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Le Messianisme chez les Juifs/Quatrième partie/Chapitre 2

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CHAPITRE II

ATTITUDE DU RABBINISME ENVERS LE CHRISTIANISME.


Le judaïsme avait vu sortir de son sein une religion nouvelle qui paralysait sa propre propagande. Il avait été appelé à se prononcer sur le messianisme de Jésus de Nazareth. Quelle attitude se décida-t-il à prendre envers celui qui conquérait les âmes sous le nom de Christ, et envers ses disciples ?


I. — OPINIONS DES RABBINS SUR JÉSUS[1].


Et d’abord, sur la personne même de Jésus, voici tout ce qu’ont pu fournir le Talmud et les Midrachim, citant les autorités des quatre premiers siècles, à un auteur très bien informé, M. R. Travers Herford. Nous demandons à l’auteur la permission de traduire cette page, et nous prions le lecteur chrétien de nous excuser si nous reproduisons cette série de sottises qui sont pour nous des blasphèmes[2].

« Jésus, nommé le Nazaréen, Ben Stada[3], ou Ben Pandira, était né de l’adultère. Sa mère était nommée Miriam (Marie) et était coiffeuse pour femmes. Son mari était Pappos ben Iehoudah. Son amant était Pandira. On dit aussi qu’elle descendait de princes et de souverains, et qu’elle s’était mal conduite avec un charpentier.

Jésus avait été en Égypte, et en rapporta la magie. Il était magicien, séduisit et trompa Israël. Il pécha et fit pécher la multitude. Il se moqua des paroles des sages et fut excommunié. Il était entaché d’hérésie. [Il] [4] se nommait lui-même Dieu, et le fils de l’homme, et disait qu’il monterait au ciel. [Il] se faisait la vie douce au moyen du nom de Dieu.

Il fut éprouvé à Lydda, comme un séducteur et un docteur d’apostasie. On avait caché des témoins pour entendre ses paroles, et une lampe était allumée au-dessus de lui, de façon qu’on pût voir sa face. Il fut conduit au Beth-Din (tribunal). Il fut exécuté à Lydda, la veille de Pâque, qui était aussi la veille d’un sabbat. Il fut lapidé, et pendu, ou crucifié. Un héraut annonça qu’il serait lapidé, et invita à produire des allégations en sa faveur ; aucune ne fut fournie.

Il (sous le nom de Balaam) fut mis à mort par Pinkhas le voleur (Ponce-Pilate), et à l’époque de sa mort il avait trente-trois ans.

Il a été puni en enfer, au moyen d’ordure bouillante. C’était un révolutionnaire. Il allait devenir roi.

Il eut cinq disciples.

Sous le nom de Balaam, il est exclu du monde à venir »[5]. Si l’on ajoute que la vie de Jésus est tantôt rapportée au temps d’Alexandre Jannée[6], tantôt au temps de R. Aqiba[7], — ou plus bas encore — avec une latitude de plus de deux cents ans, on hésitera à prononcer le mot de tradition. Le plus ancien témoignage allégué est de R. Éliézer b. Hyrkanos[8] ; la mort de Jésus à Lydda suppose que le judaïsme y avait un tribunal, ce qui n’eut lieu qu’au début du second siècle. C’est là sans doute que naquit la légende. Ou plutôt, l’opinion du judaïsme sur Jésus n’est qu’une contrefaçon de la catéchèse chrétienne. Les chefs du Pharisaïsme ne se soucièrent pas de conserver un souvenir exact de la passion de Jésus. L’histoire précise était, comme on sait, la moindre de leurs préoccupations. Mais les rabbins de Lydda eurent souvent maille à partir avec des controversistes chrétiens. Ces derniers durent alléguer la naissance miraculeuse de Jésus, annoncée par Isaïe, sa prédication, ses miracles, sa mort rédemptrice et sa résurrection.

Les rabbins n’ont pas toujours refusé la discussion ; mais, officiellement, on affecta le mépris. On se contenta de dire que Jésus, s’il n’était pas le fils du mari de sa mère, était donc né de l’adultère, que sa prédication et ses miracles relevaient de la magie et de l’hérésie, qu’il était mort, justement condamné par les chefs du peuple, sans que personne eût pris sa défense. Ce sont bien les mêmes qui prétendirent que Bar-Kokébas avait été tué par les rabbins, n’ayant pu faire la preuve de ses prétentions messianiques[9].

Assurément tout cela est bien peu digne d’une grande religion. L’attitude du Talmud envers Jésus est ce qui lui fait le moins d’honneur, et on aime à croire que les Juifs cultivés de nos jours rougissent de leurs anciens maîtres. Ils n’ont éprouvé d’autre sentiment que la haine, et n’ont employé comme argument que des grossièretés contre Celui que beaucoup d’Israélites, même très éloignés du christianisme, regardent comme l’honneur et la fleur la plus exquise de leur race.


