Le Moqueur amoureux/21

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Michel Lévy frères, éditeurs (p. 158-172).


XXI


— Eh bien, comment s’est passée cette grande soirée ? dit Maurice en voyant le lendemain arriver son ami.

— Comme toutes celles de ce genre, répondit Albéric ; mais je viens savoir ce qui t’a empêché d’y venir.

— D’ennuyeuses affaires ; des lettres à écrire…

— J’entends, on appelle ordinairement ainsi les raisons qu’on ne se soucie pas de donner, et je n’insiste plus.

— Il est certain, reprit le colonel, que j’aurais pu, à la rigueur, remettre à un autre jour le soin de ces bagatelles ; mais qu’aurais-je fait de mieux chez ton ami Ribet ? J’aurais vu, recouverts d’un luxe éclatant, des gens et des choses assez ridicules. J’aime mieux les voir par toi, ils ne m’auront pas attristé, et j’en rirai de même.

— En vérité, je ne me souviens plus d’une foule d’observations que j’avais faites à ton intention, mais le maréchal doit t’avoir dit que la duchesse de Lisieux était hier d’une beauté…

— Ah ! je suis charmé de t’en voir convenir ; car l’opinion d’un ennemi vaut mieux en pareille circonstance que celle d’un adorateur, et j’avais soupçonné le maréchal d’un peu d’exagération. Quand il m’a affirmé qu’elle effaçait par son éclat et sa grâce toutes les femmes qui se trouvaient là, j’avais envie de lui demander comment tu t’étais comporté envers elle pendant tout le temps que vous vous êtes trouvés en présence. Mais, s’il faut te l’avouer, j’ai tremblé qu’il ne me racontât quelque mouvement d’humeur, quelque mot trop piquant de ta part ; et la crainte d’avoir à te blâmer l’a emporté sur ma curiosité.

— Mais qui peut t’avoir donné une semblable idée de ma politesse ?

— Oh ! ta politesse ne m’inquiétait point ; je sais bien que tu peux être malin, blessant, cruel même, et tout cela le plus poliment du monde ; mais d’après ce que tu m’as dit l’autre soir de ta haine pour madame de Lisieux, et des projets de vengeance dont j’ai eu tant de peine à te détourner, il m’était bien permis de craindre un peu pour elle.

— Il est vrai, reprit Albéric, confus du changement subit qu’un moment d’espoir, une illusion peut-être venait d’opérer en lui, j’ai abjuré ma colère ; et ce qui te paraîtra misérable, c’est que je n’ai pas un motif réel pour cela.

— Ils sont tous bons, lorsqu’ils empêchent de se venger des gens qu’on aime.

— Tu sais donc que je l’aime ? dit Albéric en serrant la main de son ami.

— Si je le sais ! reprit Maurice en levant les yeux au ciel.

— Eh bien, tu devrais m’aider à la convaincre de mon amour, ou à l’oublier.

— Ce soin te regarde seul. J’ai souvent combattu son opinion sur ton compte ; elle m’écoutait avec plaisir, mais sans me croire : ce n’est pas étonnant, mon amitié pour toi m’ôte tout crédit sur son esprit ; elle sait que je mourrais plutôt que de nuire par le moindre avis au sentiment que…

L’oppression que ressentit Maurice en prononçant ces mots ne lui permit pas d’achever. Et pour la première fois, Albéric fut frappé de la pâleur qui couvrait tout à coup le front de son ami lorsqu’il lui parlait de son amour pour Mathilde. Au même instant, une terreur secrète s’empara de son cœur, et tous les chagrins attachés à une rivalité semblable lui apparurent. Le silence, la générosité de cet ami si dévoué, le bonheur que ses nobles qualités promettaient à la femme qui posséderait son amour, et plus encore l’idée de la supériorité de l’homme qui dévorait ses peines pour le servir sur l’homme qui s’efforçait d’enlever à son ami la femme qu’il adore, décidèrent au même instant Albéric à se contraindre, et à triompher s’il était possible d’un sentiment qui devait lui coûter le repos de l’être qu’il estimait le plus.

