coquetterie, dès qu’il s’approche et avant même qu’il soit question de faire l’amour. Faites-lui le plus affectueux accueil, employez envers lui la gracieuse minauderie, entourez sa taille d’un voluptueux embrassement, posez sur sa lèvre un brûlant baiser, pressez-vous amoureusement contre lui, c’est là le moyen d’exciter chez lui les idées sensuelles. Déliez alors la coulisse du chalwar (large pantalon à la turque) passez une main furtive entre ses cuisses, saisissez fortement la verge et frottez-la une fois ou deux. Ensuite introduisez-la, mais ayez soin que ce soit avec une facilité qui évite l’éjaculation. Une fois qu’ils ne font plus qu’un, la femme doit témoigner du plus vif plaisir ; qu’elle évite de se placer sur lui. Lorsqu’il jouit, elle ne doit pas se laisser tomber sur le dos et s’étendre ; tout chez elle doit alors témoigner qu’elle subit également l’étreinte du plaisir et qu’elle est en proie aux plus voluptueuses délices. Chacun de ses mouvements doit tendre à s’attacher les cœurs. Si elles en usent ainsi, elles inspireront aux hommes le plus vif amour et la plus tendre affection.

— Ma chère dame, dit une autre, puisque vous avez eu mille amants et avez traité chacun d’une façon différente, faites-nous donc le détail de vos divers procédés, pour que, nous aussi, en usions avec nos cavaliers et les traitions comme il faut entre nos genoux.

— Mes chères filles, reprend la vénérable matrone, je ne laisserai, tant que je le pourrai, aucun de vos souhaits sans être accompli. Ce dont vous parlez là est, du reste, de première importance. Je vais donc vous détailler les diverses manières de faire l’amour, et leurs noms, et leurs particularités. Ainsi vous pourrez les employer successivement envers chacun de ceux auxquels vous aurez affaire, et, de cette façon, vous n’aurez laissé dans l’ombre aucun procédé, aucun plaisir, aucune jouissance. Ainsi vous satisferez tous les désirs des hommes et leur affection, leur amitié, leur amour pour vous s’en trouvera notablement accru. Rien dans leur mémoire n’est jamais aussi présent que les heures de plaisir et d’amusement, de jouissance et de volupté. Je vais tout d’abord diviser en six parties les divers procédés, façons et manières de faire l’amour, savoir : sur le dos, assis, sur le côté, sur la figure, en se baissant et tête haute.




I

Sur le dos.


La belle se couche sur le dos pour faire l’amour (c’est ainsi, en effet, que la tradition indique de nommer l’action du coït et que, le plus souvent, le peuple en exprime l’idée ; il ne comprend même pas quand on parle autrement). Il y a dix sortes de façons de s’en acquitter dans cette posture.

Première. — La femme se couche sur le dos, sur le bord du lit, les jambes levées à la hauteur de sa poitrine. L’homme, qui se place entre elles, reste debout sur ses pieds, et s’appuie sur le ventre de sa belle sans la fatiguer. Son amante l’entoure de ses bras et l’étreint en se montrant pleine de désirs et de bonheur ; elle tire sa langue, presse ses lèvres sur les siennes et fait sortir un souffle haletant de ses lèvres et de sa poitrine. Alors, après en avoir découvert la tête, il introduit sa verge dans son ouverture et s’avance et se recule alternativement pour arriver à jouir. Tout en se remuant, il la tient embrassée. Ce n’est le moment de sortir que quand le désir et la concupiscence sensuels étant à leur comble, l’éjaculation s’est produite. Beaucoup de gens ont coutume de faire l’amour de cette façon, aussi la nomme-t-on l’Habituelle.

Deuxième. — Là encore, l’amante se couche sur le dos et met ses jambes comme tout à l’heure, mais sur le lit. L’homme s’étend sur elle, la verge dans son devant ou ailleurs, car dans l’Inde on a soif de l’un et l’autre plaisir. Si le membre viril est en érection, qu’il en profite aussitôt, fasse preuve de vigueur et de force, et en tire le fruit désiré. Quant à la pauvre femme, il ne lui faut pas supporter ce violent assaut avec indifférence ; bien que navrée de douleur, elle doit feindre l’amour et se comporter comme si le feu d’une brûlante passion la dévorait. Elle s’agite et pousse des soupirs, comme transportée par la fureur du plaisir ; telles doivent être sa docilité et sa conduite en cette occurrence. La jouissance est proche, bientôt elle se produit chez tous deux à la fois ; il ne faut pas, en effet, qu’il semble avoir joui seul de la suprême volupté. Cette façon de faire l’amour est appelée la Résurrectrice, comme si l’on eût voulu désigner la meilleure de toutes.

