Le Monde comme volonté et comme représentation/Livre II/§ 27

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Traduction par Auguste Burdeau.
Librairie Félix Alcan (Tome premierp. 435).
§ 27. — La science étiologique ne peut légitimement réduire à l’unité les forces de la nature. Gradation de ces forces : comment chacune d’elles sort d’une plus basse, qu’elle subjugue. Apparition de la connaissance dans le monde. 
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§ 27.


Si, par toutes les considérations précédentes sur les forces de la nature et les manifestations de ces forces, nous voyons avec évidence jusqu’où peut aller et où doit cesser l’explication par les causes, quand elle ne veut pas tomber dans l’absurde prétention de ramener le contenu de tous les phénomènes à leur forme pure, effort qui ne laisserait plus subsister à la fin que la forme vide, nous pouvons désormais déterminer dans ces lignes générales ce que nous devons demander à toute étiologie. Elle a dans la nature à chercher les causes de tous les phénomènes, en d’autres termes les circonstances dans lesquelles ces phénomènes apparaissent constamment. Ensuite elle a à ramener les phénomènes, — divers par la diversité des circonstances, — à ce qui agit dans tout phénomène et qu’on suppose dans toute cause, à une force originelle de la nature. Mais il faut bien distinguer si cette diversité de phénomènes a sa source dans la diversité des forces, ou simplement dans celle des circonstances dans lesquelles la force se manifeste ; il faut également se garder de prendre pour la manifestation de forces différentes ce qui n’est que la manifestation en des circonstances différentes, d’une seule et même force, de prendre aussi pour la manifestation d’une même force celle de forces différentes. C’est ici le domaine immédiat du jugement, et c’est pourquoi peu d’hommes sont, en physique, capables d’élargir l’horizon ; mais, pour les expériences, chacun peut en accroître le nombre. La paresse et l’ignorance portent à avoir recours trop tôt à des forces primitives ; c’est ce qui apparaît, avec une exagération qui ressemble à de l’ironie, dans les entités et quiddités de la scolastique. Il n’est rien qui soit plus contre mes intentions que de contribuer au retour de ces abus.

Pour suppléer à une explication physique, on ne doit pas davantage avoir recours à l’objectivation de la volonté ou à la puissance créatrice de Dieu. La physique exige des causes, et la volonté n’est pas une cause ; son rapport au phénomène n’a pas pour fondement le principe de raison. Ce qui est en soi volonté apparaît comme représentation, c’est-à-dire comme phénomène. Comme telle, la volonté obéit aux lois qui constituent la forme du phénomène. Ainsi chaque mouvement, bien qu’il reste au fond une manifestation de la volonté, doit avoir une cause par laquelle on l’explique en fonction d’un moment et d’un lieu déterminé, c’est-à-dire non pas d’une manière générale et dans son essence profonde, mais en tant que phénomène isolé. Cette cause est mécanique à l’égard de la pierre. Elle est un motif à l’égard de l’homme et de ses mouvements. Mais jamais elle ne peut manquer. Par contre, le général, la commune essence de tous les phénomènes d’une espèce déterminée, essence sans l’hypothèse de laquelle l’explication par les causes n’a ni sens ni valeur, c’est la force universelle de la nature, qui doit, en physique, rester à l’état de qualitas occulta, car c’est là la fin de l’explication étiologique et le commencement de l’explication métaphysique. Mais la chaîne des causes et des effets n’est jamais brisée par une force originelle à qui l’on aurait recouru. La chaîne ne remonte jamais à elle comme à son premier chaînon. Seulement tout chaînon, le premier comme le dernier, suppose la force primitive et sans elle ne saurait rien expliquer. Une série de causes et d’effets peut être la manifestation des forces les plus différentes dont l’entrée successive dans le monde sensible est réglée par elle : je l’ai montré par l’exemple de la pile métallique ; mais les différences de ces forces primitives, qu’on ne saurait ramener les unes aux autres, ne brisent pas l’unité de la chaîne des causes et l’enchaînement de ses anneaux. L’étiologie de la nature et la philosophie de la nature ne se nuisent jamais l’une à l’autre ; elles vont l’une à côté de l’autre, étudiant le même objet à des points de vue différents. L’étiologie rend compte des causes qui ont nécessairement amené le phénomène isolé qu’il s’agit d’expliquer. Elle montre comme fondement de tous ces phénomènes les forces générales qui agissent dans toutes ces causes et effets ; elle détermine ces forces, leur nombre, leur différence, et tous les effets dans lesquels ces forces, au gré de la diversité des circonstances, se manifestent avec diversité, toujours fidèles cependant à leur caractère particulier, qu’elles développent suivant une règle infaillible appelée loi de la nature. Quand la physique aura entièrement accompli cette œuvre et à ce point de vue, elle aura atteint sa perfection. Car il n’y aura plus dans le monde inorganique de force inconnue, plus d’effet qui n’apparaisse comme le phénomène d’une de ces forces qui s’est manifestée en de certaines circonstances conformément à une loi de la nature. Cependant une loi de la nature n’est jamais qu’une règle surprise à la nature, — règle suivant laquelle celle-ci procède toujours, dans certaines circonstances déterminées, dès qu’elles sont données. C’est pourquoi on peut définir une loi de la nature « un fait généralisé » ; d’où l’on voit qu’un exposé exact de toutes les lois de la nature ne serait qu’un catalogue de faits très complet.