II. — DISCUSSIONS ENTRE RABBINS ET CHRÉTIENS.


Vis-à-vis des chrétiens, la tactique adoptée peut se résumer en deux mots : leur faire le plus de mal possible, quand on pouvait, et, quand on était contraint par les circonstances à une attitude pacifique, ce qui était le cas le plus ordinaire, se préserver soigneusement d’un contact jugé plein de périls.

Sur le premier point, il y aurait beaucoup à dire, mais ce n’est pas ici le lieu : la participation des Juifs à toutes les persécutions contre les chrétiens, — souvent provoquées par eux, — touche à l’histoire générale, Saint Justin affirme que les Juifs se débarrasseraient d’eux par la force s’ils n’en étaient empêchés par le pouvoir[10].

Ce qui nous intéresse ici davantage, c’est l’attitude intellectuelle du judaïsme.

Cette attitude envers les chrétiens, surtout envers les chrétiens d’ origine juive, ne peut être bien comprise si l’on n’aborde la difficile question des Minim.

Le mot min paraît signifier tout d’abord une espèce, une variété, que la racine soit « former » ou « différencier ». Dans l’ordre religieux, une variété devient facilement une secte, c’est-à-dire un groupe attaché à une opinion de son choix, à une hérésie[11].

Les Minim sont donc les hérétiques, et un min un hérétique, naturellement aux yeux des maîtres pharisiens, qui représentent l’orthodoxie judaïque.

Un hérétique s’est séparé de sa communauté ; les minim sont donc des Juifs de différentes sectes. Ces deux points résultent clairement d’un texte du Talmud de Jérusalem[12] : « R. Iokhanan dit : Israël n’est pas allé en exil avant d’avoir donné naissance à vingt-quatre sectes de minim » ; et cela est expliqué par un passage d’Ézéchiel[13]. Le nombre de vingt-quatre est la multiplication par deux des douze tribus ; il n’a rien de précis, mais il marque bien que les Minim ne sont point une seule secte.

M. Herford, qui a colligé avec le plus grand soin tous les textes rabbiniques relatifs aux Minim, conclut que ce terme désigne à peu près exclusivement les Judéo-chrétiens. Mais les textes eux-mêmes sont contraires.

Quelques Minim nient la résurrection des corps[14], d’autres reprochent à Israël sa stérilité[15], son impureté[16], la réprobation divine dont il est l’objet[17] ; l’un d’eux jure par le grand temple de Rome[18], d’autres objectent des contradictions dans l’Écriture, soit sur la situation du tombeau de Rachel[19], soit sur la suite des faits dans l’Écriture et l’évocation de Samuel[20]. Les uns sont donc hostiles à l’Écriture elle-même et probablement des païens, les autres tellement durs pour Israël qu’ils sont des chrétiens, issus de la gentilité, ou juifs d’origine ayant complètement rompu avec le judaïsme ; d’autres enfin sont peut-être les derniers représentants des Sadducéens. Et de fait la tradition oscille quelquefois[21] entre Minim et Sadducéens[22], ou peuples du monde, ce qui désigne les Gentils[23].

Il convient donc de laisser au mot Minim toute l’extension qu’il a prise, fût-ce par catachrèse. M. Herford, qui a si bien prouvé contre M. Friedlander[24] que les Minim ne sont pas des gnostiques juifs, a trop restreint la portée de l’expression.

Cependant si, en droit, les Minim sont des hérétiques de plusieurs sortes[25], il faut reconnaître qu’en fait les rabbins visent le plus souvent les Juifs devenus chrétiens, et surtout ceux qu’on doit en toute rigueur nommer judéo-chrétiens, parce qu’ils ne voulaient pas rompre avec le judaïsme.

L’existence de ces groupements est attestée jusqu’au quatrième siècle finissant par saint Jérôme, qui a peut-être exagéré, mais n’a pas dû les inventer de toutes pièces[26] : « Il existe jusqu’aujourd’hui dans toutes les synagogues de l’Orient parmi les Juifs une hérésie qu’on nomme des minéens, et qui est jusqu’à présent condamnée par les Pharisiens ; on les désigne vulgairement comme Nazaréens ; ils croient dans le Christ, fils de Dieu, né de la Vierge Marie, et disent que c’est lui qui a souffert sous Ponce-Pilate et est ressuscité ; c’est bien aussi en lui que nous croyons ; mais voulant être juifs et chrétiens, ils ne sont ni juifs ni chrétiens ».

Saint Épiphane est beaucoup moins affirmatif sur la foi chrétienne de ces Nazaréens. On les rencontre surtout dans la région d’Alep et de la Cœlé-Syrie, dans la Décapole, près de Pella, et dans la Batanée. Ils ne sont pas juifs, puisqu’ils croient dans le Christ ; ils ne sont pas chrétiens, puisqu’ils s’attachent encore à la Loi, à la circoncision, au sabbat et au reste des observances[27]. Mais il n’ose dire si, regardant Jésus comme le Messie, ils en font un pur homme, ou s’ils le tiennent pour ce qu’il est, né de la Vierge Marie par l’opération de l’Esprit-Saint. Puis concluant plus que ne le permettent ses prémisses, l’évêque de Salamine les déclare plutôt juifs, quoique les Juifs les détestent et les maudissent trois fois par jour[28].