Troisième. — De nouveau la femme se couche sur le dos ; elle place ses deux mains sous sa tête, replie ses jambes sur sa poitrine et reste dans cette posture. Alors l’homme la saisit dans ses bras ; ils se trouvent poitrine contre poitrine et le poignard en face de la gaîne. Tout doucement il pénètre, puis la femme soulève ses hanches pendant que son amant l’attire vers lui ; ainsi, la verge s’introduit jusqu’au fond. Puis, tous deux se meuvent d’un lent va-et-vient jusqu’au moment où ils goûtent d’un mutuel plaisir. On appelle cette manière la Suceuse pliée.

Quatrième. — Elle se couche encore sur le dos, mais elle s’appuie sur une de ses jambes en prenant une gracieuse pose ; l’homme alors prend place entre ses cuisses, puis, quand l’idée du plaisir l’excite, il introduit, dans la fente, la tête de sa verge. Après un instant passé ainsi et quand s’approche le moment de la plus douce jouissance, la belle tourne vers lui des yeux pleins d’une aimable langueur ; un tremblement saccadé l’agite tout entière. — Pas si vite, dit-elle, je ne me sens plus, fais-moi jouir ; doucement, doucement, répète-t-elle jusqu’à ce que tout soit fini. Il ne faut pas que la pauvre le traite en rien comme un étranger, mais qu’elle l’embrasse et introduise le poignard. Enfin, ils jouissent tous deux ; cette manière s’appelle l’Heureux Contraste.

Cinquième. — La belle se place sur le dos, mais les hanches soutenues dans une position élevée, au moyen de coussins, de façon à ce que sa tête apparaisse entre ses deux jambes. L’homme vient alors se placer dans l’intervalle ; il mouille de salive l’extrémité de sa verge, l’appuie entre les cuisses pendant que, sur ses épaules, sont posées les jambes de sa belle. Il l’attire à lui et parvient enfin à s’introduire où il faut. Dans l’ardeur du plaisir, un souffle haletant s’échappe de ses narines et, sous lui, la femme gémit et se tourmente, — Cruel ! dit-elle par façon de minauder. Elle se plaint tout en se soulevant tant qu’elle peut, car il ne lui faut pas rester inactive. Sur elle s’agitent les hanches de l’homme par un continuel mouvement de va-et-vient. Au moment où il va jouir, il s’éloigne et s’essuie ; mais bientôt il s’introduit de nouveau. Ainsi la femme s’empare du cœur de l’homme en lui faisant goûter le plus doux plaisir. On nomme cette manière l’Intervalle.

Sixième. — Encore une fois la belle s’étend sur le dos, les hanches soulevées ; elle replie ses jambes sur elle-même, de manière à présenter l’aspect d’une poule prête à mettre en broche. Si l’homme est alors doué de vigueur et de force, il sort sa verge et l’introduit dans le vagin ; la femme commence aussitôt à s’agiter et tous deux goûtent la jouissance. On appelle ce procédé le Rapetissé.

Septième. — La belle s’étend sur le dos, puis l’homme se met à genoux ; alors elle pose ses jambes sur ses épaules de façon à ce que ses pieds pendent sur son dos. Puis, il frotte son gland entre les grandes lèvres ; lorsque la verge est en érection, il l’introduit sans tarder, mais, quand il est sur le point de jouir, il la retire et l’essuie, puis il la remet de nouveau jusqu’à ce qu’enfin l’éjaculation se produise. On nomme cela l’Échauffante.

Huitième. — La belle se place sur le dos, les jambes étendues. L’homme vient se mettre entre elles et il introduit sa verge dans le vagin ; la jeune amante, pleine de grâces et de coquetterie, est haletante sous lui. C’est agir à la Persane.