L’observation de la nature dans son ensemble a son achèvement dans la morphologie, qui dénombre toutes les formes fixes de la nature organique, qui les compare et les coordonne. Elle a peu de chose à dire sur la cause de la production des êtres particuliers ; elle s’explique par la génération, qui est la même pour tous, et qui forme une théorie à part ; dans certains cas très rares, la cause est la generatio æquivoca. A cette dernière catégorie appartient aussi, à la rigueur, la façon dont les degrés inférieurs de l’objectité de la volonté, c’est-à-dire les phénomènes physiques et chimiques, se produisant, et l’exposé des conditions de cette production est aussi la tâche de l’étiologie. La philosophie considère en tout, par conséquent aussi dans la nature, uniquement le général : les forces primitives ici constituent son objet, et elle reconnaît en elles les différents degrés de l’objectivation de la volonté, qui est l’essence intime, la substance du monde, — lequel n’est à ses yeux, quand elle s’abstrait de la substance, que la représentation du sujet. Si maintenant l’étiologie, au lieu de préparer les voies à la philosophie et de confirmer ses théories par des preuves expérimentales, s’imagine plutôt que son but est de nier toutes les forces premières, sauf une seule, la plus générale, l’impénétrabilité par exemple, qu’elle s’imagine comprendre absolument, et après cela, si elle s’efforce d’y ramener toutes les autres, — elle détruit son propre fondement et ne peut arriver qu’à l’erreur ; le contenu de la nature est dès lors supplanté par la forme, et l’on attribue tout à l’influence des circonstances, rien à l’essence intime des choses. Si l’on pouvait réussir en suivant cette méthode, il suffirait d’un calcul rigoureux pour résoudre l’énigme du monde. — Mais on entre dans cette voie dès qu’on veut ramener toute action physiologique « à la forme et au mélange », et ainsi à l’électricité, puis celle-ci au chimisme, et le chimisme au mécanisme. Cette dernière réduction a été la grande faute de Descartes et des atomistes, qui ramenaient ; le mouvement des corps au choc d’un fluide, et leurs qualités à l’agencement et à la forme des atomes, et qui, après cela, s’ingéniaient à expliquer tous les phénomènes de la nature comme de simples phénomènes de l’impénétrabilité et de la cohésion. Bien qu’on en soit revenu, certaines gens, de nos jours, ne procèdent pas autrement ; ce sont les physiologues-électriciens, chimistes, mécaniciens, qui veulent expliquer absolument toute la vie et toutes les fonctions de l’organisme par « la forme et le mélange » des parties essentielles.

Que le but de l’explication physiologique consiste à ramener la vie de l’organisme aux lois générales qu’étudie la physique, c’est ce que l’on trouve exprimé dans les Archives physiologiques de Meckel. De même, Lamarck, dans sa Philosophie zoologique (vol. II, ch. iii, p. 16), considère la vie comme la simple résultante de la chaleur et de l’électricité : « Le calorique et la matière électrique suffisent parfaitement pour composer ensemble cette cause essentielle de la vie. » D’après cela, la chaleur et l’électricité seraient proprement la chose en soi, et le monde des animaux et des plantes en serait le phénomène. On peut voir, à la page 306 et suivantes de l’ouvrage cité, toute l’absurdité de cette théorie. Tout le monde sait que dernièrement toutes ces théories si souvent tournées en ridicule se sont effrontément renouvelées. Quand on les examine attentivement, on voit qu’elles reposent toutes sur l’hypothèse que l’organisme n’est qu’un agrégat de phénomènes physiques, de forces chimiques et mécaniques, qui par hasard convergeant toutes vers le même point, constituent l’organisme, — lequel n’est plus qu’un jeu de la nature dépourvu de sens. L’organisme d’un animal ou d’un homme ne serait plus alors, — considéré philosophiquement, — la représentation d’une idée particulière, c’est-à-dire ï’objectité immédiate de la volonté, à un degré plus ou moins élevé de détermination ; mais il n’y aurait plus en lui que ces idées qui objectivent la volonté dans l’électricité, le chimisme, le mécanisme ; celui-ci serait donc composé par la rencontre de ces forces, tout aussi accidentellement que les figures d’hommes ou d’animaux que présentent parfois des nuages ou des stalactites. — Nous verrons cependant tout à l’heure dans quelle mesure il est permis et utile d’appliquer à l’organisme ces explications tirées de la physique et de la chimie ; car je montrerai que la force vitale emploie et utilise indubitablement les forces de la nature inorganique, mais que ce ne sont pas elles qui la composent, aussi peu que le forgeron se compose d’enclumes et de marteaux. Même la vie végétale, qui est si peu compliquée, ne peut s’expliquer par elles, par exemple par la capillarité et l’endosmose ; à plus forte raison ne peut-on pas expliquer ainsi la vie animale. La considération suivante aura pour résultat de nous faciliter celle que je viens d’annoncer, et dont l’exposition n’est pas facile.

