Le Parfum des prairies (le Jardin parfumé)/8

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CHAPITRE VIII

DES DIFFÉRENTS NOMS
DU MEMBRE DES HOMMES


Écoutez, Seigneur Vizir, que Dieu protège de tous les maux !

Le tota possède une quantité de noms ; on l’appelle :

El camara, l’élastique ; El denere, le membre ; El herc, le soufflet qui s’enfle ; Oul Armaka, qui produit le jus ; El zeb, oul hamer, morceau de viande ; Oul fenslady, qui se balance ; Oul Naace, le donneur ; Oul zedam, qui pousse fort ; Oul rehab, le batteur ; Oul Mouchéfy, qui guérit ; El ralif, le bien du cœur ; Oul Quérat, la percerette ; Oul dekaque, le frappeur ; Oul Aouhany, le nageur ; Oul dural, qui entre dedans ; Oul kroredj, qui sort ; Oul Aoueur, le borgne ; Oul dema, qui pleure ; Bou requehab, le grand col ; Oul fortass, le sans poils ; Ouad el Ayn, le cyclope ; Oul heuthery, l’énorme ; Bon quetaza, le poilu ; Oul bass, l’effronté ; Oul Mestay, le honteux ; Oul betay, qui reste longtemps ; Oul czez, la balançoire ; bou labah, qui frétille ; Oul chelbaque, qui bat l’eau ; Oul etzèque, qui déchire ; Oul fetseche, le chercheur ; Oul bakèque, le frotteur ; Oul Montalal, le curieux ; Oul Moncachef, le raide.

Le zeb est d’une grande importance et d’une haute utilité. Celui qui, à la suite d’un accident ou d’une maladie, ne connaît plus son sexe, entendra dire de lui : Cet homme est perdu ou à peu près ; son zeb est mort.

Le zeb a aussi une grande influence dans les songes ; celui qui rêvera à l’amputation de ce membre, doit s’attendre à un malheur prochain.

Voici encore la manière d’expliquer quelques rêves d’après les savants des temps anciens.

Celui qui voit tomber ses dents doit se préparer à mourir.

Si ses ongles se brisent, il verra ses projets déjoués ; mais s’il aperçoit les ongles de ses pieds venir à ses mains et réciproquement ceux de ses mains pousser à ses pieds, il aura victoire complète sur ses adversaires. Si c’est son ennemi dont les ongles s’éraillent, cet ennemi succombera dans la lutte.

Celui que deviendra gros et gras fera une longue maladie.

Si l’on rêve que l’on meurt, on éprouvera de grands soucis, car le songe donnant le repos, le réveil doit amener de tristes épreuves.

Celui qui, dans son sommeil, se verra entouré de roses, fera un rêve heureux ; il en sera de même de celui qui sera enveloppé de jasmins et de lilas ; le repos fleuri est toujours gracieux.

En rêve un homme qui trompe sera trompé.

S’il voit le vent dessécher un jardin, la misère est proche, mais si une douce rosée ranime les fleurs, l’opulence arrive.

Si l’on est dans un puits, malheur certain, inévitable.

Si on lutte contre le courant d’un torrent déchaîné, embarras, tracasseries, incertitude de succès.

Si l’on se cache après avoir commis une mauvaise action, lâcheté et couardise.

Celui qui scie du bois apprendra de bonnes nouvelles.

S’il voit un encrier, il obtiendra une recette excellente pour guérir les maux qui l’obsèdent.

S’il aperçoit un fourneau de pipe, oubli complet de ses chagrins d’amour, qui s’évanouiront comme la fumée dans l’air.

Celui qui verra son turban s’abaisser sur ses yeux, deviendra aveugle. Que le démon s’éloigne !

Le cavalier qui, après avoir laissé tomber son fusil, le trouve intact en le ramassant, celui-là vient d’échapper à un grand danger et pourra impunément faire parler la poudre. Mais si son arme est brisée, malheur à lui ! Il perdra bientôt la vie, ou tout au moins son cœur.

Quand on rêve à une fenêtre ouverte, la mauvaise chance s’éloigne avec d’autant plus de rapidité que la croisée sera plus grande. Si l’ouverture est très étroite, on aura grande peine à repousser l’adversité, mais l’on y parviendra.

Malheur ! trois fois malheur à celui qui verra le feu.

Celui qui verra les arbres vertement feuillés peut entreprendre un heureux voyage. La caravane arrivera sans encombre à destination, et le succès sera d’autant plus complet que les arbres seront plus grands.

Celui qui verra un fusil chargé prêt à faire feu pourra craindre une indiscrétion compromettante ; si le coup part, c’est un secret trahi.

Celui qui rêvera cruche cassée ne sentira jamais la raison habiter son cerveau. Si un verre se brise dans sa main, laissant couler à terre le vin qu’il contenait, il a quelques chances de devenir vertueux de vicieux qu’il était ; mais si le verre ne se rompt pas, il sera mauvais tout le reste de sa vie.

