Le Pays des fourrures/Partie 2/Chapitre 4

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Hetzel (p. 232-242).

De nombreux animaux à fourrure regardaient les voyageurs.

CHAPITRE IV.

un campement de nuit.


Ainsi, Jasper Hobson ne s’était pas trompé sur la question du point de rupture. C’était l’isthme qui avait cédé aux secousses du tremblement de terre. Aucune trace du continent américain, plus de falaises, plus de volcans dans l’ouest de l’île. La mer partout.


L’angle, formé au sud-ouest de l’île par le détachement du glaçon, dessinait maintenant un cap assez aigu qui, rongé par les eaux plus chaudes, exposé à tous les chocs, ne pouvait évidemment échapper à une destruction prochaine.

Les explorateurs reprirent donc leur marche, en prolongeant la ligne rompue qui, presque droite, courait à peu près ouest et est. La cassure était nette, comme si elle eût été produite par un instrument tranchant. On pouvait, en de certains endroits, observer la disposition du sol. Cette berge, mi-partie glace, mi-partie terre et sable, émergeait d’une dizaine de pieds. Elle était absolument accore, sans talus, et quelques portions, quelques tranches plus fraîches, attestaient des éboulements récents. Le sergent Long signala même deux ou trois petits glaçons détachés de la rive, qui achevaient de se dissoudre au large. On sentait que, dans ses mouvements de ressac, l’eau plus chaude rongeait plus facilement cette lisière nouvelle, que le temps n’avait pas encore revêtu, comme le reste du littoral, d’une sorte de mortier de neige et de sable. Aussi, cet état de choses était-il rien moins que rassurant.

Mrs. Paulina Barnett, le lieutenant Hobson et le sergent Long, avant de prendre du repos, voulurent achever l’examen de cette arête méridionale de l’île. Le soleil, suivant un arc très allongé, ne devait pas se coucher avant onze heures du soir, et par conséquent, le jour ne manquait pas. Le disque brillant se traînait avec lenteur sur l’horizon de l’ouest, et ses obliques rayons projetaient démesurément devant leurs pas les ombres des explorateurs. À de certains instants, la conversation de ceux-ci s’animait, puis, pendant de longs intervalles, ils restaient silencieux, interrogeant la mer, songeant à l’avenir.

L’intention de Jasper Hobson était de camper, pendant la nuit, à la baie Washburn. Rendu à ce point, il aurait fait environ dix-huit milles, c’est-à-dire, si ses hypothèses étaient justes, la moitié de son voyage circulaire. Puis, après quelques heures de repos, quand sa compagne serait remise de ses fatigues, il comptait reprendre, par le rivage occidental, la route du fort Espérance.

De là le lieutenant Hobson put observer la muraille.

Aucun incident ne marqua cette exploration du nouveau littoral, compris entre la baie des Morses et la baie Washburn. À sept heures du soir, Jasper Hobson était arrivé au lieu de campement dont il avait fait choix. De ce côté, même modification. De la baie Washburn, il ne restait plus que la courbe allongée, formée par la côte de l’île, et qui, autrefois, la délimitait au nord. Elle s’étendait sans altération jusqu’à ce cap qu’on avait nommé cap Michel, et sur une longueur de sept milles. Cette portion de l’île ne semblait avoir souffert aucunement de la rupture de l’isthme. Les taillis de pins et de bouleaux, qui se massaient un peu en arrière, étaient feuillus et verdoyants à cette époque de l’année. On voyait encore une assez grande quantité d’animaux à fourrures bondir à travers la plaine.

Mrs. Paulina Barnett et ses deux compagnons de route s’arrêtèrent en cet endroit. Si leurs regards étaient bornés au nord, du moins, dans le sud, pouvaient-ils embrasser une moitié de l’horizon. Le soleil traçait un arc tellement ouvert que ses rayons, arrêtés par le relief du sol plus accusé vers l’ouest, n’arrivaient plus jusqu’aux rivages de la baie Washburn. Mais ce n’était pas encore la nuit, pas même le crépuscule, puisque l’astre radieux n’avait pas disparu.