Il a probablement exagéré le caractère hérétique de ces Nazaréens, et l’on peut préférer l’opinion de saint Jérôme, qui ne signale aucune différence entre la christologie de ces chrétiens et celle de la grande église, si ce n’est leur obstination à vouloir demeurer juifs. Rejetés des synagogues, ils forment des groupes distincts, tels que les Talmuds dépeignent les Minim, mais ils cherchent à s’en rapprocher, et c’est précisément cette prétention de demeurer Juifs qui les rend odieux et redoutables aux Juifs. Mais ils ne furent sans doute pas les seuls chrétiens à controverser avec les rabbins ; les chrétiens, même Gentils d’origine, sont aussi des Minim. De sorte que, en fait, la grande hérésie, celle dont le judaïsme a horreur et contre laquelle il cherche à se préserver, c’est le christianisme. Si les Minim n’étaient que la secte dont parle saint Jérôme, quand bien même elle eût été répandue, comme il le prétend, dans tout l’Orient, les Minim n’eussent pas été plus nombreux que les Juifs[29].

Issus le plus souvent du judaïsme, plus ou moins soucieux de conserver avec lui de bons rapports, du moins sur le terrain commun de l’Écriture, les Minim étaient un danger pour l’orthodoxie pharisienne.

Un rabbin célèbre pour son intransigeance, R. Éliézer ben Hyrkanos, fut, à son grand désespoir, accusé devant le gouvernement romain de professer la foi des Minim ou la Minouth. En sondant sa conscience pour savoir comment une telle honte avait pu lui être infligée, il se souvint d’avoir pris plaisir à une explication scripturaire fournie par « un des disciples de Jésus le Nazaréen, nommé Jacob de Caphar Sekaniah »[30]. Ce Jacob était évidemment un Min[31]. On commençait par scruter des textes difficiles, selon la manière de l’agada ; le Juif y trouvait de l’agrément, et le chrétien était tenté de profiter de son avantage !

Pour échapper à ce péril, on prit les mesures les plus rigoureuses. Les Minim furent solennellement maudits dans la prière que chaque juif doit réciter trois fois par jour, le Chemoné-esré. Parmi les dix-huit bénédictions qui donnent leur nom à cette prière, on plaça cette formule[32] : « Que les apostats n’aient aucune espérance, et que l’Empire de l’orgueil soit déraciné promptement de nos jours ; que les Nazaréens et les Minim périssent en un instant, qu’ils soient effacés du livre de vie et ne soient pas comptés parmi les justes ! Béni sois-tu, Iah, qui abaisses les orgueilleux ! »

L’addition est due, comme on sait, à R. Gamaliel II, qui invita quelqu’un de l’assemblée à proposer une formule, comme si une sorte d’inspiration eût été indispensable pour cela. Samuel le Petit se chargea de ce rôle, vers 80 après Jésus-Christ.

La haine que respire cette exécration fut sans doute le principal motif qui la dicta. Peut-être cependant, comme l’ont cru MM. Graetz, Bacher et Herford, avait-on l’intention de sonder les dispositions secrètes de ceux qui auraient incliné vers le christianisme, ou d’obliger à se condamner eux-mêmes ceux qui auraient prétendu avoir un pied dans les deux religions. Aussi lorsque celui qui priait au nom de tous omettait quelque passage de cette litanie, on n’y prenait pas trop garde, mais il devenait immédiatement suspect, s’il ne prononçait pas la bénédiction des Minim[33].

En général cependant les Minim sont regardés comme hors de la communauté ; on doit éviter leur contact plus que celui des païens et leur témoigner aussi plus de haine.

Si un gentil, ou un pasteur, ou un éleveur de petit bétail tombe [dans un puits], on l’y laisse, mais on ne l’y jette pas ; on y laisse aussi les Minim, les apostats et les délateurs, mais de plus on les y jette[34].

Les Minim ne sont peut-être pas visés ici comme chrétiens, mais les Juifs devenus chrétiens sont certainement compris sous cet anathème : ils sont rangés parmi les traîtres, traîtres à leur Dieu et à leur peuple.

On les regarde comme adonnés à la magie[35] ; mieux vaudrait mourir qué d’être guéri par leurs soins[36]. Leurs livres sont des livres de magie, qu’il faut brûler, dût-on brûler en même temps le nom divin qu’ils contiennent[37], R. Tarphon serait entré dans une maison d’idolâtrie pour éviter une poursuite, mais non dans leurs maisons[38]. Il faut se garder de jeûner le lendemain du sabbat, « à cause des Nazaréens »[39], probablement pour ne pas avoir l’air de chômer le dimanche.

