Le Mari embaumé/II/3. Une aventure de Louis XIII

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E. Dentu (Tome 2p. 27-40).





III

UNE AVENTURE DE LOUIS XIII


Ce coquin de Mitraille avait raison d’aimer madame la comtesse et la belle Pola ; mademoiselle de Pardaillan, comme on l’appelait dans le Rouergue et aussi à la cour, car elle était connue déjà et presque célèbre à la cour, où jamais on ne l’avait vue. Le côté romanesque qui faisait l’histoire des Guezevern étrange jusqu’à l’invraisemblance, avait attiré l’attention sur la grande fortune dont Pola était désormais l’héritière ; on parlait d’elle, et plus d’un grand seigneur ruiné songeait à elle dans ses rêves.

Mélise, mademoiselle Mitraille, comme personne, assurément, n’aurait pu la nommer sans sourire, avait été élevée dans cette opulente maison de Pardaillan, traitée en amie, en sœur par Pola, en fille par Éliane.

Mitraille avait raison de les aimer toutes les deux.

Quant à Mélise elle-même, nous n’aurons pas beaucoup de peine à discerner son caractère dans ses paroles et dans ses actes. Elle parlait, Dieu merci, et agissait assez haut. Son dévouement valait celui de son père, quoiqu’il ne fût point de la même sorte. Mitraille était pour obéir, Mélise allait à sa fantaisie.

Et nous devons avouer une chose : quand ce coquin de Mitraille avait bu un verre de trop, ce qui lui arrivait bien encore quelquefois, il prenait volontiers les almanachs de Mélise.

Quand il était à jeun, au contraire, il la déclarait folle du meilleur de son cœur.

Aussi Mélise avait-elle, par rapport au vin, des opinions assez avancées. Elle n’en usait point pour elle-même, parce que son esprit bien portant n’avait pas besoin de ce remède, mais elle pensait que pour les hommes, créatures inférieures, le vin constituait une bonne portion du courage, de l’intelligence et de la sagesse.

Au nom de sa mère, Pola était devenue tout à coup sérieuse, et, malgré elle, son charmant visage avait pris une expression d’anxiété. Mélise, au lieu de parler, fixait sur elle un regard perçant.

— J’attends, dit Pola.

— Il y a des moments, murmura la fillette, où l’idée me vient que tu en sais plus long que nous tous.

— J’attends, répéta mademoiselle de Pardaillan.

— Eh bien ! fit Mélise qui secoua la richesse mutine de ses cheveux, entrons en matière, comme dit le sieur conseiller Renaud de Saint-Venant, qui est un habile clerc. Voilà trois jours que mon pauvre papa ne boit que de l’eau, aussi a-t-il perdu le peu de cervelle que Dieu lui a donnée. Il ne me confie plus ses affaires, et comme il a bien deviné que j’ai surpris çà et là quelque petite chose, il m’a défendu de te voir…

— Moi ! l’interrompit Pola. Pourquoi ?

— Parce que tu dois tout ignorer.

— Mais que se passe-t-il donc ?

— Rien de bon, j’en ai peur.

— Tu m’avais annoncé des nouvelles de ma bien-aimée mère ?

— Des nouvelles ! répéta Mélise en hochant la tête. Il y a du neuf et du vieux. Mais n’allons pas si vite. Je ne sais pas quand je pourrai te revoir, et pendant que je te tiens, je veux vider mon sac. D’abord je suis descendue par la fenêtre, parce qu’on ne peut plus arriver ici par la porte.

— Elle est fermée ?

— Mieux que cela. Elle est condamnée. Ah ! ah ! mon père sait bien qu’avec moi il ne faut pas faire les choses à demi. Ta mère lui a dit : Il ne faut pas que ma fille se puisse douter de ma présence à Paris.

— Ma mère ! à Paris ! s’écria Pola, qui se leva toute droite. Elle qui n’a jamais quitté mon père pendant une heure ! Est-ce que mon père est aussi à Paris ?

— Non, répliqua Mélise. Assieds-toi.