« Mon lieutenant, dit alors le sergent Long du ton le plus sérieux du monde, si, par miracle, une cloche venait à sonner en ce moment, que croyez-vous qu’elle sonnerait ?

— L’heure du souper, sergent, répondit Jasper Hobson. Je pense, madame, que vous êtes de mon avis ?

— Entièrement, répondit la voyageuse, et puisque nous n’avons qu’à nous asseoir pour être attablés, asseyons-nous. Voici un tapis de mousse — un peu usé, il faut bien le dire, — mais que la Providence semble avoir étendu pour nous. »

Le sac aux provisions fut ouvert. De la viande sèche, un pâté de lièvres, tiré de l’officine de Mrs. Joliffe, quelque peu de biscuit, formèrent le menu du souper.

Ce repas terminé un quart d’heure après, Jasper Hobson retourna vers l’angle sud-est de l’île, pendant que Mrs. Paulina Barnett demeurait assise au pied d’un maigre sapin à demi ébranché, et que le sergent Long préparait le campement pour la nuit.

Le lieutenant Hobson voulait examiner la structure du glaçon qui formait l’île, et reconnaître, s’il était possible, son mode de fondation. Une petite berge, produite par un éboulement, lui permit de descendre jusqu’au niveau de la mer, et, de là, il put observer la muraille accore qui formait le littoral.

En cet endroit, le sol s’élevait de trois pieds à peine au-dessus de l’eau. Il se composait, à sa partie supérieure, d’une assez mince couche de terre et de sable, mélangée d’une poussière de coquillages. Sa partie inférieure consistait en une glace compacte, très dure et comme métallisée, qui supportait ainsi l’humus de l’île.

Cette couche de glace ne dépassait que d’un pied seulement le niveau de la mer. On voyait nettement, sur cette coupure nouvellement faite, les stratifications qui divisaient uniformément l’icefield. Ces nappes horizontales semblaient indiquer que les gelées successives qui les avaient faites s’étaient produites dans des eaux relativement tranquilles.

On sait que la congélation s’opère par la partie supérieure des liquides ; puis, si le froid persévère, l’épaisseur de la carapace solide s’accroît en allant de haut en bas. Du moins, il en est ainsi pour les eaux tranquilles. Au contraire, pour les eaux courantes, on a reconnu qu’il se formait des glaces de fond, lesquelles montaient ensuite à la surface.

Mais, pour ce glaçon, base de l’île Victoria, il n’était pas douteux que, sur le rivage du continent américain, il ne se fût constitué en eaux calmes. Sa congélation s’était évidemment faite par sa partie supérieure, et, en bonne logique, on devait nécessairement admettre que le dégel s’opérerait par sa surface inférieure. Le glaçon diminuerait d’épaisseur, quand il serait dissous par des eaux plus chaudes, et alors le niveau général de l’île s’abaisserait d’autant par rapport à la surface de la mer.

C’était là le grand danger.

Jasper Hobson, on vient de le dire, avait observé que la couche solidifiée de l’île, le glaçon proprement dit, ne s’élevait que d’un pied environ au-dessus du niveau de la mer. Or, on sait que tout au plus les quatre cinquièmes d’une glace flottante sont immergés. Un icefield, un iceberg, pour un pied qu’ils ont au-dessus de l’eau, en ont quatre au-dessous. Cependant, il faut dire que, suivant leur mode de formation ou leur origine, la densité, ou, si l’on veut, le poids spécifique des glaces flottantes est variable. Celles qui proviennent de l’eau de mer, poreuses, opaques, teintes de bleu ou de vert, suivant les rayons lumineux qui les traversent, sont plus légères que les glaces formées d’eau douce. Leur surface saillante s’élève donc un peu plus au-dessus du niveau océanique. Or, il était certain que la base de l’île Victoria était un glaçon d’eau de mer. Donc, tout considéré, Jasper Hobson fut amené à conclure, en tenant compte du poids de la couche minérale et végétale qui recouvrait le glaçon, que son épaisseur au-dessous du niveau de la mer devait être de quatre à cinq pieds environ. Quant aux divers reliefs de l’île, aux éminences, aux extumescences du sol, ils n’affectaient évidemment que sa surface terreuse et sableuse, et on devait admettre que, d’une façon générale, l’île errante n’était pas immergée de plus de cinq pieds.