Neuvième. — Elle se couche sur le dos, les jambes levées, l’homme vient se placer entre elles et les met sur ses épaules. S’il est suffisamment animé, il introduit violemment sa verge ; alors la belle met toute sa science et toute sa coquetterie à se donner une bruyante respiration. On appelle cette façon la Fessue.

Dixième. — La belle s’étend sur le dos, les jambes en l’air, puis l’homme, cette fois encore, prend place dans l’intervalle ; alors elle les croise sur son dos pendant qu’elle l’étreint de ses bras et que celui-ci place ses mains sous ses épaules. Il introduit son poignard dans la gaîne et, après quelques va-et-vient, la jouissance arrive. C’est l’Associée.


II

Assis.


La femme se place sur l’homme de manière à élargir son entrée ; il y pénètre rapidement. Tous deux ont alors les genoux pliés sur un divan ou, les jambes pendantes vers la terre, sont assis sur une chaise. Le pubis de l’un et celui de l’autre se touchent, car tout a pénétré et rien ne reste au dehors ; dans cette situation, la jouissance arrive. C’est la Soulevée. Il faut, pour employer cette manière, avoir verge longue et volumineuse ; elle n’est donc pas à la portée de tout le monde.



III

Sur le côté.


Première. — L’amante se couche sur le côté gauche, les jambes étendues ; le jeune homme vient se placer sur elle, puis il l’étreint en passant un de ses bras sous elle pendant que, de l’autre, il caresse son ventre et ses seins. Alors, il passe une de ses jambes par-dessus la hanche de sa belle, introduit sa verge où il convient et s’agite ; bientôt l’éjaculation se produit. Cela s’appelle la Dératée.

Deuxième. — Cette fois encore la femme se met sur sa gauche, les jambes étendues ; l’amant se place entre les deux cuisses et introduit sa verge dans la fente de telle sorte que son pubis touche celui de sa belle ; enfin l’éjaculation a lieu. C’est là un des meilleurs procédés : on l’appelle le Bonheur du sage.

Troisième. — La belle se couche sur le côté, la figure tournée vers l’oreiller ; l’homme s’appuie sur le dos de la femme, une jambe étendue et l’autre passée entre les cuisses. Il enfonce son dard à l’endroit voulu, puis le retire à demi pour l’appuyer encore ; grâce à ces mouvements alternatifs la jouissance se produit chez lui. C’est encore là une manière fort appréciée : on la nomme la Polissoire.

Quatrième. — La femme se couche sur le côté droit, les jambes étendues ; l’homme se met derrière elle, une jambe sur elle et l’autre entre ses cuisses. Après l’avoir mouillée de salive, il frotte sa verge dans la fente postérieure ; quand l’éjaculation est proche il quitte la place, mais il ne se remet pas n’importe où. Pendant qu’il est bien raide et excité, il va accomplir l’éjaculation dans le vagin. C’est la Double Jouissance.

Cinquième. — De nouveau la femme se place sur le côté droit, les jambes étendues ; encore une fois l’homme se met derrière elle et s’étend de son long. Alors il s’introduit en lieu convenable et embrasse étroitement sa belle ; encore une fois il se repose un moment, sort et s’essuye. De nouveau il fait pénétrer son dard par-devant ; ainsi unis, ils restent tranquilles. Après plusieurs semblables introductions et retraits, la jouissance se produit. C’est la Joyeuse.

Sixième. — La femme se couche sur le côté droit et l’homme sur le gauche, l’un devant l’autre. Il met sa jambe droite sur la hanche de sa belle, elle met sa gauche sur celle de son amant, chacune appuyée sur les fesses de l’autre. Le pubis de l’amant et celui de la femme se touchent, il sert de couche à la verge qui remue la tête ; le jeune homme s’agite et l’introduit avec vigueur. Enfin ils goûtent un violent plaisir et une douce jouissance. C’est l’Adieu.

Septième. — Elle se place sur le côté droit, les jambes étendues, Il s’appuie sur elle par derrière, tout de son long. Alors il embrasse d’une de ses jambes la hanche de la femme, puis il l’étreint en passant un de ses bras sous elle et l’autre par-dessus. De cette façon, il peut lui caresser les seins, et dans cette posture, il accomplit son œuvre. C’est la Terrestre.