Pénétré de ces pensées et décidé à imiter l’héroïsme de son ami, Albéric mit la conversation sur les nouvelles politiques, et s’efforça d’en parler avec tout l’intérêt d’une personne qui n’en a pas d’autre.

Maurice aurait pu lui témoigner quelque surprise de la manière brusque dont il avait cessé toute explication sur madame de Lisieux, et cela au moment où il semblait le plus disposé a lui en parler avec toute confiance ; mais il avait toujours tant de peur de se trahir, qu’il saisissait avec empressement l’occasion de s’occuper d’autres intérêts ; et puis l’excès de sa souffrance l’avait empêché d’en voir l’effet. On croit si difficilement à la pitié qu’on ne réclame pas !

Cet instant priva M. de Varèze d’un bien qu’il n’était pas en son pouvoir de recouvrer. Son talent de moqueur lui attirait assez de flatteurs ou de complices, mais il n’avait rencontré dans sa vie qu’un seul homme dont le noble caractère eût dédaigné son ironie, et dont le cœur délicat eût compris toutes les qualités du sien. Maurice avait seul le pouvoir de le blâmer en face, il ne montrait qu’à lui son âme tout entière ; et la certitude de posséder son estime le rendait invulnérable aux atteintes de l’envie et de la malveillance que sa gaîté railleuse lui attirait. Sa confiance en lui n’était limitée par aucune considération. Il l’aimait au point d’avoir tort à ses yeux sans en être humilié. C’était à la fois sa conscience et sa consolation ; et ce trésor d’amitié dont il jouissait depuis tant d’années sans que jamais la crainte de le perdre en ait altéré le charme, il lui était ravi sans qu’il osât s’en plaindre. Un secret s’élevait entre lui et Maurice, et ce tiers importun les séparait plus que n’eût fait le ressentiment ou l’absence.

Cependant Albéric espéra triompher des inconvénients attachés à cette situation, en laissant Mathilde l’arbitre de leur amour. — Sans doute, pensait-il, elle sait que Maurice l’aime, et son choix est déjà fait ; mais si l’amitié m’ordonne de ne rien tenter pour l’emporter sur mon ami, elle ne va pas jusqu’à me prescrire le refus d’un bien qui ne lui est pas destiné : c’est déjà tant sacrifier que de renoncer au désir de lui plaire, et de s’interdire tous les soins qui lui prouvaient ma constance. Vraiment c’est dommage, je me sentais déjà si honteux des défauts qu’elle blâme, si ambitieux d’acquérir les qualités qu’elle préfère ! Ah ! le ciel ne veut pas ma conversion puisqu’au moment de l’entreprendre, il me fait un devoir de ne plus chercher à paraître aimable.

Par suite de ces réflexions, Albéric se décida à brûler le billet qu’il venait de joindre à l’éventail de madame de Lisieux, dans l’intention de le lui renvoyer. Car ce billet, quoique fort court portait l’empreinte d’un sentiment trop vif, trop tendrement respectueux pour ne pas toucher un peu celle qui l’avait inspiré ; et Albéric commença par cette épreuve la série des sacrifices que sa générosité devait lui imposer.

Mathilde attendait à chaque instant le renvoi de cet éventail qu’elle n’avait pas laissé par inadvertance entre les mains de M. de Varèze ; quelquefois même, en se rappelant la manière dont elle lui avait dit adieu chez madame Ribet, elle se flattait qu’enhardi par l’émotion qu’elle se reprochait d’avoir si mal cachée, il oserait peut-être lui rapporter lui-même cet éventail. Aussi, devoirs, plaisirs, rien n’avait pu la décider à sortir de chez elle pendant la longue journée qui s’écoula entre le contrat et la cérémonie nuptiale.

Il arrive parfois qu’à force d’espérer une chose, on se persuade qu’elle nous a été promise. Mathilde commença par s’avouer qu’elle n’avait pas accueilli M. de Varèze de façon à lui ôter toute idée de rancune de sa part ; ensuite elle pensa qu’il l’avait devinée, et qu’il s’exposerait sans crainte au hasard d’être bien ou mal reçu ; puis elle se mit à l’attendre ; et quand l’heure des visites fut passée, elle se trouva au même degré d’humeur et de dépit que lorsque l’on est resté seul une soirée consacrée à un rendez-vous.