Cette observation rendit Jasper Hobson fort soucieux. Cinq pieds seulement ! Mais, sans compter les causes de dissolution auxquelles cet icefield pouvait être soumis, le moindre choc n’amènerait-il pas une rupture à sa surface ? Une violente agitation des eaux, provoquée par une tempête, par un coup de vent, ne pouvait-elle entraîner la dislocation du champ de glaces, sa rupture en glaçons et bientôt sa décomposition complète ? Ah ! l’hiver, le froid, la colonne mercurielle gelée dans sa cuvette de verre, voilà ce que le lieutenant Hobson appelait de tous ses vœux ! Seul, le terrible froid des contrées polaires, le froid d’un hiver arctique, pourrait consolider, épaissir la base de l’île, en même temps qu’il établirait une voie de communication entre elle et le continent.

Le lieutenant Hobson revint au lieu de halte. Le sergent Long s’occupait d’organiser la couchée, car il n’avait pas l’intention de passer la nuit à la belle étoile, ce à quoi la voyageuse se fût pourtant résignée. Il fit connaître à Jasper Hobson son intention de creuser dans le sol une maison de glace, assez large pour contenir trois personnes, sorte de « snow-house », qui les préserverait fort bien du froid de la nuit.

« Dans le pays des Esquimaux, dit-il, rien de plus sage que de se conduire en Esquimau. »

Jasper Hobson approuva, mais il recommanda à son sergent de ne pas trop profondément fouiller dans le sol de glace, qui ne devait pas mesurer plus de cinq pieds d’épaisseur.

Le sergent Long se mit à la besogne. Sa hachette et son couteau à neige aidant, il eut bientôt déblayé la terre et creusé une sorte de couloir en pente douce qui aboutissait directement à la carapace glacée. Puis il s’attaqua à cette masse friable, que le sable et la terre recouvraient depuis de longs siècles.

Il ne fallait pas plus d’une heure pour creuser cette retraite souterraine, ou plutôt ce terrier à parois de glace, très propre à conserver la chaleur, et, par conséquent, d’une habitabilité suffisante pour quelques heures de nuit.

Tandis que le sergent Long travaillait comme un termite, le lieutenant Hobson, ayant rejoint sa compagne, lui communiquait le résultat de ses observations sur la constitution physique de l’île Victoria. Il ne lui cacha pas les craintes sérieuses que cet examen laissait dans son esprit. Le peu d’épaisseur du glaçon, suivant lui, devait provoquer avant peu des failles à sa surface, puis des ruptures impossibles à prévoir, et par conséquent impossibles à empêcher. L’île errante pouvait, à chaque instant, ou s’immerger peu à peu par changement de pesanteur spécifique, ou se diviser en îlots plus ou moins nombreux dont la durée serait nécessairement éphémère. Sa conclusion fut, qu’autant que possible, les hôtes du fort Espérance ne devaient pas s’éloigner de la factorerie et rester réunis sur le même point afin de partager ensemble les mêmes chances.

Jasper Hobson en était là de sa conversation, quand des cris se firent entendre.

Mrs. Paulina Barnett et lui se levèrent aussitôt. Ils regardèrent autour d’eux, vers le taillis, sur la plaine, en mer.

Personne.

Cependant, les cris redoublaient.

« Le sergent ! le sergent ! » dit Jasper Hobson.

Et, suivi de Mrs. Paulina Barnett, il se précipita vers le campement.

À peine fut-il arrivé à l’ouverture béante de la maison de neige, qu’il aperçut le sergent Long, cramponné des deux mains à son couteau qu’il avait enfoncé dans la paroi de glace, et appelant, d’ailleurs, d’une voix forte, mais avec le plus grand sang-froid.

On ne voyait plus que la tête et les bras du sergent. Pendant qu’il creusait, le sol glacé avait soudain manqué sous lui, et il avait été plongé dans l’eau jusqu’à la ceinture.

