Le Mari embaumé/II/4. Une aventure d’Anne d’Autriche

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E. Dentu (Tome 2p. 41-53).





IV

UNE AVENTURE D’ANNE D’AUTRICHE


Mélise s’assit auprès de Pola et poursuivit :

— C’était dans l’antichambre de M. le duc de Vendôme qui a une cour, depuis que M. de Beaufort, son fils, est, dit-on, le favori de la reine. Je suis bien seule dans ce grand hôtel et je m’ennuie. Mon père me cache ses actions ; il boit de l’eau à faire pitié. Dès le commencement de la semaine l’idée m’était venue qu’il devait y avoir quelque chose. Je cherchais à savoir. Et puis, maître Roger est entré parmi les pages de monseigneur. Ce n’est pas un bon sujet, mais il fait si bien les doux yeux ! Je vais et je viens afin de le rencontrer par hasard.

Madame la lingère première, chez qui je devrais travailler, a un rang d’armoires dans le corridor sombre qui longe la grande antichambre de M. le duc. J’étais là. Peut-être m’avait-on donné une commission, mais je ne crois pas. Je laissai mes armoires bien tranquilles et j’avais tantôt l’œil, tantôt l’oreille à la serrure de la grande antichambre.

Je cherchais en vain maître Roger. Celui-là est toujours par voies et par chemins, et Dieu sait qu’il ne mérite guère l’attention qu’on lui donne. En revanche, il y avait chambrée complète : tout le fretin de la cabale des Importants était là ; le pro-secrétaire de M. de Beauvais, Vignon ; l’homme de main de madame de Chevreuse ; le cadet de la Châtre et ton beau Gaëtan, qui suit la maison du président de Blanc-Mesnil, et certes, voilà un jeune gentilhomme qui a eu bien tort de se donner à un robin : si j’étais la reine, je le prendrais pour caracoler à la portière de mon carrosse. Tu souris ? Embrasse-moi. Je ne permets qu’à moi-même de dire que Roger n’est pas la perle des pages, mais Gaëtan vaut mieux que lui.

Il y avait encore le sieur conseiller Renaud de Saint-Venant avec sa figure d’ange de cire, M. le baron de Gondrin-Montespan qui est redevenu un seigneur pour avoir donné, dit on, au jeune duc de Beaufort sa première maîtresse, et cet original qu’on appelle « le More » à cause de sa longue barbe et de sa peau bronzée. Mon père l’a nommé devant moi le seigneur Estéban. Il est quelque chose dans la maison de don Manuel Pacheco, marquis de Villaréal, envoyé secret du roi Philippe IV d’Espagne.

Tu vois que je sais les choses comme il faut. Il y en a une pourtant que je ne sais pas, et tu vas me l’apprendre, toi qui as étudié. Qu’est-ce que c’est que madame Messaline ?

— Messaline ! répéta Pola étonnée. C’était la femme de l’empereur Claude.

— Elle est donc morte ?

— Certes, depuis longtemps.

— Et il y avait quelque chose à redire à sa conduite ?

— Son nom est resté synonyme d’infamie effrontée.

— C’est donc cela ! fit Mélise, soulagée comme si on lui eût fourni le mot d’une énigme. La première phrase que j’entendis, et c’était le baron de Gondrin qui la prononçait, fut celle-ci : « Je vais vous raconter au sujet de cette Messaline, une histoire choisie entre mille, et qui vous donnera une idée de sa honteuse hypocrisie… »

— C’était de ma mère qu’il parlait ! murmura Pola plus pâle qu’une morte.

— Oui ; mais sur mon salut, tout le monde protestait en disant : « Madame la comtesse de Pardaillan est une sainte ! »

— Et M. de Saint-Venant le premier, n’est-ce pas ?

— Oh ! répliqua Mélise avec ce sourire moqueur qui la faisait si jolie, M. de Saint-Venant est un prudent magistrat. Il jeta son feutre sous son bras, remit ses gants à franges et prit la porte.

— Un si vieil ami de la famille ! pensa tout haut Pola.

