Le Mouvement littéraire au XIXe siècle (Pélissier)/Partie 2/07

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CHAPITRE VII

LA CRITIQUE

Le xixe siècle renouvela la critique en la faisant rentrer dans l’histoire. Elle devint une interprétation des ouvrages littéraires, considérés comme le tableau le plus fidèle et le plus expressif de la société qui les a vus naître. Jusqu’à notre époque, la critique avait consisté à appliquer des lois universelles, qui régissaient de haut toute production de l’esprit, et des formules spéciales, qui fixaient le caractère de chaque genre. Elle rendait des sentences. Elle envisageait les œuvres indépendamment de toute relation avec le temps et le milieu. Elle les isolait des circonstances particulières et des conditions locales pour les examiner en elles-mêmes sans autre terme de comparaison que son idéal abstrait. Entre l’écrivain et l’écrit elle ne saisissait aucune liaison nécessaire. Elle était purement dogmatique et spéculative ; elle n’avait d’autre instrument que la raison générale et abstraite servie par un goût plus ou moins délicat, mais uniquement appliqué à saisir des qualités et des défauts comme la raison l’était à confirmer des règles.

Un grand débat littéraire, la querelle des anciens et des modernes, remplit presque toute notre période classique. Ce débat aurait dû, semble-t-il, introduire l’histoire dans la critique. Mais aucun des deux partis n’a le sentiment des diversités ethniques ou climatériques qui modifient l’esprit humain. Ils ne saisissent ni les influences sociales qui marquent toute œuvre d’art de leur empreinte, ni les conditions individuelles qui expliquent l’auteur par l’homme. Les « anciens » ne défendent pas Homère comme le représentant d’une civilisation primitive qu’il a peinte dans la naïveté de ses mœurs : ils s’évertuent à montrer que la diction homérique est toujours noble. Quant aux modernes, c’est par le même contresens historique qu’ils reprochent au poète grec ses « grossièretés » rebutantes. De quoi l’accusent-ils au fond ? De ne pas connaître l’élégance de mœurs et la politesse de langage qui règnent à la cour de Louis XIV. Anciens et modernes sont impuissants à sortir de leur siècle : il leur manque, aux uns comme aux autres, l’intelligence et le sentiment de l’histoire. Les uns empruntent tous leurs arguments à la critique de goût et de diction ; la grande raison des autres, c’est que la nature est toujours la même, comme s’ils pouvaient détacher l’œuvre littéraire du sol sur lequel elle est née, en couper les racines, n’y voir que le produit d’une force abstraite dont aucune contingence ne diversifie les effets.

Le classicisme ne connaît et ne veut connaître que lui-même. Il fait commencer notre poésie à Malherbe et notre prose à Balzac. Il a en aversion tout ce qui n’est pas conforme à son idéal de noble harmonie et de raison éloquente. Il considère comme manquement au goût tout ce qui choque son goût particulier, il traite d’inconvenant tout ce qui n’agrée pas à ses propres convenances. Ne lui demandez point de regarder autour de lui : il n’y trouverait que désordre et irrégularité choquante. C’est aux autres littératures d’imiter la sienne. Il les ignore, il en fuit la dangereuse contagion. Il se suffit à lui-même, et ses chefs-d’œuvre sont là qui brillent pour tout le monde.

C’est seulement vers le début de notre siècle, sous l’influence du romantisme naissant, que la critique fut renouvelée. Elle s’ouvrit à l’histoire, accueillit les rapprochements et les comparaisons, se fit large, tolérante, sympathique à toute tentative qui pût rajeunir notre littérature épuisée. Pendant que les praticiens officiels de l’époque impériale se cantonnaient dans les étroites formules d’un classicisme toujours plus borné, les deux grands écrivains qui président à la renaissance littéraire ouvraient dès lors une voie toute nouvelle, soit en substituant à la mesquine application des règles le sentiment généreux et la libérale intelligence d’une beauté qui peut revêtir les aspects les plus divers, soit en considérant la littérature non plus seulement dans sa forme extérieure, mais aussi dans ses relations avec l’état social dont elle est l’image.

Si Chateaubriand vivifia la critique par sa sensibilité d’imagination, Mme de Staël, par son esprit actif, ouvert, indépendant, en recula de toute part les étroites limites. L’auteur de la Littérature fut, nous l’avons dit, la véritable initiatrice de notre méthode historique et comparative. Ce qu’elle veut montrer dans cet ouvrage, c’est « le rapport qui existe entre l’art et les institutions sociales de chaque siècle et de chaque pays », et elle ajoute avec raison que « le travail n’a encore été fait dans aucun livre connu ». Il eût fallu, pour remplir un aussi vaste programme, des études plus étendues et plus fortes ; mais ce programme même n’en était pas moins le cadre d’une science toute nouvelle. Et si, dans ce premier ouvrage, Mme de Staël éclairait la critique par l’histoire, son Allemagne, ouvrant jour sur une littérature toute différente de la nôtre, étendit ainsi le champ des comparaisons et acclimata le génie français à des beautés de pensée et de sentiment que le goût classique n’avait pas connues et n’eût jamais admises.