Huitième. — Elle se place sur le côté droit et lui sur le côté gauche ; il se met alors entre les deux jambes, devant elle, puis il soulève la jambe gauche de sa belle, la replie, la pose sur son bras comme un bouclier, s’introduit où il faut et goûte le plaisir. C’est la Facile.

Neuvième. — L’homme se met sur la gauche et la belle sur la gauche, devant lui et lui tournant le dos. Après avoir mouillé sa verge de salive, il la fait pénétrer et il jouit. C’est l’Accoutumée.

Dixième. — La femme est sur sa gauche et l’homme sur sa droite ; il l’embrasse d’une jambe par-dessous, elle l’embrasse d’une jambe par-dessus ; ainsi ils se sentent jouir avec grand plaisir. C’est le Harpon.


IV

Sur la figure.


Première. — La femme se couche à plat ventre les jambes étendues ; l’homme s’étend sur son dos et, dès que l’érection s’est produite, il s’introduit où il lui plaît. C’est le Plaisir du patient.

Deuxième. — Encore une fois elle se place de même et l’homme s’introduit ; mais alors ils s’agitent simultanément et ils jouissent tous deux de plaisirs impossibles à décrire. C’est le Chat.

Troisième. — La femme se met à genoux, puis elle se penche de façon à ce que sa poitrine touche ses cuisses. Elle a alors les hanches élevées et l’homme s’introduit par derrière. C’est à la Geindre.

Quatrième. — Elle se place encore une fois sur ses genoux, la tête penchée en avant ; l’homme s’appuie également sur elle par derrière, mais il met ses genoux entre les siens. D’un bras il entoure sa poitrine et de l’autre son ventre ; il s’introduit et tout en travaillant entre les grandes lèvres, l’éjaculation se produit. C’est l’Intelligente.

Cinquième. — Elle se met encore à genoux, les jambes écartées. Le garçon arrive par derrière et s’assied dans l’intervalle. Ainsi placé il pénètre, selon son désir, où il lui plaît. C’est le Tenté.

Sixième. — Ils se placent de même, toutefois l’amante a soin de relever ses talons et de les appuyer contre les cuisses de l’homme qui, aisément, introduit sa verge dans le vagin. Alors elle s’agite : — Cruel ! fait-elle en minaudant, pendant qu’un souffle haletant s’échappe de ses narines. Quand la jouissance est proche, elle s’éloigne en s’avançant sur l’oreiller, puis le dard la pénètre de nouveau, soit dans l’ouverture antérieure soit dans l’autre ; puis elle s’éloigne encore jusqu’à ce qu’enfin, dans un moment d’union intime, ils savourent des plaisirs impossibles à décrire. Cela s’appelle la Double Faveur.

Septième. — À genoux, elle appuie de nouveau la tête sur les coussins, de façon à tendre le derrière. Son amant, à genoux entre ses jambes, pénètre dans l’ouverture postérieure. Elle se soulève sur ses mains ; ardente et animée, une bruyante respiration s’échappe de ses narines et de sa gorge, elle gémit sous l’étreinte : ainsi ils s’adonnent tous deux à la volupté ! Quand, chez l’homme, le moment de la jouissance approche, il se retire, s’essuie avec quelque linge propre et s’introduit ensuite dans le vagin : ainsi ils goûtent enfin l’ivresse du plaisir. Ce sont les Joyeuses Faveurs.

Huitième. — La belle s’étend sur le ventre, puis l’homme se met sur elle ; alors elle appuie ses talons contre les fesses de son amant, pendant qu’il passe bras autour de sa taille et que sa tête repose sur son échine ; ainsi placé, il use d’elle à son plaisir. C’est la Conquise.

Neuvième. — La situation est la même, mais alors, pendant qu’il l’entoure de ses bras, tous deux s’agitent simultanément jusqu’à l’éjaculation. C’est la Suspendue.

Dixième. — La femme se couche à plat ventre, il s’étend sur elle, alors elle relève ses talons contre ses fesses et le presse ainsi contre elle. Après avoir humecté sa verge de salive, il l’introduit où il lui plaît ; l’éjaculation arrive enfin et ils jouissent. C’est à la Vieux.


V

En se baissant.


