Le Mahâbhârata (traduction Ballin)/Volume 2/2-LLDF-Ch11

La bibliothèque libre.
Traduction par Ballin, L..
Paris E. Leroux (2p. 147-149).



CHAPITRE XI


RENCONTRE DE KRIPA, D'AÇVATTHÂMAN ET DE KRITAVARMAN


Argument : Le cortège royal rencontre Açvatthâman, Kripa et Kritavarman. Discours que ces trois guerriers tiennent au roi et à la reine. Ils se séparent et vont chacun de leur côté.


289. Vaiçampâyana dit : Quand le (cortège) se fut avancé à la distance d’un kroça, il vit ces trois grands guerriers, le Çaradvatide Kripa, le Dronide et Kritavarman.

290. Aussitôt qu’ils eurent aperçu le roi Prajnâcakshousa (Dhritarâshtra aveugle, et ne voyant que par les yeux de la sagesse), ces (héros) ayant des larmes dans la voix, poussèrent des soupirs et dirent à ce prince qui pleurait :

291. « Ô grand roi, après avoir accompli des exploits très difficiles, ton fils est monté avec tous ses compagnons, au monde de Çakra ô prince, maître de la terre.

292. Nous sommes les trois seuls (maîtres) de chars de l’armée de Douryodhana, qui ayons échappé. Tout le reste de ton armée est détruit, ô taureau des Bharatides. »

293. Après avoir parlé au roî en ces termes, le Çaradvatide Kripa adresse ces mots à Gândhârî, dévorée du chagrin de (la mort de) ses fils :

294. « Tes fils intrépides ont trouvé la mort en combattant, en tuant de nombreuses troupes d’ennemis et en accomplissant des exploits héroïques.

295. Ils ont assurément atteint les mondes sans tache, que l’on conquiert par les armes. Ils ont revêtu des corps brillants et sont maintenant comme des immortels.

296. Car aucun (de ces) héros n’a trouvé, dans le combat, la mort par l’épée, après avoir tourné le dos, ou fait l’añjali (en signe de soumission).

297. Les plus grands (sages) ont dit que la mort dans le combat, par les armes, procurait le bonheur suprême à un kshatriya. Tu ne dois donc pas te lamenter.

298. Leurs ennemis aussi, ô reine, les fils de Pândou, ne sont pas heureux. Écoute ce que nous avons fait sous la conduite d’Açvatthâman.

299. Ayant appris que ton fils avait été frappé déloyalement par Bhîmasena, nous sommes entrés dans leur camp endormiet nous avons massacré tous les Pândouides.

300. Tous les Pâñcâlas, Dhrishtadyoumma en tête, sont tués. Les fils de Droupada et ceux de Draupadî sont abattus.

301. Après avoir tué les ennemis de ton fils, nous nous enfuyons, parce que nous sommes incapables de résister aux cinq frères dans un combat,

302, 303. Car ces grands archers, les fils de Pândou, sont braves. Ces tigres des hommes, ces héros, excités en apprenant que leurs fils sont tués, désireux de se venger (du mal que nous venons de leur faire), s’empresseront de suivre nos traces ô glorieuse (reine).

304. Après avoir fait ce carnage des leurs, nous redoutons de les rencontrer ; ô reine, donne-nous notre congé et n’abandonne pas ton esprit à la douleur.

305. Ô roi, toi aussi, congédie-nous, conserve la plus grande fermeté, et considère seulement la fin et le devoir des kshatriyas. »

306, 307. Après avoir ainsi parlé au roi et être passés à sa droite, les magnanimes Kripa, Kritavarman et le fils de Drona poussèrent, avec rapidité, leurs chevaux vers la Gangà (le Gange), (tout en) considérant le sage roi.

308. Ces trois grands guerriers, ô roi, étant partis, prirent congé les uns des autres et, dans leur effroi, s’en allèrent de trois côtés différents.

309. Le Çaradvatide Kripa alla à Hastinapoura, le Hridikien dans son propre royaume, et le fils de Drona à l'ermitage de Vyâsa.

310. Ces héros, en se regardant les uns les autres (aussi longtemps qu’ils purent se voir), remplis de la crainte que leur causaient les magnanimes fils de Pândou, auxquels ils avaient fait offense, s’avancèrent ainsi (chacun dans la direction qu’il avait choisie).

311. Après leur rencontre avec le roi, ô grand prince, le soleil n’étant pas (encore) levé, ces héros dompteurs de leurs ennemis se séparèrent et se rendirent où ils projetaient d’aller.

312. Ensuite, les grands guerriers fils de Pândou, partis de suite (après le massacre du camp à la poursuite du fils de Drona), l’attaquèrent et le vainquirent dans le combat.