Le Mystère des béatitudes/Texte entier

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Calmann-Lévy éditeurs (p. 1-482).

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LE MYSTÈRE
DES BÉATITUDES

PREMIÈRE PARTIE

Heureux les pauvres d’esprit.
Heureux ceux qui sont doux.
Heureux ceux qui pleurent.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice.
Heureux les miséricordieux.
Heureux ceux qui ont le cœur pur.
Heureux les pacifiques.
Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice.

I

— Qu’est-ce que je vais servir à ces messieurs ? demanda Constant, le garçon attitré du groupe qui venait d’arriver à la terrasse du Café de la Paix.

Et il passait, d’un air de sollicitude, sa serviette sur le guéridon blanc.

Augustin Muzard, le caissier du journal La Poste, d’un mouvement nerveux de la tête dénombra sa bande, interrogea chacun et dit d’un ton bref, sa barbiche rousse rejetée en avant, presque provocante :

— Cinq bocks.

Sa petite taille faisait ressortir la taille déme surée de son camarade Jean Solème, dont une grande mèche blonde, qu’il relevait sans cesse, patiemment, s’obstinait à cacher le front. Ce camarade était un reporter de La Poste qui avait trimé tout le jour à propos d’un assassinat commis aux Batignolles, et qui se laissa tomber devant la table, son regard gris voilé par le cristal du lorgnon. À côté d’eux s’assirent Lucien Gérard, le dessinateur favori de La Poste du Dimanche, et sa femme Huguette, qui le suivait partout. Au même instant, Jean Solème parut se réveiller et s’écria :

— Mais vous êtes très mal, monsieur Loche ; prenez donc ma place.

— Pas du tout, pas du tout, répondit le cinquième personnage.

Augustin Muzard toisa ce Cyprien Loche, auquel Solème prodiguait ses attentions. C’était un banquier, nouvellement établi rue Vivienne et que tous les collaborateurs de La Poste connaissaient. Digne et froid, le pardessus étroitement boutonné sur un long corps maigre, la tête petite, les cheveux gris en brosse courte, il posait à l’aristocrate. Muzard n’eut pas un geste d’aménité. Cyprien Loche lui tendit un cigare :

— Monsieur le caissier, faites-moi donc le plaisir d’accepter.

— Vous m’excuserez, monsieur, je ne fume que la pipe, et si madame Gérard le permet…

La gentille Huguette Gérard permit d’un sourire.

Alors il se mit à bourrer une petite pipe de merisier, pendant que tous se taisaient, comme des hommes de travail qui viennent de finir leur journée.

Il était six heures et, par ce soir d’octobre tiède et beau, la place de l’Opéra prenait des aspects de féerie. Quatre torrents charriant impétueusement fiacres, camions, auto-taxis, autobus, s’y croisaient dans un tumulte de tonnerre, et par un jeu savant, à intervalles réguliers, les torrents s’immobilisaient pour laisser passer, dans le silence, le flot des piétons, s’élançant la tête en avant, comme à la charge. Se faisant face, les deux ouvertures des catacombes modernes, avec leurs galeries à balustres, vomissaient périodiquement une foule noire, pendant qu’une autre foule s’y engouffrait. On aurait dit les allées et venues stupides et affolées d’une fourmilière. Deci, de-là, aux balcons, fulgurait l’éclair des affiches lumineuses. Et dans le fond, la façade géante de l’Opéra avec ses colonnades, ses entablements, ses frontons, ses génies, apparaissait allégée et bleuâtre.

Huguette Gérard décolletée, ses cheveux blonds dans le cou, une rose bleue sous son chapeau sombre, ne buvait pas, les yeux perdus dans le mouvement des voitures. Soudain, le geste d’un agent ayant arrêté net le torrent, plus de vingt autos de luxe, aux panneaux luisants, stationnèrent en trépidant devant les consommateurs du café. La poitrine soulevée de désir, Huguette rompit le silence :

Tout de même, dit-elle, si on avait de l’argent !

Cyprien Loche agita la tête d’une façon lente et rythmée et il souriait en même temps d’un sourire de sphinx, puis sa main fit un geste étrange, comme magique. Il semblait dire : « Jeune femme, venez-vous donc seulement de découvrir la vérité, à savoir qu’il n’y a que ce dieu au monde ? »

Le mot d’Huguette Gérard avait donné une commotion aux cerveaux ; ç’avait été dans chacun comme le rappel de l’idée fixe. Le mari, dissimulant une amertume profonde sous une apparence de blague, dit :

— Évidemment, tant qu’Albert Blond, notre patron à tous, me paiera un louis mes dessins, je ne t’offrirai pas d’auto, ma pauvre chatte.

Augustin Muzard, imperturbablement, tira une bouffée de sa pipe. Mais Jean Solème, relevant sa longue mèche blonde, se pencha vers le banquier et à mi-voix :

— Alors, monsieur Loche, c’est donc tout à fait une affaire merveilleuse que votre Compagnie de Navigation soudanaise ?

Cyprien Loche eut de nouveau son pâle sourire, orné d’un de ces gestes qui en disent plus long que toutes les paroles. Puis, enfin, daignant se faire entendre :

— Bête comme chou, mon ami, bête comme chou. Quelques navires à acheter, et ils le sont à l’heure qu’il est, quelques cours d’eau à rendre navigables, quelques kilomètres de canaux par-ci, par-là, et voici, avant quinze mois, les gros dividendes !

Puis, soudain, changeant de ton :

— Mais, d’ailleurs, jeunes gens, je me suis donné comme règle de ne jamais causer de ces choses avec vous. Eh ! mon Dieu, j’ai eu trente ans, moi aussi, et j’étais employé, et je gagnais trois cents francs par mois, et je sais bien que cela vous retourne de se dire : « Si j’avais cinq billets de mille francs à mettre dans cette affaire, j’aurais dans trois ans mathématiquement cinquante mille francs dans ma poche. »

— Ne vous gênez pas pour moi, du moins, monsieur, dit sans broncher Augustin Muzard, car vous ne me retournez nullement.

Le banquier eut l’air de ne pas entendre.

— À partir de combien peut-on souscrire à votre machine, monsieur ? demanda Huguette, mélancolique.

Cyprien Loche se tut, comme par système. Ce fut Jean Solème qui répondit :

— Il y a des parts d’actions de cent vingt-cinq francs.

— Cent vingt-cinq francs ! répéta la jeune femme avec accablement.

Et elle trempa ses lèvres dans la mousse de son bock, comme pour y chercher l’oubli.

À ce moment, une voiture de courses mêla ses grelots aux gémissements des autobus et s’arrêta devant la sortie du Métro. Plusieurs personnes sautèrent à terre et parmi elles un couple qui se fraya entre les voitures un chemin jusqu’au trottoir.

— Tiens ! les Nassal, s’écria Solème, avec un grand geste.

