Le Nid (Dussauze)/11

La bibliothèque libre.
Librairie Fischbacher (p. 98-113).

Chapitre XI

Une Journée dans le Bois.

« Qui veut aller dans le bois aujourd’hui, pour y déjeuner sur l’herbe ? » demande Maman, un matin qu’il fait très beau.

« Moi ! — moi ! — moi ! — moi ! » crient quatre voix joyeuses.

— « Eh ! bien, allez vite vous habiller, pendant que je mettrai les provisions dans les paniers. »

Les enfants sont enchantés d’aller au bois. C’est si amusant de déjeuner sur l’herbe !

Ils courent vite mettre leurs chapeaux et leurs bottines et font beaucoup de bruit en montant et en descendant l’escalier.

« Nous sommes prêts, Maman ! » crient-ils tous à la fois.

— « Déjà ! Vous n’avez pas mis beaucoup de temps à vous préparer. Je serai prête dans deux minutes. »

Papa ne pourra pas aller au bois tout de suite, parce qu’il doit aller visiter ses malades, mais il ira retrouver tout son petit monde un peu plus tard.

À présent tout le monde est prêt à partir.

— « Qui portera les paniers ? » demande Maman.

— « Moi, » dit Jean.

— « Moi, » dit Pierrot.

— « Il y a deux paniers, » dit Jean : « nous en porterons chacun un, Pierrot et moi. »

— « Ils sont un peu trop lourds, » répond Maman ; « vous ne pourriez pas les porter jusqu’au bois. »

— « Je suis très fort, moi ; » dit Jean, et il soulève le plus grand des deux paniers.

Mais Maman dit : — « Jean et Pierrot porteront un des paniers entre les deux. Bébé ira dans sa petite voiture, et Nounou et moi porterons l’autre panier. »

— « Et nous, Maman ? Qu’est-ce que nous porterons ? » demandent Jeanne et Louisette.

— « Vous, vous pousserez la voiture de Bébé jusqu’au bois.

« Est-ce que tout le monde est content ? »

— « Oui, Maman, » répondent tous les enfants.

On se met gaiement en route.

Bébé Paul est aussi content que les autres enfants.

Il rit et saute dans sa petite voiture.

Le bois n’est pas très loin. On y arrive bientôt.

Comme il y fait bon !

L’herbe est si verte, et les petites fleurs paraissent si fraîches et si jolies !

Dans les arbres, les oiseaux chantent leurs plus jolies chansons.

Ils sont contents qu’il fasse beau temps.

On choisit un joli endroit bien gazonneux pour s’arrêter.

On pose les paniers par terre, au pied d’un arbre.

— « Maintenant, » dit Maman ; « il faut chercher du bois bien sec pour faire du feu. Nous ferons cuire les pommes de terre sous la cendre. »

Tous les enfants se mettent à la recherche du bois. Ils trouvent beaucoup de petites branches mortes, et ils en ramassent autant qu’ils en peuvent porter.

Bientôt, ils en ont fait un grand tas, et Maman dit qu’il y en aura assez.

On arrache un peu d’herbe, à l’endroit où on veut faire le feu, parce que l’herbe empêcherait le feu de prendre.

Puis Nounou met quelques branches ensemble, avec du papier, et elle allume le feu avec une allumette.

Aussitôt une jolie flamme bleue s’élève et le bois craque.

Alors Nounou ajoute du bois, et au bout d’un moment il y a un grand feu.

Les enfants sont très contents.

— « Oh ! le beau feu ! » s’écrient-ils, et ils se mettent à danser tout autour.

Bébé frappe ses petites mains l’une contre l’autre et dit :

— « Beau ! beau ! »

Aussitôt qu’il y a assez de cendres, Maman y met les pommes, de terre.

« Nous allons sortir les provisions des paniers, pendant que les pommes de terre cuiront ; » dit-elle.

