Le Monde comme volonté et comme représentation/Livre III/§ 39

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Traduction par Auguste Burdeau.
Librairie Félix Alcan (Tome premierp. 435).
§ 39. — Du sublime : il résulte de l’effort par lequel l’individu, en face d’objets hostiles, se soustrait à la volonté, se fait sujet pur, et les contemple. Sublime dynamique et sublime mathématique. Exemples. 
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§ 39.


Nous avons cherché à mettre en lumière la part subjective du plaisir esthétique (en parlant de part subjective, j’entends ce qui dans ce plaisir se ramène à la joie d’exercer la faculté de connaître d’une manière pure, intuitive, indépendante de la volonté). À cette étude se rattache, comme dépendance directe, l’analyse de cet état d'esprit que l’on nomme le sentiment du sublime.

Nous avons déjà remarqué, plus haut, que ce ravissement qui constitue l’état d’intuition pure se produit surtout lorsque les objets s’y prêtent, c’est-à-dire lorsque, grâce à leur forme variée, mais en même temps claire et précise, ils deviennent aisément les images de leurs Idées ; c’est en quoi consiste précisément leur beauté, prise dans son sens objectif. C’est surtout la belle nature qui possède cette propriété ; elle est même capable de provoquer le plaisir esthétique chez l’homme le plus insensible, ne fût-ce que pour un instant ; il est curieux de voir avec quelle insistance le monde végétal en particulier nous sollicite et pour ainsi dire nous contraint à le contempler ; c’est à croire qu’une pareille insistance tient à ce que ces êtres organiques ne constituent point par eux-mêmes, comme les animaux, un objet immédiat de connaissance ; ils aspirent à rencontrer un individu étranger, doué d’intelligence, pour passer du monde de la volonté aveugle dans celui de la représentation ; ils désirent, en quelque sorte, ce passage ; et ils désirent obtenir — tout au moins indirectement — ce qu’il leur est impossible d’obtenir immédiatement. Je ne fais que mentionner cette idée un peu hasardée ; peut-être confine-t-elle à la rêverie ; en tout cas, il n’y a qu’une très intime et très profonde contemplation de la nature qui la puisse suggérer ou confirmer[1]. Tant que la nature se borne à s’offrir ainsi, tant que la richesse de signification, tant que la netteté des formes, exprimant les Idées qui s’y individualisent, ne font que nous élever de la connaissance asservie à la volonté, de la connaissance des simples relations jusqu’à la contemplation esthétique, et que nous nous érigeons ainsi en sujet connaissant exempt de volonté, ce n’est que le beau qui agit sur nous, ce n’est que le sentiment de la beauté qui est provoqué en nous. Mais supposons que ces objets, dont les formes significatives nous invitent à la contemplation, se trouvent dans un rapport d’hostilité avec la volonté telle qu’elle se traduit dans son objectité, c’est-à-dire avec le corps humain ; supposons que ces objets soient opposés à la volonté, qu’ils la menacent avec une force victorieuse de toute résistance ou qu’ils la réduisent à néant par le contraste de leur grandeur démesurée ; si, malgré tout, le spectateur ne porte point son attention sur ce rapport d’hostilité que sa volonté doit subir ; si, au contraire, bien qu’il perçoive et admette ce rapport, il en fait consciemment abstraction ; s’il se dégage violemment de la volonté et de ses relations pour s’absorber tout entier dans la connaissance ; si, en sa qualité de sujet connaissant pur, il contemple d’une manière sereine des objets redoutables pour la volonté ; s’il se borne à concevoir ces Idées étrangères à toute relation ; si, par suite, il s’arrête avec plaisir dans cette contemplation ; si enfin il s’élève, par le fait, au-dessus de lui-même, au-dessus de sa personnalité, au-dessus de sa volonté, au-dessus de toute volonté : — dans ce cas, c’est le sentiment du sublime qui le remplit ; il est dans un état de ravissement (Erhebung), et c’est pour cela que l’on appelle sublime (erhaben)[2] l’objet qui occasionne cet état. Voici ce qui distingue le sentiment du sublime de celui du beau : en présence du beau, la connaissance pure se dégage sans lutte ; car la beauté de l’objet, c’est-à-dire sa propriété de faciliter la connaissance de l’Idée relègue à l’écart sans résistance, par conséquent à notre insu, la volonté ainsi que les relations qui contribuent à son service ; la conscience reste alors à titre de sujet connaissant pur, de sorte que de la volonté il ne survit pas seulement un souvenir ; au contraire, en présence du sublime, la première condition, pour parvenir à l’état de pure connaissance, est de nous arracher consciemment et violemment aux relations de l’objet que nous savons défavorables à la volonté ; nous nous élevons, par un essor tout plein de liberté et de conscience, au-dessus de la volonté et de la connaissance qui s’y rapporte. Il ne suffit pas que nous prenions consciemment notre essor, il faut encore le maintenir ; il est accompagné d’une réminiscence constante de la volonté, non d’une volonté particulière et individuelle, telle que la crainte ou le désir, mais de la volonté humaine en général, dans la mesure où elle se trouve exprimée par son objectité, le corps humain. Supposons qu’un acte volontaire réel et particulier se manifeste dans la conscience par l’effet d’une détresse véritable de l’individu, d’un danger que les objets extérieurs lui font courir : tout aussitôt la volonté individuelle, effectivement atteinte, reprend le dessus ; la contemplation sereine devient impossible ; c’en est fait de l’impression du sublime ; elle est remplacée par l’angoisse, et l’effort de l’individu pour se tirer d’affaire relègue à l’écart toutes ses autres pensées.