Le premier ouvrage de critique proprement dite qui, pour emprunter un mot à Mme de Staël elle-même, « ait pris vivement la couleur d’un nouveau siècle », c’est celui que Barante publia en 1809. Tandis que les successeurs de la Harpe ressassaient les règles traditionnelles et se confinaient dans un vétilleux et stérile regrattage de mots, Barante suivit hardiment la voie qu’avait tracée l’auteur de la Littérature. Il substitua aux disputes de rhétorique et de grammaire l’étude impartiale des idées. Restreignant à une époque particulière le vaste plan qu’avait esquissé Mme de Staël, il appliqua au xviiie siècle siècle cette formule toute nouvelle, mais admise déjà par « d’excellents esprits », que » la littérature est l’expression de la société ». Avec une claire intelligence de son temps, il indiqua ce que l’avenir devait accepter dans l’héritage du passé. Lui-même caractérise nettement sa conception de la critique quand il dit en publiant une traduction de Schiller : « Il ne s’agit point de savoir si, rapportant ces drames à de certaines règles, les comparant à des formes dont on a le goût et l’habitude, on les trouvera bons ou mauvais ; se livrer à un tel examen serait une tâche superflue et stérile. Au contraire, il peut y avoir quelque avantage à rechercher les rapports que les œuvres de Schiller ont avec le caractère, la situation et les opinions de l’auteur, et aussi avec les circonstances qui l’ont entouré. La critique, ainsi envisagée,… se rapproche davantage de l’étude de l’homme et de cette observation de la marche de l’esprit humain, la plus curieuse et la plus utile de toutes les recherches. » Faire entrer dans l’analyse des œuvres littéraires et la personne des écrivains et l’étude du milieu social, c’est justement le trait caractéristique de la méthode que devait suivre le nouveau siècle.

Cette rénovation de la critique par la psychologie et par l’histoire s’accorde parfaitement avec les progrès de l’esprit français dans la voie de tolérance où le romantisme l’engage de plus en plus : celui qui se donne pour tâche d’expliquer les œuvres plutôt que de les juger, renonce d’avance à tout dogmatisme étroit. La connaissance des littératures étrangères se répandait tous les jours davantage et contribuait à débarrasser notre goût des préjuges scolastiques. Les grands événements qui marquent la fin du xviiie siècle et le début du nôtre avaient d’ailleurs provoqué dans maints jeunes esprits le désir et comme le besoin d’une littérature qui gagnât en puissance d’effet ce qu’elle perdrait sans doute en délicatesse. À un peuple qui avait fait la Révolution et les guerres de l’Empire, il fallait un art plus expressif qu’aux courtisans de Louis XIV.

Tandis que l’école pseudo-classique prétendait enfermer l’avide et impatient génie du siècle dans l’étroite observance des règles et l’imitation timide des modèles, il se formait parmi les jeunes générations un esprit d’indépendance éclairée et réfléchie, qui, toujours fidèle aux traditions domestiques, essaya de les concilier avec une intelligence plus large et plus impartiale de la beauté. Les principaux représentants du libéralisme littéraire se groupèrent dans une Revue destinée à exercer sur le goût public une influence décisive. Fondée en 1824, cette Revue fut, pendant les six ans qu’elle dura, l’organe d’une critique hospitalière qui se donna pour tâche de susciter les tentatives et de les encourager par un sympathique accueil. Le Globe s’associa à toutes les entreprises de l’esprit réformateur. Il dirigea le grand mouvement littéraire du temps. Il lutta contre l’intolérance oppressive de l’école scolaslique sans se prêter aux juvéniles témérités qui pouvaient déjà compromettre le romantisme. Il fit admirera la France les grands poètes étrangers, mais en maintenant toujours avec fermeté ce qu’il y a de vraiment national dans la discipline classique. Alliant le souci des traditions au goût de la nouveauté et le respect du passé à la foi dans l’avenir, il fut hardi, mais avec sagesse, comme il était mesuré, mais avec décision.

Sans prendre une part active aux querelles de l’époque, Villemain, en qui les rédacteurs du Globe acclamaient leur maître, s’était engagé avant eux dans la voie où ils guidaient l’esprit des générations nouvelles avec un sens si juste et si libéral. Il est le premier de nos écrivains qui applique avec suite, en des ouvrages considérables pour leur étendue aussi bien que pour leur valeur, la méthode inaugurée par le génie entreprenant de Mme de Staël.

