Le Parnasse libertin/113

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Chez Cazals & Ferrand, Libraires (p. 110-111).

LE CAPUCIN ET LA ROBE.
CONTE.


Le plus ſavant Eſculape,
Des accidens divers où s’expoſe Priape,
L’autre jour par un Capucin
Fut choiſi pour le Médecin
D’un mal dont il faiſoit miſtere,

Monfieur, lui diſoit ce bon Pere,
Avec un air tout déconfit,
Vous voyez quel eſt notre habit,
Dur & peſant, ſujet à la pouſſiere.
Plus mortifiant qu’une haire.

Mais nonobſtant cet embarras
Et la frugalité de nos maigres repas
Que preſcrit une Regle auſtere,
Un mouvement involontaire
M’a provoqué l’érection,
Et m’a fait, par la friction
D’une laine dure & groſſieres,
Cette excoriation,
Dont je reſſens douleur amere
Et que je vous avoue avec confuſion.
Le Docteur rebattu de fadaiſes pareilles,
Ça, dit-il on pere voyons :

Vous nous contez ici merveilles ;
Mais en telle occaſion
J’en crois mes yeux & non pas mes oreilles.

Auſſi-tôt le Moine fripon
Trouvant ſon immonde jupon,
lui fait voir un oiſeau qui porte ſur ſa tête
Les rouges fleurons d’une crête,
Qui ne croiſſent jamais ſur celle d’un chapon.

Ah ! par ma foi le tour eſt drôle,
S’écria l’Eſculape, en voyant le poupon.
Pere, qui vous a fait ce don,
Vrai gibier de pharmacopole ?
C’eſt ma robe, dit-il, il n’eſt que trop certain.

Quittez-là donc, ſur ma parole,
Répliqua le railleur avec un ton malin,
Votre robe eſt une putain
Qui vous donnera la vérole.