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Le Mystère

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Œuvres de Jean LahorAlphonse Lemerre, éditeurL’Illusion (p. 52-53).

LE MYSTÈRE


 
Ô nuit, ô belle nuit, pâle comme sa chair :
— Je rêve au passé mort, je rêve au passé clair…

Je revois ta chair pâle, et rêve aux heures mortes,
Où notre joie, où notre extase étaient si fortes !

Le rossignol des nuits d’alors ne chante plus :
Je songe à tes grands yeux qui m’étaient apparus ;

Et je songe à ta voix angéliquement tendre,
Que jamais, oh ! jamais je ne dois plus entendre,

Aux baisers de ta voix si mortellement doux,
Aux délices des soirs, mon front sur tes genoux !…

Et je pense à la mort, et je pense à la tombe
Qui fut scellée un jour sur la blanche colombe ;


Et je cherche où s’en vont ceux qui s’en sont allés,
Les regards, les soupirs, les parfums envolés.

Je réclame ton âme invisible à l’espace :
Ton âme est-elle errante en ce souffle qui passe ?

Et je porte à ma bouche et je baise une fleur,
Où je sens ton haleine et revois ta pâleur.

Ton âme revit-elle en ce frisson d’étoile ?…
Morts, pourquoi le mystère horrible qui vous voile

Ô nos morts bien-aimés, où disparaissez-vous ?
Serions-nous vos tombeaux ? N’êtes-vous plus qu’en nous ?

Serais-tu tout entière, hélas ! ensevelie
Dans ce cœur d’un amant qui, vieillissant, t’oublie ?

— Nuit chaude, ô nuit aimante, et pleine de soupirs,
Je songe à ce néant de tous nos grands désirs !