Aux yeux de Villemain, les lettres sont vraiment l’esprit humain lui-même. Il ne se borne pas à interpréter des règles, à goûter avec finesse des qualités de bien dire, ou même à démêler les nuances délicates de la pensée ou du sentiment : il fait des études littéraires un instrument de connaissance historique, ou, pour mieux dire, il les élève à la dignité de science sociale. Il met en lumière l’action de l’écrivain sur les mœurs et des mœurs sur l’écrivain ; il encadre l’œuvre dans la biographie de l’auteur, il explique l’auteur lui-même par les influences du milieu. Son plus important ouvrage est justement consacré à ce xviiie siècle dans lequel « l’esprit des lettres a fait partie de l’esprit du monde et l’a à la fois reproduit et excité ». Il nous y montre soit « l’action de quelque homme de génie », soit « le mouvement de la société même se confondant avec le caractère général de la littérature et la riche diversité des talents de second ordre ». En étudiant les œuvres littéraires, il nous fait suivre, chez les peuples qu’unit entre eux un perpétuel commerce d’idées, le développement simultané des civilisations nationales, dont les courants particuliers, après s’être croisés en tous sens, finissent par s’unir dans l’évolution universelle du genre humain. Sans exprimer formellement sa théorie générale, il en poursuit l’application avec une unité de vues que nous retrouvons, à travers les jeux et les apparents caprices, dans la disposition même des matières et dans cette abondance de comparaisons qui nous font voir, non seulement les littératures, mais encore les sociétés elles-mêmes, en permanente réciprocité d’influence. L’histoire littéraire est pour lui l’histoire de la civilisation universelle. « Que reste-t-il des orateurs anglais ? » lui demandait Fontanes. Et Villemain, qui devait bientôt leur consacrer de si belles pages : « Ce qu’il reste ? répondit-il. L’Amérique. »

Il portait aussi dans la critique nouvelle ce qui manquait aux représentants les plus autorisés du classicisme, je veux dire la connaissance approfondie et délicate des lettres antiques ou modernes.

Jusqu’à notre temps, l’antiquité était restée peu connue ou mal comprise. Boileau, quand il abordait les chefs-d’œuvre grecs, se montrait complètement dépourvu de sens historique et poétique ; Racine lui-même, avec toute la souplesse de son esprit et toute la finesse de son goût, voyait les anciens sous le costume de son époque et à travers les sentiments de l’âme moderne. Quant à Voltaire, la Henriade et Œdipe montrent assez ce qui lui manquait pour saisir Homère et Sophocle. Après les maîtres de notre poésie, que dire de critiques tels que la Harpe ? C’est en français que l’auteur de Philoctète a lu les écrivains grecs, et l’on sait comment le xviiie siècle les habillait. À peine sait-il le latin ; il traduit Suétone, mais cette traduction même accuse son ignorance. Et la manière de la Harpe est d’autant plus autoritaire et décisive qu’elle s’embarrasse moins d’étude et de savoir.

Chez Villemain, la critique se renouvelle par la science de l’antiquité classique. Il possède le latin à fond. Il a le goût et le sens des plus exquises délicatesses que puisse offrir la langue, et il entretient avec les auteurs un commerce quotidien. Le grec ne lui est pas moins familier ; il l’a pratiqué dès l’enfance ; au lieu de défigurer, ainsi que la Harpe, le Philoctète de Sophocle, il le jouait dans le texte. Plus tard, il traduisit avec un sentiment tout nouveau du génie hellénique ce Pindare que le xviiie siècle, par la bouche de Voltaire, appelait le chantre des cochers grecs et des combats à coups de poing. Avec lui l’intelligence pénétrante et lumineuse du génie ancien, éclairant pour la première fois et vivifiant notre critique, succède aux dédains d’une ignorance tranchante ou aux complaisances d’une banale admiration.

À sa pratique de l’antiquité gréco-latine, Villemain joint non seulement celle de l’antiquité chrétienne, qu’il a étudiée aux sources mêmes, et celle du moyen âge, dont les savants contemporains découvrent les monuments sous ses yeux toujours aux aguets, mais encore celle des littératures étrangères, sans laquelle la critique est nécessairement incomplète. Il ignore l’allemand ; cet esprit si net et si vif salue de loin « les dieux de la Germanie », et ne se met pas en peine de « les suivre dans les énigmes de leurs hautes pensées ». Mais il est chez lui en Italie et en Espagne ; l’Angleterre de Shakespeare et de Milton l’a de bonne heure attiré, celle des Fox et des Sheridan fut tout d’abord à Bes yeux comme une seconde patrie. L’étendue et la variété de ses connaissances lui fournissent des ressources qui manquaient à ses devanciers : de là, sa richesse, sa fertilité, son intérêt le plus piquant et le plus vif. En même temps, il y trouve de quoi féconder cette méthode comparative qui procède par des rapprochements perpétuels, et qui, s’établissant à la fois dans trois ou quatre pays pour montrer les mutuelles influences des peuples les uns sur les autres, fait de la critique ce que Villemain lui-même appelle un panorama littéraire.