Conformément à tout ce que nous avons dit, c’est une erreur de la science de la nature que de vouloir ramener les plus hauts degrés de l’objectité de la volonté aux plus infimes ; car méconnaître ou fausser les forces naturelles primitives et existant par elles-mêmes est une aussi grande faute que de supposer sans raison des forces particulières là où il n’y a que la manifestation de forces déjà connues. Kant a bien raison de dire qu’il est insensé d’espérer un « Newton du brin d’herbe », c’est-à-dire un homme qui ramènerait le brin d’herbe à des manifestations de forces physiques ou chimiques dont il serait la concrétion accidentelle ; qui, en d’autres termes, le réduirait à n’être qu’un simple jeu de la nature dans lequel n’apparaîtrait aucune idée spéciale, c’est-à-dire où la volonté ne se manifesterait pas directement à un degré élevé et déterminé, mais exactement comme elle se manifeste dans les phénomènes de la nature inorganique, en offrant accidentellement sa forme actuelle. Les scolastiques, qui n’auraient jamais admis un procédé de ce genre, auraient dit avec raison que ce serait nier totalement la forma substantialis et la ravaler à la forma accidentalis. Car la forme substantielle d’Aristote désigne exactement ce que je nomme degré de l’objectivation de la volonté dans les objets. — D’autre part, il ne faut pas perdre de vue que, dans toutes les idées, c’est-à-dire toutes les forces de la nature inorganique et toutes les formes de la nature organique, se retrouve une seule et même volonté qui se manifeste, c’est-à-dire qui entre dans la forme de la représentation, l’objectité. Son unité doit se reconnaître à l’air de parenté intime qu’ont toutes ses manifestations. Au plus haut degré de son objectité, où le phénomène apparaît plus clairement, dans le règne végétal et dans le règne animal, elle se manifeste par l’analogie de toutes les formes, par le type fondamental, qui se retrouve dans tous les phénomènes ; c’est à l’aide de ce principe que, de nos jours, on a édifié en France un excellent système zoologique, et c’est ce principe que l’anatomie comparée nous montre comme constituant « l’unité de plan, l’uniformité de l’élément anatomique ». Les naturalistes de l’école de Schelling se sont principalement occupés de démontrer ce principe ; ils ont au moins fait de louables efforts dans ce sens, et se sont acquis par là plus d’un mérite, quoique, dans bien des cas, leur chasse aux analogies ait dégénéré en subtilité. Mais c’est avec raison qu’ils ont fait ressortir la parenté générale qui existe entre les idées de la nature inorganique, par exemple entre l’électricité et le magnétisme, dont l’identité a été constatée plus tard, entre l’attraction chimique et la pesanteur, etc. Ils ont particulièrement fait remarquer que la polarité, c’est-à-dire la division d’une force en deux activités qualitativement différentes et opposées, et qui s’efforcent de se réunir, — force qui se manifeste la plupart du temps dans l’espace par un effort issu d’un même point dans des directions opposées, — est le type fondamental de presque tous les phénomènes de la nature, depuis l’aimant et le cristal jusqu’à l’homme. En Chine, cette théorie est courante depuis les temps les plus reculés, dans le mythe de l’opposition de Yin et de Yang[1]. — Comme tous les objets du monde sont l’objectité d’une seule et même volonté, c’est-à-dire sont identiques dans leur essence, non seulement il doit y avoir une analogie incontestable entre eux, non seulement on doit découvrir dans le moins parfait la trace, l’annonce et comme le principe de ce qui est immédiatement plus parfait, mais encore, comme toutes ces formes appartiennent uniquement au monde comme représentation, on peut supposer que dans ces formes, qui sont la vraie charpente du monde visible, c’est-à-dire du monde dans l’espace et le temps, on doit pouvoir trouver le type fondamental, le vestige, le germe de tout ce qui remplit ces formes. C’est, semble-t-il, le sentiment obscur de cette vérité qui a donné naissance à la cabale, à la philosophie toute mathématique des pythagoriciens, et à celle des Chinois dans l’Y-King. De même, dans l’école de Schelling, à côté des efforts pour faire ressortir les analogies entre tous les phénomènes de la nature, nous trouvons aussi quelques tentatives, infructueuses, il est vrai, pour déduire les lois de la nature des simples catégories de l’espace et du temps. En attendant, personne ne peut savoir si quelque jour un homme de génie ne parviendra pas à réaliser les essais tentés dans cette double direction.