Nous avons indiqué déjà quelques-uns des sujets controversés entre les Juifs et les Minim. Ce qui viendrait le plus directement à notre thème, ce sont les discussions sur le Messie et précisément on n’en rencontre pas. Tout au plus voit-on un Min demander à R. Abahou, sans doute par ironie, quand viendra le Messie[40]. Le rabbi répondit hardiment : « quand les ténèbres vous auront couvert », en citant Isaïe[41], qui oppose les peuples à Israël. Le Min était probablement un gentil, du moins d’origine.

On s’abstenait donc de discuter les titres du Messie, comme tel, ou du moins les textes gardent le silence sur ce point. En revanche ils sont assez éloquents sur ce qui était le point décisif de la controverse, la divinité de Jésus, car c’est bien à cela que font allusion les escarmouches sur les deux pouvoirs.

D’après les Rabbins, leurs adversaires veulent prouver qu’il y a deux dieux ou deux pouvoirs dans le ciel ; et, dans un cas du moins, il est clair que les adversaires sont des chrétiens étant « des disciples du fils de la courtisane »[42] ! Il y a tout lieu de croire que ce sont toujours des chrétiens, qui veulent établir la divinité de Jésus en prouvant au préalable, par l’Ancien Testament, la distinction de Dieu le Père et du Logos ou du Fils. Leurs arguments sont mal choisis — et rien ne prouve que les textes hébreux les aient tous enregistrés, même les bons ; — ils avaient une certaine force contre les rabbins, car c’est bien la même méthode : tirer de la moindre particularité du texte des conclusions dogmatiques. Ainsi quand Dieu est nommé deux fois, le Min s’empresse de conclure qu’il y a deux pouvoirs dans le ciel. Or nous pouvons constater que l’exégèse trop subtile attribuée à un Min a bien été courante parmi les chrétiens.

« Un certain Min dit à R. Ismaël, fils de R. José : Il est écrit (Gen. xix, 24) : et le Seigneur fit pleuvoir sur Sodome et sur Gomorrhe du soufre et du feu envoyés par le Seigneur. Il eût dû dire : qu’il avait envoyés lui-même »[43]. Donc, insinue le Min, il y a ici deux personnes qui portent le nom de Dieu. C’est l’exégèse de plusieurs Pères de l’Église, enseignée sous peine d’anathème par un concile — non orthodoxe — de Sirmium[44] : « On doit absolument dire que le Seigneur Fils a fait pleuvoir de la part du Seigneur Père, et non pas le Seigneur de sa propre part ». Rabbi Ismaël vivait à Sephoris à la fin du second siècle ; il était donc contemporain de saint Irénée ; la coïncidence est parfaite.

Ce cas très clair aide à comprendre les autres. C’est assurément dans le même sens qu’un Min disait à Rabbi : « Celui qui a formé les montagnes n’a pas créé le vent, et celui qui a créé le vent n’a pas formé les montagnes », en citant Amos[45].

Quand les Minim insistaient sur le sens pluriel d’Elohim, on répondait que le verbe suivant était au singulier. Il était plus difficile de répondre au passage : « Faisons l’homme ». Moïse lui-même, écrivant la Loi d’une façon toute passive, avait senti la difficulté et objecté à Dieu[46] :

Seigneur du monde, tu donnes en ce moment un bon prétexte aux Minim ; j’en suis étonné ! Mais Dieu lui répondit : Écris ! et que celui qui aura fantaisie de se tromper se trompe.

L’objection pourtant était au moins spécieuse, et le rabbi n’a d’autre ressource que de recourir au mystère. D’autres fois, quand il est acculé par une argumentation dont il doit accepter la méthode, il s’en tire en admettant auprès de Dieu une grande créature : le Métatrôn. Une discussion assez serrée s’engagea entre un Min et B. Idi.

Le Min dit[47] :

Il est écrit (Ex. xxiv, 1) : il dit à Moïse : Monte vers le Seigneur. Il aurait dû dire : monte auprès de moi ! — Il (R. Idi) dit : C’est le Métatrôn, dont le nom est semblable à celui de son maître. Car il est écrit (Ex. xxiii, 21) : car mon nom est en lui. — S’il en est ainsi, adore-le ! — Il est écrit (ibid.) : ne l’irrite pas, c’est-à-dire ne me confonds pas avec lui[48]. — S’il en est ainsi, pourquoi est-il écrit (dans le même verset) : il [l’ange] ne pardonnera pas vos péchés [ce qui indique bien qu’il en avait le pouvoir]. — Il lui dit : Vraiment ? nous n’en voudrions même pas pour vaguemestre, car il est écrit (Ex. xxxiii, 15) : Si ta présence ne vient pas avec nous.

Ainsi R. Idi, dont cette controverse était le chef-d’œuvre, avait consenti à rabaisser son Métatrôn, plutôt que de lui accorder le pouvoir de remettre les péchés, car c’était un privilège réservé à Dieu seul. Le judaïsme s’est replié sur lui-même et a passé sans vouloir rien entendre, du jour où il a cru compromises l’unité de Dieu et les observances de la Thora. On peut conclure de ce système qu’on appellerait aujourd’hui la conspiration du silence, que les rabbins ont délibérément tu plusieurs traits des idées messianiques qu’il nous serait utile de connaître. S’ils ont l’air tellement absorbés dans leur Loi et leurs traditions que le reste du monde ne paraît pas exister pour eux, c’est sans doute par suite de leur préoccupation exclusive de se maintenir tels qu’ils sont, mais un des moyens qu’ils emploient c’est certainement de dissimuler ce qu’ils ne veulent pas paraître savoir.