Pola se laissa retomber sur le banc.

Mélise prit ses deux mains qu’elle effleura de ses lèvres.

— Petite sœur, dit-elle d’un ton doux et triste, employant peut-être à dessein ce titre qu’elles se donnaient l’une à l’autre au temps de leur enfance, je ne connais pas de créature humaine qui soit si bonne, si noble, ni si sainte que la comtesse Éliane, ta mère. J’ai besoin de te dire cela avant de poursuivre. C’est un culte que j’ai pour ta mère, entends-moi bien, et je ne sépare jamais sa pensée de celle de Dieu, mon créateur. La comtesse Éliane ne peut ni mal faire ni avoir mal fait. Et quelles que puissent être les apparences…

Pola l’interrompit en se penchant vers elle pour lui mettre au front un baiser. Mélise l’attira jusque sur son cœur.

— Nous nous entendons, dit-elle, l’œil humide. Assez de grandes phrases comme cela. Te souviens-tu, quand nous étions petites, ta mère s’enfermait parfois avec son mari ?

— Je m’en souviens, répliqua mademoiselle de Pardaillan. C’était quand mon pauvre père souffrait davantage de ses idées noires.

— Oui… c’était peut-être cela… peut-être autre chose. Elle était alors des jours entiers, quelquefois des semaines sans paraître. Et cela arrivait toujours quand maître Mathieu Barnabi, le savant médecin et le sieur conseiller de Saint-Venant n’étaient point au château.

— Ce sont les deux meilleurs amis de ma mère, fit observer Pola presque sévèrement. Et M. de Saint-Venant était le parrain de feu mon regretté frère qui portait son nom de baptême.

— Le parrain a bien veillé sur le filleul ! grommela Mélise avec ironie. Ne nous disputons pas à propos de M. de Saint-Venant, mon cœur, et Dieu veuille que tu n’apprennes pas trop vite à le mieux connaître !

— Tu l’as toujours détesté.

— Quand mon père a bu un verre de vin, répliqua sentencieusement la fillette, il parle de l’assommer tout net !

Ce capricieux raisonnement ramena un sourire aux lèvres de mademoiselle de Pardaillan.

— Te souviens-tu maintenant d’un soir, reprit Mélise, nous étions déjà grandettes, nous trouvâmes sur le prie-Dieu de ta mère un parchemin qui contenait l’état des biens de votre maison. Tu étais comme le prince des contes de fées qui ignore le nombre de ses domaines, et chaque nom nouveau de ferme, de moulin, de manoir te faisait sourire.

— Je m’en souviens… après ?

— Te rappellerais-tu encore le nom de tes châteaux ?

— Quelques-uns, peut-être.

— Par exemple, le nom de Rivière-le-Duc, en Poissy, de l’autre côté de la forêt de Saint-Germain ?

— C’est une ferme ? demanda Pola qui devenait distraite.

— C’est un manoir… un rendez-vous de chasse plutôt. Il se passa là, voici un peu plus d’un an, l’automne de quarante et un, une histoire assez curieuse.

La main blanche de Pola pesa sur son épaule.

— Je t’en prie, petite sœur, dit-elle, parle-moi de ma mère.

— Il importe que tu connaisses mon histoire, répliqua Mélise. Je la ferai courte, mais tu l’écouteras. C’était chasse royale dans la forêt de Saint-Germain. M. le cardinal de Richelieu était à Rueil, déjà bien malade, et Sa Majesté, plus malade encore que son ministre, gardait le lit au Château-Neuf. M. le grand-veneur avait néanmoins mené la chasse, suivie par M. le duc d’Orléans, M. le prince, le jeune duc de Beaufort et M. de Cinq-Mars : M. le Grand, comme on l’appelait, qui était alors au plus haut degré de sa faveur.

La reine, en carrosse fermé, longeait lentement les allées. Tout était triste à cette cour, même le plaisir.

