Le Parnasse contemporain/1866/Bric-à-brac
Un soir je m’arrêtai devant une boutique
Où gisait pêle-mêle un amas surprenant
D’armes et de vieux pots qu’un brocanteur sceptique
Avait entassés là pour vendre à tout venant.
Le long des murs jaunis comme de vieilles pipes
On pouvait entrevoir dans les angles profonds
Quelques groupes piteux de lamentables nippes,
Vaniteux oripeaux transformés en chiffons.
Parmi tous ces débris et toutes ces guenilles,
Un verre de Venise aux contours élégants,
Ainsi qu’un papillon entouré de chenilles,
Jetait sur ses voisins des reflets arrogants.
Ruisselants de bijoux, par d’illustres orfévres
Ciselés, ses flancs bleus conservaient les parfums
Qu’y laissèrent les vins de Toscane et les lèvres
Des femmes que chantaient les poëtes défunts.
Auprès de ce chef-d’œuvre aux formes si suaves,
Vieux champions des droits que César profana,
Plusieurs bustes romains, impassibles et graves,
Causaient de Spartacus ou de Catilina.
Non loin de là, debout, une grande rapière
Du temps de Charles neuf, écoutant leurs propos,
Se tenait à l’écart, farouche, droite et fière,
Et dans un coin obscur se rouillait en repos.
Pensif en contemplant ce bizarre assemblage
De reliques, longtemps je me suis arrêté,
Car toutes me parlaient votre muet langage,
Vieil honneur, vieil amour, et vielle liberté.