Le Métatrôn, dont M. Herford dit très bien qu’il n’est que la réponse du rabbinisme à la doctrine du Logos et aux systèmes gnostiques[49], le Métatrôn n’était qu’un expédient sans portée. Ce à quoi on tenait surtout, c’était de maintenir l’unité absolue de Dieu contre la doctrine des deux pouvoirs[50], qui paraît bien être celle de la distinction de Dieu et du Logos. C’était là le point cardinal qui dispensait le judaïsme de toute enquête sur le messianisme de Jésus ; il lui était interdit d’avance d’adhérer à une doctrine qui compromettait le monothéisme, tel qu’il l’entendait. Ce fut aussi la pierre de scandale où il se buta.

Les chrétiens contre lesquels on discutait admettaient donc la divinité de Jésus. Si les Minim sont surtout les Nazaréens, c’est une raison de penser que saint Jérôme les jugeait mieux que saint Épiphane, en assimilant leur foi en le Christ à celle de la grande Église[51].

A cette conclusion capitale sur l’attitude de principe du judaïsme en présence de Jésus, on peut en joindre une autre sur sa tactique et sa méthode. Il ne peut pas ne pas se préoccuper beaucoup du christianisme qui grandit et lui reproche sa stérilité, l’abandon de Dieu, son impuissance, qui prétend même lui avoir dérobé le secret de ses Écritures. Il répond, l’Écriture à la main, mais il ne se soucie pas d’engager une polémique écrite. Le nom des chrétiens n’est pas prononcé. Ils sont confondus avec les autres hérétiques, les apostats, les délateurs, ou même avec les Gentils. Même dans ce vague, on n’en parle guère. C’est à peine si les traditions ont conservé le souvenir de quelques bonnes leçons infligées aux Minim par les plus savants maîtres, en particulier par R. Abahou.

Le judaïsme a donc adopté une solution radicale vis-à-vis de l’Église. Il l’a simplement ignorée. Que les Gentils fussent païens ou chrétiens, cela importait peu. On se liguait volontiers avec les païens, parce qu’ils avaient le pouvoir, et on les détestait moins, parce qu’on redoutait moins l’influence de leurs idées religieuses sur les Juifs, et c’est précisément pour empêcher la pénétration qu’on préférait éviter tout échange de pensées. S’il y avait eu controverse, ce n’était point matière à figurer dans la jurisprudence ou les commentaires.

Il n’en est que plus précieux pour nous de rencontrer, en dehors de la littérature rabbinique, un échantillon de ces controverses, et nous devons être très reconnaissants à saint Justin de nous fournir un tableau que le Talmud s’est interdit[52]. Justin était d’ailleurs, par ses opinions millénaristes, aussi conciliant que pouvait l’être un chrétien. Aucune difficulté relativement au caractère des temps messianiques. Tryphon demande à Justin si c’est sincèrement qu’il admet la restauration de Jérusalem, la réunion des chrétiens sous le Christ avec les patriarches et les prophètes, les autres Israélites de race et les prosélytes antérieurs à sa venue[53].

Le philosophe chrétien répond loyalement que ce n’est pas l’opinion de tout le monde, mais, pour lui, il professe un règne de mille ans avec le Christ, qui peut donner satisfaction aux Juifs. Il n’est même pas très exigeant sur le chapitre de l’abrogation de la Loi. Ceux qui sont nés Juifs pourront s’y conformer — c’est du moins l’opinion personnelle du controversiste, —[54] pourvu qu’on ne contraigne pas les Gentils à la pratiquer, et qu’on croie au Christ, au lieu de l’anathématiser comme on fait dans les synagogues[55].

C’est donc sur le Christ que porte la controverse. Jésus de Nazareth est-il le Messie ? Tryphon objecte ses apparences modestes, sa vie cachée et sans gloire… mais l’objection ne serait pas insurmontable, s’il n’avait terminé cette existence chétive par la mort de la croix. Une vie d’abord obscure et cachée ne répugne pas au Messie, pourvu qu’il soit ensuite oint par Élie pour recevoir l’empire. Or Élie n’est point venu, et Jésus n’a point été reconnu roi.

Il y a une autre difficulté, et plus considérable encore : les chrétiens, en attribuant à Jésus la nature divine, supposent donc l’existence de deux dieux ; Tryphon demande qu’on lui prouve que l’esprit prophétique admet un autre Dieu que le seul vrai Dieu[56]. Et c’est parce qu’il ne veut pas céder sur ce point qu’il proteste contre la conception virginale, pour n’être point entraîné à reconnaître à Jésus une nature divine.