Sa science le distingue des la Harpe ou des Geoffroy, mais son élégance légère et dégagée ne le distingue pas moins des purs savants. Il a le charme, l’agrément, le désir et le don de plaire. Il fuit tout appareil pédantesque, toute sèche et laborieuse discussion ; il prend les choses par le côté le plus aimable ; il anime, il égaie en y passant les complications de la rhétorique ; il cueille des fleurs sur les tiges épineuses de la grammaire. Les écrits de Villemain ne nous permettent d’apprécier que bien imparfaitement ce qu’il y avait en lui de séduction aisée et de naturelle grâce ; ils suffisent à nous montrer en quoi diffère des érudits, même les moins lourdement appliqués, ce talent tout littéraire qui introduit partout avec lui non seulement l’esprit et l’imagination, mais encore le sentiment, l’enthousiasme, l’émotion prompte et communicative. Nul n’a mieux que lui illustré la critique ; nul n’y a mis cette vivacité de sens, ces délicates nuances de goût, ce charme insinuant de la diction.

Ce qu’on lui reprocherait, c’est, dans le style, une timidité qui s’interdit trop souvent le mot propre et sacrifie l’effet de réalité pittoresque à de banales bienséances. Villemain a eu Luce de Lancival pour maître de rhétorique française, cela se reconnaît à quelque chose d’un peu trop orné dans sa manière, à un souci du bien dire qui émousse le trait. Mêmes scrupules pour les idées que pour la forme : il n’ose pas se prononcer, il cherche des biais pour esquiver une conclusion catégorique, il s’en tire par quelques paroles de pure convenance alors qu’on attend de lui un jugement décisif. Ajoutons qu’il ne serre d’assez près ni la biographie et l’étude psychologique des écrivains, ni l’analyse de leurs ouvrages. C’est un critique d’un goût exquis, mais le nom d’homme de goût, qu’il a supérieurement mérité, comporte encore chez lui, avec toutes les délicatesses dont il éveille l’idée, bien des langueurs et des négligences. Ce qui manque à Villemain, c’est une méthode exacte et pressante, au défaut de laquelle ne peut suppléer ce qu’il y a de plus brillant dans l’esprit et de plus fin dans le tact littéraire. D’autres viendront après lui, qui se circonscriront en des cadres plus étroits, cerneront leur sujet avec plus d’instance, appliqueront enfin à la « science des esprits » les rigoureux procédés des sciences naturelles. Il n’en reste pas moins que Villemain leur a frayé la voie en ouvrant de toute part la critique à l’histoire.

Nisard peut s’opposer à Villemain comme le représentant le plus qualifié de la méthode idéaliste et didactique.

L’histoire littéraire est pour Nisard une sorte d’architecture rationnelle. Il dogmatise. Sa critique ne s’attache qu’aux monuments consacrés par l’admiration, à ce qu’il y a de constant et d’immuable dans l’esprit français. Il laisse de côté tout ce qui tient au temps, tout ce qui relève de l’individu. Il ne veut connaître que les beautés éternelles. Une œuvre ne lui paraît belle que si elle expose dans une langue parfaite des vérités que ne borne aucune limite d’espace ni de durée, ces vérités qui sont comme la substance de la raison humaine. Dégager dans notre littérature ce qu’elle renferme d’essentiel, de vraiment typique, telle est sa prétention. Pour lui, la marque même d’un grand style, c’est d’être « général » comme la raison qu’il exprime, non seulement d’échapper aux modes et aux caprices du jour, mais encore de ne se faire le complice d’aucune passion et d’aucune fantaisie individuelle, d’écarter de lui tout ce qui peut déceler la personne avec son habitude particulière d’esprit, son tour d’imagination, son humeur, son tempérament. Il sacrifie au sens commun ce qu’il appelle le sens propre. L’homme de génie à ses yeux n’est point un être privilégié qui conçoit ou sent autrement que les autres hommes, non, c’est celui qui dit ce que tout le monde sait, qui donne une forme définitive aux pensées de la foule : c’est un écho intelligent. Nisard « s’est fait un idéal de l’esprit humain dans les livres, il s’en est fait un du génie particulier de la France, un autre de sa langue ; il met chaque auteur et chaque livre en regard de ce triple idéal ; ce qui s’en rapproche est le bon, ce qui s’en éloigne est le mauvais. »

La critique ainsi comprise se prive, comme il le déclare lui-même, des grâces que donnent à d’autres l’histoire mêlée aux lettres, la vie des personnages, les rapprochements de la littérature comparée. Elle ne s’applique pas à suivre de siècle en siècle notre génie depuis ses premiers bégaiements ; elle dédaigne d’en rechercher les traits dans la foule des écrivains secondaires. Elle édifie un monument à la gloire de l’esprit national, et l’architecte en exclut jalousement tout ce que son goût sévère ne juge pas digne d’y figurer. Nisard ne se livre point au cours naturel des choses ; il ne cherche pas à refléter les talents dans leur infinie variété, à en suivre les détours et les accidents, à se répandre pour ainsi dire tout autour des œuvres. La liberté et la diversité n’ont pas de place dans le plan inflexible qu’il a conçu. Sa méthode est tout abstraite, et il l’applique avec une rectitude magistrale. À vrai dire, il ne fait pas une histoire, mais une philosophie. Il n’expose pas, il démontre ; il ne raconte pas la littérature française, il institue une théorie de l’esprit français, qui est à ses yeux le type le plus parfait de la raison humaine.