Maman et Nounou sortent d’abord une nappe qu’elles étendent par terre ; puis des assiettes, des couteaux et des fourchettes ; puis des verres.

Alors on sort les provisions.

Les enfants ne savent pas ce que Maman a mis dans les paniers, et ils sont très impatients de voir ce qu’il y a pour le déjeuner.

Il y a d’abord du poulet, enveloppé Dans le bois, Jean, Jeanne, Pierrot et Louisette dansent autour du feu. À l’arrière, la nourrice porte Paul et une ombrelle.
Dans le bois
dans une serviette ; il y a du saucisson, des œufs durs, du pain, du beurre, un grand pâté aux pommes, des fraises et puis des gâteaux, de ces bons gâteaux que Julie sait si bien faire.

Les enfants sautent de joie à la vue de tant de bonnes choses.

Ils ont très faim, et ils voudraient manger tout de suite.

Mais Maman dit :

— « Il faut attendre Papa : il va arriver tout de suite, sans doute. »

— « Nous avons oublié d’apporter à boire ; » dit Nounou. Tout le monde fait : « O-o-o-o-h ! »

Comment faire ? On ne peut pas manger sans boire.

Tout à coup Jeanne s’écrie :

— « Voici Papa ! Il nous apporte à boire. »

En rentrant de ses visites, Papa a demandé à Marie, qui avait aidé à Maman à mettre les provisions dans les paniers, si on n’avait rien oublié pour le déjeuner, et Marie s’est rappelé qu’on n’avait pas emporté de boisson.

Et maintenant, Papa arrive avec une bouteille de vin et d’eau pour les plus grands de la compagnie, et une bouteille de lait pour les plus petits.

« Est-ce que tout est prêt ? » demande Papa : « J’ai très faim. J’ai envie de manger tout le déjeuner, et de ne pas en laisser pour les autres. »

Tout le monde rit, car on sait bien que Papa plaisante.

« Tiens ! voici Black ! »

Ce pauvre Black ! on avait oublié de l’emmener ; et il a profité de ce que la grille du jardin était ouverte, pour sortir et venir trouver ses maîtres.

Il est très content de les retrouver et saute de joie en aboyant et en agitant sa queue.

Les enfants aussi sont contents de le voir, et ils le caressent en disant :

« Pauvre Black ! »

Nounou apporte les pommes de terre qui sont cuites à point, et tout le monde s’assied autour des provisions.

On mange avec grand appétit, et lorsqu’on a fini, il ne reste plus rien du tout, excepté les os du poulet qu’on donne à Black.

« Voulez-vous faire une partie de cache-cache ? » demande Maman.

— « Oh ! oui ! ce sera très amusant dans le bois. »

— « Mais il ne faudra pas trop vous éloigner d’ici, parce que vous pourriez vous égarer. »

— « Oh ! non, Maman ; nous n’irons pas loin. »

— « Papa, veux-tu jouer avec nous ? » demande Jeanne.

— « Je veux bien, si vous ne courez pas trop vite, » répond Papa.

Tout le monde rit, parce qu’on sait bien que Papa, avec ses longues jambes, peut courir plus vite qu’aucun des enfants.

C’est Papa qui se cache d’abord, et tous les enfants le cherchent.

Jeanne l’a trouvé, derrière un grand orme.

Elle court après lui, et Papa fait semblant de courir très vite.

Bientôt, tous les enfants sont autour de lui.

Jeanne l’attrape par sa manche ; Jean, par le bas de son paletot ; Pierrot, par sa chaîne de montre, et Louisette met ses deux bras autour de sa jambe gauche.

Alors Papa fait semblant de tomber par terre ; et tous les enfants roulent sur l’herbe, ce qui fait beaucoup rire tout le monde.

C’est au tour de Louisette de se cacher.

Elle n’aime pas aller seule se cacher dans le bois ; alors Jean, en bon frère, va avec elle.