Ils entendirent leur nom, accoururent les mains tendues, les yeux fous. Jean Solème les présentait au banquier.

— Mon ami, Abel Nassal, sous-chef de bureau au ministère de l’Intérieur, madame Nassal.

Mais celle-ci n’entendait rien, serrait au hasard les mains, disait : « Bonjour, Muzard, bonjour, Gérard, bonjour, Huguette », puis ne se tenant plus :

— Vous savez, nous revenons de Vincennes ; nous avons joué Ibaldi qui nous avait mis dedans l’autre jour à Auteuil ; nous l’avons joué, placé, Abel et moi, et il a rapporté soixante-huit francs. Imaginez-vous cela : cent trente-six francs à nous deux avec une seule bête, sans compter la veine que nous avons eue encore avec Jonquille, gagnant à treize franes. En voilà une journée !

C’était une jolie femme élégante, en tailleur noir, qui semblait avoir pour chacun une intention aimable. En réalité, elle se riait à elle-même ; elle riait aux pièces d’or, jetées en vrac dans sa petite sacoche, tout à l’heure, aux guichets du pari mutuel et qu’elle sentait peser lourdement sur sa hanche fine. Cette sorte d’impudeur des joueuses hallucinées qui n’ont pas conscience de leur folie, qui ne se savent même pas en dehors de la vie, elle l’avait, malgré son aspect correct. Elle n’aurait parlé que chevaux, performances, pedigrees, jockeys, écuries ou pistes, sans penser même que, pour ses amis, il pût y avoir d’autres sujets d’intérêt.

Augustin Muzard la disséquait du regard, curieusement, tout en fumant sa pipe en silence.

Le mari conservait plus de discrétion, au milieu des faveurs de la chance. Néanmoins, lui non plus, ne put tenir sa langue, et Muzard, maintenant, s’amusait à entendre ce gros garçon chauve, légèrement sourd et assez balourd, conter en s’asseyant à une table voisine les péripéties de la course de ce a sacré Ibaldi », trottant d’abord cinquième, puis à chaque tournant rattrapant une distance. Et devant ses yeux bleus béats, on sentait s’étendre encore l’immense pelouse piétinée, cernée de sa piste ; quelques arbres rares s’élevaient dans le lointain ; au fond, le donjon de Vincennes se dorait au soleil couchant d’automne, cependant qu’une foule hurlante se mouvait doucement en rond, aimantée par quinze petites choses mécaniques aux taches multicolores, glissant au ras du sol, vertigineusement, là-bas.

Constant, le garçon, revint, et passant avec son éternelle sollicitude sa serviette sur la table :

— Qu’est-ce que je vais servir à Madame et Monsieur ?

Ils étaient altérés par la fièvre d’une telle journée. Ils demandèrent de la bière. Alors Cyprien Loche, voyant tous les verres vides, sauf celui d’Huguette Gérard, commanda :

— Constant, six bocks !

— Ah ! les courses, ça peut être intéressant, déclara Jean Solème ; seulement, il ne faut pas être poursuivi par la guigue. Moi, j’ai toujours perdu.

Alors le banquier, gravement :

— Le jeu, cela existe, et j’en tiens compte. Mais c’est un moyen inférieur, et inférieur en tant que moyen parce que supérieur à nos forces. Nous ne le régissons pas. Beaucoup plus intelligente est la spéculation. Mais le plus malin, voyez-vous, jeunes gens, c’est la simplicité des bonnes affaires sûres, fécondes, terrain dans lequel le capital reproduit comme une graine semée dans du terreau.

— Encore faut-il avoir la graine ! ricana Jean Solème, nerveusement.

De nouveau, les autobus, lancés furieusement, durent stopper avec une plainte de monstres blessés ; une file de voitures, dont les chauffeurs restaient la main sur la direction, s’allongea comme tout à l’heure devant la terrasse. Huguette Gérard se pencha vers madame Nassal :

— C’est la sortie de quelque réception ; regardez donc ces toilettes.

En effet, au fond des voitures de maîtres, sous les gerbes de fleurs de Nice, d’impassibles femmes. leur vêtement à demi suvert sur des robes claires, semblaient indifférentes et lasses. Çà et là, un diamant scintillait. On voyait des coiffures savantes, avec des rubans d’or et des bijoux d’art moderne voilés par la mantille.

Soudain Jean Solème devint très attentif ; il allongea la tête, fouilla des yeux chaque voiture. Il n’entendit même pas Huguette Gérard dire à son mari :

— Si tu voulais, on irait demain à Auteuil avec les Nassal ; tu pourrais avoir des tuyaux sûrs par M. Solème, et on risquerait cent sous sur un bon cheval.

Solème semblait de plus en plus nerveux ; maintenant, il se rejetait en arrière pour tâcher d’apercevoir les autos arrêtés plus haut sur la place. Puis, tout se remit en mouvement. D’abord, une théorie de cinq autobus qui ronflaient là pesamment depuis une minute ; puis près d’eux, les grands taxis aux panneaux rouges qui semblaient rouler d’une allure légère ; ensuite une succession de voitures de luxe ; et toute cette masse, lancée maintenant à folle allure, ressemblait à une armée roulante, chargeant pour quelque conquête monstrueuse, se précipitant à un assaut mystérieux.

Solème n’avait plus le temps, en ce moment, de distinguer aucun visage ; ses yeux bougeaient perpétuellement, accrochés à l’éclair de chaque vitre qui passait. Augustin Muzard, qui ne laissait rien inaperçu, lui dit à l’oreille :

— Tu crois donc qu’elles sont là ?

Solème répondit :

— C’est toujours possible…

Les yeux de Muzard eurent un pétillement d’ironie à peine visible, et il se retourna vers le banquier qui s’adressait paternellement aux deux jeunes femmes :

— Mais non, mais non ; ne jouez donc pas. Il y a une folie, une absurdité dans le jeu. Vous, madame, surtout, que le serpent de cette passion n’a pas encore mordae, ne vous laissez pas séduire !

— Ah ! vous êtes bon, vous monsieur Loche ! Ne pas jouer, c’est très bien, mais si, moi, je meurs d’envie de vous prendre une action, avec quoi vous la paierai-je ? Comptez : en calculant que nous ayons, dans un temps indéterminé, quatre fois la chance que nos amis Nassal ont eue aujourd’hui, et nous voici actionnaires de la « Société de Navigation soudanaise ». En somme, cela n’a rien d’énorme : quatre fois cette chance-là, en six mois, en un an, s’il le faut.

— Écoutez, madame, dit Cyprien Loche, en homme raisonnable, vous l’aurez, votre part ; vous l’aurez. Que M. Gérard vienne me voir un jour et m’apporte des dessins, un petit album, quelque chose dont il soit content, et je lui achèterai cela bon prix ; vous aurez bien, pour parfaire la somme, quelques sous d’économie, et voilà votre rêve réalisé.