Quelques exemples seront fort utiles pour éclaircir cette théorie du sublime esthétique et pour la mettre hors de doute ; ils montreront en même temps de combien de degrés différents est susceptible le sentiment du sublime. En effet, nous savons que le sentiment du sublime se confond avec celui du beau dans sa condition essentielle, savoir dans la contemplation pure, abstraite de toute volonté, et dans la connaissance des Idées, qui en découle nécessairement, en dehors de toute relation déterminée par le principe de raison ; nous savons en outre qu’il ne s’en distingue que par l’adjonction d’une seule condition, qui est de s’élever au-dessus de la relation que l’on reconnaît dans l’objet de la contemplation et qui le constitue en état d’hostilité à l’égard de la volonté ; il s’ensuit qu’il y aura plusieurs degrés du sublime, même plusieurs transitions du beau au sublime, selon que cette condition adjointe sera forte, distincte, pressante, prochaine ou, au contraire, faible, lointaine, à peine indiquée. Je crois qu’il vaut mieux, pour mon exposé, mettre en tête de ma série d’exemples les simples transitions, et en général les degrés les plus faibles de l’impression du sublime ; cependant ceux qui n’ont ni une sensibilité esthétique bien développée, ni une imagination bien vive, ne comprendront que les exemples suivants où je fais voir des degrés plus élevés et plus caractéristiques de cette impression ; ils feront bien de se borner à ces derniers exemples ; quant à ceux qui ouvrent la série, je les engage à ne s’en point occuper.