La chasse dura longtemps. La bête et les chiens allaient mollement, comme s’ils eussent été, eux aussi, de la cour. Le cerf vint à ses fins, vers trois heures de relevée aux buttes de Quintaine. L’hallali sur pied fut sonné à trois heures vingt minutes ; on sonna la mort à la demie.

À la mort, ce fut Gaston d’Orléans qui eut les honneurs, le roi manquant, aussi la reine.

D’autres encore manquaient. Et ne vous étonnez point, ma sœur, si je vous dis si juste les détails de cette anecdote. Ceux qui l’ont racontée, non pas à moi, mais devant moi, avaient intérêt à la bien savoir.

Parmi ceux qui manquaient étaient M. le Grand et un jeune abbé d’Italie, qui fut, quelques jours après, créé cardinal : M. de Mazarin.

Comme la chasse revenait, les princes virent de loin, dans la grande allée de Poissy, un cavalier vêtu de noir, dont le visage disparaissait sous son feutre rabattu. Douze mousquetaires l’accompagnaient.

Les princes se jetèrent aussitôt de droite et de gauche sous les couverts. Le gros de la chasse les imita. La route fut libre. Le roi passa.

C’était le roi.

Où allait le roi ?

Gaston d’Orléans dit :

« Je donnerais mille louis pour savoir où est madame ma sœur ! »

Il parlait de la reine.

M. le prince ajouta :

« M. le Grand va coucher ce soir à la Bastille. »

Il s’en alla souper de bon appétit à Saint-Germain.

Le roi continuait sa route vers Poissy. Il était silencieux et pas une parole ne fut échangée entre les mousquetaires pendant tout le chemin.

À moitié traite entre Saint-Germain et Poissy, un homme à la livrée de M. de Richelieu aborda respectueusement le roi et lui parla bas.

Le roi prit sur la droite un sentier qui conduisait au manoir de Rivière-le-Duc. Il mit son cheval au petit galop. Les mousquetaires suivirent, échangeant entre eux des regards attristés.

L’homme à la livrée de M. le cardinal de Richelieu avait disparu.

Vers la même heure, le carrosse fermé qui avait porté la Reine était arrêté, non point sur une route ni dans une allée, mais au milieu d’une petite clairière, entourée par les hautes futaies de la Croix-de-Bois, dans la partie nord de la forêt. Le carrosse avait toujours ses portières closes et ses rideaux hermétiquement croisés.

Le roi et son escorte passèrent tout près de là, mais ils ne le virent point.

Vers la même heure encore, un cavalier et une dame, causant tout bas, et comme des amoureux, allaient ensemble le long du mur qui sépare les coupes du roi du domaine de Rivière-le-Duc.

C’était une femme jeune encore et de belle taille, vêtue entièrement de noir. Le cavalier portait un galant costume de chasse, qui dessinait bien sa tournure gracieuse et fine. Il avait un manteau sur le bras.

Le jour baissait. Le cavalier et la dame avaient sans doute quelque chose à craindre, car ils s’arrêtaient souvent pour écouter, et leurs regards inquiets interrogeaient alors les alentours.

Tout à coup, ils tressaillirent ensemble, et le cavalier devint plus pâle qu’un mort, tandis que sa compagne se prit à trembler. Ils avaient entendu ensemble et au même moment le bruit déjà voisin d’une cavalcade.

— La chasse ! murmura la dame, cherchant déjà une issue pour fuir.

— Non, dit le gentilhomme d’une voix profondément altérée, ce n’est pas la chasse. Écoutez mieux.

Le pas des chevaux frappant la terre molle d’une route de traverse, était régulier et lourd.

La dame balbutia, chancelante et brisée qu’elle était déjà :

— Les mousquetaires !

Et le cavalier prononça tout bas le nom du roi.

Ce cavalier parlait avec un fort accent italien.

L’Italien et sa compagne étaient dans le sentier de ronde, bordé d’un côté par le mur, de l’autre par les fourrés. La fuite semblait impossible. Le cavalier, cependant eut une inspiration.

— Nous ne devons pas être loin de la brèche d’Orléans, dit-il ; si nous la trouvons, nous sommes sauvés.