— Oh ! monsieur Loche, vraiment vous êtes trop bon !

— M. Loche finira par se ruiner lui-même, prononça imperturbablement Augustin Muzard, en heurtant sur son talon le fourneau de sa pipe.

— Je n’en accepte pas l’augure, monsieur le caissier, répondit enfin Loche, poussé à bout.

Du boulevard des Italiens, du boulevard des Capucines, de l’avenue de l’Opéra, de la rue de la Paix, de la rue Auber et de la rue Halévy, les torrents arrivaient maintenant plus denses, plus furieux, comme les armées un soir de bataille. Mais où avait lieu l’assaut ?

Une demi-mondaine passa sur le trottoir ; elle aperçut Solème et Muzard dont elle était la bonne camarade et leur fit un signe imperceptible ; mais, voyant qu’il y avait deux femmes du monde en leur compagnie, avec la philosophie coutumière aux personnes de sa catégorie, elle alla s’asseoir solitaire un peu plus loin.

— Ninette sait vivre, dit Jean Solème à Nassal et à Gérard ; elle rend hommage à la vertu de vos compagnes en s’écartant humblement.

— Ah ! c’est la fameuse Ninette ? dirent ensemble les deux amies.

Et, du coin de l’œil, elles la dévisageaient curieusement.

— Mais c’est qu’elle a l’air très gentil, dit madame Nassal. Pourquoi n’est-elle pas restée honnête, cette petite ?

— Elle était marquée pour le vice, déclara Cyprien Loche.

— Pourquoi elle n’est pas restée honnête, pourquoi ? dit Augustin Muzard ; vous en êtes encore à vous demander cela, vous tous ?

Il caressa de la main sa barbiche rousse ; dans son pâle visage, bilieux et maladif, ses yeux noirs, sans cesse changeants, tantôt moqueurs, tantôt inquisiteurs, tantôt emplis d’une mélancolie profonde, prirent une ardeur concentrée, et, cambré sur sa chaise, le regard fixé sur l’œuf électrique inondant de lumière la terrasse, il dit de sa voix métallique :

— Ninette est devenue ce que vous voyez, parce qu’elle a adoré l’idole que vous adorez tous. Vous vous traîneriez à genoux, vous vous traîneriez à plat ventre dans la poussière pour séduire l’Argent, pour attirer sur vous ses faveurs. Ninette a pris un chemin, vous en avez pris d’autres ; mais vous allez tous au même but qui vous fascine l’Argent. Il a hypnotisé Nassal et sa femme qui pouvaient vivre tranquillement d’une situation petite, mais sûre, et qui se précipitent de champ de course en champ de course, béants devant la potence où se lève automatiquement, à intervalles, en gros chiffres, le rapport d’un cheval au pari mutuel. L’or dont un coup de chance peut leur jeter l’aubaine, ils l’attendent tremblants, les mains sans cesse tendues, et ils ne sortent pas d’un état de transe au bout duquel les guette la folie. Et voici Huguette Gérard, dont la vie matérielle semble très douce entre ses trois beaux enfants et un mari qui se tire d’affaire à l’heure qu’il est. Toutes les choses nécessaires qui feraient envie à un pauvre diable, ils les possèdent. Mais que la Richesse, sous un aspect quelconque, s’offre en spectacle, voilà leurs désirs qui s’éveillent, et puisque le droit chemin ne les mène pas à l’idole, frénétiquement ils en cherchent d’autres. Je les vois venir ; ils vont spéculer ; les usines ténébreuses, où l’Argent se reproduit tout seul, secrètement, les hantent ; ils commencent à tourner autour. Et M. Cyprien Loche est là juste à point. Ah ! lui, c’est le véritable conquistador de la fortune. Il vous parle de pays féeriques et inconnus, où les millions vont s’engraisser. Sous des palmiers, le long des fleuves bleus, il passe des navires, et l’hélice de ces bateaux moud de l’or, et les millions reviendront plantureux, quadruplés. Mais, en attendant, ses yeux de financier les voient, ces millions qu’il ne tient pas encore, dans la poche de tous ; il les attire et il les aura, parce que, dans la conquête que vous avez tous entreprise, vous n’êtes que des pygmées à côté de M. Cyprien Loche. Il la vaincra, l’idole, de même que Ninette Cosquard saura se la rendre favorable. Car dans la fièvre générale, ce n’est pas Ninette qui a le moins soif, allez ! Elle aura l’auto, et l’appartement garni de meubles rares, et surtout les titres de rente plein son portefeuille fleurant la verveine. Et il y a aussi mon ami Solème dont je ne veux rien dire parce que sa passion, plus secrète, presque clandestine et sourdement effrayante, notre intimité seule me l’a révélée ; mais Solème ! Solème ! je te vois dévoré comme certains le sont par un grand amour…

Tous écoutaient Muzard avec un demi-sourire errant aux lèvres. C’était le plaisir de la bande quand ce garçon taciturne, à qui l’on permettait toutes les bout des et qui parfois, de toute une soirée, ne de serrait les lèvres que pour vous lâcher en plein visage une vérité cinglante, s’emballait ainsi. Il avait tous les droits ; du moins il les prenait tous. Il vous fouillait l’âme, démasquait vos arrière-pensées, vous confessait publiquement. Sans cesse, il cherchait des affaires, les provoquait, en avait eu plusieurs et en avait tiré sa réputation d’escrimeur sans égal. Aucune appréhension ne bridait ses propos. Nul ne l’aurait fait taire ; c’était lui qui jugulait tous les autres.

Cette fois, le grand Solème, se redressant indolemment, allait répliquer. Mais Augustin Muzard, qui n’avait pas fini et s’était interrompu seulement pour boire une gorgée de bière, lui coupa la parole, sa main osseuse, petite et toute frémissante de pensée, tendue vers la place.

— Regardez ça, continua-t-il, regardez cette frénésie des moteurs, et ces hommes plus trépidants encore que leur machine, où tout cela se rue-t-il ? Vous savez bien que l’on peut le pronostiquer à coup sûr pour les deux tiers, à tout le moins, cela va vers le gain, vers la fortune, car de sa naissance à sa mort, c’est en réalité ce que poursuit l’homme. Interrogez celui qui passe, lisez ses pensées, les combinaisons de son esprit ; est-ce qu’elles ne tendent pas toutes à l’argent ? Les grandes passions, l’amour, la haine, elles pâlissent, elles paraissent puériles à côté de celle-là. Quant à l’ambition, elle n’est qu’incluse dans le désir de l’argent, car vous n’ignorez pas que si, par exemple, les hautes charges n’étaient. pas rétribuées, et comment ! il ne se trouverait personne pour les tenir. Eh bien ! quand je vois l’argent, chose vile en soi, chose qui devrait être inerte et morte, animée d’une telle puissance, se faire plus vie que la vie même, de moyen devenir but, et, en même temps que le but, l’excitateur de tout le mouvement humain vers ce but, je dis avec Huysmans : « Ou l’argent qui est ainsi le maître des âmes est diabolique, ou il est impossible à expliquer. »

— Vous croyez donc au diable, Muzani ? fit Nassal avec sa grosse ironie.