On peut être certain que c’est sur ce terrain que se cantonna le judaïsme. Contre les séductions du christianisme, il avait deux remparts : la foi en l’unité de Dieu, qu’il s’obstinait à juger compromise par l’Incarnation, et l’attachement à la race. Entrer dans la grande Église, composée en immense majorité de Gentils, c’était à la fois renoncer au Dieu unique et aux ancêtres, à l’antique révélation et au sang, se séparer de son peuple pour faire cause commune avec des ennemis.

C’était là une solide barrière. Aux prophéties, aux miracles, aux raisonnements, les rabbins opposaient la tradition ; ce n’eût peut-être pas été assez, sans l’instinct de la race, d’une race habituée à se maintenir depuis des siècles dans les milieux les plus divers. La religion avait défendu la race, désormais la race défendra la religion ; elle songera même à s’étendre vers les régions où les affinités de langue et d’origine lui promettaient plus de succès que dans l’Empire.

    sous silence : « toi qui fais vivre les morts », « qui abaisses les orgueilleux », « qui bâtis Jérusalem ». Ces trois cas conviendraient assez bien à un sadducéen.

  1. Jesus Christus im Thalmud, von Heinrich Laible, avec un appendice, Die thalmudischen Texte, mitgeteilt von Prof. D. G. Dalman, édition anastatique de 1900.
  2. Christianity in Talmud and Midrash, London, 1903, p. 348 s.
  3. L’identification de Ben Stada avec Jésus est certaine, mais peut-être que, à l’origine, Ben Stada représentait une autre personnalité, l’Égyptien de Actes, xxi, 38 (cf. Josèphe Ant. XX, viii, 6 ; Bell. II, xiii, 5).
  4. Quand le pronom est entre crochets, Jésus n’est pas désigné par un des vocables ci-dessus, mais l’allusion est certaine.
  5. Citons un des textes les plus caractéristiques, rayé des éditions ordinaires du Talmud, restitué d’après les anciennes éditions et les manuscrits : b. Sanh. 43a. והתניא בערב שבת ובערב פסח תלאוהו לישו הנוצרי והכרוז יוצא לפניו מ׳ יום ישו הנוצרי יוצא ליסקל על שכיסף והיסית והידיה את ישראל כל מי שיודע לו זכות יבא וילמד עליו ולא מצאו לו זכות ותלאוהו בערב שבת ובערב פסח [אמר עולא] ותסברא בר הפוכי זכות הוא מקית הוא ורחמנא אמר לא תחמול ולא תכסה עליו אלא שאני ישו דקרוב למלכות הוה.

    « Tradition (donc une baraïtha) : la veille du sabbat et la veille de la pâque, on pendit Jésus de Nazareth, et le héraut sortit devant lui pendant quarante jours, [disant] : On va lapider Jésus de Nazareth, car c’est un magicien et un séducteur, et il a trompé Israël. Quiconque le sait innocent vienne et proteste en sa faveur. Et personne ne protesta de son innocence et on le pendit la veille du sabbat et la veille de la pâque. [R. ‘Oulla dit] : Peut-on conjecturer qu’un révolutionnaire soit innocent ? C’était un séducteur. Et le Miséricordieux a dit (Dt. xiii, 8) : tu n’auras pas compassion et tu ne dissimuleras pas [la faute]. Mais c’est différent, car Jésus avait des accointances avec l’empire ». La veille du sabbat est ajoutée d’après le Cod. de Florence ; tous ont la veille de la pâque (op. laud., p. 83 ss. et p. 406).