Le lendemain, son visage offrait encore les traces de ce qu’elle avait souffert la veille. Mais ce n’était plus cette ineffable langueur qui charmait Albéric : une agitation pénible se lisait dans ses regards ; un sourire contraint, une voix plus éclatante, une démarche plus vive, trahissaient les sentiments amers qui altéraient sa douceur accoutumée ; et celui qui causait un si flatteur dépit pouvait seul lui pardonner d’enlaidir tant de charmes.

Tous les parents, soigneusement triés par M. Ribet dans les rangs inégaux de sa famille, étaient déjà rassemblés, et se mêlaient timidement aux vieux et jeunes seigneurs qui arrivaient à la suite de la marquise d’Erneville, lorsque la duchesse de Lisieux se rendit chez madame Ribet. La mariée l’attendait avec impatience pour avoir son avis sur la manière dont il fallait placer la palme virginale, et laisser flotter son voile de manière à ne rien cacher de sa parure, sans pourtant nuire à la modestie d’étiquette dans un pareil costume. En voyant mademoiselle Aspasie pâle et l’air abattu, Mathilde sentit pour elle cette sorte d’intérêt qu’inspire une jeune personne au moment de se sacrifier à l’ambition de sa famille ; mais elle s’aperçut bientôt que l’altération qui excitait sa pitié n’avait pour cause que deux heures passées dans les tortures d’une toilette extraordinaire, et dans la crainte de ne pas produire tout l’effet qu’on devait attendre de tant de soins et de luxe. Pendant que la mariée passait de l’impatience au ravissement de se trouver si belle, sa mère, debout à côté de la glace où se mirait sa fille, la regardait en silence en essuyant une larme qui s’échappait de ses yeux ; car sa vanité maternelle cédait en ce moment aux regrets, aux tristes pressentiments qui font trop souvent dans ce jour solennel le supplice d’une mère. Sans avoir assez d’esprit pour analyser le bonheur des gens du monde, madame Ribet savait que le sien n’avait rien gagné à l’immense fortune qui la plaçait parmi eux, et malgré l’extrême modestie qui lui laissait présumer que l’éducation brillante, les agréments de sa fille la mettraient à portée de profiter mieux qu’elle des avantages de sa position, son bon sens lui disait qu’elle aurait été plus heureuse de l’amour d’un mari aimable que des titres vains qui allaient la livrer au dédain de sa nouvelle famille et à l’implacable envie de ses pareils.

Enfin l’on vint avertir la mariée qu’on n’attendait plus qu’elle ; il fallut mettre à la hâte le bouquet présenté par Rodolphe, dont l’air ébahi semblait dire : « Quoi ! cette femme si richement parée est à moi ! » Cependant le comte d’Erneville voyait journellement des personnes élégantes, mais il en était dédaigné au point de lui ôter toute idée de chercher à leur plaire, et dans son humilité une semblable possession lui paraissait un rêve. D’ailleurs il était franchement amoureux ; les petites minauderies de son Aspasie, les préférences visibles qu’elle lui accordait devant tout le monde, lui faisaient l’illusion du plus tendre retour ; et, quand elle l’appelait familièrement : « Cher comte Rodolphe d’Erneville », il était le plus heureux des hommes. Avec un peu plus de finesse, il aurait pu s’apercevoir qu’on ne le traitait jamais mieux qu’en présence de sa famille, et que lorsqu’il se hasardait à venir seul faire sa cour à mademoiselle Ribet on le recevait plus légèrement ; mais il mettait cette négligence sur le compte de l’intimité, et puis il pensait avec raison que, lorsqu’on veut faire fortune, il ne faut pas être susceptible.