— Ma foi, à force de me heurter à lui partout, à force de le rencontrer constamment, je commence à penser qu’il existe, dit le jeune homme, sans qu’on pût savoir au juste s’il plaisantait.

— Mais non, reprit enfin Solème, dont les idées, moins fulgurantes que celles de son ami, venaient au jour avec plus de lenteur, plus d’effort ; mais non, l’argent n’est pas diabolique, au sens même où tu l’entends ; c’est divin qu’il faut dire. au contraire, car sans lui, rien de grand, rien de bon, ne se serait fait. Imaginons une divinité bienfaisante en présence de l’apathie, de la lâcheté de la race humaine ; comment animera-t-elle cette masse, comment l’incitera-t-elle à tout entreprendre, comment la fera-t-elle progresser ? Le désir du confortable, l’appât du bien-être ne peut être que personnel et n’opère que si l’individu travaille pour lui. Il faut, pour que l’homme entreprenne ce dont il ne jouira pas, un mobile aussi puissant que l’intérêt propre. Alors, la divinité inventera l’argent qui socialisera l’effort, le répartira sur tous les besoins publics, le rémunérera individuellement. Mais cela est admirable, Muzard, cela est digne d’une divinité tutélaire ! Et plus il y a de puissance mystérieuse en l’argent, plus je trouve justifiée notre adoration.

Le banquier, soulevant sa petite tête, le cigare entre deux doigts, répéta gravement :

— Adoration, le mot n’est pas trop gros. Il est bon. Il faut adorer l’argent sans le comprendre, sans essayer d’en sonder le mystère. Constatons seulement et courbons la tête. Ses bienfaits sont partout et il n’y a de souffrance que là d’où il se retire. Voyez l’œuvre du capital : les pays défrichés, la distance abolie, la douceur de vivre répandue, et, grâce aux échanges, l’existence ornée, la beauté produite, multipliée partout. Ah ! l’argent ! l’argent !

Et il balançait la tête, lentement, comme un encensoir devant un dieu.

— Divin ? l’argent, divin ? reprit Muzard ; bienfaisant, l’argent ? ah ! ah ! Mais il est venimeux, il pourrit tout. Il n’a qu’à se glisser entre deux affections pour les gâter. Il est l’ennemi de l’amitié contre laquelle il lutte et qu’il terrasse toujours ; il sert de ciment à la famille, dit-on, mais il la désagrège à la fin. Il tue éternellement ce qu’il y a de plus pur dans l’humanité, le désintéressement. Il corrompt les individus, il corrompt les familles, il corrompt les œuvres, il corrompt les institutions, il corrompt les races. Tout ce qui est fait avec son concours croule, car c’est un faux dieu, et tout ce qui a été fait de vraiment grand a été fait sans lui. Et si ce qui a été fait de grand pactise avec lui, c’est la dégénérescence, le poison, la ruine. Ainsi, quand j’entends des hommes dire en se rengorgeant : « La France est riche ! » je pense : « Malheureux, au moins ne le criez pas si haut, car on sait bien ce que ça signifie, l’opulence d’un peuple ! »

— Sacré farceur ! dit Jean Solème, si demain tu héritais, je voudrais bien te voir !

— Si demain j’héritais, prononça Muzard, sourdement, je ferais comme les autres, je serais contaminé. Et l’homme relativement propre que je suis dans ma pauvreté connaîtrait les péchés qui me sont maintenant impossibles, tels que l’avarice, l’égoïsme cruel, la paresse et toutes les gourmandises. Ah ! ce n’est jamais beau, un pauvre qui devient riche ! Sa générosité natu- relle, qui faisait que ce qu’il donnait était de sa propre substance, sera bientôt combattue par cet amour du pécule, cette tendresse ignoble qui s’éveille dans l’homme dès qu’il possède. Et ce pécule lui deviendra tellement sacré, tellement intangible, que tous les maux humains qu’il verra souffrir autour de lui et qu’il pourrait soulager en puisant dans le vif de son bien, lui deviendront indifférents. L’or engraisse l’égoïsme, boursoufle l’orgueil, aveugle les yeux clairs. Et, comme je ne suis pas meilleur qu’un autre, je subirais les transformations fatales.

Le vacarme était devenu tel sur la place qu’on entendait à peine Muzard, dont la voix était sourde et voilée. Les bruits d’essieux, de freins, de moteurs, de cornes d’autos, traversés par les noms des journaux du soir, que les crieurs lançaient à la course, formaient un unisson formidable, et de la cohue montait une vapeur lumineuse qui éclairait le faîte des maisons et les frontons bleus de l’Opéra. Toute l’opulence de Paris semblait rouler ici : trafic, finance, aristocratie. On sentait la richesse profonde, solide, indestructible, de la grande ville, affichée dans ce mouvement vertigineux des véhicules de haut prix, dans ce tourbillon de fête gigantesque. Soit que ce tumulte les eût comme assoupis, soit que les paroles du jeune homme leur eussent donné à réfléchir, les Gérard, les Nassal et même Jean Solème se taisaient. Le banquier appela Constant qui passait, mais le garçon expliqua que Muzard avait tout réglé personne n’avait rien vu. Sans doute avait-il payé sournoisement, tout à l’heure, pendant qu’on l’écoutait. D’ailleurs, c’était toujours ainsi. Alors, ayant un moment laissé lui aussi ses yeux errer sur la charge des passants qui se précipitaient d’un trottoir à l’autre, il recommença :

— À cette heure, dans Paris, il y a un saint…

— Comment ? interrogea le gros Nassal qui, d’oreille un peu dure, n’avait pas entendu.

Sa femme répéta pour lui :

— M. Muzard dit qu’en ce moment, il y a un saint à Paris.

— Ah ! et où le voit-on ?

Il demandait cela ingénument, comme s’il se fût agi d’une attraction de cirque ou de music-hall.

Discrètement, Cyprien Loche regarda l’heure, toujours talonné par le temps. Jean Solème prononça :

— Oui, nous connaissons… L’abbé Naim, hein ?

— L’abbé Naïm, en effet, acquiesça Muzard.

Mais les deux femmes, que la vie parisienne avait pourtant rendues depuis leur enfance fort indifférentes à toute idée religieuse, avaient eu, à ce mot de saint, le même tressaillement de curiosité.

— Un vrai saint ? demanda Rosine Nassal.

— Un vieux curé à cheveux blancs ? interrogea Huguette Gérard.

— Non, dit Muzard, un jeune prêtre à barbe noire.

— Est-ce qu’il fait des miracles ? questionna encore Huguette.