— Mon père dirait un si vieil ennemi ! riposta Mélise. Pauvre bon père ! Il a bien de la sagesse quand on ne le prend pas à jeun. M. de Gondrin-Montespan raconta donc l’histoire de cette Messaline de Rivière-le-Duc, telle que je te l’ai dite, car chacune de ses paroles est restée dans ma mémoire. Et je te l’ai dite, chérie, parce que l’histoire a une fin qui venge bien ma noble protectrice, la comtesse de Pardaillan. Si tu savais comme ce Gaëtan était beau en disant à M. de Gondrin : « Vous mentez ! » Et si tu savais… Oui, il faut que je mentionne cela, car aussi bien j’aurai à te parler encore de ce personnage singulier, le More : un visage de bronze parmi les masses fauves de sa barbe et de ses cheveux… Si tu savais comme le More écoutait, et quelle lueur farouche glissait entre ses paupières…

— Cet homme est donc méchant ? dit Pola qui frémissait malgré elle.

— Je ne saurais le dire. Il n’a commis, que je sache, aucune action mauvaise ; au contraire. Et cependant, il me fait peur.

— Alors, il est bien laid ? demanda Pola, dont l’accent était d’un enfant.

— Lui ! le More ! s’écria Mélise. Il est plus beau que Roger. Il est plus beau que Gaëtan. En toute ma vie, je n’ai jamais vu un homme si beau !

— Il est jeune ?

— Il est beau, te dis-je. Une semblable beauté n’a point d’âge. Si Roger l’avait vu chez mon père, je suis sûre que Roger m’aurait tuée !

— Ah ! fit mademoiselle de Pardaillan, il a été chez ton père ?

— Je t’ai dit que j’avais encore à te parler du More. Laisse-moi suivre le fil de mon récit, ou bien je m’y perdrai. Quand j’eus écouté l’infâme histoire de ce baron de Gondrin, tu devines dans quel état j’étais. Je courus trouver mon père toute en larmes et je lui répétai ce que j’avais entendu. Dieu soit loué ! il n’était pas à jeun : ce monstre de Roger l’avait mené au cabaret de la Pomme d’Amour, rue des Bons-Enfants, auprès du palais Cardinal ; il avait bu un plein flacon de vin de Guyenne, il possédait donc toute sa raison.

Voilà ce que j’appelle une belle colère ! Il brisa du premier coup les quatre pieds de la table qui est au milieu de notre chambre. Il ébrécha cinq tasses sur six que nous avons, et mit en pièces mon pauvre miroir. Cela me soulagea, et je l’embrassai en lui apportant la sixième tasse, qu’il lança par la fenêtre à travers un carreau.

« Ah ! les misérables ! les misérables ! s’écria-t-il. Je vois bien qu’il y a une affaire montée. Madame Éliane pourra-t-elle se tirer de là ? Si je savais au juste le fin mot, je travaillerais si bien, que j’arriverais à la sauver, peut-être, mais on ne me dit rien ! »

— Père, ce n’était pas madame Éliane, demandai-je, qui était au manoir de Rivière-le-Duc avec M. le cardinal ?

— Merci de moi ! s’écria-t-il encore, tu ne dois point garder un doute sur ta bienfaitrice, et il faut que tu saches tout, petite fille. C’était la première fois que madame Éliane quittait son poste au château de Pardaillan. Depuis, elle a fait plus d’une absence dont Dieu seul connaît le pourquoi. Dieu seul aussi sait ce que le pauvre Pol de Guezevern devient pendant ses voyages. Ah ! celui-là, le titre de comte et la fortune ne lui ont pas apporté le bonheur !

Je me creuse la tête, fillette ; il y a quelque chose entre la pauvre dame et ce mielleux scélérat de Saint-Venant qui pèse sur elle, j’en suis sûr, mais comment ? C’est noir comme le dedans d’un four, et le diable n’y verrait goutte !

