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Le Mahâbhârata (traduction Ballin)/Volume 2/2-LLDF-Ch04

La bibliothèque libre.
Traduction par Louis Ballin.
Ernest Leroux, éditeur (2p. 123-125).



CHAPITRE IV


SUITE DU PRÉCÉDENT


Argument : Suite du discours de Vidoura.


104. Dhritarâshtra dit : « Ô le plus éloquent des hommes, comment peut-on connaître le gouffre de la transmigration ? Je désire rapprendre. Dis-moi ce qu’il en est réellement ; je (te le) demande. »

105. Vidoura dit : (Tu vas) être renseigné sur tout ce qui concerne les êtres, à partir de leur naissance. Tout d’abord, il y a quelque chose, (l’âme), au milieu des éléments confus (qui se trouvent dans le sein de la mère).

106. Puis, le cinquième mois étant passé, (l’âme) a façonné (le corps) sa demeure. Quand ce fœtus a tous ses membres complets, il nait.

107. Il réside au milieu de l’impureté, dans une enveloppe de chair et de sang. Puis, les pieds en haut, et la tête en bas, par la force des esprits vitaux,

108. Étant arrivé à l’orifice de la matrice, par suite des contractions de cet (organe), il rencontre les nombreuses peines de la vie, suivi par ses œuvres antérieures.

109. Délivré de cette (phase) de la transmigration, il aperçoit d’autres maux. Les grahas (démons qui personnifient les peines de la vie) s’approchent de lui, comme les (chiens) fils de Saramâ s’approchent d’une proie.

110. Quand il a atteint un âge plus avancé, les maladies envahissent aussi ce vivant, en butte aux peines qui résultent de ses actes antérieurs.

111. Ô maître suprême des hommes, des malheurs de différentes sortes fondent sur lui, enchaîné qu’il est par les liens des sens, et entouré de l’appât des plaisirs (qu’ils procurent).

112. Continuellement tourmenté par eux, il n’est jamais satisfait, et alors, en agissant, il ne distingue pas le bien du mal.

113. Cependant, ceux qui s’adonnent à la méditation (religieuse), se garantissent (de ces maux). Mais, (en général, le nouvel être) ne se réveille pas jusqu’à ce qu’il ait atteint le monde d’Yama.

114. Entraîné par les envoyés de ce dieu, il meurt (par l’effet du) temps. Privé de ce qui constituait son corps matériel, (à commencer par) la parole, il ne lui reste plus que ce qu’il avait fait de bien ou de mal auparavant.

115. Il se voit de nouveau enchaîné par lui-même. Hélas, le monde est trompé et subjugué par la concupiscence !

116. Celui qui est égaré par la cupidité, la colère ou la crainte, ne se connaît pas lui-même. Il se complaît dans la noblesse (de sa race), et méprise ceux de basse extraction.

117. Celui que l’orgueil de la richesse rend arrogant, méprise les pauvres. On dit des autres qu’ils sont stupides, et on ne veille pas sur soi-même.

118. On abreuve autrui de reproches, et on ne cherche pas à se châtier soi-même. Puisque les sages, les sots, les riches, les pauvres,

119. Ceux de noble race, ceux de basse extraction, les fiers, les humbles, quand ils ont atteint le cimetière, dorment tous, ayant mis de côté leurs préoccupations,

120, 121. Avec des membres décharnés, dont il ne reste plus que des os liés par des tendons, les autres hommes, en les considérant un à un, (ne sauraient) apercevoir entre eux de différence, décelant leur race ou leur beauté ; puisque tous dorment ensemble, déposés dans le sein de la terre,

122-124. Pourquoi les insensés cherchent-ils à se tromper les uns les autres ? Or, celui qui, depuis sa naissance, se conduit intérieurement et extérieurement en ayant égard à la çrouti (révélation), obtiendra le but suprême. Certes, celui qui, ayant ainsi connu tout (ce qu’il faut savoir), suit la vérité, rend sûres pour lui toutes les voies, ô maitre des hommes.