L’homme est à la fois impulsion volontaire, obscure et violente, et sujet connaissant pur, doué d’éternité, de liberté et de sérénité ; il est, à ce double titre, caractérisé à la fois par le pôle des parties génitales considéré comme foyer, et par le pôle du front ; par un contraste analogue, le soleil est en même temps source de la lumière, laquelle est la condition de la connaissance la plus parfaite, de la chose la plus délectable qui existe, — et source de la chaleur, laquelle est la condition première de toute vie, c’est-à-dire de tout phénomène de la volonté considérée à ses degrés supérieurs. Ce que la chaleur est pour la volonté, la lumière l’est pour la connaissance. La lumière est par suite le plus beau diamant de la couronne de la beauté ; elle a sur la connaissance de toute belle chose l’influence la plus décisive : sa présence, telle quelle, est une condition qu’il n’est pas permis de négliger ; mais si elle est favorablement placée, elle rehausse encore la beauté des plus belles choses. C’est surtout en architecture qu’elle a la vertu de rehausser la beauté ; elle suffit même pour transfigurer l’objet le plus insignifiant. — Supposons que par un âpre frimas, lorsque toute la nature est engourdie et que le soleil ne monte pas très haut, nous apercevions les rayons du soleil réfléchis par des blocs de pierre ; ils éclairent, mais ne chauffent point, ils favorisent seulement la connaissance pure, non la volonté ; si nous considérons le bel effet de la lumière sur ces blocs, nous sommes transportés, comme on l’est d’ordinaire par la beauté, dans l’état de connaissance pure ; cependant, lorsque nous nous rappelons vaguement que ce sont ces mêmes rayons qui nous sèvrent de chaleur, c’est-à-dire qui nous privent du principe vital, nous avons réussi dans une certaine mesure à nous élever au-dessus des intérêts de la volonté ; un léger effort devient nécessaire pour persister dans l’état de connaissance pure, en faisant abstraction de toute volonté, et c’est précisément pour cette raison qu’il y a là passage du sentiment du beau à celui du sublime. C’est la plus faible nuance de sublime qui se puisse répandre sur le beau, lequel d’ailleurs ne se manifeste ici lui-même qu’à un degré inférieur. L’exemple suivant est presque aussi ténu à saisir.

Transportons-nous dans une contrée solitaire ; l’horizon est illimité, le ciel sans nuages ; des arbres et des plantes dans une atmosphère parfaitement immobile ; point d’animaux, point d’hommes, point d’eaux courantes ; partout le plus profond silence ; — un pareil site semble nous inviter au recueillement, à la contemplation, tout affranchie dé la volonté et de ses exigences : c’est précisément cela qui donne à un pareil paysage, simplement désert et recueilli, une teinte de sublime. En effet, comme il n’offre aucun objet favorable ou défavorable à la volonté sans cesse en quête d’efforts et de succès, l’état de contemplation pure demeure seul possible, et celui qui n’est point capable de s’y élever demeure, à sa grande honte, livré au désœuvrement d’une volonté inoccupée, au tourment de l’ennui. En présence d’un pareil site, nous donnons la mesure de notre valeur intellectuelle ; c’est une excellente pierre de touche, que notre plus ou moins grande aptitude à supporter ou à aimer la solitude. Le site que nous venons de décrire nous a donné un exemple du sublime, bien qu’à son plus faible degré ; car ici à l’état de connaissance pure, tout plein de sérénité et d’indépendance, se mêle par contraste un souvenir de cette volonté dépendante et misérable, toujours en quête de mouvement. — Ce genre de sublime est celui que l’on vante dans le spectacle des immenses prairies du centre de l’Amérique du Nord.

Figurons-nous maintenant une telle contrée dépouillée de ses plantes elles-mêmes ; il n’y a plus que des rochers dénudés : notre volonté se trouvera aussitôt inquiétée par l’absence de toute nature organique nécessaire à notre subsistance ; le désert prendra un aspect effrayant ; notre disposition deviendra plus tragique : nous ne pourrons nous élever à l’état de pure connaissance, à moins de nous abstraire franchement des intérêts de la volonté ; et tout le temps que nous persisterons dans cet état, le sentiment du sublime dominera nettement en nous.

Voici un nouvel aspect de la nature qui va nous donner le sentiment du sublime à un degré encore supérieur. La nature est en plein orage, en pleine tourmente ; un demi-jour filtre à travers des nuages noirs et menaçants ; des rochers immenses et dénudés surplombent, ils nous encaissent et ferment notre horizon ; l’eau furieuse bouillonne ; le désert est partout et l’on entend la plainte du vent qui lutte à travers les gorges. Il y a là une intuition qui nous révèle aussitôt notre dépendance, notre lutte avec la nature ennemie, l’écrasement de notre volonté ; mais tant que l’angoisse personnelle ne prend point le dessus, tant que persiste la contemplation esthétique, c’est le sujet connaissant pur qui promène son regard sur la colère de la nature et sur l’image de la volonté vaincue ; impassible et indifférent (unconcerned), il n’est occupé qu’à reconnaître les Idées dans les objets mêmes qui menacent et terrifient la volonté. C’est précisément ce contraste qui donne lieu au sentiment du sublime.

