Le Message du Mikado/p1/ch06

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Éditions Jules Tallandier (p. 99-119).


CHAPITRE VI

Une jeune fille qui s’évapore



Brindisi, sur la terre d’Otrante, est certes la ville la plus cosmopolite de la péninsule italienne. Anglais, Américains, Allemands, Français, Maltais, Grecs, Ottomans, etc…, s’y coudoient, mêlent leurs idiomes.

Dans le port affluent d’une part, les bateaux venant d’Angleterre, d’Allemagne, de France ; d’autres part tous les trains du service malle de l’Inde allemande, empruntant la voie du Saint-Gothard ; on trouve là un mélange, une confusion de types, de costumes, de langues, un perpétuel va-et-vient de races, tels que la vie et le caractère italiens se trouvent presque entièrement effacés.

Sous un soleil de plomb, le général Uko, sa fille Sika, Tibérade et son espiègle cousine débarquèrent.

La traversée depuis Marseille avait été fort agréable. Beau temps, une mer paisible ; puis, dans la joie d’être délivrés de l’individu acharné à leur poursuite, les voyageurs, on l’a vu, avaient cru qu’ils pouvaient sans crainte renouer connaissance.

On avait bien entendu, félicité Emmie sur l’ingéniosité des procédés grâce auxquels, selon son expression, le monsieur trop curieux s’était trouvé semé à Marseille.

Sika, rejetant le voile d’ennui qui assombrissait son joli visage, se montrait presque aussi enjouée que la fillette, vers qui la sympathie la portait irrésistiblement.

Or, le Shanghaï faisant une escale de six heures à Brindisi, tous laissèrent les bagages dans leurs cabines et descendirent à terre, avec la joie de pensionnaires délivrés de la surveillance des maîtres scolaires.

Dans l’espèce, celui qu’ils assimilaient à ces maîtres, n’était autre que Midoulet, dont l’heureuse initiative d’Emmie les avait débarrassés au départ du chef-lieu des Bouches-du-Rhône.

Véronique, éprouvée par le mal de mer, avait été laissée à la garde des cabines. Aucune individualité étrangère ne se trouverait donc entre les Japonais et leurs amis.

Et enchantés de cette solitude à quatre, incapables de deviner qu’à bord restaient deux adversaires qui allaient comploter contre leur tranquillité, les passagers avaient joyeusement débarqué sur la terre italienne.

Le général proposa de fêter la liberté conquise, par un bon dîner. La motion adoptée d’enthousiasme, tous se rendirent à l’hôtel Cavour, l’un des meilleurs de Brindisi.

Et tandis qu’il s’absorbait dans la confection d’un menu digne de la circonstance, Sika jugea opportun d’entraîner Emmie au lavabo.

La coquetterie des jeunes personnes trouvait là l’occasion de bavarder un peu en tête à tête.

Le maître d’hôtel avait reçu le menu du général avec un respect qui promettait une addition de premier ordre.

Marcel pensa pouvoir risquer une question. Au demeurant, toute l’aventure qui l’emportait, ne lui apparaissait point très claire.

— Voyons, général, maintenant nous pouvons causer franchement, n’étant plus obsédés par un ennemi insupportable. Serai-je indiscret en vous demandant de m’expliquer la psychologie et l’acharnement de cet importun, car enfin un pari…

Uko eut un mouvement dépité. Cependant, il répliqua d’un ton très calme :

— Pourtant comme je vous l’ai dit, il s’agit d’un pari.

— Considérable, alors ?

— Vous dites le mot juste.

— Une fortune ?

Ces cinq syllabes semblèrent mettre le Japonais à l’aise.

— Oui, répéta-t-il gravement, une fortune, une grande fortune !

Et, allant au-devant de nouvelles interrogations :

— Ne me demandez pas de détail. Je rougis de m’être engagé, à mon âge, en pareille affaire. Qu’il vous suffise de savoir que, multimillionnaire, je serais sensiblement ruiné si je perdais.

— Diable !

— Et la ruine serait le moindre malheur. Ma vie, celle de Sika, seraient en péril.

— Votre vie, celle de Mlle Sika ?

— Oui.

— Mais c’est donc un pari de sauvages, s’exclama le cousin d’Emmie, incapable de contenir sa stupéfaction.

Un instant, l’interlocuteur du jeune homme le considéra avec une expression étrange, faite de gravité et d’ironie, puis lentement :

— C’est presque cela. Vous avez entendu parler de la vieille caste guerrière du Japon : les Samouraï. Courage à toute épreuve, cruauté sans nom. Supposez que mon adversaire est un Samouraï, qui a conservé intactes toutes les violences et toutes les grandeurs des ancêtres, et qui considère que le gain de notre pari consacre une affaire engageant son honneur.

— Diable de diable, grommela Tibérade, un père de famille ne devrait pas s’aventurer dans pareille galère.