Si, maintenant, on a bien présente à l’esprit la différence qu’il y a entre le phénomène et la chose en soi, et par conséquent si l’identité de la volonté objectivée dans toutes les idées ne peut jamais se transformer (parce qu’elle a des degrés déterminés de son objectité) en identité des idées particulières dans lesquelles elle apparaît ; si l’attraction chimique ou électrique ne peut jamais se ramener à l’attraction par la pesanteur, même quand on connaît leur profonde analogie, et quoique la première puisse être regardée comme étant la dernière à une puissance supérieure ; de même, quoi que prouve l’analogie de structure, si l’on ne peut confondre et identifier les espèces, expliquer les plus parfaites comme des variétés des moins parfaites ; si, enfin, les fonctions physiologiques ne peuvent jamais se réduire à des processus physiques ou chimiques, on peut cependant considérer comme très vraisemblable tout ce que nous allons dire, pour justifier l’emploi de ce procédé, dans de certaines limites.

Lorsque, parmi les manifestations de la volonté, qui appartiennent aux degrés les plus bas de son objectivation, c’est-à-dire au monde inorganique, quelques-unes entrent en conflit entre elles, parce que chacune s’efforce, — conformément au principe de causalité, — de s’emparer de la matière donnée, il sort de ce conflit le phénomène d’une idée supérieure qui l’emporte sur toutes les autres plus imparfaites qui existaient auparavant, mais de façon à en laisser subsister l’essence en tant que subordonnée, ou à ne s’en approprier que l’analogue : procédé qui n’est compréhensible qu’en vertu de l’identité qui se manifeste dans toutes les idées et en vertu de son aspiration à une objectivation de plus en plus élevée. Nous voyons, par exemple, dans la solidification des os un état évidemment analogue à la cristallisation qui dominait à l’origine dans la chaux, bien que l’ossification ne puisse jamais se ramener à une cristallisation. L’analogie se manifeste plus faiblement dans la solidification des chairs. De même aussi, le mélange des sucs, dans le corps des animaux, ainsi que la sécrétion, sont un état analogue au mélange et à la séparation chimique, car, ici encore, les lois de la chimie agissent toujours, mais subordonnées, modifiées, dominées par une idée supérieure ; aussi les forces chimiques seules, en dehors de l’organisme, ne produisent-elles jamais de pareils sucs ; mais,

Encheiresin naturæ nennt es die Chemie[2] :
Spottet ihrer selbst, uad weiss nicht wie.
__________________________(Faust.)

L’idée plus parfaite qui l’emporte dans ce combat sur les idées inférieures acquiert par là un nouveau caractère, en empruntant aux idées vaincues un degré d’analogie d’une puissance supérieure. La volonté s’objective d’une façon plus compréhensible ; et alors se forment, d’abord par génération équivoque et ensuite par assimilation au germe existant, la sève organique, la plante, l’animal, l’homme. Ainsi, de la lutte des phénomènes inférieurs résulte le phénomène supérieur, qui les engloutit tous, mais qui en même temps réalise leur aspiration constante vers un état plus élevé. — Ici donc, il y a déjà place pour la loi : Serpens, nisi serpentent comederit, non fit draco.

Je voudrais, si c’était possible, exposer assez clairement ces idées pour triompher de l’obscurité qui s’y attache ; mais je compte sur les réflexions propres du lecteur pour me venir en aide, au cas où je devrais être incompris ou mal compris. — Conformément à notre point de vue, on pourra constater sans doute, dans l’organisme, les traces de toutes sortes d’activités physiques ou chimiques, mais on ne pourra jamais l’expliquer par elles ; car il n’est pas un phénomène produit par l’activité combinée de ces forces, c’est-à-dire accidentellement, mais une idée supérieure qui s’est soumis toutes les autres idées inférieures par une assimilation triomphante, parce que cette volonté unique qui s’objective dans toute idée, tendant toujours à la plus haute objectivation possible, quitte ici les degrés inférieurs de son phénomène, après leur conflit, pour apparaître d’autant plus énergique sur un échelon supérieur. Il n’y a pas de victoire sans combat : l’idée supérieure, ou objectivation de la volonté, ne peut se produire qu’en l’emportant sur les inférieures, et elle a à triompher de la résistance de celles-ci, qui, bien que réduites en servitude, aspirent toujours à manifester leur essence d’une façon indépendante et complète. De même que l’aimant qui élève un morceau de fer engage un combat opiniâtre avec la pesanteur, qui, en tant qu’objectivation la plus basse de la volonté, a un droit primordial sur la matière de ce fer, — combat dans lequel l’aimant se fortifie, parce que la résistance du fer exige de sa part un plus grand effort, — de même, et comme tout autre phénomène de la volonté, celui qui apparaît dans l’organisme humain entretient un combat perpétuel contre les nombreuses forces physiques et chimiques qui, en leur qualité d’idées inférieures, ont des droits antérieurs sur la même matière. Voilà pourquoi retombe le bras qu’on a tenu élevé pendant quelque temps en triomphant de la pesanteur. De là aussi les interruptions si fréquentes dans le sentiment de bien-être que procure la santé, laquelle exprime la victoire de l’idée, objectivée dans un organisme conscient, sur les lois physiques et chimiques qui gouvernaient à l’origine les sucs du corps ; et même ces interruptions sont toujours accompagnées d’un certain malaise plus ou moins prononcé, résultant de la résistance de ces forces, et en vertu duquel la partie végétative de notre vie est constamment affectée d’une légère souffrance.