Un concert d’éloges, de félicitations, retentit dans le salon lorsque la mariée et sa suite y entrèrent ; le marquis d’Erneville s’empara de sa main ; M. Ribet offrit la sienne à la marquise, et Mathilde se vit contrainte d’accepter celle du vieux duc de G… qu’elle connaissait à peine. Elle en avait espéré une autre, et ne concevait pas comment Albéric n’était pas à la tête des amis de M. Ribet. Ses regards le cherchaient vainement, et pourtant elle était sûre de l’avoir aperçu dans le salon au moment où l’on était venu la demander de la part d’Aspasie. Le colonel Andermont, touché de l’inquiétude qu’elle ne pouvait dissimuler, s’approcha d’elle et trouva le moyen de lui dire sans affectation, qu’ayant appris que le duc de M… venait d’arriver de R…, M. Ribet s’était empressé de l’inviter à la cérémonie du mariage, et que pour être plus sûr de l’avoir pour témoin, il avait conjuré M. de Varèze de passer chez le duc pour le déterminer à venir inscrire son beau nom et son titre d’ambassadeur parmi ceux des témoins qui devaient honorer l’acte de mariage de sa fille.

— Albéric n’était pas fort tenté de rendre ce service à M. Ribet. Mais il s’est déterminé, ensuite en disant : « Nous obtenons trop de sa vanité aujourd’hui, pour lui refuser quelque chose. »

Comme Maurice achevait ces mots qui venaient de rendre une douce sécurité à Mathilde, on vit partir le carrosse des mariés, et tous se disposèrent à les suivre ; la duchesse de Lisieux et madame de Méran proposèrent à Maurice de monter dans le leur, certaines de son empressement à accepter. Lorsqu’ils arrivèrent à l’église, ils trouvèrent Albéric au milieu des mendiants, des curieux qui encombraient la porte ; il venait offrir la main à madame de Lisieux, mais dans sa surprise de voir Maurice descendre de sa voiture, il se retira pour les laisser passer tous deux, et ne pensa pas même à défendre la vicomtesse de la foule qui l’entourait.

Parvenus dans la sacristie où l’on recommençait à écrire fort inutilement tout ce qui avait été constaté la veille à la mairie, un desservant vint demander auxquelles de ces dames il devait remettre les bourses des quêteuses. M. Ribet lui désigna madame de Lisieux et la baronne du Renel. À peine les eut-il nommées, qu’Isidore s’écria :

— Le bizarre assemblage !

— En vérité, ma chère, dit madame de Méran, à votre place, je refuserais de me commettre avec cette femme.

— Mais, n’est-elle pas la proche parente de la mariée ? reprit Mathilde.

— Sans doute, répondit la marquise d’Erneville qui les écoutait, mais on n’est pas obligé d’épouser la famille, c’est déjà bien assez…

— Ah ! je serais fâchée de la désobliger le moins du monde, interrompit Mathilde ; et quand il s’agit d’une œuvre de charité, je crois qu’il faut n’en manquer pour personne.

En disant ces mots, madame de Lisieux prit les deux bourses, et alla en présenter une à madame du Renel. Fort heureusement pour cette dernière, la solennité du lieu ne lui permit pas de répondre à cette politesse autrement que par un salut ; sans cela, elle n’eût pas manquée de légitimer les dédains de la marquise par quelques phrases bien ridicules.

Les écritures terminées, on se rendit à la chapelle du chœur, où des fauteuils dorés, des coussins de damas, des cierges échelonnés de pièces d’or étaient disposés pour la cérémonie. Les grands parents placés, les autres se partagèrent les siéges qui restaient, et dans ce partage la famille de M. Ribet n’obtint qu’une faible part ; car les porteurs des sacs de velours avaient eu si grand soin de garder des chaises pour leurs nobles maîtresses, qu’il n’en restait presque plus pour la famille de la mariée. Il résulta de cet inconvénient plusieurs réclamations faites avec humeur, et reçues avec insolence. Et comme personne ne prenait beaucoup d’intérêt à ce mariage, le respect qu’inspire ordinairement un acte si solennel ne réprima aucun des sentiments de malveillance excités par ces petits procédés humiliants.

