Le Parnasse contemporain/1866/Hôpital

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Le Parnasse contemporainAlphonse Lemerre [Slatkine Reprints]I. 1866 (p. 171-172).


HÔPITAL


Des enfants qui souffraient parce qu’ils étaient nés,
Des femmes qui mouraient pour les avoir fait naître,
Des hommes qui criaient comme font les damnés,
Et qui voulaient la mort afin de ne plus être ;

Des vieillards qui traînaient, — mornes, abandonnés,
Le néant dans le cœur, le néant dans la tête, —
Le long des tristes murs les débris de leur bête :
— Quand je sortis de là, j’allai je ne sais où,
Je marchai le cerveau malade, à l’aventure,
Je regardai sans voir, comme ferait un fou,
Le ciel, les arbres verts, bercés dans le murmure
D’un matin de printemps, — et restai tout le jour
Le front baissé, cherchant à comprendre où nous sommes,
Dédaigneux du Soleil, et méprisant l’Amour,
Oubliant tout, hormis la misère des hommes !