Première. — La femme s’appuie par-devant contre un meuble ; elle penche en avant le haut du corps, l’homme s’approche par derrière, l’entoure de ses bras et se met en lieu propice. Pour faciliter l’introduction, elle s’agite lentement ; enfin tout réussit. On rapporte que ce procédé, emprunté aux béliers, est le plus souvent mis en pratique dans le mabéïn (chambre qui sépare le harem de l’appartement des hommes.) Pour le galant vigoureux, c’est là une source d’ineffables jouissances. C’est la Repousseuse.

Deuxième. — Elle se met à quatre pattes, il s’étend sur elle et l’étreint de ses bras ; quand, par l’effet du désir sensuel, la verge est en érection, il s’éloigne quelque peu de sa belle et s’introduit dans le vagin ; bientôt, cependant, il en sort pour pénétrer dans le réduit postérieur ; puis, quand il sent le plaisir arriver, il se remet en meilleure place et il jouit. C’est l’Écartée.

Troisième. — L’homme se place sur un matelas, pose le pied droit à terre et s’assied sur sa jambe gauche repliée sous lui. La femme vient se placer sur lui, le genou gauche en l’air et la jambe droite étendue. Il la prend entre ses bras et l’attire vers lui. Bientôt le désir agit sur sa verge et, pleine d’une amoureuse vigueur, il l’introduit où il lui plaît. Alors, la belle, haletante, pousse de petits cris étouffés : — Ah ! Ah ! cruel ! Par pitié ! Miséricorde ! Enfin il jouit. C’est la Boîteuse.

Quatrième. — Elle se met à quatre pattes, les coudes appuyés sur le coussin d’une chaise. Dans ses mains est un tambour de basque et, par son chant, elle excite l’ennemi au combat, tout en imprimant à ses reins un voluptueux balancement. L’amant, à genoux, joue des castagnettes : tout en fredonnant, il s’approche d’elle par derrière et ils s’accouplent en musique. À force de suivre la mesure, de s’éloigner et de se rapprocher, ils finissent par jouir du suprême plaisir. C’est la Force de l’ouïe.

Cinquième. — La belle se met à genoux, l’homme arrive par derrière et l’étreint de ses bras ; alors elle tourne la tête et ils commencent à échanger des baisers. Puis elle passe un de ses bras par derrière elle, tient la verge en main et la frotte dans l’entre-jambes : quand elle se dresse et après qu’elle a été humectée de salive, elle l’introduit dans le vagin. Au moment où ils commencent à sentir le plaisir et où l’éjaculation va se produire, elle fait mouvoir sa langue dans la bouche de son amant et appuie tant qu’elle peut sur sa verge. Ainsi ils jouissent des délices de l’amour beaucoup mieux qu’aucun quadrupède. C’est à la Paysanne.

Sixième. — Elle se place à califourchon sur son amant, étendu sur le dos : il s’agite sous elle jusqu’à ce qu’enfin il ait réussi à s’introduire où il voulait ; alors, au milieu des caresses, l’éjaculation se produit. C’est la Prospère.

Septième. — Elle se penche en avant, le haut du corps appuyé sur un lit ; elle met un de ses genoux sur le bord du lit, comme si elle allait y monter. L’homme se place, par derrière, entre les cuisses et pénètre chez elle de façon à ce que leurs deux toisons se confondent ; ainsi ils jouissent des délices d’une douce ivresse. C’est à la Jardinière.

Huitième. — Elle se place de même, mais les pieds appuyés à terre ; l’homme, enflammé de désirs, s’introduit là où il lui plaît. C’est la Jacinthe.

Neuvième. — Elle se met à quatre pattes, les genoux pliés. Dessous elle, il est couché sur le dos, lui faisant face, une jambe entre celles de sa belle et l’autre appuyée sur ses fesses : il pousse sa pointe et pénètre dans le vagin. C’est le Musc.

Dixième. — Elle se place sur un matelas, penchée en avant, les mains croisées sur sa ceinture, une jambe étendue et un genou plié. L’homme arrive par derrière, introduit sa verge où il lui plaît et jouit. C’est l’Eau de rose.

VI

Tête haute.