Ainsi s’explique, encore pourquoi la digestion déprime toutes les fonctions animales, vu qu’elle accapare toute la force vitale pour vaincre, par l’assimilation, les forces naturelles chimiques. De là vient encore le poids de la vie physique, la nécessité du sommeil, et finalement de la mort, car ces forces naturelles subjuguées, favorisées finalement par les circonstances, arrachent à l’organisme fatigué par ses perpétuelles victoires elles-mêmes la matière que celui-ci leur avait enlevée, et arrivent à manifester sans obstacle leur propre nature. Par conséquent, on peut dire aussi que tout organisme ne représente l’idée dont il est l’image qu’après déduction faite de la partie de son activité qu’il doit employer à soumettre les idées inférieures qui lui disputent la matière. C’est ce dont Jacob Bœhm paraît avoir eu le vague sentiment, quand il affirme quelque part que tous les corps des hommes et des animaux, et même toutes les plantes, sont à demi morts. Suivant que l’organisme réussira plus ou moins complètement à triompher des forces naturelles qui expriment les degrés inférieurs d’objectité de la volonté, il arrivera à une expression plus ou moins parfaite de sa propre idée, c’est-à-dire s’éloignera ou se rapprochera de l’idéal auquel, dans chaque genre, est attachée la beauté.

Ainsi, partout dans la nature, nous voyons lutte, combat et alternative de victoire, et ainsi nous arrivons à comprendre plus clairement le divorce essentiel de la volonté avec elle-même. Chaque degré de l’objectivation de la volonté dispute à l’autre la matière, l’espace et le temps. La matière doit perpétuellement changer de forme, attendu que les phénomènes mécaniques, physiques, chimiques et organiques, suivant le fil conducteur de la causalité, et pressés d’apparaître, se la disputent obstinément pour manifester chacun son idée. On peut suivre cette lutte à travers toute la nature ; que dis-je ? elle n’existe que par là : ει γαρ μη ην το νεικος εν τοις πραγμασιν, εν αν ην απαντα, ως φησιν Εμπεδοκλης[3] : cette lutte n’est elle-même que la manifestation de ce divorce de la nature avec elle-même. Dans le monde animal, cette lutte éclate de la façon la plus significative ; il se nourrit des plantes, et chaque individu y sert de nourriture et de proie à un autre ; en d’autres termes, chaque animal doit abandonner la matière par laquelle se représentait son idée, pour qu’un autre puisse se manifester, car une créature vivante ne peut entretenir sa vie qu’aux dépens d’une autre, de sorte que la volonté de vivre se refait constamment de sa propre substance et, sous les diverses formes qu’elle revêt, constitue sa propre nourriture. Enfin la race humaine, qui est arrivée à se soumettre toutes les autres, considère la nature comme une immense fabrique répondant à la satisfaction de ses besoins, et finit par manifester en elle, comme nous le verrons dans le quatrième livre, et cela de la façon la plus évidente, ce divorce de la volonté : dès lors se vérifie l’adage : « homo homini lupus. » En attendant, nous reconnaîtrons la même lutte, la même domination aux degrés inférieurs de l’objectivité de la volonté. Beaucoup d’insectes (et notamment les ichneumons) déposent leurs œufs sur la peau et même dans le corps des larves d’autres insectes, dont la lente destruction sera le premier ouvrage du germe qui va éclore. Le jeune polype à bras qui sort du vieux comme un rameau, et qui s’en sépare ultérieurement, lui dispute, lorsqu’il est encore attaché à lui, la proie qui peut se présenter, si bien que l’un l’arrache de la bouche de l’autre (Trembley, Polypod., II, p. 110, et III, p. 165). Dans ce genre, la fourmi bouledogue d’Australie présente un exemple frappant : Lorsqu’on la coupe en deux, une lutte s’engage entre la tête et la queue : celle-là commence à mordre celle-ci, qui se défend bravement avec l’aiguillon contre les morsures de l’autre ; le combat peut durer une demi-heure, jusqu’à la mort complète, à moins que d’autres fourmis n’entraînent les deux tronçons. Le fait se renouvelle chaque fois (Galignani’s Messenger 17 nov. 1855). Au bord du Missouri, on voit souvent un chêne énorme tellement enlacé et garrotté par une liane géante, qu’il finit par mourir comme étouffé. Le même fait se reproduit, aux degrés inférieurs, comme par exemple lorsque, par assimilation organique, l’eau et le carbone se changent en sève végétale, ou lorsque le végétal ou le pain se transforment en sang ; partout enfin où la sécrétion animale se produit, qui astreint les forces chimiques à n’agir qu’avec une activité subordonnée. De même encore, dans le règne inorganique, quand deux cristaux en voie de formation viennent à se rencontrer, ils se croisent et se contrarient mutuellement, au point de ne pouvoir plus montrer la forme pure de leur cristallisation, en sorte que chacun des groupes de molécules offre l’image de cette lutte de la volonté à un degré si bas d’objectivation ; ou bien encore, quand l’aimant impose au fer son magnétisme, afin d’y manifester à son tour son idée ; ou bien quand le galvanisme triomphe des affinités électives, décompose les composés les plus stables et supprime à tel point les lois chimiques, que l’acide d’un sel décomposé au pôle négatif se rend au pôle positif, sans pouvoir s’allier aux alcalis qu’il doit traverser, sans même pouvoir rougir le tournesol qu’on a mis sur sa route. Cela se reproduit en grand dans le rapport que souffre un corps céleste central avec sa planète : celle-ci, quoique se trouvant sous la dépendance absolue du premier, résiste constamment, tout comme les forces chimiques dans l’organisme ; de là résulte cette opposition perpétuelle entre la force centrifuge et la force centripète, qui entretient le mouvement dans le système de l’univers ; elle aussi est une expression de cette lutte générale dont nous nous occupons, et qui est essentiellement propre au caractère de la volonté.