La vue d’une souris est de bon augure ; elle promet abondance et richesse.

Et l’ami voyageur auquel on souhaite le bien, ne tardera pas à venir vous demander la sainte hospitalité.

Lorsqu’en songe tu souhaiteras le bien à un ami
Qui depuis longtemps aura quitté sa tente,
Ne dis pas : Mon frère est bien loin,
Car vos cœurs sont proches et sa main va frapper à ta porte.

Un jour, Aroun-al-Raschid, assis près de son confident, causait avec lui de choses intimes, lorsqu’un puissant désir s’emparant de lui, il se leva pour aller trouver sa femme préférée. Mais ayant commencé d’amoureuses caresses, il se retira d’elle tout à coup, car il venait de s’apercevoir qu’elle avait le dem. Il revint tristement prendre place vers son ami, et sa langue se taisait, prisonnière dans sa bouche, son âme était sombre et son front rêveur. Il était ainsi depuis plusieurs heures, absorbé dans un morne silence, lorsqu’une négresse, esclave de sa bien-aimée, lui apporta de la part de sa maîtresse un sucrier rempli de douceurs.

— Que signifie cela, dit le Commandeur des Croyants.

Puis s’adressant à son confident :

— Pourrais-tu me l’indiquer, toi qui es poète ? Celui-ci, saluant Aroun-al-Raschid, chanta :

Du sucre elle a pour toi la douceur,
De ce cristal son corps a maintenant la pureté,
De ces bords la suave odeur qui s’exhale,
Fait penser ton cœur à son amour.
Va la rejoindre, elle t’en prie,
Et le dégoût fuira de ta pensée.

Et le Sultan, ayant suivi le conseil de son ami, se réjouit, ne trouvant plus aucune trace de ce qu’il redoutait tant.

Si l’on voit en rêve un sabre sorti du fourreau, c’est qu’un jour l’on déviera de la ligne droite.

Si l’on voit sa barbe devenir grande, l’on parviendra à la richesse et à la puissance.

Si l’on tombe à terre, on périra misérablement.

L’homme qui a la barbe touffue, a toujours la tête légère. Ainsi le disent d’anciens manuscrits.

Celui dont la barbe pousse rapidement a peu de cervelle.

Celui dont le menton est abondamment couvert de poils, et qui a l’habitude de les prendre à poignée, ira en enfer, ou, conservant son habitude de faire, le feu dévorera bien vite sa barbe jusqu’à sa main. Alors ouvrant celle-ci à cause de sa chaleur, la flamme brûlera le reste et atteindra la figure, qui sera également détruite.

Un jour, Aroun-al-Raschid, se promenant dans les rues de sa capitale, rencontra, étendu par terre, un pauvre homme dont les haillons, qui riaient de toutes parts, avaient peine à cacher la nudité.

— Qui es-tu ? lui demanda le Sultan.

— Je me nomme Ben Alouïa.

— Et que fais-tu ?

— Je suis pileur de grains.

— Qu’est-ce que tu penses, dit le Commandeur des Croyants, d’un homme qui se couche à la renverse sans prendre le soin de cacher son tota, lequel sort par un vilain trou, comme un borgne curieux de voir les choses de ce monde.

Mais le malheureux répondit par des paroles tellement incohérentes, que le grand Chef, se retournant du côté de ceux qui l’entouraient, leur dit en vers :

Voyez la longue barbe de ce fou,
Elle tombe abondamment sur sa poitrine,
Mais c’est aux dépens de sa cervelle,
Qui nourrit les poils de son menton.

Il y a des noms qui portent bonheur. Ceux qui s’appellent Mohammed, Hamed, Mahmoud, Hamedanitz, Amadoun, sont plus particulièrement sous l’œil de Dieu.

Mais les noms par excellence sont Abd-el-Aziz et Habdelatef. Les musulmans qui auront ceux-là seront presque toujours préservés de malheur ; Allah leur donnera la sagesse et les rendra bons.

Ce sera un heureux présage de faire deux nuits de suite le même songe.

Mais notre esprit court depuis longtemps comme la folie, perdant de vue le but qu’il veut atteindre. Revenons donc promptement au sujet de notre livre et nous dirons des paroles sensées.

Le zeb, à cause de sa grande distinction, méritait une foule de noms indiquant ses grandes vertus.

Quand il se gonfle, il est tout fier ; mais lorsqu’il dort il devient mou et ressemble assez à un pigeon qui couve ses œufs ; s’il se raidit, l’oiseau fait mine de s’envoler pour aller à la recherche d’un nouveau nid : cette situation se nomme hameuc. Il balance alors orgueilleusement sa tête, puis il devint furieux et cherche comme un aveugle la porte du salut qu’il finit pas trouver et envahir.

Le zeb est le mot poli employé par les gens du monde pour désigner la clef qui ouvre si bien le zouque.