Le général secoua la tête ; Marcel interpréta ce geste comme un acquiescement, et désireux de ne pas persévérer dans une critique qu’il comprenait pénible à son compagnon, il s’évertuait à changer de conversation, quand Emmie reparut et demanda à son cousin :

— Qu’est-ce que tu me veux ?

Il la regarda d’un air ahuri :

— Comment ? Ce que je te veux ?

— Oui ! Oh ! ne feins pas l’étonnement. La femme de chambre, que tu m’as envoyée, m’a dit tout bas : « Ce monsieur vous prie de venir vite, sans prévenir votre amie. » Je me suis dit : « C’est une surprise. » Donc… quelle est la surprise ?

La surprise fut dans l’explication. Marcel n’avait envoyé personne à Emmie. Sans nul doute possible, une servante s’était adressée à elle par erreur. Bref, la fillette sortit en grommelant avec humeur :

— C’est ridicule des erreurs comme celle-ci. Mlle Sika doit s’étonner de ma disparition. Je vais la rejoindre.

Les deux hommes approuvèrent du geste et reprirent leur conversation. Mais, quelques minutes s’étaient à peine écoulées que, de nouveau, Emmie faisait irruption dans la pièce et s’exclamait :

— Sika n’est pas avec vous ?

— Non, tu devais la ramener… commença Tibérade.

La fillette l’interrompit impétueusement :

— Justement. C’est à croire que tout le monde s’est «donné le mot pour me mystifier !

— Où prends-tu que l’on se livre à cet exercice de mauvais goût ?

— Où ? Comprends autrement une plaisanterie aussi stupide. Je retourne au lavabo ; je trouve la femme de garde qui me dit : « Votre amie vous a cherchée ; elle est allée vous rejoindre. » Je réponds : C’est bizarre que je ne l’aie pas rencontrée. » — « Oh ! me dit la femme, l’hôtel est grand. Il y a beaucoup de mouvement en ce moment. » — Bon, je reviens auprès de vous. Pas plus de Mlle Sika que sur ma main. C’est exaspérant à la fin !

— Exaspérant, mais explicable, intervint le général. Elle est curieuse, ma Sika. Elle a dû visiter le salon de lecture, le restaurant, que sais-je… Asseyez-vous ! Elle n’ignore pas où nous sommes ! Nous la verrons arriver bientôt.

Cela semblait évident. Toutefois, cinq minutes, puis dix, se passèrent… Sika ne se montra pas. Une vague inquiétude commença de peser sur ses trois compagnons.

— Bizarre ! grommela enfin le général. Que peut-elle faire ?

— Si nous nous renseignions, proposa Marcel avec empressement

— Ma foi, j’accepte. Excusez un père…

— Dont je partage le désir… Du reste, nous éviterons ainsi l’ennui de l’attente. Il n’y a pas lieu de s’émouvoir, certainement ; cependant…

— Il sera bon de se mouvoir, cousin ; mettons-nous donc en mouvement sans discourir davantage.

La proposition d’Emmie ne pouvait soulever d’objection.

Tous se rendirent au lavabo, afin de prendre la piste de la jeune Japonaise à l’origine.

La femme de garde, Italienne épaisse aux yeux noirs, au teint basané, sursauta en les voyant.

Elle fut affolée quand tous trois lui demandèrent à la fois :

— Mon amie ?

— Ma fille ?

— La gracieuse demoiselle blonde ?

— Par la Madone, la signorina s’est éloignée depuis un bon moment.

— Sans me chercher ? insista Emmie avec une nuance de dépit.

— La povera n’a pu songer à cela. Une fille de chambre de l’hôtel est venue la prendre.

— Une fille de chambre !… s’exclamèrent les compagnons de Sika.

Ils se regardèrent avec une surprise anxieuse.

— Mais, s’écria enfin Marcel, vous connaissez cette servante ?

— Non, signor, non.

— Non ?

— Dame, le personnel se renouvelle souvent, dans les hôtels de Brindisi ; à chaque instant, des voyageurs, en bisbille avec leurs serviteurs, nous enlèvent des domestiques pour remplacer ceux dont ils se séparent…

L’Italienne allait se lancer dans des considérations variées sur ce thème ; Marcel coupa court à cette dissertation menaçante :

— Enfin, vous ne la connaissez pas ?

— Je répète au signor qu’en effet…

— Alors, comment affirmez-vous qu’elle fait partie du personnel de l’hôtel ?

— À la coiffure, au costume, j’en ai jugé ainsi, signor. Mais vous concevez, les employés changent, continua la femme, enfourchant de nouveau son dada ; c’est un va-et-vient sans arrêt. Il faudrait une tête d’archange pour s’y reconnaître. Et moi, Mathilde Caspriconi, je ne suis qu’une pécheresse qui attend le salut de la seule bonté de la Madone.

Il était évident que l’on ne tirerait rien de cette bavarde insipide.