Puisque tout corps peut être considéré comme phénomène d’une volonté, et que la volonté se présente nécessairement comme une tendance, l’état primitif de tout corps céleste condensé en sphère ne peut être le repos, mais le mouvement, la tendance à progresser, sans arrêt et sans but, dans l’espace infini. Ce qui ne contredit en rien ni la loi d’inertie, ni la loi de causalité ; car, suivant la première, la matière comme telle, étant indifférente au repos et au mouvement, son état primitif peut tout aussi bien avoir été l’un que l’autre. Aussi, si nous la trouvons en mouvement, il ne nous est pas permis de supposer qu’auparavant elle ait été en repos, et de demander la cause du mouvement initial ; de même, la trouvant immobile, nous n’aurions pas le droit d’admettre un état antérieur de mouvement, et de demander pourquoi celui-ci a cessé. Il n’y a donc aucun motif de chercher une impulsion première à la force centrifuge ; mais, suivant l’hypothèse de Kant et de Laplace, elle est, dans les planètes, un reste de la rotation primitive du corps céleste central, qui continue sa rotation et vole en même temps devant soi, dans l’espace sans bornes, ou peut-être circule autour d’un soleil plus grand, qui est invisible pour nous. Conformément à ces vues, les astronomes soupçonnent l’existence d’un soleil central ; ils ont observé aussi l’éloignement progressif de tout notre système solaire, et peut-être même de l’ensemble du groupe stellaire auquel appartient le soleil ; on peut conclure de là une marche générale de toutes les étoiles fixes, y compris le soleil central, ce qui, dans l’espace infini, perd toute signification (car le mouvement ne se distingue pas du repos dans l’espace absolu), et exprime, comme nous les avons déjà vus s’exprimer directement par l’effort et la pour suite sans but, ce néant, cette absence de fin, que la conclusion du présent livre nous fera reconnaître constamment dans les aspirations de la volonté, quels que soient ses phénomènes ; d’où il résulte encore que l’espace infini et le temps infini devaient constituer les formes les plus générales et les plus essentielles de l’ensemble de ses représentations, dont il exprime l’essence entière. — Nous pouvons, enfin, reconnaître la lutte que nous avons vue entre toutes les manifestations de la volonté, dans le domaine de la matière pure et simple, considérée comme telle, en tant que l’essence de son phénomène a été fortement expliquée par Kant, comme une force d’attraction et de répulsion ; ainsi son existence n’est déjà qu’une lutte entre deux forces opposées. Retranchons de la matière toute différence chimique, ou imaginons que nous soyons arrivés si loin dans la chaîne des causes et des effets, que toute différence chimique disparaisse : nous retrouvons la matière pure et simple, le monde réduit à n’être plus qu’un cercle, en proie à une lutte entre la force d’attraction et la force de répulsion, la première agissant en tant que pesanteur, qui s’efforce de toutes parts vers le centre, la seconde agissant comme impénétrabilité, qui résiste à l’autre, soit solidité, soit élasticité, action et réaction perpétuelle qui peut être considérée comme l’objectité de la volonté à son degré le plus infime, et qui déjà, ici, en exprime le caractère.