  6. De 104 à 78 av. J.-C. ; cf. b. Sanh. 107b.
  7. On donnait pour père à Jésus un certain Pappos ben Iehouda, qui vivait un siècle après lui (Herford, l. l., p. 40).
  8. Arrêté comme suspect de christianisme vers l’an 109 (l. l., p. 388).
  9. Voir p. 229.
  10. Dial. contre Tryphon, c. xvi : Οὐ γὰρ ἐξουσίαν ἔχετε αὐτόχειρες γενέσθαι ἡμῶν διὰ τοὺς νῦν ἐπικρατοῦντας· ὁσάκις δὲ ἂν ἐδυνήθητε, καὶ τοῦτο ἐπράξατε.
  11. La transition s’est peut-être faite à l’instar de γένος, qui signifie « espèce », mais aussi « race » ou « peuple ». L’identité de מין et de γένος est constatée dans la langue araméenne chrétienne ; on peut la supposer pour le judéo-araméen. Josèphe dit (Ant. XIII, x, 7) : τὸ Σαδδουκαίων γένος, comme il aurait dit : l’hérésie des Sadducéens. Cf. W. Bacher, Le mot « minim » dans le Talmud désigne-t-il quelquefois des chrétiens ? (Rev. des ét. juives, XXXVIII, p. 38-46).
  12. j. Sanh. 29c. Herford, n° 64 : א״ר יוחנן לא גלו ישראל עד שנעשו עשרים וארבע כיתות של מינים ׃ מה טעמא בן אדם שולח אני אותך אל בני ישראל אל גוים המורדים אשר מרדו בי ׃ אל גוי המורד אין כתיב כאן אלא גוים המורדים אשר מרדו בי המה ואבותיהם פשעו בי עד היום הזה.
  13. Ez. ii, 3. R. Iokhanan est un Amora qui mourut vers 279 ; il fut regardé comme le fondateur du Talmud de Jérusalem.
  14. Herford, l. l., p. 278.
  15. L. l., p. 237.
  16. L. l., p. 250.
  17. L. l., p. 235.
  18. L. l., p. 247.
  19. L. l., p. 253.
  20. L. l., p. 273 s.
  21. M. Herford concède qu’un certain Min est un persan (p. 262).
  22. L. l., p. 316.
  23. L. l., p. 300.
  24. Der vorchristliche jüdische Gnosticismus et : Encore un mot sur Minim, Minout et Guilionim dans le Talmud (Rev. des ét. juives, t. XXXVIII, p. 194-203). Dans le sens contraire : Israël Lévi, Le mot « minim » désigne-t-il jamais une secte juive de gnostiques antinomistes ayant exercé son action en Judée avant la destruction du Temple ? (eod. loc., p. 204-210).
  25. Énumération étrange de quatre sortes de Minim : ceux qui nient la résurrection, qui disent que Dieu n’accepte pas le pardon, qu’il ne donne pas de fils aux femmes stériles, et ne sauve pas du feu (dans Ialq. Chimeôni, Ps. lx, 9 (7) ; Herford, p. 323) ; ou dirait de gens qui nient certains points de l’Écriture, mais ce ne sont évidemment pas des sectes distinctes.
  26. Ep. 112 ad August. : Usque hodie per totas Orientis synagogas inter Judaeos haeresis est, quae dicitur Mineorum, et a Pharisaeis nunc usque damnatur, quos vulgo Nazaraeos nuncupant, qui credunt in Christum filium Dei, natum de virgine Maria, et dicunt esse qui sub Pontio Pilato passus est, et resurrexit, in quem et nos credimus ; sed, dum volunt et Iudaei esse et Christiani, nec Judaei sunt, nec Christiani (P. L. t. XXII, c. 924).
  27. Adv. Haeres., haer. xxix, P. G., t. XLI, col. 401 : Ἰουδαίοις μὲν μὴ συμϕωνοῦντες, διὰ τὸ εἰς Χριστὸν πεπιστευκέναι· Χριστιανοῖς δὲ μὴ ὁμογνωμοῦντες, διὰ τὸ ἔτι νόμῳ πεπεδῆσθαι, περιτομῇ τε καὶ τοῖς ἄλλοις.
  28. Eod. loc., col. 404 : Ἰουδαῖοι μᾶλλον, καὶ οὐδὲν ἕτερον. Πάνυ δὲ οὗτοι ἐχθροὶ τοῖς Ἰουδαίοις ὑπάρχουσιν. Οὐ μόνον γὰρ οἱ τῶν Ἰουδαίων παῖδες πρὸς τούτους κέκτηνται μῖσος, ἀλλὰ καὶ ἀνιστάμενοι ἕωθεν καὶ μέσης ἡμέρας καὶ περὶ τὴν ἑσπέραν, τρὶς τῆς ἡμέρας, ὅτε εὐχὰς ἐπιτελοῦσιν ἑαυτοῖς ἐν ταῖς συναγωγαῖς, ἐπαρῶνται αὐτοῖς, καὶ ἀναθεματίζουσι τρὶς τῆς ἡμέρας ϕάσκοντες ὅτι Ἐπικαταρᾶται ὁ θεὸς τοὺς Ναζωραίους.
  29. Dialogue d’un Min avec Beruria, femme de R. Méïr, disciple d’Aqiba ; le Min reproche à Israël sa stérilité. Beruria espère dans l’avenir en citant la suite du texte (Is. liv, 1) ; mais elle semble concèder le fait, et conclut seulement qu’Israël n’enfante pas pour la Géhenne, comme les Minîm (b. Berak. 10a). Un texte beaucoup plus récent admet que les Israélites ne sont que le tiers (Debar. r. ii, 33, p. 104c. Herford, p. 237 et 306).
  30. b. ‘Abodah zara, 16b-17a. Dans le passage parallèle, Tosefta Hull. ii, 24, Jacob a dit une parole de Minouth au nom de Jésus ben Pantiri ; cf. Herford, p. 137 ss.
  31. Cf. b. ‘Ab. zar. 27b.