Uko, suivi de Tibérade et d’Emmie, l’inquiétude de tous croissant de minute en minute, devenant de l’angoisse, passa au salon de lecture, au fumoir, dans les salles à manger.

Sika demeurait invisible.

Alors, il fallut avoir recours au personnel. Mais une nouvelle surprise attendait les voyageurs.

Aucune fille de chambre n’avait appelé Sika. Du reste, Emmie déclarait que celle qui lui avait, à elle-même, fait quitter le lavabo, ne se trouvait pas parmi les servantes défilant sous ses yeux.

Bientôt, la rumeur d’un drame mystérieux emplit l’hôtel.

Voyageurs et employés se trouvèrent rassemblés sous le vestibule, discutant, prononçant des mots inintelligibles pour les intéressés, frémissant d’impatience et d’anxiété.

Deux de ces vocables surtout revenaient souvent.

— Camorra, Camorillo, répétaient tantôt les uns, tantôt les autres.

À la fin, Tibérade impatienté interrogea rudement :

— Qu’entendez-vous par Camorra ?

Un officier de bersaglieri, ces zouaves de l’armée italienne, qui, en petite tenue, substituent à leur chapeau à plumes la chéchia de nos chacals, un officier présent répondit :

— La Camorra est une association puissante, dont la main est dans tout événement inexplicable.

— Une association de bandits, rugit le général.

Son interlocuteur secoua la tête.

— Ils emploient parfois des procédés de bandits, les Camorillos ; mais leur but est surtout politique, et dans l’espèce, je pense qu’ils ne sauraient être incriminés.

— Parce que ?

— Parce que vous êtes étrangers, et que vous n’avez rien à voir dans les affaires publiques de ce pays.

Puis, avec cette facilité d’élocution, si remarquable chez les Italiens, le bersaglieri continua :

— Ah ! si vous n’étiez pas étrangers, je serais moins affirmatif. Un habitant de la province peut être en discussion avec un camorriste, et alors l’association prend en mains les intérêts de son affilié…

Mais vous, descendus à terre pendant une escale du paquebot, la Camorra vous ignore.

— Et moi, j’ignore ce qu’est devenue ma fille.

D’une voix frémissante, le général avait lancé la phrase douloureuse. Tibérade le regardait, les yeux troubles, sentant son cœur battre à grands coups dans sa poitrine.

Emmie piétinait, examinant les assistants avec défiance, espérant à chaque instant reconnaître la femme, dont les propos mensongers l’avaient séparée de Sika, dans le but évident de livrer celle-ci, sans défense, aux ennemis inconnus qui la tenaient prisonnière à cette heure, car telle était l’explication que la fillette en arriverait à admettre comme l’expression de la réalité.

Et tout à coup, tous ont un sursaut.

Le chef de la réception s’est approché. Il tient une lettre entre ses doigts.

— Le signer général Uko ! prononce-t-il.

— Que me voulez-vous ? clame le Japonais repoussant les curieux qui le séparent de l’employé.

Ce dernier salue et, tendant le papier qu’il tient délicatement entre le pouce et l’index :

— Une lettre, signor général. Elle a été déposée sur le bureau de l’hôtel.

— Par qui ?

— Cela je l’ignore. On n’a vu personne.

Rageusement, le Japonais, exaspéré par ce nouveau mystère, déchira l’enveloppe et lut à haute voix cette étrange missive :

« Illustrissime guerrier, honorabilissime signor.

« La fleur de votre foyer est parmi nous. Les fleurs, vous le savez, s’étiolent vite, lorsque les jardiniers négligents ne les arrosent point. Soucieux de son éclat, nous vous convions à l’arrosage.

« Il vous sera facile. Vous portez sur vous un carnet de chèques, auxquels votre signature donne une valeur illimitée.

« Conservez-le dans votre poche, et ce soir même, frétez une voiture. Faites-vous conduire sur la route du Nord, jusqu’à la colonne Pompéïana. Là, nous causerons de l’adorable signorina, la bellissima.

« Notre salut balaie la terre devant vous, illustre guerrier.

« P.-S. — Évitez de mêler la police à tout cela. Notre modestie nous interdit de nous présenter à des gens policiers, et la fleur périrait de notre défaut d’entente.

« Signé : les 3 S[1] »

— La Camorra ! C’est la Camorra, bégayèrent les assistants de voix tremblantes, qui en disaient long sur le respect qu’inspire la terrible association.

Et chacun, élevant le ton, comme s’il pensait être entendu par un agent inconnu de la Camorra, conseillait :

— Partez ! Ne perdez pas une minute ! Acceptez toutes les conditions. La Camorra ne menace jamais en vain.

Devant cette unanimité, le général se décida sur-le-champ. Aussi bien, n’avait-il pas besoin des encouragements des indifférents.

— Je pars, s’écria-t-il.

— Je vous accompagne, déclara aussitôt Tibérade, dont les yeux humides trahissaient une émotion dont il se fût cru incapable, huit jours plus tôt.