Première. — La belle se tient debout, appuyée contre le mur, comme si elle priait ; il tire son poignard et l’appuie sur elle. — Qu’allez-vous faire, mon chéri, dit-elle, où vous placez-vous donc ? Pendant qu’ils échangent ainsi de douces paroles, il s’excite graduellement ; alors elle soulève une de ses jambes et se fend ; l’amant se place à l’endroit voulu et s’y frotte ; petit à petit il force la porte et pénètre. Émus d’indicibles plaisirs et la respiration haute ils s’agitent ; enfin l’éjaculation se produit. Cela s’appelle les Adieux.

Deuxième. — Une dame s’avance couverte de son feradjé (manteau) et enveloppée de son voile ; elle monte sur le petit banc qui règne autour d’un vestibule et attend. Un homme qui passait s’approche, car il a compris ce que cela voulait dire ; il la saisit entre ses bras, porte la main à la coulisse du chalwar (pantalon) de la belle et fait glisser ce vêtement le long des jambes. Ainsi elle se trouve découverte par-devant, de la poitrine aux pieds. Quand il la voit dans cet état, le désir exerce son action sur lui et la verge vient toucher le nombril. Alors il met un de ses pieds sur le petit banc et se frotte contre le nombril ; bientôt, à l’aide de la main, il s’approche des grandes lèvres et, excité comme il l’est, arrive à s’introduire. À ce moment, la belle commence à s’agiter ; enfin, quand le plaisir et les délices de la volupté sont à leur comble, il jouit. C’est au Vestibule.

Troisième. — La belle se tient debout, les coudes et la tête appuyés contre la muraille et, le buste penché en avant, les jambes écartées et le manteau relevé. L’amant arrive doucement par derrière, retrousse les jupes et délie la coulisse du chalwar ; alors les reins de la femme paraissent à nu ; on dirait une bête de somme chargée de son bât. Il l’étreint de ses bras et loge sa verge où il lui plaît ; ainsi ils goûtent le plaisir. C’est à l’Improviste.

Quatrième. — Elle est debout, l’homme s’assied les jambes étendues, sa verge se dresse tant les pensées voluptueuses l’animent. La belle qui lui fait face, s’assied, met cette bougie dans sa lanterne, et étend, en arrière, ses jambes à ses côtés : ainsi leurs lèvres se rencontrent, ils échangent de mutuels baisers et goûtent ainsi des voluptés délicieuses, des sensations impossibles à décrire ; enfin ils jouissent. C’est la Couvrante.

Cinquième. — Elle est debout, les mains le long de ses flancs, découverte jusqu’aux hanches et tous ses charmes mis en vue. L’homme se place sous elle, dans une position inclinée ; assise sur lui elle s’agite. Quand, à la suite de ce manège, il s’excite, il s’approche d’elle et le met en lieu propice. Accroupie, elle s’appuie doucement sur lui et finit par l’introduire dans la place. Quand elle le sent pénétrer, elle se met à prononcer des mots entrecoupés : — Hélas ! Cruel ! et cela en le serrant de ses bras. Il ne s’en inquiète pas et, aussi ardent qu’un étalon du Guilan, il ne s’arrête à nul obstacle et s’avance tant qu’il peut ; ainsi placés ils savourent les plus doux plaisirs jusqu’à ce qu’enfin ils jouissent. C’est l’Active.

Sixième. — La femme appuie son visage sur le bord d’un lit et présente son derrière. L’amant s’avance vers elle et pénètre doucement, tout debout ; bientôt l’éjaculation se produit. C’est l’Arrosoir.

Septième. — Ils sont à genoux, l’un devant l’autre et se touchent de si près qu’il se sentent les cuisses. Il met son dard où il faut pendant que la belle l’encourage des yeux ; quand l’érection s’est produite, il s’introduit et bientôt il goûte le suprême plaisir. Cela s’appelle l’Opposition.

Huitième. — Elle est debout, il se place devant elle entre ses jambes, l’entoure de ses bras et introduit son poignard dans la gaîne : alors une respiration saccadée s’échappe de leurs narines et le moment de la jouissance arrive. C’est la Satiété.

Neuvième. — La belle se place la figure contre la muraille, les mains posées contre elle, elle présente le derrière. Ainsi découverte et les jambes écartées, l’homme vient se placer entre elles ; sa verge se dresse, il la met où il lui plaît, remue et s’agite ; ainsi ils jouissent tous deux. C’est à l’Étourdie.