Ce que la critique perd ainsi en mouvement, en couleur, en souplesse, elle le gagne en fermeté et en puissance. Mais Nisard met dans l’application de sa méthode une austérité qui fait ressortir encore ce qu’elle a de raide, d’absolu, d’artificiel. Reprochons-lui surtout d’immobiliser dans une étroite unité cet esprit français dont toute son œuvre est une glorification. L’esprit français, tel qu’il l’entend, n’a réalisé son idéal que durant cette courte période qui commence à la fondation de l’Académie et se termine avec le « grand siècle ». Ce sont cinquante ans de notre histoire littéraire, et ces cinquante ans ont fixé à jamais notre littérature et notre langue. La religion de Nisard pour le classicisme opprime sa critique. Il ne sent pas assez que le génie d’un peuple se renouvelle sans cesse, et que, même après un âge classique, toute innovation n’est pas, fatalement, une marque de décadence. Il ne veut voir dans le xviiie siècle qu’un prolongement du xviie siècle, ou plutôt une déviation. C’est à peine si quelques « gains » figurent çà et là sur son pédantesque budget en face des innombrables « pertes » qu’il inscrit au passif de notre littérature. Tout ce qui a précédé les cinquante ans de pur et vrai classicisme n’était qu’un acheminement ; tout ce qui les suit ne peut être qu’un déclin.

« Je ne saurais aimer sans préférer, a-t-il dit lui-même, et je ne saurais préférer sans faire quelque injustice. » Exaltant les écrivains dans lesquels il reconnaît son idéal de raison bien disante, de force disciplinée, d’ordre soutenu, Nisard juge avec une rigueur excessive ces génies inquiets et hasardeux à qui l’impatience de la règle, la prédominance de l’inspiration personnelle, ont fait perdre l’équilibre. Il ne voit guère chez Fénelon que l’esprit de « chimère » et chez Rousseau que l’esprit d’« utopie ». Fondée sur la tradition classique, qui a pour règle le « sens commun », sa critique se tient d’abord en garde contre toute nouveauté. Elle est éminemment conservatrice et impérative. Elle a pour but de « défendre ce qui est vrai contre la double mobilité de l’esprit humain et du génie national ». C’est une critique de résistance, de coercition. Sans doute, elle ne déclare pas « l’esprit humain épuisé », mais elle le rappelle sans cesse à ce qu’il a fait d’« immortel ». Elle ne prétend pas supprimer la liberté, mais elle la tient pour suspecte. « La liberté, dit-elle, est pleine de périls et d’égarements, et la discipline ajoute à la force réelle ce qu’elle ôte de forces capricieuses et factices. » C’est là le principe de son admiration pour le xviie siècle, et, dans le xviiIe siècle, pour les écrivains qui, comme Bossuet et Boileau, représentent l’autorité, pour les institutions qui, comme l’Académie française, s’appliquent à régenter les esprits, à maintenir les traditions, à conserver la langue, à garantir contre les fantaisies de la mode ou les écarts du « sens propre » cette raison générale qui est à ses yeux l’attribut caractéristique de notre race. Il est permis de regretter que cette conception ne puisse se concilier avec plus de largeur, mais il faut rendre hommage à ce qu’elle a de haut et de vigoureux.

À l’esprit catégorique et autoritaire de Nisard, qui ne fait de la critique que l’application d’une théorie rationnelle, s’oppose, dans Sainte-Beuve, l’intelligence la plus flexible, la plus ouverte, la plus dégagée de toute doctrine exclusive. L’un embrasse d’un seul coup d’œil toute notre histoire littéraire pour la ramener et, s’il le faut, pour la contraindre à l’unité abstraite qu’il poursuit ; l’autre pousse çà et là des pointes au hasard du moment, sans aucune suite, sans aucun plan d’ensemble et en apparence sans aucune méthode. L’un ne s’attaque qu’aux génies de premier ordre, et, faisant une œuvre essentiellement didactique, se défend de tout intérêt pour des auteurs dont la connaissance, inutile « aux esprits bien faits », pourrait être nuisible à « ceux qui ne sont pas formés ». L’autre est attentif aux moindres phénomènes de la vie littéraire, et son admiration pour les chefs-d’œuvre, dont il jouit plus discrètement, se concilie avec une curiosité toujours en éveil pour les écrivains de second ou même de troisième rang, comme nous faisant mieux connaître et l’esprit de leur époque et, par leur propre personne, cette humanité moyenne qui est le vrai domaine du moraliste. L’un juge avec autorité d’après des principes infaillibles ; l’autre se plie avec une souplesse merveilleuse à l’infinie multiplicité des talents : il est « comme le tyran qui dans son palais avait trente chambres, sans qu’on sût jamais dans laquelle il coucherait ». Ne poursuivons pas plus loin ce parallèle pédantesque : tandis que le premier construit un système, le second fait une collection d’expériences détachées et d’observations éparses.