Jasper Hobson se contenta de dire :

« Tenez bon ! »

Et, se couchant sur l’entaille, il arriva au bord du trou. Puis il tendit la main au sergent qui, sûr de ce point d’appui, parvint à sortir de l’excavation.

« Mon Dieu, sergent Long ! s’écria Mrs. Paulina Barnett, que vous est-il donc arrivé ?

— Il m’est arrivé, madame, répondit Long, en se secouant comme un barbet mouillé, que ce sol de glace a cédé sous moi et que j’ai pris un bain forcé.

— Mais, demanda Jasper Hobson, vous n’avez donc pas tenu compte de ma recommandation de ne pas creuser trop profondément au-dessous de la couche de terre ?

— Faites excuse, mon lieutenant. Vous pouvez voir que c’est à peine si j’ai entamé de quinze pouces le sol de glace. Seulement, il faut croire qu’il existait en dessous une boursouflure, qu’il y avait là comme une sorte de caverne. La glace ne reposait pas sur l’eau, et je suis passé comme au travers d’un plafond qui se fend. Si je n’avais pu m’accrocher à mon couteau, je m’en allais tout bêtement sous l’île, et c’eût été fâcheux, n’est-il pas vrai, madame ?

— Très fâcheux, brave sergent ! » répondit la voyageuse, en tendant la main au digne homme.

L’explication donnée par le sergent Long était exacte. En cet endroit, par une raison quelconque, sans doute par suite d’un emmagasinage d’air, la glace avait formé voûte au-dessus de l’eau, et, par conséquent, sa paroi peu épaisse, amincie encore par le couteau à neige, n’avait pas tardé à se rompre sous le poids du sergent.

Cette disposition qui, sans doute, se reproduisait en mainte partie du champ de glace, n’était point rassurante. Où serait-on jamais certain de poser le pied sur un terrain solide ? Le sol ne pouvait-il à chaque pas céder à la pression ? Et quand on songeait que sous cette mince couche de terre et de glace se creusaient les gouffres de l’Océan, quel cœur ne se serait pas serré, si énergique qu’il fût !

Cependant le sergent Long, se préoccupant peu du bain qu’il venait de prendre, voulait reprendre en un autre endroit son travail de mineur. Mais, cette fois, Mrs. Paulina Barnett n’y voulut pas consentir. Une nuit à passer en plein air ne l’embarrassait pas. L’abri du taillis voisin lui suffirait aussi bien qu’à ses compagnons, et elle s’opposa absolument à ce que le sergent Long recommençât son opération. Celui-ci dut se résigner et obéir.

Tenez bon, sergent !

Le campement fut donc reporté à une centaine de pieds en arrière du littoral, sur une petite extumescence où poussaient quelques bouquets isolés de pins et de bouleaux, dont l’agglomération ne méritait certainement pas la qualification de taillis. Un feu pétillant de branches mortes fut allumé vers dix heures du soir, au moment où le soleil rasait les bords de cet horizon au-dessous duquel il n’allait disparaître que pendant quelques heures.

Le sergent Long eut là une belle occasion de sécher ses jambes, et il ne la manqua pas. Jasper Hobson et lui causèrent jusqu’au moment où le crépuscule remplaça la lumière du jour. Mrs. Paulina Barnett prenait de temps en temps part à la conversation et cherchait à distraire le lieutenant de ses idées un peu sombres. Cette belle nuit, très étoilée au zénith, comme toutes les nuits polaires, était propice d’ailleurs à un apaisement de l’esprit. Le vent murmurait à travers les sapins. La mer semblait dormir sur le littoral. Une houle très allongée gonflait à peine sa surface et venait expirer sans bruit à la lisière de l’île. Pas un cri d’oiseau dans l’air, pas un vagissement sur la plaine. Quelques crépitements des souches de sapins s’épanouissant en flammes résineuses, puis, à de certains intervalles, le murmure des voix qui s’envolaient dans l’espace, troublaient seuls, en le faisant paraître sublime, ce silence de la nuit.