Dixième. — Debout, elle s’appuie contre la muraille ; il vient se placer, par-devant, entre ses jambes ; quand il est en érection, il enfonce chez elle son poignard, puis tous deux goûtent la jouissance. C’est la Réussie.


VII

De divers autres procédés.


Entre beaucoup d’autres, nous en mentionnerons quelques-uns, fort agréables et très usités parmi les Grecs.

L’amant se couche sur le dos, les jambes étendues ; la belle se présente et se place entre elles. De la main gauche elle saisit la verge et la caresse doucement à plusieurs reprises ; quand elle est tout à fait excitée et qu’elle se dresse par bonds comme si l’éjaculation allait se produire, elle l’introduit chez elle. Bientôt elle sent approcher le moment où son amant va jouir. — Grand bien te fasse, mon chéri, dit-elle alors ; quelles délicieuses voluptés tu me procures, mon petit cœur ! Au milieu de ces caresses la liqueur d’amour s’échappe.

Dans une autre, la belle se couche sur le dos et l’amant vient se placer sur elle ; elle le saisit à deux mains par la nuque et enserre son dos de ses jambes. Alors il place sa verge à l’entrée du vagin et, après un ou deux frottements, elle se dresse. Il entoure à ce moment de ses bras les hanches de son amante et se met à genoux. Dans cette situation, il pénètre où il lui plaît ; au milieu des caresses, l’éjaculation se produit et ils goûtent le suprême plaisir. On nomme cette manière l’Amoureuse. Il n’y a pas longtemps que cette façon d’opérer est inventée, bien qu’elle soit des plus commodes et ne cause aucune fatigue.

Nous voulons cependant indiquer encore, aux amateurs de plaisir, une autre manière de mettre en œuvre le bâton viril. La belle, couchée sur le dos, met sous elle un gros coussin ; ainsi sa tête est placée dans une position basse et elle présente ses charmes secrets. L’homme arrive et s’étend sur elle ; elle l’étreint de ses jambes et entoure son cou de ses bras, pendant qu’il la saisit à bras le corps. L’ouverture de devant et celle de derrière se présentent à lui aussi clairement que l’œuf d’une oie en train de pondre : il s’introduit entre les grandes lèvres et pénètre jusqu’au plus profond du réduit. C’est la Balayeuse.

Voilà ce que nous avions à dire dans ce supplément, nous allons passer maintenant à un autre sujet.


VIII

Des menues gracieusetés.


On sait que la première chose pour une femme qui veut exciter la passion est la caresse et la cajolerie ; l’amour et l’inclination naissent des minauderies et des façons coquettes. Prononcer une gracieuse parole a plus d’effet que de se jeter au cou d’un amant.

„ — J’ai vu dans un jardin, dit un poète, une parfaite beauté aux seins de la forme aimable de l’orange, mais j’ignore son nom. Je l’ai aperçue comme elle se perdait au fond d’une sombre allée de jasmins. Hélas ! qu’il serait doux de caresser cette cruelle, de lui pincer les mollets, d’embrasser sa lèvre de cerise, de respirer le parfum de ses joues de rose, de placer un humide baiser sur le bord de cette coupe, de pousser droit vers cette charmante fissure que surmonte le nombril, de découvrir cette forêt floconneuse qu’emprisonnent les liens du chalwar (pantalon), ce morose ennemi de la douce union, ce dragon jaloux des trésors confiés à sa garde ; de jouir enfin avec elle des plaisirs de l’amour. ”


IX

Des endroits à baiser.


On sait que les endroits à baiser avec le plus de plaisir sont les joues, les lèvres, les yeux, le front, le cou et le nombril. Il y a aussi un réel plaisir à déposer un baiser sur les grandes lèvres, si elles sont aussi nettes que cristal ; toutes ne sont pas ainsi, il est vrai. Il est bon de pousser un soupir en embrassant chacun de ces charmes et de se rassasier successivement de baisers sur tous.

X

Des endroits à flairer.