Bien des traits par lesquels Sainte-Beuve s’oppose à Nisard dénotent ses affinités avec Villemain. Mais, si Villemain peut être considéré comme le devancier de Sainte-Beuve, il est facile de voir ce que la critique littéraire a gagné avec celui-ci en réalité, en précision, en exactitude aiguisée. Elle ne se contente pas « d’une certaine description générale d’un siècle ». Elle « serre de plus prés que possible l’analyse des caractères d’auteurs aussi bien que celle des productions ». Elle sort définitivement « d’une admiration trop textuelle à la fois et trop abstraite ». Elle « fait le siège » des écrivains. Elle profite d’une liberté que ne restreint aucun parti pris, non pas pour flotter autour d’une époque en se bornant à reproduire les contours les plus apparents, mais pour multiplier avec une pleine indépendance et diversifier en dehors de toute thèse préconçue ces études des « sujets » et des « cas » individuels dont chacune est un problème de psychologie.

Il y a eu chez Sainte-Beuve un poète et un critique. Le critique, que nous avons indiqué chez le poète, n’est pas moins visible chez l’auteur de Volupté, ce roman dénué de vigueur créatrice et dont l’intérêt pénétrant consiste tout entier dans la subtile minutie des analyses. Il a survécu au poète en tenant de lui maints dons qu’il ne laissa pas périr. « La critique dans la jeunesse, dit-il lui-même, se recèle sous l’art, sous la poésie ; ou, si elle veut aller seule, la poésie, l’exaltation, s’y mêle trop souvent et la trouble. Ce n’est que lorsque la poésie s’est un peu dissipée et éclaircie que le second plan se démasque véritablement et que l’analyse se glisse, s’infiltre de toutes parts et sous toutes les formes dans le talent. » Mais « le critique hérite finalement en nous de nos autres qualités plus superbes ou plus naïves ». La vocation poétique de Sainte-Beuve n’expira jamais tout entière dans l’occupation de sa vie : elle s’appliqua en dessous à l’histoire littéraire, elle l’« arrosa par des sources secrètes » ; elle se fit jour à travers l’analyse, non « par un sentimentalisme intérieur et par des élancements hors de propos », mais « par une certaine forme d’art, par une certaine lumière vive et juste d’expression ». L’expérience des hommes et des choses mitigea « l’esprit de poésie » et ne l’étouffa point. « Si critique et si rassis que nous devenions, écrivait-il dix ans après avoir renoncé aux vers, qu’il ne nous soit jamais interdit de nous écrier avec le poète :

Me juvat in prima coluisse Helicona juventa. »


Et plus tard encore, lorsque la flamme s’est éteinte, lorsque l’émotion et l’enthousiasme cèdent définitivement la place à la « physiologie », lui-même attribue à cet esprit poétique sa faculté spéciale de découvrir et d’exprimer dans les choses leur sens propre, et de « rendre à tout ce qu’il touche la qualité propre et la vraie valeur ».

« Ce que j’ai voulu en critique, dit Sainte-Beuve, ç’a été d’y introduire une sorte de charme et en même temps plus de réalité qu’on n’en mettait auparavant. » Si ce charme consiste justement dans une poésie modérée et discrète, l’impression de réalité plus accusée procède du goût pour les sciences positives que Joseph Delorme associait à celui des vers, et qui perce jusque dans ses élégies en attendant de l’entraîner vers l’analyse des œuvres littéraires considérées comme un instrument de physiologie morale. La première éducation de Sainte-Beuve avait été purement scientifique. « J’ai commencé franchement et crûment par le xviiie siècle le plus avancé. » Et, à quelque essai que son esprit curieux se prête dans la suite, ou même par quelques métamorphoses qu’il passe, c’est dans cette éducation première qu’on doit chercher « son fond véritable ». « Sous notre plume, dit-il en 1836, la critique d’un écrivain risque de devenir une légère dissection. »

