Le Mirage perpétuel/LES PAYSAGES/Sainte-Hélène
Apparence
Librairie Paul Ollendorff, (p. 57-58).
SAINTE-HÉLÈNE
Hâve, maigre, et portant tout le poids de la haine,
Sa main sur une carte étendue et les yeux
Perdus sur l’horizon sinistre et spacieux
Le prisonnier muet songe à la mort prochaine.
S’il fut jamais heureux il s’en souvient à peine,
Le silence a scellé son cœur mystérieux
Et le ricanement des mots injurieux
Ne trouve plus d’écho dans son âme lointaine.
Il s’est fait en lui-même un enclos plus désert
Que son île torride et que la vaste mer,
La torpeur de l’oubli succède à la tempête ;
Et pourtant, quand l’orage a déchaîné le vent,
Certains soirs, il entend mugir dans l’Océan
Des peuples déchaînés qui demandent sa tête.