On sait que les endroits à flairer et sentir sont : le cou, les joues, le front, les lèvres, la chevelure, l’intervalle des seins semblables à des oranges, le nombril pareil à un coing, et le pénis semblable à la croupe dodue d’une oie grasse ; telles sont les meilleures parties à flairer. Si vous avez affaire à une personne soigneuse d’elle-même, vous respirerez des odeurs préférables aux parfums du musc et de l’ambre gris : votre plaisir, votre jouissance, votre satisfaction seront bien autres, car, chez vous, naîtront les virils désirs.


XI

De quelques ruses utiles.


On sait que, chez certains, l’éjaculation est rapide et chez d’autres trop tardive au gré de leurs désirs. Ainsi ils s’attirent les reproches de la femme qu’ils privent d’une partie de ses plaisirs : que leur esprit comme leur cœur s’attachent à nos discours.

S’il s’agit d’un amant trop lent qui possède une maîtresse prompte, il ne lui faut, pendant l’action, penser à rien autre chose. S’il veut arriver rapidement, et son amante fût-elle dépourvue de toute grâce, il doit se la figurer comme charmante, comme douée d’une beauté sans seconde. Par ce moyen, il arrivera au résultat qu’il désire.

Les gens d’expérience affirment que, si l’on a affaire à une femme trop lente, indocile au signal, apathique et peu sensible, il faut, pour la rendre plus impressionnable, prendre une dent molaire d’homme et l’os de l’aile gauche de la huppe (oiseau fabuleux, envoyé à Salomon par la reine de Saba). — Place ces objets, enfermés dans une petite bourse, sous l’oreiller de ta belle en lui faisant connaître ton intention ; il n’y a pas de meilleur moyen à employer. Si tu en uses ainsi, tu accompliras l’acte charnel comme tu le voudras. Si cela ne te réussissais pas, prends le grand rabbin, mets-le sur tes épaules et fais un saut sans plus tarder ; je ne puis t’indiquer rien de plus pour ce cas.

Pendant la jeunesse, il n’y a pas moyen, pour l’homme, de retarder. Tout le secret pour la femme est, dans ce but, de faire infuser, dans l’eau, du bois d’aloès et de s’en laver les parties avant l’attouchement. Par la force de cette lotion, ses dispositions se trouvent changées ; elle devient capable de sensation. Il faut cependant qu’il s’agisse de personnes dans l’âge des désirs : nous voulons dire que les deux amants soient jeunes et que l’un et l’autre s’appliquent de tout cœur à l’action. On dit communément que le patient ne s’accorde pas avec l’agissant ; cela veut dire qu’il faut s’adonner à l’œuvre d’amour entre jeunes gens altérés de plaisir, également agiles et fringants.

S’il en est ainsi plusieurs moyens peuvent encore être employés :

1o Munis-toi de deux morceaux de la pierre nommée fekè ou fekih, lances-en un au plafond de la chambre ; après un moment fais-en de même du second, mais que ce soit dans le plus grand silence ; chacun sait qu’il n’y a rien de meilleur. Lève-toi ensuite aussitôt et applique toute ton attention à l’amoureuse entreprise.

2o Prends un oreiller, place-le à côté de ta belle et couche-toi sur ce coussin. Ainsi placés, ils se tiennent l’un auprès de l’autre comme s’ils dormaient.

3o Procure-toi un peu de sable. Si ta belle est couchée sur le côté ou sur le dos, jette lui en sur les yeux jusqu’à ce qu’elle les ferme, comme vaincue par la force du sommeil. Retourne-la alors et goûte du plaisir de l’accouplement.

4o Prends une paire de ciseaux et quelques pièces d’or ou d’argent. Les ciseaux signifient que si la plupart des amants et des maîtresses ont une tendance au refus, ce n’est que dans une mesure extrêmement minime ; ainsi se trouve disparaître du cœur cette fâcheuse influence. L’or et l’argent indiquent que les compliments sont impuissants à vaincre : mettre la main à la poche et en sortir de l’or, est le meilleur sortilège à employer. Ainsi la belle se rend aux voluptueux désirs. Nul n’ignore, en effet, qu’aucune femme ne résiste à l’amour qui lui parle un langage sonore. Plus le rouleau métallique est allongé, plus il impressionne le cœur et l’esprit de l’amante et plus vite le soupirant arrive à son but. Qui, par ce moyen, est resté sans réussir ?


Vignette pour le Livre de volupté
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