Sa méthode est toute pratique. Elle n’a pas pris naissance chez lui sous la forme d’un système conçu d’ensemble ; il l’a tirée à mesure de ses expériences successives. Elle n’a rien d’une géométrie inflexible ; elle sait se modifier et se varier selon les sujets qu’elle traite. De là le reproche qu’on lui a si souvent fait d’être dépourvue de toute règle et d’aller à l’aventure. Sainte-Beuve s’est défendu contre ce reproche immérité, lorsqu’un esprit, non pas plus exact dans le fond, mais plus systématique dans la forme, eut condensé en propositions strictement déduites la méthode que lui-même avait toujours pratiquée en évitant une rigueur peu compatible avec la délicate et complexe science des esprits. Dès 1828 il indiquait les traits généraux d’une critique toute nouvelle, celle-là même qu’il appliqua sans se répéter jamais comme sans jamais se démentir jusqu’à la fin d’une carrière qui commençait à peine. Dans un article sur Corneille il insiste déjà sur ce qu’ont de délectable à la fois et de fécond en enseignements les biographies bien faites des grands écrivains ; non pas des notices exiguës et sèches, mais de larges, copieuses et parfois même diffuses histoires de l’homme et de ses œuvres. Il voudrait qu’avec l’aide de telles biographies le critique pût entrer dans son auteur, s’y installer, le produire sous ses aspects divers, le suivre en son intérieur et dans ses mœurs domestiques, le rattacher par tous les côtés à cette terre, à cette existence réelle, à ces habitudes de chaque jour dont les grands hommes ne dépendent pas moins que nous autres. Il ne se borne pas à ces indications générales : marquant le vrai moment auquel il faut comprendre l’écrivain, le moment du premier chef-d’œuvre, il signale trois influences capitales à chacune desquelles sa part doit être faite : l’état général des lettres, l’éducation particulière que le poète a reçue, enfin le génie propre que lui a départi la nature. N’est-ce pas ébaucher déjà le plan de cette critique positive et « naturelle » qu’il précisera, qu’il serrera de plus en plus ?

Trente ans plus tard, Sainte-Beuve expose avec détail les règles qu’il a suivies dès le début, sans s’y asservir comme sans en étaler l’appareil. Indiquons d’après lui quel est l’esprit général de sa critique et comment elle procède. D’abord elle prend l’écrivain supérieur ou distingué dans son pays natal, puis dans sa race, dans ses ascendants et ancêtres, quand ces racines profondes se laissent découvrir, sinon, elle le reconnaît du moins dans ses parents, dans sa mère surtout, dans ses sœurs aussi, dans ses frères, dans ses enfants même, dans tous ceux de son sang chez lesquels le fond du grand individu se retrouve plus à nu et à l’état simple. Après cela vient le chapitre des études et de l’éducation. Un point essentiel à déterminer, c’est le premier milieu, le premier groupe d’amis et de contemporains dans lequel l’écrivain se trouve au moment où son talent devient adulte. Chaque ouvrage, examiné de la sorte, après qu’on l’a replacé dans son cadre et entouré de toutes les circonstances qui l’ont vu naître, acquiert tout son sens et reprend son degré juste d’originalité, de nouveauté ou d’imitation. Un autre temps non moins décisif à noter, c’est le moment où le talent se gâte, où il dévie, où, parmi les auteurs, les uns se raidissent et se dessèchent, les autres se lâchent et s’abandonnent, les autres s’endurcissent, s’alourdissent, quelquefois s’aigrissent. Enfin, pour tenir un homme tout entier, on ne saurait s’y prendre de trop de façons et par trop de bouts ; il faut s’adresser sur lui un certain nombre de questions, dussent-elles sembler le plus étrangères à la nature de ses écrits. Que pensait-il en religion ? Comment était-il affecté du spectacle de la nature ? Comment se comportait-il sur l’article des femmes ? sur l’article de l’argent ? Était-il riche, était-il pauvre ? Quel était son régime, quelle était sa manière journalière de vivre ? Quel était son vice ou son faible ? Un dernier moyen d’observation, c’est d’étudier les talents dans leur postérité morale, dans leurs disciples et leurs admirateurs naturels, et encore dans leurs contraires et leurs antipathies, dans les ennemis qu’ils soulèvent et s’attirent sans le vouloir. Tels sont les procédés de cette méthode, de cette pratique, qui a été de bonne heure comme naturelle à Sainte-Beuve, qu’il ne cessa de suivre en la variant selon les sujets, et qu’il exposa sur le tard une fois pour toutes en réponse à ceux qui le considéraient comme un simple amuseur, à ceux aussi qui, le trouvant assez bon juge, lui reprochaient de juger sans code.