Mais, agacé, Muzard négligea de répondre. Au bout de quelques minutes seulement, il répondit :

— C’est lui qui, sans discours, sans théories, sans paroles, par le seul spectacle de sa vie, m’a appris tout ce que je viens de vous dire, et bien d’autres choses encore. J’ignore toujours s’il y a un bon Dieu, si le monde s’est fait tout seul, si l’au-delà existe. Mais j’ai vu un homme lumineux, dont tous les actes sont une leçon, dont tous les gestes répandent du bonheur, dont tous les regards sont de la bonté vivante. J’ai vu un homme qui devine, qui sait, qui comprend, qui pardonne ; j’ai vu un homme qui aime et j’ai eu la vision de ce qu’eût été la vie terrestre, si l’humanité avait entendu la Voix qui proclamait, il y a deux mille ans, les Béatitudes sur la Montagne.

— Monsieur le caissier, dit Cyprien Loche, qui se leva et tendit la main à Muzard, je vous dis à un de ces jours.

— Est-ce que, par hasard, je vous aurais jeté de l’eau bénite, monsieur Loche ? demanda le jeune homme d’un air déférent dont tout le monde sourit.

— À leur tour, les Nassal prirent congé, et le sous-chef de bureau dit à Muzard en le quittant :

— Mon vieux, quand votre saint aura changé un timbre de deux sous en un billet de mille, je croirai en lui.

— Et si le diable faisait d’un gros homme un porte-monnaie, qu’est-ce que vous diriez ? demanda Muzard terriblement.

Les Gérard s’effarèrent quand ils virent l’heure. « Comment, déjà si tard ! Et leurs petits enfants qui n’avaient pas encore dîné ! » Ils demeuraient fort loin, du côté de l’Observatoire. Dans le premier autobus qui s’arrêta, ils sautèrent, tout à fait ressaisis par les préoccupations familiales. Alors Ninette, voyant que Muzard et Solème étaient demeurés seuls, déplaça quelques chaises pour se rapprocher d’eux.

— Dis donc, Muzard, demanda-t-elle d’un ton de confidence, j’ai besoin de te parler. Tu ne voudrais pas que j’aille te voir un dimanche matin ?

— Dis donc, Ninette, répliqua le jeune homme de son ton cinglant, ne t’ai-je pas déjà signifié que je ne voulais pas de femmes chez moi ?

— Penses-tu que j’irai pour te faire la cour, mon vieux ! Tu sais bien que je suis sérieuse, voyons. D’abord, il s’agit de ma famille. Je te conterais bien mon affaire ici, mais, d’une minute à l’autre, Butterfly peut arriver, et c’est une sale rosse, curieuse comme une chatte ; puis elle est de la bourgeoisie, elle ; elle n’a pas besoin d’apprendre que je suis d’une famille de crève-la- faim, n’est-ce pas ?

— D’autant qu’on te croirait plutôt nés chez des princes, Ninette, ajouta le grand Solème.

— Je comprends, répondit-elle de bonne foi.

— Écoute, Ninette, dit Muzard, viens demain matin entre onze heures et midi, mais n’en prends pas l’habitude, et surtout que ta visite ne traîne pas, car j’ai à faire.

Puis se tournant vers son ami :

— M’accompagnes-tu ? Solème. Je rentre à pied. Il habitait rue de Seine, Solème, boulevard Saint-Germain.

Une dernière fois, avant de s’engager dans la rue de la Paix, ils se retournèrent vers la place un peu calmée, à cette heure, assagie, parcourue seulement par les premières voitures roulant vers les théâtres du boulevard, et par le passage moins fréquent des autobus. Un silence relatif régnait, les fourmis en plus petit nombre entraient dans les fourmilières du Métro et en sortaient de leur même mouvement stupide. La fumée rousse s’étendait sur toute la ville, comme un nuage lumineux rasant les toits. Et la façade de l’Opéra ressemblait à un palais de songe éclairé par un clair de lune fantastique. Muzard pensait des choses qu’il ne disait plus. Il devait penser au ruissellement nocturne de l’argent qui allait maintenant commencer, à cette apothéose de la richesse qui éclaire les nuits parisiennes et qui fait la puissance fascinatrice de l’Idole. Solème le ramena aux contingences :

— Pourquoi as-tu pris en grippe cette malheureuse Ninette, qui est bonne fille au fond ?

— Je ne l’ai pas prise en grippe, dit Muzard, mais je me méfie d’elle comme je me méfierais de Loche, si j’avais un capital à sauvegarder. Je ne possède qu’une chose, moi, et j’y tiens. C’est la paix, ma paix de vieux garçon qui ne veut pas introduire de femme dans sa vie. As-tu remarqué, mon cher, qu’elle tourne plus autour de moi que de toi ? Pourtant, tu es un beau gars, tu as le type et la douceur séduisante des Scandinaves, chose très prisée. Moi, je déplais aux femmes. Mais une ironie de la vie a fait, de l’imaginatif que je suis, un aligneur de chiffres, et du pauvre diable contempteur de l’Argent, un caissier entre les mains de qui l’argent coule sans cesse. Et c’est ma caisse qui me donne un prestige secret près de Ninette. Songe donc, ce serait si commode, un ami qui manie l’or à pleins doigts, à qui l’on pourrait faire, en toute honnêteté d’intention, s’entend, de petits emprunts ! Je suis une puissance, moi, pour Ninette. Alors, alors, est-ce qu’on sait ? est-ce qu’on peut répondre de soi ? imagines-tu ce comble que moi, qui n’ai jamais aimé une femme, qui me suis méfié même de celles dont on dit le plus de bien, à qui l’on prête le plus de noblesse, celles qui font, soi-disant, les grandes épouses, j’en vienne à me laisser rouler par une Ninette Cosquard ? Et cela s’est vu. Ma force apparente me met en état d’infériorité. Je suis très seul. Parfois je m’embête. Je serais capable de la prendre au sérieux… Non, non, pas même une liaison de huit jours !

Et il saisissait à pleines mains sa barbiche rousse qu’il tordait, ce qui était son geste dans les instants où il s’approuvait lui-même complètement et à coup sûr.

— Tu n’as que vingt-neuf ans, dit Jean Solème avec mélancolie ; tu seras bien pincé, toi aussi, un jour ou l’autre.

— Allons donc ! répliqua le jeune homme, j’ai cent ans !

