Le Parnasse contemporain/1866/Le Doute
Apparence
LE DOUTE
SONNET
La blanche Vérité dort au fond d’un grand puits.
Plus d’un fuit cet abîme ou n’y prend jamais garde ;
Moi, par un sombre amour, tout seul je m’y hasarde,
J’y descends à travers la plus noire des nuits.
Et j’entraîne le câble aussi loin que je puis ;
Or je l’ai déroulé jusqu’au bout, je regarde,
Et, les bras étendus, la prunelle hagarde,
J’oscille sans rien voir ni rencontrer d’appuis.
Elle est là cependant, je l’entends qui respire,
Mais, pendule éternel que sa puissance attire,
Je passe et je repasse et tâte l’ombre en vain.
Ne pourrai-je allonger cette corde flottante,
Ou remonter au jour dont la gaîté me tente,
Et dois-je dans l’horreur me balancer sans fin ?