D’ailleurs, je m’étais promis de ne point te fourrer dans tout cela. Tu es bavarde comme une pie ! (voilà comment me traite mon père). Tu dirais tout à notre demoiselle. Et puisque madame Éliane s’est séparée de sa fille, elle doit avoir des raisons pour cela. Nous ne devons point aller contre.

En tout cas, voici la vérité vraie. J’étais au manoir de Rivière-le-Duc quand l’affaire arriva.

Le roi poursuivait la reine, comme l’a dit ce malfaiteur de Gondrin, à qui j’irai souhaiter le bonjour demain, à l’heure de sa rencontre avec notre ami Gaëtan. Grâce à Dieu, feu notre bon sire a passé toute sa vie à poursuivre sa femme. Quand il la trouvait, il la traitait de gourgandine espagnole ou bien il lui récitait des patenôtres. Cela ne suffisait pas à la reine, qui est une personne bien portante et de galant caractère.

Pendant plus de vingt ans, continua mon père, elle a été de ci, de là, sans faire beaucoup de mal, dit-on, et flairant la pomme du péché plutôt qu’elle ne la mordait ; Mylord de Buckingham pourrait le dire, et une vingtaine d’autres aussi ; moi, je n’ai qu’à me taire ; elle ne m’a jamais ni mordu, ni flairé.

Le roi poursuivait donc la reine qu’il croyait surprendre avec M. le marquis de Cinq-Mars, grand écuyer de France : cela sur une dénonciation de M. le cardinal de Richelieu. On prétend qu’en cette affaire le roi était deux fois jaloux mais cela ne te regarde pas.

La reine en avait fini avec M. de Cinq-Mars, le pauvre jeune homme. Elle était venue ce jour-là à son premier rendez-vous avec M. de Mazarin, qui l’a fixée, depuis lors, en tout bien tout honneur, et dont elle est folle, ce que verront bien, sous peu, messieurs de la cabale.

La reine et le nouveau cardinal arrivèrent au manoir avec le roi sur leurs talons, le roi et ses mousquetaires. Ils étaient pris au piège.

Tenter de fuir eût été folie, Anne d’Autriche, qui croyait entrer dans une maison déserte, rencontra sous le vestibule la comtesse Éliane de Pardaillan et lui dit :

— Sauvez-moi, je suis la reine.

— Je suis prête à me dévouer pour la reine, répondit madame Éliane sans hésiter.

Anne d’Autriche lui prit les mains et la baisa au front, disant :

— Aujourd’hui comme dans vingt ans, demandez-moi ce que vous voudrez, madame, pour prix du grand service que vous me rendez.

Pendant cela, M. de Mazarin, plus tremblant que la feuille, baisait le bas de la robe de la comtesse.

Celle-ci dit :

— J’accepte la promesse de Votre Majesté. Il y a un cruel malheur dans ma vie. Il se peut que j’aie besoin tôt ou tard de la protection royale.

La reine entra. Ce fut moi qui la cachai. Madame Éliane sortit, entraînant le cardinal au moment où le roi descendait de cheval. Tous deux se laissèrent poursuivre un instant et se firent prendre. La reine, grâce à moi, était déjà sur la route du château de Saint-Germain.

Telle est la vérité, ajouta Mélise, mon père a été témoin : madame Éliane s’est dévouée pour la reine.

Mlle de Pardaillan ne répondit point d’abord : sa figure restait triste, presque sévère.

— Eh bien ! fit Mélise, n’es-tu point guérie de ton chagrin ?

— Je n’ai jamais douté de ma mère, répondit Pola d’un ton froid.

Puis elle ajouta en baissant les yeux :

— Et Dieu me garde de la blâmer jamais, ma mère, ma bien aimée mère ! Mais je m’étonne qu’elle ait compromis ainsi, même pour sauver une reine, le nom que mon père m’a donné !

Mélise la regarda avec étonnement.

— Mon cœur, dit-elle en secouant sa vague émotion, car les paroles de sa compagne l’avaient frappée ; j’avoue que je n’avais point songé à cela. Après tout, je ne suis que la fille de ce coquin de Mitraille, et je ne comprends pas tous vos scrupules. Continuons.