Et il regardait son ami de ses yeux dilatés, comme chargés d’une vie déjà longue, des yeux qui avaient vu trop de pays, trop d’hommes, trop de choses. Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/33 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/34 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/35 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/36 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/37 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/38 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/39 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/40 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/41 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/42 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/43 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/44 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/45 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/46

« Est-elle assez dénuée de sens, ma vie, est-elle assez vide ! Un labeur mécanique toute la journée, et puis le soir, le travail de la pensée dans un cerveau borné ; l’écureuil tournant une roue dans sa cage. Le Moi est détestable, pourtant, je n’agis que pour lui ; pas un de mes efforts qui ne tende à lui. Ainsi, tant de soins pour préparer à mon palais cette tasse de café… Imbécile, tu ne l’auras pas ! »

Muzard saisit d’un mouvement vif l’anse délicate et, dans le même instant, le liquide jeté sur les bûches en soulevait un nuage de cendres et de vapeur. Et d’un air de colère méchante et triomphante :

« Je puis me passer d’un ami, je puis me passer d’une femme et d’une famille ; je puis me passer de tout. »

II

— Mon vieux, dit Ninetle Cosquard en s’asseyant au coin du feu, en face de Muzard, voilà ce qui m’amène. Il y a Désiré, mon frère, qui est valet de chambre chez Madame la baronne Avignon. Ce pauvre gosse, il n’a que dix-sept ans et il n’est pas heureux dans sa boîte. Sa dame est un vieux rat qui tondrait un œuf, quoique riche à millions ; elle ne nourrit pas les domestiques et s’imagine tout le temps qu’on la vole. Or, tu sais, Désiré est honnête. Ça le vexe d’être soupçonné. Et il a une idée, ce gosse. Il voudrait servir chez un curé. Ça te semble cocasse hein ? Il dit que là on est tranquille, que ce sont de braves gens, et qu’on est bien nourri. Et puis enfin, c’est son idée. Alors comme tu as un ami là dedans, j’avais pensé que tu Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/49 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/50 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/51 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/52 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/53 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/54 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/55 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/56 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/57 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/58 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/59 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/60 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/61 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/62 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/63 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/64 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/65 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/66 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/67 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/68 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/69 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/70 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/71 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/72 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/73 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/74 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/75 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/76 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/77 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/78 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/79 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/80 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/81 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/82 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/83 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/84

DEUXIÈME PARTIE

III

— Dis donc, mon cher, j’ai quelque chose à te raconter…

C’était Jean Solème qui, descendant de la rédaction où il venait de griffonner sa copie, entrait au bureau de la caisse et interpellait Muzard.

— Je n’ai pas fini ma journée, lâcha le caissier, d’un ton d’humeur, pendant que sa plume, sautant d’une ligne à l’autre, descendait l’escalier d’une colonne de chiffres, sur un registre.

— Il est d’une politesse ! bougonna Solème à mi-voix.

Et il attendait patiemment l’attention de son ami.

Le bureau de Muzard était une cage étroite en verre dépoli. Tout y était en ordre, le cartonnier, Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/86 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/87 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/88 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/89 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/90 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/91 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/92 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/93 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/94 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/95 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/96 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/97 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/98 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/99 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/100 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/101 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/102 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/103 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/104 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/105 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/106 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/107 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/108 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/109 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/110

IV

L’abbé Naïm, à l’autel de son église de planches, célébrait l’office de la Toussaint. C’était un pauvre autel fait d’une pierre consacrée, posée sur un retable de bois de sapin à moulures. Une nappe fraîche à large dentelle le recouvrait. Tout l’ornement était fait de cierges et de bougies qui brasillaient abondamment autour du tabernacle. Un crucifix doré régnait au-dessus. C’était un seul enfant de chœur qui servait l’office, et sur un prie-Dieu, par derrière, un vieil homme venait de chanter le Gloria in excelsis Deo. Maintenant l’abbé Naïm, courbé sous sa chasuble blanche, les mains croisées sur sa poitrine, priait en silence, au centre de l’autel. Sa messe était toujours interminable, arrêtée sans cesse par ses méditations, ses tête-à-tête avec Dieu. En ce moment, Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/112 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/113 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/114 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/115 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/116 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/117 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/118 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/119 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/120 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/121 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/122 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/123 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/124 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/125 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/126 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/127 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/128 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/129 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/130 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/131 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/132

V

Augustin Muzard, qui était depuis deux Minutes, assis devant sa table du petit restaurant, commença d’invectiver Marie Plichet :

— Alors, je ne compte pas, moi ? Vous n «  m’avez pas vu, peut-être ? Savez-vous que je suis pressé, Marie Plichet ?

Elle arrivait du bout de la salle, grandie par son diadème blanc, l’air maniéré, à cause de ses fausses manches de calicot.

— Voilà, voilà, monsieur ; j’ai aujourd’hui un menu qui vous plaira : des soles frites, un soufflé de riz.

— Vous n’avez pas encore vu M. Solème ?

— Non, M. Solème n’est pas venu.

— Les hors-d’œuvre ! commanda Muzard.

Il y avait dans la salle un insupportable Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/134 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/135 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/136 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/137 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/138 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/139 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/140 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/141 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/142 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/143 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/144 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/145 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/146 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/147 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/148 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/149 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/150 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/151 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/152 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/153 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/154 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/155 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/156 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/157 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/158 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/159 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/160 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/161 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/162

TROISIÈME PARTIE

VI

Quand ce matin de janvier, à onze heures, le suisse ouvrit les grandes portes de la Madeleine, une cité de neige, éblouissante, vaporeuse, d’une aveuglante lumière, fit face à la basilique obscure au fond de laquelle l’autel brasillait déjà. Le pavé boueux, où piétinaient de rares passants ne pouvait attenter à la clarté blanche de l’air. Les arbres étaient poudrés, les balcons ourlés de neige, les toits ouatés lourdement. La rue Royale s’allongeait ainsi étrangement lumineuse, et sur la place de la Concorde estompée d un brouillard jaune, là-bas, l’obélisque tout blanc taisait penser à un énorme cierge éteint, très morne, en face des centaines de petits cierges flambants à l’autel, au fond de la basilique obscure. Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/164 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/165 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/166 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/167 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/168 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/169 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/170 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/171 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/172 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/173 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/174 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/175 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/176 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/177 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/178 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/179 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/180 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/181 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/182 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/183 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/184 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/185 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/186 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/187 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/188 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/189 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/190 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/191 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/192

VII

Un ecclésiastique à cheveux blancs, fatigué par l’ascension des étages, l’âge et l’embonpoint, sonna chez l’abbé Naïm. Il s’enveloppait dans un grand manteau de drap noir k larges plis, qui masquait sa douillette. Désiré Cosquard, en service depuis trois mois chez le jeune prêtre, vint ouvrir. Il n’était pas accoutumé aux visites et parut fort surpris qu’on demandât son maître.

— Si monsieur l’abbé veut se donner la peine d’entrer, dit-il, obséquieux.

Et il introduisit le vieillard dans la bibliothèque.

Le bureau empire avait disparu, ainsi que les fauteuils. C’était une grande pièce vide et nue, ou ne demeuraient que les rayons de planches dégarnis, sur la cheminée l’Ecce homo dominaPage:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/194 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/195 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/196 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/197 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/198 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/199 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/200 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/201 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/202 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/203 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/204 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/205

VIII

— Dites donc, mon cher Mazard, vous êtes un peu à l’étroit, là dedans.