« Il faut aller très loin ; » dit Jean, « pour qu’on ait beaucoup de peine à nous trouver. »

— « Oh ! non ! pas loin, Jean ! Maman a dit qu’il ne fallait pas aller loin. »

— « Maman l’a dit à Jeanne et à Pierrot, parce qu’ils ne connaissent pas le bois : moi, je le connais très bien. Viens vite. »

Ils s’arrêtent près d’un joli buisson d’aubépine tout en fleurs.

« Cachons-nous derrière ce buisson ; » dit Jean.

Ils sont cachés depuis quelque temps déjà ; mais personne n’est encore venu près du buisson.

« Nous ferons peut-être bien de nous rapprocher de l’endroit où nous avons déjeuné ; » dit Jean. « Je crois que ce petit sentier y mène tout droit. »

Mais le sentier ne mène pas du tout où Jean croyait.

Il s’aperçoit qu’ils s’éloignent de plus en plus de l’endroit où les autres sont restés.

« Je crois que je me suis trompé, » dit Jean, un peut inquiet ; « nous allons retourner sur nos pas. »

Il croyait pouvoir facilement retrouver le buisson d’aubépine ; mais il voit qu’il s’est encore trompé ; car les deux enfants marchent longtemps, et pourtant ils n’arrivent pas au buisson.

« Je crois que nous nous sommes perdus ; » dit Jean, enfin ; « et il se met à crier de toutes ses forces :

« Papa ! Papa ! »

Personne ne répond, et Louisette se met à pleurer.

Jean a bien envie de pleurer aussi ; mais quand on a neuf ans et qu’on apprend le latin, on est trop grand pour pleurer.

Il regrette bien sa désobéissance.

Il se dit que s’il avait écouté Maman, il ne se serait pas égaré avec Louisette.

« Papa ne pourra plus nous trouver, et les loups nous mangeront, » sanglote Louisette.

— « Il n’y a pas de loups ici, » dit Jean ; « et le bois n’est pas très grand. Papa sera sur de nous trouver bientôt. »

Il se remet à crier :

« Papa ! Papa ! »

— « Ne pleure pas, Louisette, » dit Jean, en embrassant sa petite sœur : « Papa viendra bientôt. »

Pourtant, voilà déjà longtemps qu’ils sont là, tout seuls, et personne ne vient.

Jean pense qu’il fera bientôt nuit, et alors, que feront-ils, lui et Louisette, tout seuls dans le bois.

Tout à coup, on entend un drôle de bruit dans les buissons.

C’est un animal qui arrive en courant.

Louisette pousse un cri :

« C’est un loup, Jean ! »

Mais ce n’est pas un loup.

Devinez ce que c’est…

C’est Black, le brave Black, qui a enfin trouvé ses petits maîtres.

Il est si heureux de les revoir qu’il saute sur eux en aboyant de toutes ses forces.

Alors on entend une voix qui vient de très loin, et qui crie :

« Jean ! Jean ! »

Jean et Louisette répondent joyeusement ; « Papa ! Papa ! Nous voici ! »

Papa arrive bientôt auprès des enfants.

Il prend Louisette dans ses bras, car elle est bien lasse : elle a marché si longtemps.

Papa ne gronde pas Jean, parce qu’il sait qu’il a été bien puni de sa désobéissance.

Il lui dit seulement :

« J’espère que tu seras plus obéissant à l’avenir, Jean. »

— « Oui, Papa ; je suis bien fâché d’avoir été désobéissant ; répond Jean.

Papa et Jean marchent longtemps, car ils étaient bien loin de l’endroit où Maman les attend.

Maman est bien heureuse de revoir les enfants.

Tout le monde a été très inquiet à leur sujet.

On caresse Black, et on lui donne du sucre pour le récompenser d’avoir trouvé Jean et Louisette.

Il commence à se faire tard ; il faut retourner bien vite à la maison.

Pour finir une journée si bien commencée, Papa dit des choses très drôles tout le long du chemin, et les enfants rient beaucoup.