« Qui pourrait croire, dit Mrs. Paulina Barnett, que nous sommes ainsi emportés à la surface de l’Océan ! En vérité, monsieur Hobson, il me faut un certain effort pour me rendre à l’évidence, car cette mer nous paraît absolument immobile, et, cependant, elle nous entraîne avec une irrésistible puissance !

— Oui, madame, répondit Jasper Hobson, et j’avouerai que si le plancher de notre véhicule était solide, si la carène ne devait pas tôt ou tard manquer au bâtiment, si sa coque ne devait pas s’entrouvrir un jour ou l’autre, et enfin si je savais où il me mène, j’aurais quelque plaisir à flotter ainsi sur cet Océan.

— En effet, monsieur Hobson, reprit la voyageuse, est-il un mode de locomotion plus agréable que le nôtre ? Nous ne nous sentons pas aller. Notre île a précisément la même vitesse que celle du courant qui l’emporte. N’est-ce pas le même phénomène que celui qui accompagne un ballon dans l’air ? Puis, quel charme ce serait de voyager ainsi avec sa maison, son jardin, son parc, son pays lui-même ! Une île errante, mais j’entends une véritable île, avec une base solide, insubmersible, ce serait véritablement le plus confortable et le plus merveilleux véhicule que l’on pût imaginer. On a fait des jardins suspendus, dit-on ? Pourquoi, un jour, ne ferait-on pas des parcs flottants qui nous transporteraient à tous les points du monde ? Leur grandeur les rendrait absolument insensibles à la houle. Ils n’auraient rien à craindre des tempêtes. Peut-être même, par les vents favorables, pourrait-on les diriger avec de grandes voiles tendues à la brise ? Et puis, quels miracles de végétation surprendraient les regards des passagers, quand des zones tempérées ils seraient passés sous les zones tropicales ! J’imagine même qu’avec d’habiles pilotes, bien instruits des courants, on saurait se maintenir sous des latitudes choisies et jouir à son gré d’un printemps éternel ! »

Jasper Hobson ne pouvait que sourire aux rêveries de l’enthousiaste Paulina Barnett. L’audacieuse femme se laissait entraîner avec tant de grâce, elle ressemblait si bien à cette île Victoria qui marchait sans aucunement trahir sa marche ! Certes, étant donnée la situation, on pouvait ne pas se plaindre de cette étrange façon de courir les mers, mais à la condition, toutefois, que l’île ne menaçât point à chaque instant de fondre et de s’effondrer dans l’abîme.

La nuit se passa. On dormit quelques heures. Au réveil, on déjeuna, et chacun trouva le déjeuner excellent. Des broussailles bien flambantes ranimèrent les jambes des dormeurs, un peu engourdis par le froid de la nuit.

À six heures du matin, Mrs. Paulina Barnett, Jasper Hobson et le sergent Long se remettaient en route.

La côte, depuis le cap Michel jusqu’à l’ancien port Barnett, se dirigeait presque en droite ligne du sud au nord, sur une longueur de onze milles environ. Elle n’offrait aucune particularité et ne semblait pas avoir souffert depuis la rupture de l’isthme. C’était une lisière généralement basse, peu ondulée. Le sergent Long, sur l’ordre du lieutenant, plaça quelques repères en arrière du littoral, qui permettraient plus tard d’en reconnaître les modifications.

Et le caporal Joliffe qui en raffolait…

Le lieutenant Hobson désirait, et pour cause, rallier le fort Espérance le soir même. De son côté, Mrs. Paulina Barnett avait hâte de revoir ses compagnons, ses amis, et, dans les conditions où ils se trouvaient, il ne fallait pas prolonger l’absence du chef de la factorerie.

On marcha donc vite, en coupant par une ligne oblique, et, à midi, on tournait le petit promontoire qui défendait autrefois le port Barnett contre les vents de l’est.

De ce point au fort Espérance il ne fallait plus compter qu’une huitaine de milles. Avant quatre heures du soir, ces huit milles étaient franchis, et le retour des explorateurs était salué par les hurrahs du caporal Joliffe.