Ici Mélise s’interrompit pour demander :

— Sais-tu l’histoire de la brèche d’Orléans ?

— Je t’en prie, répondit Pola qui se laissait prendre à l’intérêt de ce récit comme une enfant qu’elle était, dis-moi le nom de cette dame et le nom de ce cavalier.

— Devine.

— C’était la reine ?

— Tu vas voir…

— Et c’était M. de Cinq-Mars ?

— Non, car M. de Cinq-Mars galopait en ce moment de l’autre côté du mur, et ce fut M. de Cinq-Mars qui montra la brèche aux deux amoureux en leur criant :

— Entrez ! entrez ! sur votre vie !

Ils passèrent la brèche, et M. de Cinq-Mars poursuivit sa route à franc étrier.

Le roi était si près qu’on put l’entendre derrière les arbres disant à ses mousquetaires :

— Messieurs, qui est ce cavalier ?

M. le marquis de Rauzun, le cornette, répondit :

— Sire, aucun de nous ne l’a reconnu.

Et le roi piqua des deux en étouffant une exclamation de colère. Cette colère devait dresser plus tard un échafaud.

Près de cent ans auparavant, en l’année 1546, le duc d’Orléans, fils de François Ier, qui fut depuis Henri II, chassait le cerf dans la forêt de Saint-Germain, accompagné de madame Diane, sa belle amie. C’était un dix-corps de force prodigieuse qui, acculé par les chiens dans le quartier de la Croix-de-Bois, franchit le mur de Rivière-le-Duc et se réfugia chez M. de Pardaillan.

Henri était fort échauffé. Il fit coupler les chiens sur place et pratiquer une brèche au mur de son voisin. Après quoi la chasse continua. Le cerf fut forcé. Mais quand les gens du roi voulurent réparer la brèche, le Pardaillan d’alors, ton très grand oncle, fit opposition, disant que ce lui était un honneur d’avoir brèche ouverte sur les terres de la couronne, et que nul ne pouvait retirer ce qu’un fils de France avait donné. La brèche resta.

Ce Pardaillan ne savait pas de quelle importance sa fantaisie devait être, un siècle plus tard, pour notre cavalier et notre belle dame.

Le roi Louis XIII vint jusqu’à la brèche et la franchit sans hésiter. Bourbon vaut bien Valois.

La course l’avait fatigué, et il était en colère.

— Messieurs, dit-il, ce que je cherche est ici. Que la brèche soit gardée et que le parc soit fouillé de bout en bout. Je le veux !

Les mousquetaires obéirent avec répugnance peut-être, mais ils obéirent. Le roi avait ajouté :

— Nul ne vous gênera dans vos recherches. Madame la comtesse de Pardaillan est auprès de son mari malade dans le Rouergue. Celle-là est une honnête femme, messieurs !

— Que Dieu bénisse le roi ! s’écria Pola.

— C’est l’avis de la reine, maintenant qu’il est mort, répliqua Mélise en riant. Ce jour-là, je ne sais pas si elle priait bien ardemment pour son seigneur et maître.

La recherche fut longue. Le roi s’était fait ouvrir les portes du manoir de Rivière-le-Duc, et attendait dans le grand salon, les pieds au feu, en compagnie de Rimbaut et Royauté, les deux chiens courants de long poil qu’il appelait ses meilleurs amis.

Vers neuf heures du soir, M. le marquis de Rauzan amena le cavalier et la dame. Le roi le congédia et ne garda que ses chiens.

Les dents du cavalier claquaient sous son manteau, derrière lequel il abritait son visage. La dame cachait ses traits à l’abri de son voile.

Le roi resta un instant silencieux, puis il dit :

— Découvrez-vous, Henri, je vous ai reconnu.

Le plus cher favori de Louis XIII, M. le Grand, s’appelait Henri Coiffier de Ruzé d’Effiat, marquis de Cinq-Mars.

Le cavalier se mit à genoux et se découvrit.

— Fi ! monsieur le cardinal ! s’écria le roi, stupéfait en voyant la face blême et la fine moustache de Mazarin.