Ainsi, nous avons vu, au degré le plus bas, la volonté nous apparaître, comme une poussée aveugle, comme un effort mystérieux et sourd, éloigné de toute conscience immédiate. C’est l’espèce la plus simple et la plus faible de ses objectivations. En tant que poussée aveugle et effort inconscient, elle se manifeste dans toute la nature inorganique, dans toutes les forces premières, dont c’est le rôle de la physique et de la chimie de chercher à connaître les lois, et dont chacune nous apparaît dans des millions de phénomènes tout à fait semblables et réguliers, ne portant aucune trace de caractère individuel ; elle se multiplie à travers l’espace et le temps, c’est-à-dire le « principe d’individuation », comme une image dans les facettes d’une coupe.

Plus évidente à mesure qu’elle s’élève de degré en degré dans son objectivation, la volonté agit cependant aussi dans le règne végétal, où le lien des phénomènes n’est plus, à proprement parler, une cause, mais une excitation ; elle est absolument inconsciente, semblable à une force obscure. Nous la retrouvons encore dans la partie végétative des phénomènes animaux, dans la production et dans le développement de chaque animal, de même que dans l’entretien de son économie intérieure ; là, de même, ce sont de simples excitations qui déterminent sa manifestation. Les degrés de plus en plus élevés de l’objectité de la volonté conduisent finalement au point où l’individu, qui représente l’idée, ne pouvait plus se procurer, par le simple mouvement résultant d’une excitation, la nourriture qu’il doit s’assimiler ; car il faut bien que quelque excitation de ce genre intervienne, et entre toutes, ici, la nourriture est plus spécialement indiquée ; la diversité toujours croissante des phénomènes individuels donne lieu à une telle foule et à une telle mêlée, qu’ils se gênent mutuellement et que la chance, de laquelle l’individu mû par simple excitation est condamné à attendre sa nourriture, deviendrait ici trop peu favorable. L’animal, dès l’instant où il sort de l’œuf ou des flancs de sa mère, doit pouvoir chercher et choisir les éléments de sa nourriture. De là vient la nécessité de la locomotion déterminée par des motifs, et, pour cela, celle de la connaissance, qui intervient, à ce degré d’objectivation de la volonté, comme un auxiliaire, comme une μηχανη indispensable à la conservation de l’individu et à la propagation de l’espèce. Elle apparaît, représentée par le cerveau ou par un gros ganglion, de même que toute autre tendance ou destination de la volonté, lorsqu’elle s’objective, est représentée par un organe, c’est-à-dire se manifeste à la perception sous la forme d’un organe[4]. — Mais, dès que cet auxiliaire ou μηχανη est intervenu, le monde comme représentation surgit tout à coup, avec toutes ses formes d’objet et de sujet, de temps, d’espace, de pluralité et de causalité. Le monde se manifeste alors sous sa seconde face. Jusqu’ici il était uniquement volonté, maintenant il est aussi représentation, objet du sujet connaissant. La volonté, qui développait auparavant son effort, dans les ténèbres, avec une sûreté infaillible, arrivée à ce degré, s’est munie d’un flambeau, qui lui était nécessaire pour écarter le désavantage résultant, pour ses phénomènes les plus parfaits, de leur surabondance et de leur variété. La sûreté, la régularité impeccable avec laquelle elle procédait, dans le monde inorganique comme dans le règne végétal, en qualité de tendance aveugle, provient de ce que, au début, elle était seule à agir, sans le concours mais aussi sans l’embarras que lui apporte un nouveau monde tout différent, celui de la représentation : bien qu’il reflète l’essence même de la volonté, il a pourtant une tout autre nature, et intervient maintenant dans l’enchaînement de ses phénomènes.

Ici s’arrête l’infaillible sûreté de la volonté. L’animal est déjà exposé à l’illusion, à l’apparence. Mais il n’a que des représentations intuitives ; il est dépourvu de concepts, de réflexion, enchaîné au présent, incapable de prévoir l’avenir. — Il semble, dans bien des cas, que cette connaissance dépourvue de raison ne soit pas suffisante pour le but qu’il poursuit et qu’elle ait besoin d’un auxiliaire ; car ce phénomène très curieux se présente à nous, que l’activité aveugle de la volonté et celle qui est éclairée par la connaissance empiètent d’une façon frappante sur le domaine l’une de l’autre, en revêtant deux formes différentes de manifestation. La première est celle-ci : parmi les actes des animaux dirigés par la connaissance intuitive et par les motifs qui en dérivent, nous en trouvons qui en sont dépourvus, qui, par conséquent, s’accomplissent avec la nécessité d’une volonté agissant aveuglément. L’autre cas, opposé au premier, se présente lorsque inversement c’est la lumière de la connaissance qui pénètre dans le laboratoire de la volonté aveugle et éclaire les fonctions végétatives de l’organisme humain : tel est le cas de la lucidité magnétique.