Muzard qui, sa journée finie, arrêtait ses registres, leva la tête en reconnaissant la voix de Cyprien Loche. La figure rasée du banquier s’encadrait dans le guichet vitré de la caisse.

— Ma cage est assez grande pour moi, je vous remercie, monsieur Loche.

— N’empêche que ce soir, mon ami, je vous enlève. Il est à peine six heures, nous avons le temps d’aller enfin jeter un coup d’œil à Grenelle sur mon usine. J’ai bien le droit de vouloir vous étonner un peu, jeune homme. Et je me flatte d’y réussir en vous montrant ce que je vais vous montrer.

Depuis le mariage de Jean Solème, Augustin Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/207 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/208 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/209 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/210 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/211 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/212 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/213 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/214 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/215 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/216 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/217 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/218 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/219 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/220 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/221 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/222 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/223 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/224 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/225 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/226 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/227 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/228 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/229 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/230 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/231 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/232 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/233 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/234 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/235

QUATRIÈME PARTIE

IX

Depuis trois semaines, depuis cette soirée où il avait, cinq heures durant, circonvenu Muzard, Loche avait disparu. Il semblait se terrer. Ni au journal, ni au Café de la Paix, ni sur le boulevrird, Muzard ne l’avait revu. Le jeune homme se disait :

« C’est une tactique. »

On était aux premiers jours d’avril. Ces longues soirées traînantes, le printemps hâtif des avenues et des places aux arbres verdoyants, donnaient à Muzard de la mélancolie. Alors il rentrait chez lui de bonne heure et revenait à ses anciens livres qu’il critiquait de parti pris en fumant des pipes. Andrée Ornans elle aussi s’était faite inviPage:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/238 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/239 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/240 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/241 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/242 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/243 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/244 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/245 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/246 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/247 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/248 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/249 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/250 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/251 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/252 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/253 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/254 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/255 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/256 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/257 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/258 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/259 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/260 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/261 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/262 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/263 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/264 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/265 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/266 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/267 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/268 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/269

X

Jean Solème, qui rentrait à midi, dit à sa femme :

— Tu sais, chérie, je t’annonce une corvée pour ce soir. Loche a besoin de cent mille francs. Il les lui faut. Il m’a parlé comme à un ami. Il m’a dit : « Je vous confie le soin de me les trouver, sous trois jours ».

— C’est pour Butterfly, sans doute, reprit Yvonne ; on les a vus hier soir ensemble à l’Opéra-Comique.

— Non, non, c’est pour notre usine : une grosse traite qui va nous arriver à la tin du mois pour une fourniture de bois. Et tu sais, Loche m’a dit très gentiment : « Mon petit, il y a 5 p. 100 de commission qui vous attendent. » Alors, je suis allé voir ma tante Avignon pour lui demander de Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/271 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/272 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/273 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/274 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/275 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/276 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/277 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/278 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/279 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/280 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/281 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/282 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/283 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/284 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/285 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/286

XI

L’abbé Naïm sortant de sa chambre appela :

— Désiré !

Le jeune valet de chambre apparut en gilet noir, en faux-col glacé et il fourrait dans sa poche la petite glace ovale dans laquelle il se mirait quand son maître l’avait appelé.

— Voilà ! monsieur le curé !

— Désiré, nous allons avoir ce matin à déjeuner mon ami, M. Muzard, dont je viens de recevoir une lettre. Il faudra préparer quelque chose.

Désiré Cosquard fit une moue de déplaisir et retourna s’installer à la cuisine pour la lecture de son journal. Il ne se mettait guère au travail qu’à dix heures, quand son maître descendait dans la zone. Il avait alors l’ordre de cirer Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/288 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/289 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/290 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/291 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/292 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/293 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/294 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/295 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/296 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/297 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/298 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/299 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/300 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/301 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/302 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/303 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/304 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/305 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/306 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/307 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/308 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/309 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/310 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/311 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/312 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/313 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/314 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/315 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/316

CINQUIÈME PARTIE

XII

Au mois de juillet, les actions de la Navigation soudanaise atteignirent huit cents francs. C’était une valeur de coulisse merveilleusement assise, dont la montée régulière, quoique soudaine, ne pouvait effrayer personne. Même un matin, Leherpeux arriva en coup de vent dans le bureau vitré de Solème, à l’usine de Grenelle, où il savait bien trouver Cyprien Loche.

— Qu’y-a-t-il ? demanda le banquier avec son flegme ordinaire.

— Il y a, dit le démarcheur, dont le plaisir présent accroissait l’accent méridional, il y a que la baronne Avignon, la tante de Solème est avec nous maintenant. Oui, mon cher Solème, je l’ai Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/318 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/319 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/320 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/321 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/322 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/323 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/324 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/325 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/326 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/327 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/328 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/329 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/330 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/331 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/332 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/333 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/334 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/335 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/336 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/337 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/338 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/339 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/340 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/341 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/342 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/343 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/344 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/345 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/346 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/347 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/348 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/349 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/350 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/351

XIII

Désiré Cosquard très pâle, se sentant dévisagé par les yeux inquisiteurs de Muzard, frappa doucement à la porte de son maître. Celui-ci ayant dit d’entrer, Désiré annonça.

— Monsieur le curé, c’est M. Muzard.

Le prêtre apparut couché dans un petit lit de fer, au fond de la chambre nue. Son visage était amaigri, et la barbe noire parmi le blanc des oreillers accentuait encore la blancheur de son teint. Mais il n’avait cependant pas ce faciès angoissant de ceux vers qui la mort s’achemine. 11 était plutôt le convalescent qui revient lentement à la vie, et dont l’aspect donne un signe d’espérance. On l’avait opéré pour un abcès au poumon un mois auparavant, et sauf la faiblesse persistante, sa santé redevenait normale. Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/353 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/354 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/355 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/356 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/357 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/358 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/359 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/360 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/361 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/362 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/363 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/364 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/365 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/366 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/367

XIV

Huguette Gérard, se courbant, encadra son délicat visage aux yeux bleus et tendres dans le guichet du bureau de Muzard.

— Dites, mon vieux, j’ai à vous parler, c’est urgent, urgent. Vous ne pourriez pas sortir avec moi, dès ce matin ?

Le matin, Muzard n’avait pas de grosses besognes, mais il lui fallait, pour la plus petite liberté, l’autorisation du chef de la comptabilité.

— Les femmes sont toujours les mêmes, grommela-t-il. Elles n’ont pas la moindre idée des obligations professionnelles. Elles les arrangeât à leur gré.