— Et moi aussi, protesta Emmie en s’accrochant au bras de son cousin. Si tu t’en vas, je suis de la partie.

— Mais tu n’y songes pas, ma pauvre petite.

— Je ne songe qu’à cela au contraire.

— Envisage le danger.

— Il est pour le carnet de chèques du général, le danger ! Moi, je ne risque que de m’amuser ; je ne paierai pas ma place et je verrai les bandits, des vrais.

— Tu es folle…

— De spectacle, cousin, c’est vrai. Toi, ta folie est plus grave. Veux-tu que je t’en dise la nature, en t’obligeant à te déclarer le plus insane des deux ?

Marcel devint écarlate. Peut-être allait-il se fâcher ; moyen de cacher son embarras fréquemment employé, quand une voiture qu’avait été quérir l’un des assistants, s’arrêta devant l’hôtel.

— Voici un équipage pour le signor général.

— Venez, venez, monsieur Tibérade ! clama Uko en se précipitant vers le véhicule.

Et tandis que Marcel et Emmie, subitement réconciliés, prenaient place, le Japonais jetait au cocher :

— Route du Nord, colonne Pompéïana.

Ce à quoi l’automédon répliqua avec le flegme adulateur des Italiens du Sud :

— Aux ordres de son Excellence.

La voiture se mit aussitôt en marcha. On sortit de la ville et l’on s’engagea sur la voie du Nord, laquelle se raccorde à peu de distance avec la grande route royale de Naples.

La nuit était venue.

À présent, le carrosse roulait en pleine campagne, entre les plantations de lauriers-roses, qui sont la spécialité de la région, et dont on extrait un parfum très violent, peu goûté des Européens, mais recherché par les Orientaux.

Puis les plantations s’espacèrent, disparurent complètement.

La campagne se dénuda. Des rochers percèrent le sol ; les rampes succédèrent aux rampes, annonçant que l’on escaladait les premiers contreforts de la chaîne montagneuse de l’Apennin.

Sur un plateau, le véhicule fit halte.

Les voyageurs regardèrent autour d’eux. Pas un arbre, pas un buisson.

À droite de la route, une colonne de pierre se dressait seule au-dessus du sol.

— La colonne Pompéïana ? demanda le général.

— Oui, Excellence, répliqua le cocher qui, philosophiquement, alluma une cigarette.

— Vous ne voyez personne ?

— Non… mais mon cheval préfère cela. La route est dure et il a besoin de souffler.

Le calme de l’automédon réagit sur les voyageurs. Ils descendirent de voiture et se promenèrent de long en large.

Il n’y avait qu’à attendre, en effet, les inconnus qui, par leur lettre, avaient désigné le lieu du rendez-vous.

Seulement les minutes se succédèrent. Une demi-heure s’écoula, lente, interminable.

Le général se montait peu à peu, grommelant entre ses dents des propos peu flatteurs pour la Camorra et les camorristes.

Sa voix s’élevait graduellement, et soudain, sa colère faisant explosion, il rugit avec une rage douloureuse dont sa voix se faussait :

— Ah ! ces bandits jouent avec mon cœur !

Ceci eut un effet inattendu. Le cocher, se dressa brusquement sur son siège :

— Le temps fixé par le Commandant de la Montagne est écoulé. Que les signori et la signorina remontent, en voiture ; je vais les conduire au rendez-vous réel.

Et tous, stupéfaits, questionnant :

— Vous le connaissez, donc ?

— Oui, Excellences.

— Alors, pourquoi cette attente inutile ?

— Inutile, non pas ! Il fallait bien m’assurer que les signori n’avaient pas prévenu la police. Elle est subtile, la police, moins pourtant que nous. Je rends hommage à la loyauté des Excellences. Les carabiniers ignorent leur promenade.

L’impertinence du banditisme italien tenait tout entière dans ces paroles. Mais les voyageurs n’étaient pas en posture de discuter. Peu importait d’être nargués par les camorristes, si l’on délivrait Sika.

Aussi, sans murmurer, reprirent-ils place dans le véhicule, qui se remit aussitôt en route.

Où donc était Sika ? Comment avait-elle été entraînée si loin de l’hôtel Cavour ? Aucun de ses amis n’eût pensé que tout cela était l’œuvre d’un simple commissionnaire, ou du moins d’un homme affublé de la tenue spéciale à ces travailleurs.

Oui, un commissionnaire spécial, un camorriste fantaisiste, et Français par-dessus le marché. Pour tout dire d’un mot, l’enlèvement de la jeune fille était la revanche de Midoulet.

L’agent, berné à Marseille, gagnait la seconde manche à Brindisi.

Et de la façon la plus simple, la plus ingénieuse, la plus audacieuse en même temps.

Le chemin de fer l’avait amené à Brindisi avec six heures d’avance sur le paquebot Shanghaï, ainsi que le lui avait indiqué son camarade du service des Renseignements, si opportunément rencontré sur le quai massiliote.

