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Le Mahâbhârata (traduction Ballin)/Volume 2/1-LDEAPLS-Ch15

La bibliothèque libre.
Traduction par Louis Ballin.
Ernest Leroux, éditeur (2p. 87-91).



CHAPITRE XV


APPLICATION DE L’ASTRA DE LA TÊTE DE BRAHMA AUX
ENFANTS À NAITRE DES PÂNDOUIDES


Argument : Arjouna retire à grand’peine son astra du combat. Açvatthâman ne peut pas retirer le sien. Son discours aux deux rishis. Discours de Vyâsa. Il demande le joyau du Dronide. Discours d’Açvatthâman. Réponse de Vyâsa. Açvatthâman lance son astra sur les enfants à naître des fils de Pàndou.


687. Vaiçampâyana dit : Ô tigre des hommes, en voyant ces deux (rishis) éclatants comme le feu, Dhanañjaya se hâta de retirer son trait divin.

688. le plus excellent des Bharatides, après avoir fait l’añjali, il dit alors à ces deux rishis : « J’ai employé (cette arme surnaturelle) en disant : « Que l’astra soit neutralisé par l’astra.

689. Assurément, cette arme suprême étant retirée, le méchant fils de Drona nous consumera tous par la force de son astra.

690. Vous deux, ô vénérables, qui êtes semblables aux dieux, vous devez vouloir ici notre bien de toutes façons, de même que (vous voulez) celui de toutes les créatures. »

691. Sur ces paroles il retira son astra, ce qui, dans les combats, est difficile pour les dieux même.

692. Nul autre que le fils de Pândou, fût-ce même Çatakratou, ne pouvait retirer l’astra suprême, après l’avoir introduit dans le combat.

693. Vois ! La manifestation de l’énergie de Brahma, une fois produite, ne peut plus être maîtrisée par quelqu’un qui n’a pas l’esprit purifié. Elle ne peut l’être que par un homme qui suit les règles d’un brahmacârin.

694. Lorsqu’un (homme) qui ne remplit pas les devoirs de brahmacârin, a lancé l’astra et veut le ramener en arrière, (cette arme) lui coupe la tête et détruit sa postérité.

695. Après avoir obtenu cet astre difficile à manier, Arjouna, fidèle aux vœux de brahmacârin, quoique dans le plus grand danger, ne le lançait pas.

696. Le héros fils de Pândou, aux vœux sincères, s’était astreint aux pratiques (de l’état de) brahmacârin. Il était docile envers les gourous. Aussi put-il retirer son astra.

697. Mais le fils de Drona, ayant considéré, de son côté, les deux rishis qui se tenaient devant lui, n’eut pas le pouvoir de retirer son arme terrible.

698. Incapable de retirer l’astra suprême produit par lui dans le combat, le fils de Drona dit tristement à Dvaîpâyana :

699. « Ô mouni, j’ai décoché cet astra par peur de Bhîma, pour sauver ma vie, quand je me trouvais dans la plus grande adversité (et dans le plus grand) danger.

700. Ô adorable, un acte déloyal a été commis dans le combat par Bhîmasena à la conduite perverse, qui voulait tuer le fils de Dhritarâshtra.

701. C’est pour cela, ô brahmane, que, sans avoir l'âme purifiée, j’ai lancé cet astra. Maintenant, je ne suis plus en état de le retirer.

702. Car cette arme divine et terrible a été préparée par moi, en prononçant les formules (qui mettent en action) l’énergie de Brahma, (et) en disant : « Pour la destruction des fils de Pândou. »

703. Je l’ai destiné à les faire périr. Maintenant, elle chassera tous les fils de Pândou (du monde des) vivants.

704. Ô brahmane, l’âme remplie de colère, j’ai commis le péché de lancer cet astra dans le combat, en souhaitant la mort des fils de Prithâ. »

705. Vyâsa dit : « Ô mon ami, le fils de Prithâ qui le possédait, n’a pas lancé dans le combat l’astra de la tête de Brahma, par colère et pour ta destruction.

706. Mais, introduit dans le combat par Arjouna, qui voulait opposer un autre astra au tien, il a été (ensuite) retiré (par lui).

707. Le guerrier aux puissants bras, Dhanañjaya, à qui ton père avait enseigné l’astra de Brahma, ne s’est pas écarté des devoirs de kshatriyas.

708. Pourquoi veux-tu tuer, avec ses frères et ses parents, cet homme ferme, vertueux et connaissant tous les astras ?

709. Pendant douze ans, les nuages ne versent pas de pluie Sur un royaume, où l’astra de la tête de Brahma a été détruit par l’astra suprême.

710. Pour cette raison, et mû par le désir de faire le bonheur des créatures, le fils de Pândou aux grands bras ne devait pas détruire l’astra (lancé par toi), alors même qu’il le pouvait.

711. Les fils de Pândou doivent être protégés, ainsi que le royaume et toi-même. Retire donc du combat cet astra divin, ô guerrier aux puissants bras.

712. Renonce à la colère, Que les fils de Prithâ soient épargnés, car le râjarshi, fils de Pândou, ne cherche pas la victoire par des moyens irréguliers.

713. Et maintenant cède le joyau que tu as sur la tête. Après l’avoir obtenu, les fils de Pândou t’accorderont la vie. »

714. Le Dronide dit : « Ce joyau, qui m’appartient, est préférable à tous les bijoux gagnés par les Pândouides et aux autres richesses conquises par les Kourouides.

715. Quand on l’a sur la tête, on n’a plus à craindre aucun danger provenant des armes, des maladies, de la faim, des dieux, des dânavas ou des serpents.

716. On n’a plus à craindre les rakshasas ni les voleurs. Je ne saurais donc, en aucun cas, abandonner cet excellent joyau.

717. Mais ce que l’adorable mouni m’a prescrit, je dois l’exécuter sur-le-champ. Voici ce bijou, et me voici. Cependant (l’effet) de ce roseau, (dont je me suis servi pour produire mon astra), tombera

718. Sur les enfants (enfermés dans le sein des épouses) des fils de Pândou, car cet astra est puissant et infaillible, et je ne suis pas capable de le retirer (du combat), après l’avoir mis en œuvre.

719. Je le lance donc sur les enfants (à naître). De cette façon, je ne désobéirai pas aux ordres de l’adorable grand mouni. »

720. Vyâsa dit : « Agis ainsi, ô homme sans péché. Tu ne dois pas nourrir d’autre pensée. Arrête-toi après l’avoir lancé sur les enfants à naître des fils de Pândou. »

721. Vaiçampâyana dit : Après avoir entendu les paroles de Dvaipâyana, le fils de Drona lança sur les enfants à naître des Pândouides, l'astra suprême qu’il avait introduit dans le combat.