Enfin, là où la volonté est parvenue à son plus haut degré d’objectivation, la connaissance dont les animaux sont capables ne suffit plus, — connaissance qu’ils doivent à l’entendement, auquel les sens fournissent leurs données, et qui est par conséquent une simple intuition, tout entière tournée vers le présent. L’homme, cette créature compliquée, multiple d’aspect, plastique, éminemment remplie de besoins et exposée à d’innombrables lésions, devait, pour pouvoir résister, être éclairé par une double connaissance : à l’intuition simple devait venir s’ajouter, pour ainsi dire, une puissance plus élevée de la connaissance intuitive, un reflet de celle-ci, en un mot la raison, la faculté de créer des concepts. Avec elle se présente la réflexion, qui embrasse la vue de l’avenir et du passé, et, à sa suite, la méditation, la précaution, la faculté de prévoir, de se conduire indépendamment du présent, enfin la pleine et entière conscience des décisions de la volonté, en tant que telle. Plus haut, nous avons vu qu’avec la simple connaissance intuitive était déjà née la possibilité de l’apparence et de l’illusion, et que dès lors l’infaillibilité qu’avait auparavant la volonté, dans son effort inconscient et aveugle, disparaissait. Par suite, l’instinct et les dispositions industrieuses, manifestations inconscientes de la volonté, qui se rangent d’ailleurs parmi les manifestations accompagnées de connaissance, étaient rendus nécessaires. Avec l’avènement de la raison, cette sûreté, cette infaillibilité (qui, à l’autre extrême, dans la nature inorganique, apparaît avec un caractère de rigoureuse régularité) s’évanouit presque entièrement ; l’instinct disparaît tout à fait ; la circonspection, qui doit tenir lieu de tout, produit (comme on l’a vu dans le 1er livre) l’hésitation et l’incertitude : l’erreur devient possible, et, dans bien des cas, empoche l’objectivation adéquate de la volonté par des actes. Car, bien que la volonté ait déjà pris dans le caractère une direction déterminée et invariable, d’après laquelle elle se manifeste elle-même d’une façon infaillible à l’occasion des motifs, cependant l’erreur peut fausser ses manifestations, des motifs illusoires pouvant prendre la place des motifs véritables et les annihiler[5] ; c’est, par exemple, ce qui arrive quand la superstition suggère des motifs imaginaires, motifs qui entraînent l’homme à se conduire d’une façon absolument opposée à la manière dont sa volonté se manifesterait dans des circonstances identiques. Agamemnon sacrifie sa fille ; un avare verse des aumônes par égoïsme pur, dans l’espérance de se les voir un jour rendues au centuple ; etc.

La connaissance, en général, raisonnée aussi bien que purement intuitive, jaillit donc de la volonté et appartient à l’essence des degrés les plus hauts de son objectivation, comme une pure μηχανη, un moyen de conservation de l’individu et de l’espèce, aussi bien que tout organe du corps. Originairement attachée au service de la volonté et à l’accomplissement de ses desseins, elle reste presque continuellement prête à la servir ; ainsi en est-il chez tous les animaux et chez presque tous les hommes. Pourtant nous verrons, au 3e livre, comment chez quelques hommes la connaissance peut s’affranchir de cette servitude, rejeter ce joug et rester purement elle-même, indépendante de tout but volontaire, comme pur et clair miroir du monde : c’est de là que procède l’art. Enfin, dans le 4e livre, nous verrons comment cette sorte de connaissance, quand elle réagit sur la volonté, peut entraîner sa disparition, c’est-à-dire la résignation qui est le but final, l’essence intime de toute vertu et de toute sainteté, et la délivrance du monde.

  1. Yin est le principe femelle et Yang le principe mâle de la mythologie chinoise ; c’est leur action réciproque qui produit l’universalité des êtres. (Note du traducteur.)
  2. « Mais la chimie appelle cela encheiresis naturæ, sans se douter qu’elle se moque d’elle-même. »
  3. « Car si la haine n’était pas dans le monde, toutes choses n’en feraient qu’une, comme dit Empédocle. »
  4. Voir le chapitre XXII du Supplément et, dans mon ouvrage la Volonté dans la nature, les pages 54 et suivantes et 70-79 de la 1re édition, ou les pages 46 et suivantes ainsi que 63-72 de la 2e édition.
  5. C’est pourquoi les scolastiques disaient à bon droit : « Causa finalis movet non secundum suum esse reale, sed secundum esse cognitum. » – Voyez Suarez, Disp. Metaph., disp. XXIII, sect. 7 et 8.