— C’était le cardinal de Mazarin ! dit Pola, aussi étonnée qu’avait pu l’être le roi.

Elle ajouta, scandalisée, et en se signant dévotement :

— Un prêtre !

— Oh ! répliqua Mélise, beaucoup mieux aguerrie, les prêtres de la cour, tu sais… M. le cardinal de Richelieu avait aussi fait de son mieux.

Les grands yeux de Pola se baissèrent, ce qui n’empêcha point Mélise de garder son malicieux sourire.

— Et vous, madame, reprit le roi, êtes-vous tombée si bas ? Découvrez-vous, je vous l’ordonne !

La dame releva son voile, et Louis XIII, qui s’était mis sur ses pieds pour dominer de plus haut la reine, recula tout décontenancé à la vue d’une figure inconnue.

— Je suis joué, murmura-t-il. Qui êtes-vous, madame ?

— La maîtresse de céans, lui fut-il répondu. Sire, je vous supplie de ne point me perdre. Mon honneur est entre les mains de Votre Majesté. Je suis la comtesse de Pardaillan.

— Ma mère ! prononça Pola en un cri de colère superbe.

Elle s’était levée d’un bond, et sa noble taille semblait tout à coup grandir.

Mélise voulut s’approcher d’elle ; mais mademoiselle de Pardaillan l’écarta d’un geste violent et dit avec éclat :

— Tu mens !

Il n’était pas facile d’éloigner cette petite Mélise. Je ne sais comment elle s’y prit, mais l’instant d’après Pola était prisonnière et pressée contre son cœur.

Pola pleurait ; Mélise avait des larmes dans son sourire.

— Ce n’est pas moi qui mens, dit-elle, c’est l’histoire. L’histoire est bien telle que je te l’ai racontée. Et penses-tu que je ne respecte pas ta mère autant que toi, Pola ? Ta mère ! ma bienfaitrice et ma Providence ! Il faut que tu saches, dusses-tu souffrir et pleurer. Je te le répète : il faut que tu saches tout. Mon père ne voulait pas ; moi, j’ai voulu. Je vous aime tant toutes les deux ! Comment ne serais-je pas bien inspirée !

Pola était faible entre ses bras.

— Ma mère ! murmurait-elle, ma bonne, mon adorée mère !

Un éclair de gaieté fit briller les yeux de Mélise.

— Là où l’histoire était racontée, murmura-t-elle, il y a quelqu’un qui a dit comme toi : Mensonge !

— Qui ? demanda Pola, dont la joue pâle se couvrit de rougeur.

— Or, devinez, mademoiselle, répliqua gravement Mélise, connaissez-vous donc à Paris un si grand nombre de chevaliers errants ?

— Gaëtan ! murmura Pola.

— Juste ! et comme un démenti vaut un coup d’épée, ce pauvre beau Gaëtan a reçu son dû le lendemain, qui était hier.

— Gaëtan ! blessé ! balbutia Pola défaillante.

— Rassure-toi, chérie, dit Mélise en l’asseyant de nouveau sur le banc. Le coup d’épée était magnifique, à ce qu’il paraît, car je n’étais pas là. Mais il y avait le More qui a détourné la pointe avec son bras nu et qui a dit deux mots à l’oreille de M. le baron de Gondrin-Montespan… avais-je déjà prononcé le nom de celui-là ?

— Pas encore, murmura mademoiselle de Pardaillan, et si tu savais comme j’ai peine à te suivre !

— Nous allons parler plus clairement désormais, dit Mélise qui réchauffait les deux mains froides de Pola entre les siennes. Dieu merci, le plus fort est fait, maintenant, et je n’ai plus besoin de parler en paraboles pour forcer ton attention. C’est M. le baron de Gondrin-Montespan qui insultait ta mère, mon cher cœur. Et M. de Gondrin-Montespan est l’homme qui devrait partager avec ton père l’héritage de Pardaillan. Il me reste à te dire comment j’ai entendu son histoire et pourquoi je te l’ai racontée.