  32. Nous citons d’après la recension palestinienne, découverte par M. Schechter dans la guenizah du Caire et publiée dans Jew. Quart. Rev. X (1898), 654-659 ; c’est le seul texte qui cite en toutes lettres les Nazaréens ou chrétiens ; ils ne sont pas ici confondus avec les Minim, ou hérétiques en général ; c’est sans doute par prudence qu’on supprima le mot, celui de Minim représentant suffisamment la chose ; cf. à la fin de ce volume, texte IV.
  33. b. Berak. 28b-29a. De même (j. Berak. 9c), on conjecturait qu’il était Min s’il passait
  34. Voici le texte, Tosefta Bab. meṣ. ii, 33 : הגוים והרועים בהמה דקה ומגדליה לא מעלין ולא מורידין המינין והמשומדים והמסורות מורדין ולא מעלין. Le petit bélail était assez justement proscrit comme ravageant les champs.
  35. L’accusation d’immoralité relevée par M. Herford ne se rencontre qu’à une époque assez basse.
  36. Herford, l. l., p. 103, Tos. Ḥull. ii, 22 s.
  37. Herford, l. l., p. 155, citant Tos. Sabb. xiii, 5.
  38. Herford, l. l., p. 155, eod. lod.
  39. Herford, l. l., p. 160, citant b. ‘Abod. zar. 6a et b. Ta‘an. 27b.
  40. b. Sanh. 99a, Herford, p. 276 s.
  41. Is. lx, 2.
  42. Pesiq. r. xxi, p. 100b, expliqué plus haut, p. 226. Le Dieu de la mer Rouge est aussi le Dieu du Sinaï. C’est ainsi qu’on expliqua la double invocation dans le ps. xxii, 1 : אלי אלי למה עזבתני אלי בים סוף אלי בסיני. Midr. des Psaumes, éd. Buber, Wilna, 1891, I, p. 188.
  43. b. Sanh. 38b.
  44. Le R. P. de Hummelauer (Genesis, ad. h. l., p. 415) cite S. Irénée (C. haeres. iii, 6 ; P. G., VII, c. 860), S. Cyprien (Ad Quirin. iii, 33 ; P. L., IV, 754), S. Hilaire (De Trin. iv, 29 ; P. L., X, 118 s.), S. Ambr. (lib. I, De fide ad Gratian. 3 ; P. L., XVI, 533), S. Jérôme (in i Os. ; P. L., XXV, 826) et d’autres. Le concile de Sirmium (Labbe, III, 258, an. 16) : « Si quis hoc dictum pluit Dominus ignem a Domino, non de Patre et Filio accipiat, sed ipsum a se ipso pluisse dicat, anathema est. Pluit enim Filius Dominus a Domino Patre ».
  45. Am. iv, 13.
  46. Dans Ber. r. vin, p. 22d, mais attribué à R. Jonathan (nre siècle) : Tzzb T2SC nV’fli nvcb HÏT.-’I "b ION btrnznx □^“zS ns pnns OHX .TZ sbiyn. Le passage ne manque pas d’intérêt comme exemple d’inspiration passive ; par contre, dans un autre endroit, Dieu est en colère contre Salomon pour avoir écrit Prov. XXIV, 21 (11 EUFÛKÜJ P306).
  47. &. Sanh. 38b (HERFORÜJ p. 285 sst).
  48. Le Rabbi interprète nz ?’Zn dans le sens de t l :Trzn c’est un jeu de mots sur les bipliil de -|^2 « rendre amer », et de "|*>™ « échanger », •
  49. A. I., [>. 287.
  50. Dans tfekilla. éd. Weiss, 45h, celle doctrine est attribuée aux peuples du monde, c’est-à-dire ici à des chrétiens de la gentilité. C’est à propos de Daniel, VIE, 9 : toi trône était des flammes de feu ; les roues en feu ardent : ”2 ïinnS ]IT>7 XTi’ ï" m’I’iU’l ^TTET nciï nblïn « pour ne Pas donner prétexte aux peuples du monde de dire qu’il y a deux pouvoirs ». On savait très bien que les chrétiens argumentaient de ta vision de la personne semblable à un homme ; on coupait court d’avance en insistant sur l’unité du trône de Dieu.
  51. M. Herford a cru reconnaître dans la christologie des Minim spécialement celle de l’épître aux Hébreux ; à vrai dire les traits distinctifs font défaut.
  52. Il n’est pas prouvé que le Dialogue contre Tryphon reproduise textuellement une discussion réelle, ni que Tryphon soit le célèbre R. Tarphon de Lydda, mais les idées de l’antagoniste de Justin sont certainement empruntées au judaïsme du temps. L’identité de Tarphon et de Tryphon est suggérée par l’écriture טריפון relevée par M. Ratner dans ses variantes sur le Talmud de Jérusalem, Chebiit, 33c, l. 16 : רבי יודן בר טריפון. L’épitaphe de ce R. Ioudan fils de Tarphon ou Tryphon se trouve à Jaffa dans le musée de M. von Ustinow.
  53. Dial., c. lxxx.
  54. Dial., c. xlvii.
  55. Καὶ μάλιστα τοὺς ἐν ταῖς συναγωγαῖς καταναθεμίσαντας καὶ καταναθεματίζοντος ἐπʹ αὐτὸν τοῦτον τὸν Χριστόν.
  56. Dial., c. lv.