Le Mirage perpétuel/LES PAYSAGES/Delphes

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Librairie Paul Ollendorff (p. 41-42).


DELPHES



Antinoüs, jeune homme à la belle poitrine,
Et dont le torse nu s’infléchit mollement
Sur une croupe, orgueil et plaisir des amants,
Que ne maîtrises-tu ta grâce féminine !

T’aimait-il donc aussi l’anonyme sculpteur
Qui mit cette souplesse en ta jambe arrondie
Et fit pour le baiser fraîches et rebondies
Ces lèvres d’un dessin si tendre et séducteur ?


Ces yeux… est-ce tristesse ou fatigue amoureuse ?
Tu nous troubles encor, favori d’Hadrien,
Quand tu fais se cambrer la ligne de tes reins
Et que tu tends vers nous tes mains impérieuses !

Les siècles t’ont gardé le prestige éternel
Des hommes dont la vie est un défi au ciel,
Et de la volupté demeure dans ton geste
D’homme né pour l’amour et dédaigneux du reste.