— Muzard, insista Huguette d’un ton de supplice lion et en même temps de reproche qui attendrit le jeune homme, si tous saviez dans quelle Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/369 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/370 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/371 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/372 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/373 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/374 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/375 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/376 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/377 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/378 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/379 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/380 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/381 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/382 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/383 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/384 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/385 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/386 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/387 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/388 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/389 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/390 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/391 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/392 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/393 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/394 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/395 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/396

DERNIÈREE PARTIE

XV

— Une belle journée de printemps, n’est-ce pas, monsieur Muzard ? dit Constant, le garçon du Café de la Paix en apportant à son client le bock obligatoire. On se croirait plutôt en mai qu’en mars.

— Plutôt en mai qu’en mars, oui, répéta bénévolement Muzard distrait.

Il sentait lui aussi cette influence printanière qui alanguissait tout le monde et peuplait les terrasses du boulevard de buveurs et de fumeurs béats. Il laissait présentement son esprit flotter en des divagations qu’il jugeait aussi sottes qu’agréables. Il opérait un rapprochement entre Marie Plichet et Constant ; il unissait leurs deux sollicitudes ; il en Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/398 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/399 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/400 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/401 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/402 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/403 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/404 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/405 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/406 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/407 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/408 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/409 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/410 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/411 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/412 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/413 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/414 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/415

XVI

Jean Solème ouvrit la porte du cabinet de toilette où sa femme se coiffait, assise devant le miroir. Ce fut dans cette glace qu’elle le vit, en pardessus, le haut de forme sur la tête, tel qu’il revenait d’ordinaire à midi. Or, il était onze heures du matin. Il se découvrit et jeta sa lourde serviette sur la table laquée, où tous les flacons d’Yvonne dansèrent du coup. 11 était blême. Sa mâchoire inférieure tremblait ; sa mèche blonde pendait lamentablement sur sa tempe ; il la releva de ses ongles en disant :

— L’usine est fermée !

Le bras nu d’Yvonne, qui à ce moment soutenait la masse brune de ses cheveux, retomba le long du peignoir blanc ; les cheveux se répandirent sur ses épaules ; elle se retourna vers son mari, angoissée. Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/417 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/418 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/419 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/420 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/421 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/422 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/423 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/424 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/425 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/426 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/427 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/428 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/429 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/430 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/431 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/432 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/433 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/434 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/435 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/436 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/437 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/438 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/439

XVII

— Vous êtes triste, Muzard. Est-ce qu’un beau feu de bois ne vous égayerait pas ?

Et Andrée Ornans, des bûches plein son tablier, s’agenouilla devant l’âtre pour attiser le feu dans la grande pièce claire.

Muzard se récriait. Allumer du feu ? c’était de la folie, li ne faisait pas froid. Est-ce que le soleil d’avril n’avait pas chauffé cette chambre toute la journée ? D’ailleurs, il n’avait guère qu’une demi-heure à passer ici, le temps de fumer une pipe avec sa bonne camarade. Après, il faudrait rentrer. Mais elle ne voulut rien entendre. Bientôt la cheminée ronfla, et des flammes dansèrent dans l’âtre, noyant la lumière de la lampe. Alors Muzard se laissa glisser aux confidences. Andrée Ornans était assise près de lui, sur un fauteuil Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/441 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/442 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/443 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/444 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/445 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/446 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/447 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/448 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/449 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/450 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/451 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/452 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/453 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/454 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/455 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/456 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/457 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/458 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/459 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/460

XVIII

Sur le quai de la gare de Lyon, muzard attendait le rapide de Nice, en arpentant l’asphalte. Yvonne lui avait écrit pour le prier d’être là, ne voulant pas voir d’autre visage que le sien en débarquant. Et il était venu, le cœur rongé par le chagrin, mesurant quelle avait été cette amitié protectrice qui, pendant des années, l’avait lié au malheureux Solème. Ce drame de la fin l’épouvantait encore. Plus il réfléchissait, plus il devenait sévère à l’égard de l’insatiable Yvonne, cause de tout. Il pensait : « Je ne pourrai m’empêcher de le lui dire. Elle a été le poison de son mari, avec son désir de l’argent. Solème était bon, il ne demandait qu’à aimer ; elle a exploité l’amour de Solème pour l’asservir à l’argent. Oui, je lui demanderai ce qu’elle a fait de ce grand garçon si doux, si épris de la vie, qu’elle emmePage:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/462 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/463 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/464 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/465 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/466 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/467 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/468 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/469 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/470 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/471 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/472 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/473 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/474

Elle dit sans rougir :

— Quelle bonne journée !

Ils étaient si pressés de s’en aller à la barrière de Montreuil, qu’ils renoncèrent au café infect du restaurant et coururent au Métro, dès le dessert. Ils étaient heureux comme deux êtres qui ont réalisé dans la plénitude leurs plus profondes et leurs plus ardentes ambitions. Ils parlaient peu, séparés souvent par des voyageurs. Mais de loin, quand leurs regards se croisaient, ils s’adressaient un sourire de confiance absolue.

L’abbé Naïm n’était pas chez lui, et Désiré même était sorti ; mais la concierge les envoya dans la zone où, ajouta-t-elle, d’un air méprisant, ils trouveraient sûrement M. le curé,

— Tant mieux, dit Muzard, c’est là qu’il faut voir Naïm !

Ils pénétrèrent par la petite porte entre-bâillée dans la palissade verte. Là-bas, face à la cité des roulottes que décoraient des loques séchant au soleil, une grande baraque en bois s’était élevée. De loin, Muzard et Andrée Ornans virent une foule déguenillée se presser alentour. Ils s’acheminèrent vers l’entrée et durent, pour trouver la porte, fendre une masse d’hommes et de femmes malodorants.

À l’intérieur, de longues tables étaient dressées d’un bout à l’autre de la baraque ; des misérables y étaient assis et l’on aperçut l’abbé Naïm, une soupière au bras, allant de place en place, disPage:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/476 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/477 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/478 Page:Yver - Le Mystere des beatitudes.djvu/479

— Vous l’avez compris, vous, dit encore l’abbé Naïm, en fixant sur les deux jeunes gens son regard de liseur de pensée. C’est pourquoi la béatitude vous est acquise.

— L’argent, dit Andrée Ornans toute frémissante, nous le méprisons autant l’un que l’autre.

L’abbé Naïm s’adressant à Muzard lui dit :

— Je t’avais bien dit que, quand l’amour jaillirait de ton cœur pour une femme, ce serait un amour sans pareil.

Muzard et Andrée se regardèrent angoissés. Une seconde, leurs paupières battirent, puis leurs yeux se contemplèrent sans trouble. La vérité venait de leur apparaître.

L’abbé Naïm prononça :

Beati pauperes.

FIN

E. GREVIN— — IMPRIMERIE DE LAGNY-7949-7-18.
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TABLE DES MATIÈRES

(ne fait pas partie de l’ouvrage original)

Première partie
Deuxième partie
 103
 125
Troisième partie
 155
 185
 198
Quatrième partie
 229
Cinquième partie
Dernière partie