Plus forte encore est l’impression, lorsque la lutte des éléments déchaînés s’accomplit en grand sous nos yeux : c’est par exemple une cataracte qui se précipite et qui par son fracas nous enlève jusqu’à la possibilité d’entendre notre propre voix ; — ou bien encore c’est le spectacle de la mer que nous voyons au loin remuée par la tempête : des vagues hautes comme des maisons surgissent et s’effondrent ; elles frappent à coups furieux contre les falaises, elles lancent de l’écume bien loin dans l’air ; la tempête gronde ; la mer mugit ; les éclairs percent les nuages noirs ; le bruit du tonnerre domine celui de la tempête et celui de la mer. C’est devant un pareil spectacle qu’un témoin intrépide constate le plus nettement la double nature de sa conscience : tandis qu’il se perçoit comme individu, comme phénomène éphémère de la volonté, susceptible de périr à la moindre violence des éléments, dépourvu de ressources contre la nature furieuse, sujet à toutes les dépendances, à tous les caprices du hasard, semblable à un néant fugitif devant des forces insurmontables, il a en même temps conscience de lui-même à titre de sujet connaissant, éternel et serein ; il sent qu’il est la condition de l’objet et par suite le support de ce monde tout entier, que le combat redoutable de la nature ne constitue que sa propre représentation et que lui-même demeure, absorbé dans la conception des Idées, libre et indépendant de tout vouloir et de toute misère. Telle est à son comble l’impression du sublime. Elle se produit ici à l’aspect d’un anéantissement qui menace l’individu, à la vue d’une force incomparablement supérieure qui le dépasse.

Cette impression peut encore se produire d’une tout autre manière, en présence d’une simple quantité, prise dans l’espace et dans le temps, et dont l’immensité réduit à rien l’individu. Nous pouvons appeler, comme l’a fait Kant d’après une division exacte, le premier genre, sublime dynamique, et le second, sublime mathématique ; malgré tout, dans l’explication de la nature intime de cette impression, nous nous séparons complètement de lui, et nous ne faisons intervenir ni réflexions morales, ni hypothèses tirées de la philosophie scolastique.

Supposons que nous nous perdions à contempler l’infinité du monde dans le temps et dans l’espace, soit que nous réfléchissions à la multitude des siècles passés et futurs, soit que pendant la nuit le ciel nous révèle dans leur réalité des mondes sans nombre, ou que l’immensité de l’univers comprime pour ainsi dire notre conscience : dans ce cas nous nous sentons amoindris jusqu’au néant ; comme individu, comme corps animé, comme phénomène passager de la volonté, nous avons la conscience de n’être plus qu’une goutte dans l’Océan, c’est-à-dire de nous évanouir et de nous écouler dans le néant. Mais en même temps, contre l’illusion de notre néant, contre ce mensonge impossible, s’élève en nous la conscience immédiate qui nous révèle que tous ces mondes n’existent que dans notre représentation ; ils ne sont que des modifications du sujet éternel de la pure connaissance ; ils ne sont que ce que nous sentons en nous-mêmes, dès que nous oublions l’individualité ; bref, c’est en nous que réside ce qui constitue le support nécessaire et indispensable de tous les mondes et de tous les temps. La grandeur du monde tout à l’heure nous épouvantait, maintenant elle réside sereine en nous-mêmes : notre dépendance à son égard est désormais supprimée ; car c’est elle à présent qui dépend de nous. — Cependant nous ne faisons point effectivement toutes ces réflexions ; nous nous bornons à sentir, d’une manière tout irréfléchie, que, dans un certain sens (la philosophie seule peut le préciser), nous ne faisons qu’un avec le monde, et que par suite son infinité nous relève, bien loin de nous écraser. C’est cette conscience encore toute sentimentale que les oupanischads des Védas répètent sous tant de formes variées, et surtout dans cette sentence que nous avons citée plus haut : « Hæ omnes creaturæ in totum ego sum, et præter me aliud ens non est. » (Oupnek’hat, vol. I, p. 122.) Il y a là un ravissement qui dépasse notre propre individualité ; c’est le sentiment du sublime.