Dans ce débat, il était facile de voir que, parvenu à son but, chacun rentrait dans son caractère. Tant d’amours-propres différents s’agitaient autour de Mathilde, qu’il lui était impossible de se recueillir assez pour prier. Il lui semblait que c’était profaner la prière que de la mêler à des intérêts si mondains, bien qu’elle y fut étrangère.

Cependant la cérémonie était commencée, et le prêtre se mit à prononcer le sermon matrimonial, dont il n’avait pas prévu toutes les difficultés. Confiant dans les informations qu’il avait prises, il savait qu’un noble épousait la fille d’un industriel, et partant de là pour adresser à chacun des deux quelque chose de flatteur, il commença par établir que la seule noblesse était dans les vertus qui mènent à la fortune, puisque la fortune était mère de la charité ; que tout autre avantage n’était que vanité, qu’un piége du démon pour tenter l’orgueil des pêcheurs et les mener droit en enfer. Puis se tournant vers le marié, il avait vanté la haute naissance des comtes d’Erneville, qui exerçaient de père en fils les premiers emplois à la cour de nos rois ; et remontant jusqu’aux croisades, il s’étendit sur le zèle pieux de ses ancêtres, en finissant par conclure que le ciel réservait ses dons à ces nobles familles, dont les aïeux avaient combattu pour lui. Tout cela, parsemé de mauvais latin, et plutôt chanté que dit, fut écouté avec plus de sérieux qu’on ne devait s’y attendre ; car, à travers la faible éloquence de l’ecclésiastique, on avait deviné ses bonnes intentions, et l’on se borna à regretter que le talent et l’instruction fussent maintenant si rares parmi les successeurs des Fléchier et des Massillon.

Un peu avant la fin de la messe, le bedeau vint chercher la duchesse de Lisieux pour la conduire à la principale entrée de l’église, tandis que madame du Renel suivait le suisse de la paroisse vers la porte latérale, où elle devait, pour ainsi dire, surprendre les fidèles qui cherchaient à esquiver la quête.

Mathilde, à demi-voilée, était vêtue d’une robe de satin blanc, sur laquelle retombait une écharpe d’un bleu transparent. Ses beaux cheveux blonds, l’éclat de son teint, sa parure élégante et modeste, et plus encore son embarras en sollicitant la générosité des gens qui passaient, la rendaient plus que belle. Lorsqu’elle disait, en levant ses yeux si doux : « Pour les pauvres, s’il vous plaît », sa voix émue semblait celle d’un ange, et les moins charitables se sentaient entraînés à lui accorder l’aumône qu’elle demandait.

Albéric, parvenu près d’elle, s’est arrêté pour la contempler dans cette attitude à la fois si humble et si noble. Il croit voir réalisé le rêve de sa vie : une femme envoyée du ciel pour commander aux hommes la plus douce des vertus. Alors, s’avançant vers Mathilde avec un respect religieux, il vint déposer son offrande dans la bourse qu’elle lui présentait d’une main tremblante ; mais aucun son ne retentit à l’oreille du bedeau, et ce silence ne lui fut expliqué que lorsqu’en remettant la quête au curé, il y trouva un billet de mille francs.

M. Ribet avait entendu dire à M. de Varèze que les noces n’étaient plus de mode chez les gens distingués, et il décida que les mariés partiraient pour leur terre au sortir de l’église, accompagnés seulement des parents indispensables. La duchesse de Lisieux était désignée parmi eux ; mais elle s’excusa de ne pouvoir profiter de cet honneur, en donnant pour raison l’obligation où elle était de se rendre le soir même au cercle de la cour ; et M. de Varèze s’écria au même moment :

— Eh ! mon Dieu ! j’oubliais, nous sommes de corvée ce soir, et je ne peux vous suivre, mon cher Ribet ; mais les heureux se passent facilement de leurs amis, et vous me pardonnerez mon absence.

À ces mots, Albéric disparut dans la foule pour se soustraire aux instances de M. Ribet, et peut-être aussi pour ne pas voir plus longtemps Maurice auprès de Mathilde.