Au sortir de la gare, il s’était tenu ce raisonnement : « Pourquoi chercher à dérober le pantalon diplomatique et risquer ainsi de le poursuivre jusqu’aux confins du monde. Il serait plus rapide et plus habile de me le faire donner en présent, ou plus exactement en échange. En échange de quoi ? Mais d’un objet de valeur équivalente aux yeux de ce brave général Uko.

Il s’était frotté les mains d’un geste satisfait et avait repris, toujours pour lui-même :

— Voilà un problème magistralement posé. Midoulet, je te marque un bon point, et je poursuis. Pour amener l’échange, que faut-il ? Que le Japonais croie sa chère enfant en danger. Quel danger ? Sur cette terre classique du banditisme, le danger est facile à simuler, car il existe déjà dans l’imagination des voyageurs. Donc, je deviens bandit de circonstance.

Sur ce, moyennant finances (les fonds secrets ne sont pas une fumée pour les agents tels que Midoulet), il s’était assuré, après un examen méticuleux, le concours d’un cocher, d’une alerte bouquetière et de deux de ces coquins nombreux dans toutes les villes du sud de l’Italie, pratiquant le jour le farniente au soleil, et utilisant les ombres propices de la nuit pour trouver, dans les poches ou les tiroirs des autres, les ressources nécessaires à l’entretien de leur paresse. C’était en somme, sur une faible échelle, le procédé de recrutement usité par la Maffia ou la Camorra elles-mêmes.

Ayant indiqué son rôle à chacun de ces comparses, Midoulet acheta une grande malle ; sous les apparences d’un commissionnaire, il guetta l’arrivée du Shanghaï. Il reconnut sans peine le général et Sika, quand ils descendirent à terre. Il s’inquiéta bien un peu de les voir en compagnie de Tibérade et d’Emmie ; mais sachant la facilité des relations à bord entre passagers, il n’en prit pas ombrage et continua l’exécution du plan qu’il avait conçu.

Les voyageurs dîneraient à terre sans aucun doute (comment ne pas profiter de l’escale pour varier le menu du bord). Et lui, Midoulet, serait de la partie, d’une façon au moins inattendue.

Il hissa donc sa malle vide sur le crochet ad hoc fixé à ses épaules, s’attacha aux pas de ceux qu’il poursuivait. Il pénétra derrière eux dans l’hôtel Cavour. Là, pour expliquer sa présence, il se prétendit chargé de remettre son fardeau à un certain M. Stephenwill, descendu au Cavour-Hôtel.

Ledit Stephenwill, bien entendu, n’existait que dans l’imagination de l’agent.

Ce qui n’empêcha pas celui-ci de jouer le dépit quand on lui déclara que le voyageur était inconnu.

— Pas possible ! Il m’a bien dit le Cavour. Permettez-moi de l’attendre un peu. Cela me donnera le temps de souffler. Il arrivera peut-être ; je préférerais cela à faire le tour des hôtels pour rejoindre le propriétaire de cette satanée malle.

Bref, le gérant, étourdi par ses lamentations, lui octroya la licence demandée.

Dès lors, l’exécution du plan de l’agent devenait un simple jeu.

La bouquetière engagée emprunta subrepticement le tablier et la coiffure d’une fille d’étage, éloigna Emmie du lavabo ; puis, Sika isolée, elle vint lui annoncer que son père l’attendait au salon, désert à cette heure du jour.

Or, à peine la jeune fille y fut-elle entrée, qu’un voile imbibé de chloroforme fut jeté sur sa tête, l’anesthésia complètement, la transmuant en une statue inanimée, que le faux commissionnaire enferma aisément dans sa malle. Il rechargea l’encombrant colis sur son dos et l’emporta au dehors, sans que, au milieu du brouhaha des allées et venues de cet hôtel fréquenté, personne soupçonnât le rapt audacieux qui s’accomplissait.

À cinquante pas, une voiture attendait.

Midoulet y déposa son fardeau, y prit place, et le véhicule fila vers la montagne. L’enlèvement était réalisé ; l’agent détenait l’enfant bien-aimée du général.

L’un des coquins, aux gages de Midoulet, avait suivi l’opération de loin. Il choisit le moment opportun pour déposer, sans être aperçu, dans le bureau de l’hôtel, la lettre toute préparée, destinée à amener le général Uko en présence du ravisseur de sa fille.

En reprenant conscience, Sika se trouva étendue sur un plateau rocheux, bordant un ravin, dont les flancs abrupts apparaissaient hérissés d’une végétation étrange. En arrière, les montagnes calabraises dressaient, ainsi qu’un puissant rempart, leurs cimes capricieuses vers le ciel nocturne constellé d’étoiles d’or.