Nous éprouvons déjà directement l’impression du sublime mathématique, à la vue d’un espace, qui est petit en comparaison de tout l’univers, mais qu’on peut embrasser en entier et immédiatement du regard : sa grandeur tout entière, considérée dans les trois dimensions, agit sur nous, et elle suffit à réduire, en quelque sorte, notre propre corps jusqu’à l’infiniment petit. Cet effet ne peut être produit par un espace vide, ni par un espace ouvert ; comme il doit être immédiatement perçu, il faut qu’il soit délimité dans les trois dimensions ; ce sera, par exemple, une nef très haute et très spacieuse, telle que Saint-Pierre de Rome ou Saint-Paul de Londres. Le sentiment du sublime naît ici de la manière suivante : nous prenons une conscience intime de l’inconstance et du néant de notre propre corps comparé à une grandeur qui pourtant ne réside elle-même que dans notre représentation, et dont, à titre de sujet connaissant, nous sommes le support ; le sentiment du sublime, en résumé, provient ici comme partout d’un contraste entre l’insignifiance et la servitude de notre moi individuel, phénomène de la volonté, d’une part, et, d’autre part, la conscience de notre être à titre de pur sujet connaissant. La voûte du ciel étoile peut encore, lorsqu’on la considère sans réfléchir, nous faire simplement le même effet qu’une voûte architecturale ; dans ce cas elle n’agit point sur nous par sa vraie grandeur, mais seulement par sa grandeur apparente. — Beaucoup d’objets de notre intuition provoquent le sentiment du sublime, par ce fait qu’en raison de leur grande étendue, de leur haute antiquité, de leur longue durée, nous nous sentons, en face d’eux, réduits à rien et nous nous absorbons malgré tout dans la jouissance de les contempler : à cette catégorie appartiennent les très hautes montagnes, les pyramides d’Égypte, les ruines colossales de l’antiquité.

Notre théorie du sublime s’applique également au domaine moral, particulièrement à ce qu’on appelle un caractère sublime. Ici encore le sublime résulte de ce que la volonté ne se laisse point atteindre par des objets qui semblaient destinés à l’ébranler, de ce qu’au contraire la connaissance conserve toujours le dessus. Un homme d’un pareil caractère considérera donc les hommes d’une manière purement objective, sans tenir compte des relations qu’ils peuvent avoir avec sa propre volonté ; il remarquera, par exemple, leurs vices, même leur haine ou leur injustice à son égard, sans être pour cela tenté de les détester à son tour ; il verra leur bonheur sans en concevoir d’envie ; il reconnaîtra leurs bonnes qualités, sans pourtant vouloir pénétrer plus avant dans leur commerce ; il comprendra la beauté des femmes, mais il ne les désirera point. Son bonheur ou son malheur personnels ne lui seront guère sensibles ; il ressemblera à Horatio, tel que le dépeint Hamlet :

_____________For thou hast been
As one, in suffering all, that suffers nothing ;
A man, that fortune’s buffets and rewards
Hast taken with equal thanks, etc.
_______________(A. 3, sc. 2)[3].

Car, dans le cours de sa propre existence, il considérera moins son sort individuel que celui de l’humanité en général : il sera capable de connaître plutôt que sujet à souffrir.

  1. Je suis d’autant plus heureux et surpris aujourd’hui de découvrir l’expression de ma pensée dans saint Augustin, quarante ans après le jour où je l’ai écrite moi-même avec tant de timidité et d’hésitation : « Arbusta formas suas varias, quibus mundi hujus visibilis structura formosa est, sentiendas sensibus præbent ; at, pro eo, quod nosse non possunt, quasi innolescere velle videantur. » (De civ. Dei, XI, 27.)
  2. Il y a entre les mots Erhebung et erhaben, que nous avons traduits l’un par ravissement, l’autre par sublime, une communauté de racine qu’il nous est impossible de rendre en français par un équivalent. (Note du traducteur.)
  3. Car tu n’as cessé d’être comme un homme qui, en souffrant tout, n’aurait rien souffert : tu as accepté d’une âme 6gale les coups et les bienfaits du sort, etc.