Lorsque le zeb est entre les cuisses et en-dessous du tortouche, il est bien près du port ; alors il entre en frétillant, ce qui le fait souvent appeler honiche, serpent.

Quand le tota et le zouque sont en présence, il leur arrive parfois de discourir, et tous deux parlent capitulation. Le zeb est comme un capitaine d’armée en face d’une forteresse ; le zouque s’effraie et veut repousser cet agresseur à la tête humide. Jamais, dit-il, tu ne franchiras la poterne. Mais l’autre qui sourit, balance son front et répond : Soyons amis, notre alliance sera bonne, je t’assure. Puis il approche plus près et le zouque, riant à son tour, se livre tout désarmé et reste tout ébouriffé de la fougue de l’assaillant, qui cherche les coins et les recoins, voulant connaître à fond les moindres secrets que désire encore lui cacher sa victime. Puis il entre, ressort, pénètre jusqu’au fond où il se fait mordre par Aoualda, qui lui crie : Tu es blessé à mort, car voilà ton sang qui coule. En effet, Sidi zeb se retire, des contractions nerveuses font croire à son agonie ; pourtant il n’en est rien, car il remonte bientôt à l’assaut, plus vigoureux que jamais. Mais le succès le perd, et il se retire la tête basse pour s’endormir, comme s’il était ivre.

Donnons maintenant l’explication de quelques-uns des noms donnés au zeb au commencement de ce chapitre.

Zedam, qui pousse fort, est celui qui entre brutalement dans le zouque ; il renverse tout, ne connaît aucun obstacle et éprouve un bonheur aussi grand que s’il avait subi un siècle de continence.

Rebat, le batteur. Celui-là n’entre jamais du premier coup ; il est discret et frappe à la porte avant de s’introduire. Il caresse la femme et la rend heureuse sans chercher son propre bonheur ; puis lorsqu’il en est temps, il envahit le doux sanctuaire en sifflant comme un serpent, criant : Prends tout ; et ne sortant de là qu’après complète satisfaction.

Querat ou Queded, la percerette. Celui-ci entre tout droit, perfore le zouque et jouit sans façon.

Aouham, le nageur. Il navigue en entrant et se balance tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, comme un navire battu par la mer.

Daral et Keradj, qui entre et qui sort. Son nom indique assez sa façon d’agir.

Aoueur, le borgne. Il ne possède qu’un trou qui ressemble à l’œil d’un homme à moitié privé de la lumière.

Oul dema, qui pleure. Celui-là est fort sensible : en colère, il pleure ; en repos, il pleure encore ; lorsqu’il voit une jolie figure, il pleure toujours. Quand il touche une peau blanche, il gémit ; et quand il se souvient, il meurt.

Bou Requehab, le col. Rien n’est plus énorme que ce membre, large de gosier, épais de dos, la tête toujours tendue ; son corps est traversé en tous sens par des veines grosses et apparentes.

Fortass, sans poils. Ainsi nommé parce qu’il n’a pas de cheveux sur la tête.

Ouad el Ayn, le cyclope ; comme Aouham, le borgne.

Heutgéry, l’énorme ; comme Bou Requehab, le col.

Bou Quetaya, le poilu. Il est couvert de poils.

Oul Bass, l’effronté. Celui-là n’a honte de rien ; il fait lever sa chemise avec sa tête et se balance comme les Aïssaouas. Le zouque est heureux de lui accorder ses entrées, car il fait fi des modestes.

Oul Becay, le chagrin ; comme Oul Dema, qui pleure.

Oul Ezez, la balançoire. Celui-là commence par se balancer, puis il s’enfonce tout entier avec ses claouës.

Bou Labah, qui frétille. Celui-ci est fort goûté des femmes ; son travail agréable les fait mouiller bien vite.

Chelbaque, qui bat l’eau. Lorsque celui-là entre dans sa maîtresse, elle jouit bien vite ; alors il nage dans ses eaux, imitant le bruit d’une cascade. Il est solide, fort, entêté, habile à prendre les pucelles. Chelbaque se dit encore d’un membre qui nique avec un zouque qui a des flueurs blanches, parce qu’il fait, en se remuant, le même bruit que s’il battait du beurre.

Fetzeche, le chercheur. Il est indiscret, entre dans tous les coins, ne sait pas rester en place ; il se promène à droite et à gauche, en haut, en bas et au milieu.

Hakeque, le frotteur. Il caresse amoureusement avec sa tête avant d’entrer ; il est câlin et gracieux et non pas sérieux comme le fetzeche, le chercheur, mais perdant son temps aux bagatelles de la porte, il lui arrive souvent d’être heureux sans aller plus loin.

Moutalal, le curieux. Il cherche le bonheur qu’il comprend à merveille. Quand il arrive bien au fond, il rencontre ce que d’autres ne savent pas trouver et parvient là où personne n’arrive.

Moucachef, le raide. Ce dernier est plein d’orgueil, marchant toujours en avant et ne pliant jamais.

En voici suffisamment sur le membre des hommes.