Stupéfaite, elle promena autour d’elle des regards effarés, croyant rêver d’abord ; mais cette pensée dura peu. Elle était bien éveillée, il lui fallut le reconnaître à regret.

Éveillée ! Que signifiait son aventure ? Où était-elle ?

Comment se trouvait-elle en ce lieu ? Elle se souvenait d’être entrée dans le salon de l’hôtel Cavour, et maintenant elle se voyait au milieu d’une solitude ! Et la nuit l’environnait ; des rochers déchiquetés arrêtaient ses regards !

Bien que naturellement brave, la jeune fille se sentit prise d’épouvante.

Un instant, elle eut l’impression douloureuse que sa raison sombrait.

Et sans en avoir conscience, elle poussa un cri angoissé que les échos de la montagne répétèrent lugubrement.

Ce cri fit apparaître une nouvelle cause de terreur. La vibration n’en était pas éteinte, qu’une ombre humaine se détachait d’un rocher et s’approchait à grands pas.

Elle discerna dans l’obscurité un homme de haute taille, vêtu en paysan, mais portant une carabine sur l’épaule.

— La signorina désire quelque chose ? fit-il d’un ton paisible et obséquieux.

— Savoir où je suis, balbutia Sika, surprise par l’étrangeté de la situation autant que par l’attitude de l’inconnu.

— Facile. Vous êtes chez le Seigneur de la Montagne ; mais que la signorina ne s’effraie pas, continua-t-il en réponse à un geste d’effroi de la prisonnière. Ambrosini, le camorriste, chef du district a ordonné le respect et la douceur. La signorina doit représenter une belle rançon.

— Une rançon, répéta Sika soudainement rassurée, ce n’est que cela ! Mon père est-il averti ?

— Il l’est et je l’attends. Reprenez confiance, signorina ; votre captivité sera, j’imagine, de courte durée ! Nous vous avons privée de dîner, sans mauvaise intention, j’en fais serment, nous n’avions pas le choix du moment d’agir, n’est-ce pas… Vous voudrez bien accepter le repas que je vais vous faire servir. Vous excuserez le menu de la montagne d’être moins copieux que celui des hôtels.

Il salua et disparut pour revenir quelques instants après, suivi d’un second bandit porteur d’une torche et d’un panier. L’homme planta la torche dans une anfractuosité, étala devant Sika une nappe blanche et y déposa les victuailles extraites du panier. À mesure que ces préparatifs s’accomplissaient, le chef Ambrosini annonçait ainsi qu’un maître d’hôtel :

— Coquillages de la côte d’Otrante ! Perdreau rouge ! Fromage de chèvre ! Vin d’Agrigente !

Son énumération achevée, il conclut d’un ton à la fois familier et respectueux :

— Bon appétit signorina.

Les bandits s’éloignèrent, semblant se dissoudre dans les ténèbres.

Tranquillisée de ne les avoir plus sous les yeux, la prisonnière se contraignit à attaquer les aliments mis à sa disposition : mais elle grignota du bout des délits, son appétit chassé par l’anxiété de sa situation présente.

Le décor qui l’entourait versait d’ailleurs la mélancolie. La lune drapait de rayons bleutés les sommets aux formes fantastiques, et le cri des oiseaux de nuit en chasse semblait une plainte exhalée par la montagne.

Pour échapper à l’oppression des choses, machinalement, Sika consulta sa montre, elle eut une exclamation :

— Neuf heures ! Le Shanghaï devait reprendre la mer à cette heure !

Sa voix vibrait encore, qu’Ambrosini se dressait devant elle, demandant :

— La signorina manquerait-elle de quelque chose que nous puissions lui procurer ?

Elle secoua la tête :

— Ce n’est pas cela. Je songeais que notre paquebot, le Shanghaï, quitte le port de Brindisi à neuf heures !

La déclaration n’émut pas le bandit. Il se prit à rire et lança philosophiquement :

— Eh bien ! il partira sans vous, voilà tout ! Un malheur pour lui ; un bonheur pour nous autres, pauvres bandits, qui avons si rarement l’occasion d’admirer la beauté.

Midoulet-Ambrosini souriait agréablement à l’idée du Shanghaï gagnant le large sans emporter le général Uko et sa fille. Mais une résonance, lointaine encore, monta du fond du ravin. Le pseudo-camorriste se pencha en avant, prêta l’oreille, et Sika, comprenant qu’il advenait un fait devant l’intéresser, écouta avec attention. Le bruit s’accusait peu à peu. Au bout d’un instant, le doute ne fut plus possible. Une voiture roulait sur le fond rocailleux du ravin.

Le bandit… d’occasion, comme il se qualifiait lui-même en aparté, modula un léger sifflement. C’était un signal, car l’homme qui, tout à l’heure, avait apporté le dîner de la captive, bondit hors d’un amoncellement de roches et, la carabine à la main, se planta devant son chef, attendant évidemment ses ordres.

— Je vais à la rencontre de qui arrive, prononça gravement celui-ci. Batisto, veille sur la jeune fille.