Être un disciple de Bacon lui paraît, dit-il, le besoin du temps et une excellente condition pour faire de la critique. La production de l’esprit n’est pas pour lui distincte ou du moins séparable du reste de l’homme et de l’organisme. L’étude littéraire le mène tout naturellement à l’étude morale, et, par suite, à l’étude physiologique. La science des caractères en est, dit-il, aux éléments, à la description des individus et tout au plus de quelques espèces, elle en est au point où la botanique en était avant Jussieu, l’anatomie comparée avant Cuvier, à l’état pour ainsi dire anecdotique. Mais, tout en se bornant encore à amasser des observations de détail, elle découvre des liens, des rapports, des affinités nécessaires, et elle entrevoit le moment où pourront être connues et déterminées les grandes divisions naturelles qui répondent aux diverses familles d’esprits. Sainte-Beuve n’ignore point qu’on ne pourra jamais faire exactement pour l’homme comme pour les animaux ou pour les plantes ; il ne supprime pas dans l’être humain cette liberté morale qui suppose une grande mobilité de combinaisons possibles. Il avertit au besoin ceux qui seraient tentés de l’oublier que le problème est insoluble dans sa précision dernière, que le plus vif de l’homme échappera toujours à la science, qu’elle n’atteindra jamais cette étincelle du génie sur laquelle ses procédés les plus exacts ne sauraient avoir prise. Mais ce n’est pas une raison, si l’individualité propre du talent doit toujours se dérober à nous, pour ne pas continuer les observations et les analyses par lesquelles nous cernerons de plus près le problème.

En donnant à la critique une direction positive, n’allons pas d’ailleurs en faire une science sans tact spécial, que le premier venu pourrait appliquer à la seule condition d’en savoir les règles et d’en suivre exactement la méthode. Elle sera toujours un art qui demandera un artiste habile. La poésie ne veut être touchée que par un poète ; l’observation morale, elle aussi, exige un sens particulier, un don et comme une vocation naturelle.

C’est ce sens et ce don qui font de Sainte-Beuve le critique par excellence de notre siècle. On lui reproche de manquer d’enthousiasme : c’est le féliciter d’avoir rompu avec cette crilique banale qui remplace l’analyse par les points d’exclamation ; d’ailleurs, il a bien, lui aussi, sa note admirative, et nul du moins ne l’égale pour la délicate sensibilité des jouissances littéraires. On lui reproche de ne pas embrasser dans ses jugements l’individu tout entier ; c’est que les vues simples lui sont à bon droit suspectes. On lui reproche de prendre ses personnages par les petits côtés, de pousser la curiosité jusqu’à l’indiscrétion ; mais tel détail caractéristique, telle anecdote significative, telle « petite touche », nous en disent bien plus sur un homme que les généralités académiques et les plus imposantes « considérations ».

La défiance de l’absolu, la mobilité, la souplesse, tels sont les traits distinctifs de Sainte-Beuve, et ce sont aussi ceux du véritable esprit critique. L’esprit critique, Joseph Delorme le comparait déjà à une grande et limpide rivière qui serpente et se déroule autour des œuvres. « Tandis que la tour dédaigne le vallon, écrivait-il, et le vallon le coteau, la rivière va de l’un à l’autre, les comprend, les réfléchit. » Sainte-Beuve a tout compris et tout reflété. La première partie de sa carrière n’a été qu’une longue suite d’expériences. Il s’appelle lui-même l’esprit le plus rompu et le plus brisé aux métamorphoses. Il commence par la physiologie, devient le plus fervent disciple de Jouffroy, traverse l’école Saint-Simonienne, tourne au mysticisme catholique, se laisse captiver par le protestantisme austère de Vinet, revient enfin à son point de départ après avoir épuisé la série des apprentissages à travers lesquels l’entraînait « sa curiosité, son désir de tout voir, de tout regarder de près, son extrême plaisir à trouver le vrai relatif de chaque chose et de chaque organisme ». À ses yeux, le jeu et le triomphe de la critique, c’est de se mettre à la place de l’auteur et au point de vue de la question qu’on examine, de lire tout écrit selon l’esprit qui l’a dicté. Pendant plus de quarante ans il a traité toute sorte de sujets, portant dans l’étude des hommes et de leurs œuvres une faculté d’assimilation qui s’applique avec la même aisance tantôt à Pascal et tantôt à Gavarni, tantôt à Ballanche et tantôt à Stendhal. Pour lui emprunter une comparaison, il a été vraiment comme le vismara, ce papillon des Indes qui prend la couleur de la plante sur laquelle il vit. Si nous joignons à ce don merveilleux toutes les qualités naturelles de tact, de mesure, de goût, qui font de lui le plus fin des lettrés, un style capable d’exprimer les plus imperceptibles délicatesses de la pensée et du sentiment, un soin de l’exactitude matérielle qu’il pousse jusqu’aux plus menus détails comme celui de la fidélité morale jusqu’aux plus subtiles nuances, une probité littéraire que les détracteurs eux-mêmes ne sauraient contester, enfin, pour toutes les tentatives nouvelles et pour toutes les promesses de talent une attention toujours prête, une sympathie aussi cordiale qu’éclairée, nous aurons expliqué comment il est en ce siècle, non pas seulement le critique par excellence, mais, si l’on peut dire, la personnification même de la critique considérée à la fois comme une science de sagace analyse et comme le plus délicat des arts.