Le N° 13 de la rue Marlot (Pont-Jest)/XXII

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E. Dentu (p. 311-313).


XXII

OÙ MAÎTRE PICOT LUI-MÊME EST SATISFAIT.


Un mois après cette terrible journée du 10 juillet, Robert Romello comparaissait, lui aussi, devant le jury, et s’asseyait, mais sans crainte, à cette même place où Marguerite avait tant souffert et tant pleuré.

L’audience ne dura que peu d’instants. Par un sentiment qui prouvait la noblesse et l’élévation de son caractère, M. Gérard avait voulu siéger de nouveau. En termes éloquents et dignes, il abandonna l’accusation, et Romello s’entendit bientôt acquitter à son tour.

Dès le lendemain, Robert et Marguerite s’éloignaient de Paris, non sans avoir chaleureusement remercié maître Lachaud et William Dow, leurs deux sauveurs.

Marguerite voulut d’abord aller à Reims, pour s’agenouiller pieusement sur la tombe qui renfermait son père et sa fille, car Romello avait fait transporter le petit corps dans le caveau de la famille Rumigny.

Puis ils partirent pour l’Italie et, quelques semaines plus tard, Marguerite et Robert étaient mariés, unis dans le bonheur et l’espérance comme ils l’avaient été dans la douleur et le désespoir.

Pendant ce temps-là, M. Adolphe Morin commençait l’année de prison à laquelle il avait été condamné pour faux témoignage.

Quant au mystérieux étranger, il avait disparu, et Picot n’y songeait déjà plus, lorsqu’il reçut un matin, sous un large pli, sa nomination de brigadier et les lignes suivantes :

« En matière de police, aussi bien qu’en matière d’instruction et de médecine légale, ne rien faire à la légère et de parti pris ; ne jamais juger sur les apparences, ne pas négliger les choses qui semblent les plus futiles, surtout ne pas s’entêter dans une idée ! Quelles que soient ses fonctions, celui qui sauve un innocent remplit mieux son devoir qu’en aidant à la condamnation de dix coupables ! »

— Parfait ! s’écria maître Picot, enchanté de cette bonne fortune inattendue ; quel brave homme que cet Américain ! Il faudra que je fasse lire ça à M. Meslin, lui qui m’a si bien traité d’imbécile !

Nous dirons un jour quels puissants motifs avait William Dow de mettre en pratique, ainsi que nous venons de le voir par ce résultat, la maxime énoncée dans les deux dernières lignes de sa lettre à maître Picot.


FIN.