— Jusqu’à la mort, capitaine, répliqua l’interpellé d’un ton dont frissonna la gentille Japonaise.

Elle était d’ailleurs en proie à une émotion violente. Était-ce son père qui occupait la voiture entendue ? Venait-il, chargé de la rançon exigée par les ravisseurs et dont elle-même ignorait l’importance ? Et puis non, elle était captive depuis trop peu de temps pour que le général eût pu déjà joindre le campement du Seigneur de la Montagne.

Cependant Ambrosini s’était enfoncé dans les ténèbres, allant à la rencontre d’Uko, car lui savait que le général seul pouvait se présenter en cet instant. Le Japonais, flanqué de Tibérade et d’Emmie, venait en effet de quitter sa voiture auprès d’un bouquet d’arbres, occupant le fond de la coupure rocheuse, et gravissait péniblement la pente raide, guidé par le cocher, sans l’aide duquel les voyageurs n’eussent pu reconnaître, de nuit, le sentier de chèvres courant à flanc d’abîme.

Ainsi, les amis de Sika s’élevèrent jusqu’au sommet, suivirent la sente bordée de pins et de lentisques, et atteignirent une plate-forme étroite, environnée de rocs éboulés. Là, le faux bandit attendait, appuyé sur sa carabine, dans une attitude empruntée par Midoulet à ses souvenirs d’opéra-comique. L’agent copiait Fra Diavolo.

La lune, sortant à cet instant même des nuées qui l’avaient voilée jusque-là, éclaira en plein la face glabre du personnage.

Et Emmie, stupéfiée par cette apparition d’un homme qu’elle pensait être resté à Marseille, s’écria :

— Encore le voleur !

À cette apostrophe inattendue, Midoulet sursauta. Il toisa la fillette avec une vague inquiétude, mais se rendant compte de l’impossibilité de provoquer une explication, il salua le général et désignant Tibérade et sa cousine :

— Je vous attendais seul, signor général. Quels sont les gens qui vous accompagnent ?

— Des passagers avec lesquels je me suis lié à bord du Shanghaï. Mais ceci importe peu. Parlons de ce qui m’amène. Quelle rançon désirez-vous ?

— Vous êtes pressé, général. Pas si vite, je vous en prie.. Laissez-moi d’abord résumer la situation : mademoiselle votre fille est ma prisonnière. Je puis, à ma convenance, lui donner la liberté… ou la mort. Ce fut la devise des volontaires de la Révolution française, à laquelle les événements m’ont conduit à donner un sens, un peu spécial, conforme aux usages des Abbruzzes. Toutefois, ne vous bouleversez pas. J’ai fixé de façon définitive, il est vrai, la rançon de la signorina ; mais je ne doute pas que vous renonciez à discuter. De la discussion ne pourrait naître entre nous que la mésentente, et le poignard n’est pas une solution de nature à satisfaire le tendre père que vous êtes.

Uko frissonna à ces menaçantes paroles.

La rage au cœur, horrifié par son impuissance, Tibérade considérait celui qu’il prenait pour un bandit avec l’envie folle de lui sauter a la gorge, de l’étrangler.

Emmie, en proie à une exaspération aussi grande, bien que d’une nature autre, grommelait, assourdissant sa voix grêle de fillette :

— Encore ce brigand !… Encore ce brigand ! Comment nous a-t-il rejoints ?

Le fait est que pour une petite Parisienne, ignorante des horaires des chemins de fer, la présence de Midoulet, abandonné à Marseille, avait quelque chose de fantastique !

Mais le général répétait d’un accent impérieux et suppliant :

— Quelle rançon ? Vous avez dit vrai, je suis un tendre père. Vous pouvez abuser de la situation. Ma fortune pour ma fille.

— Vous me croyez trop gourmand ! plaisanta Midoulet.

— Enfin, combien ?

— Votre question m’embarrasse, général !

— En quoi ? ne l’attendiez-vous pas ?

— Si, si, mais ce que je veux, que je veux absolument, ne saurait s’évaluer en espèces.

Et se penchant vers son interlocuteur stupéfié par l’affirmation, il continua :

— L’on nous juge mal. La Camorra n’est point une société de pillards. Elle contient des gens distingués. Certains mêmes sont affiliés au seul titre de fervents collectionneurs. Je suis de ce nombre. Mon but est de réunir chez moi certaines choses, sans valeur aux yeux des ignorants, mais ayant pour moi, moi qui sais (il appuya sur ces deux mots), un attrait irrésistible.

— Où voulez-vous en venir ?

— À ceci. Vous détenez une page d’histoire.

— Moi ?

— Page, poursuivit Midoulet sans tenir compte de l’interruption, qui fut tracée par une main auguste.

— Je ne comprends pas.

— Je suis là pour vous éclairer, signor général. Et parlant clair, je vous dis : Sa Grandeur le mikado vous a fait remettre par l’ambassade nippons à Paris un pantalon…

— Vous prétendez ?