C’était donc le lendemain que devait avoir lieu la rencontre entre ton beau chevalier Gaëtan et le baron de Gondrin. Ce baron passe pour une fine lame et pour un méchant homme. Mon père s’était couché tout inquiet.

Au matin, le matin d’hier, je le croyais parti depuis du temps, lorsque je l’entendis chanter dans sa chambre. Il était à jeun, il avait oublié.

Dès le premier mot que je prononçai, il demanda du vin, lampa une maîtresse rasade, ceignit son épée et partit comme un trait.

Quand il revint, il me cria de loin joyeusement :

— N’aie pas peur fillette. Je suis arrivé trop tard ; ce Moricaud d’Estéban avait déjà fait l’affaire. Où diable ai-je donc vu autrefois la figure de ce luron-là ?

Il faut te dire que mon père ne prononçait point ces paroles pour la première fois.

Quelque temps auparavant, un soir, j’avais vu entrer chez nous un homme vêtu bizarrement et qui m’était inconnu.

Pour arriver ainsi à notre réduit, tout droit, la nuit, le long des corridors de Vendôme, il faut avoir un guide, savoir les êtres ou être sorcier.

L’étranger venait pour la première fois à l’hôtel et n’avait point eu de guide.

Il s’assit après m’avoir saluée et sans me demander aucune permission. Quand il fut assis, il me dit :

— Je vais attendre le retour du capitaine Mitraille. J’ai besoin de m’entretenir avec lui.

Moi, je ne suis pas très embarrassée, tu sais. Je m’ennuyais comme à l’ordinaire. Je répondis n’importe quoi, et tout en faisant semblant de broder, je me mis à considérer cette admirable statue.

Une statue, c’est le mot, et il n’y en a pas beaucoup de pareilles.

Il restait immobile et muet. Il semblait réfléchir ou plutôt rêver, car ses grands yeux se noyaient souvent sous le voile de ses longs cils.

En rêvant il regardait notre chambre comme si chaque pouce de la muraille eût intéressé son rêve. Et, figure-toi, il n’y a rien à regarder dans notre pauvre chambre. Tu ne l’as jamais vue, mais ton père et ta mère la connaissent bien. C’est l’ancien logis de M. le comte de Pardaillan, du temps où il était maître Pol de Guezevern, page de M. le duc de Vendôme.

Tout-à-coup le More me dit, sans relever les yeux sur moi :

— Roger est un loyal enfant ; cela vous portera bonheur de l’aimer, ma fille.

Je pense que je devins rouge comme un pavot. J’avais presque envie de le prier qu’il ne se mêlât point de mes affaires. Mais il y a des gens qui vous ferment la bouche : il est de ces gens-là.

Du reste, c’eût été inutile ; il garda le silence désormais, n’ayant plus rien à me dire.

Quand mon père entra, il était à même de raisonner comme il faut, ayant bu abondamment toute la soirée. Il fut étonné et demanda à l’étranger le motif de sa visite.

L’étranger répondit :

— Sur les galères du Turc, où j’ai ramé longtemps comme esclave, j’avais un jeune compagnon qui était Français. Je l’aimais. Nous avions fait un pacte ensemble, chacun de nous promettant à l’autre certaines choses sous la foi du serment. Je viens vers vous capitaine Mitraille, pour accomplir mon devoir.

— Tout à votre service, mon camarade, répliqua mon père. Mélise, va nous chercher du vin.

Il fallut obéir. Je ne sais ce qui fut dit pendant mon absence. Au moment où je rentrai, mon père s’écriait :

— C’est étonnant, mon camarade ! il me semble que je vous ai déjà vu quelque part !

— Il se peut, dit le More, si vous avez voyagé au loin. Moi, c’est la première fois que je viens à Paris.

— Ce jeune homme dont vous parlez, reprit mon père en versant le vin dans les tasses, ne s’appelait-il point Renaud de son nom de baptême ?

Pola qui, désormais écoutait avidement, demanda :

Penses-tu que mon frère aîné soit vivant !

— Je ne pense rien, chérie, répliqua Mélise. L’espoir trompé est une douleur, et Dieu sait que la bonne comtesse a bien assez de chagrins, sans celui-là. Le jeune homme dont parlait le More ne s’appelait point Renaud.

Du reste, l’entretien que j’entendis m’apprit peu de chose. On m’envoya deux fois chercher du vin, et il est vraisemblable que l’étranger choisit le moment où j’étais ainsi absente pour placer ses questions les plus importantes.

L’impression que j’ai gardée de lui est pleine de doutes. Vient-il réellement de la part d’un ami malheureux ? Est-ce un agent déguisé de vos nombreux ennemis ? Je ne saurais le dire. S’il s’agissait de moi seule, il me semble que j’aurais confiance en lui.

Voici en peu de mots sur quoi a roulé l’entretien, au moins en ma présence. L’étranger ne paraissait point se soucier beaucoup de connaître l’histoire des Guezevern avant l’héritage. Le nom de madame Éliane produisait sur lui une impression visible, sans que j’aie pu deviner si c’était de l’intérêt ou de la haine. Il s’est informé de toi ; il a demandé ton âge exact et combien de temps après l’héritage avait eu lieu ta naissance. Un instant j’ai pensé qu’il n’ignorait point ta présence à Paris, car il a parlé de dame Honorée.

Et je te prie de remarquer ceci : dans les quelques jours qui se sont écoulés depuis cette étrange visite, j’ai pu voir par l’inquiétude de Roger et de Gaëtan, que mes soupçons pourraient bien être fondés. Le More rôde autour de l’hôtel, ou plutôt autour du couvent, et j’ai idée que c’est pour toi.

Gaëtan a eu la même pensée que moi. Roger croit que c’est pour moi. Ils sont jaloux tous les deux. Va ! je ne suis pas sur un lit de roses !

— Gaëtan, Roger et le More se connaissent-ils ? demanda Pola.

— C’est justement ce que j’allais te dire, répliqua Mélise. Je ne crois pas qu’ils se soient jamais parlé, mais ils se connaissent, en ce sens qu’ils s’observent tous les trois. Et la conduite de ce don Estéban vis-à-vis de ton beau Gaëtan est bien loin de prouver, cependant, qu’il soit son ennemi. Tout est mystère.

Je l’ai revu depuis lors bien souvent. Je mentirais si je n’avouais que je me sens attirée vers lui malgré moi. Et, en dehors de cet attrait, il y a le désir passionné que j’ai de vous servir, toi et la comtesse.

Je me trouve entre ces trois hommes qui se guettent et qui se gênent mutuellement. Roger est comme une âme en peine. J’ai beau user d’adresse, il sent la présence des deux autres et me soupçonne déjà peut-être. Pour avoir une explication avec Roger, il faudrait lui dire : Ce beau Gaëtan est ici pour mademoiselle de Pardaillan…

— Oh ! Mélise ! fit Pola offensée.

— Comme tu pleurerais, mignonne, riposta la fillette en souriant, si tu pensais qu’il y fut pour une autre !… Mais veux-tu savoir ? Je crains que tout cela ne finisse par des coups d’épée. Gaëtan et Roger ont le diable au corps quand ils s’y mettent ; et le More… Ah ! vois-tu, le More ! quand il se bat, ce doit être un lion !

Pour en revenir, mes entrevues avec lui ne sont pas à mon avantage. Il m’arrache toujours quelque chose de ce qu’il veut savoir, et moi, de ce que je veux savoir, je n’apprends rien. Ces sauvages ont une prodigieuse adresse.

À la fin de sa première visite, quand j’interrogeai mon père… Écoute, le vin est une bonne chose, mais il ne faut pas en abuser. Mon père avait bu un peu trop. Je n’en pus rien tirer, sinon ces mots prononcés d’une langue épaisse :

« Notre petit Renaud est bel et bien mort. Les coquins ne l’auront pas tué à demi. Mais je donnerais de bon cœur une couple de pistoles à qui me dirait où j’ai vu le More et son visage de cuivre florentin ! »