— Que ce vêtement ultra-diplomatique sera remis à moi parlant à votre personne… Je lui réserve une place d’honneur dans mes vitrines.

Le persiflage de l’agent fut coupé court par cette exclamation d’Emmie :

— Je ne me trompais donc pas… C’est bien le voleur de pantalons.

Le pseudo-Ambrosini esquissa un sourire. Cette fois, le sens de l’intervention de la fillette lui apparaissait.

Seulement, le général rappela son attention. Uko bredouillait :

— Le… le pantalon ? Vous voulez… Vous prétendez…

— Le recevoir en échange de la liberté de la signorina. Avouez que l’on ne saurait trouver bandits, plus accommodants que nous.

— Impossible ! balbutia Uko, au front de qui perlaient de grosses gouttes de sueur.

À l’audition de ce mot, Tibérade bondit :

— Comment ! clama-t-il. Vous préférez garder le vêtement et condamner Mlle Sika ?

— Hélas ! cet homme réclame la seule chose que je ne puisse lut donner !

— Mais la vie de vôtre fille est plus précieuse que le gain d’un pari…

— Non !

La négation tomba douloureuse, tragique, s’enfonçant dans le crâne de Marcel ainsi qu’un jet de plomb fondu.

— Vous dites : non ?

— Je le dis, le cœur déchiré…

— Mais vous offriez votre fortune à l’instant.

— Sans doute.

— Eh bien, perdre votre pari, n’est-ce pas tout simplement renoncer à la richesse ?

Le généra) courba la tête, et vaincu par la logique du jeune homme, il murmura :

— C’est aussi perdre l’honneur.

Du coup, Emmie s’exclama :

— Ça, c’est trop fort !

Tandis que son cousin trépignait, rugissant :

— L’honneur ! Vous pensez que je me contenterai de cela. L’honneur, pour un pari absurde ! Non, non, je ne vous laisserai pas sacrifier Mlle Sika à un amour-propre inqualifiable ? Vous vous trompez. Seigneur bandit, c’est moi qui vous remettrai le vêtement en question.

Uko se redressa avec une majesté soudaine :

— Ce serait plus qu’un vol. Vous abuseriez d’un dépôt confié à votre probité !

— Voilà qui m’est égal ! J’abuserai du dépôt, et avec enthousiasme encore.

— Vous me tuerez auparavant !

Tibérade se prit la tête à deux mains, totalement hébété, par la résistance du Japonais, inexplicable. Et sans en avoir conscience, il prononça, exprimant ainsi le tréfonds de sa pensée :

— Mais cet homme est fou !

Ce à quoi Midoulet, qui avait suivi la scène avec un intérêt non dissimulé, répliqua en écho :

— Je comprends, je comprends tout… Le vêtement introuvable. Parfaitement ! Il avait quitté les valises du général pour passer dans celle de Monsieur !…

Il parut chercher un nom. Sans hésiter, le jeune homme répondit :

— Marcel Tibérade, docteur en médecine, ès sciences physiques et droit, lequel donnerait sa vie pour Mlle Sika, et qui, à plus forte raison, donnera ce pantalon, bien qu’il ne lui appartienne pas.

— Je vous l’interdis absolument gronda Uko avec une rage désespérée.

Marcel ne parut même pas l’avoir entendu. Il reprit, s’adressant toujours à Midoulet :

— Il est à bord, dans ma valise. Je rejoins la voiture qui nous attend, je me fais conduire au port, et je reviens avec l’objet, il me faut environ une heure à l’aller, autant au retour. Je serai ici à…

Le jeune homme tira sa montre de sa poche, afin de se livrer au calcul du temps nécessaire à la course projetée. Mais à peine y eut-il jeté les yeux qu’il poussa un cri étranglé :

— Fatalité !

— Qu’est-ce que tu chantes, avec ta fatalité ? s’exclama Emmie avec un petit rire.

Sa gaîté s’évanouit aussitôt, son cousin répliquant d’une voix sourde :

— Il est dix heures !

— Eh bien ?

— Eh bien, le Shanghaï est parti depuis une heure. Le pantalon est actuellement au large avec le navire, la cabine et la valise, où je l’ai serré.

Et tous se regardant, déconcertés par ce malencontreux incident, un juron retentit, éveillant les échos des ravins.

— Mille tonnerres !

C’était Midoulet qui exprimait aussi son opinion sur l’aventure.

À cette minute, le pantalon que, par ordre de son gouvernement, le général ne devait pas quitter d’un instant, voguait tout seul, abandonné, sans son gardien diplomatique, vers Port-Saïd, la ville européenne-orientale, qui garde l’entrée du canal de Suez.

  1. Les 3 S correspondent aux trois mots stileto, scopietta, strada, synthétiques de l’état des bandits : Stylet escopette, fuite.