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Le Paysan et la paysane pervertis/Tome 1/36.me Lettre

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36.me) (Urſule, à m.me Parangon..

[Elle eſt-revenue au Village dont elle raconte les usages ét les coutumes avec mepris, ét elle ſ’ennuie chés nous de la Ville.]

1750.
9 novemb.


Madame ét trèsreſpectable Amie :

Je prens la liberté de vous écrire, dans l’ennui que me-laiſſe votre abſences car en-verité, il me-ſemble, que du-depuis que je vous ai-vue, ce ne ſait plus ici chés nous, puiſque je m’y-ennn1e, ét m’y-trouve étrangère ; mais que c’eſt où vous êtes qu’eſt mon pays : auſſi ſuis-je bién-fâchée de cette vilaine avanture qu’on a-fait-arriver à mon Frère-Edmond, ét qui eſt cause qu’on m’a-renmenée ; ét je vous prie bién-inſtamment, trèschère Madame, de me-faire encore redemander, ſi pourtant c’eſt votre bon-plaisir : mais en-verité ce doit l’être, puiſque je ne ſuis-ici-occupée que du ſouhait de vous revoir ét d’être auprès de vous. Je voudrais ſavoir à-present, ce que penſe ét ce que fait la m.lle Manon ? Elle a-dû-être-bién-attrapée ! Je n’aiparlé de rién ici, qu’à ma Belleſœur future Fanchon, qui eſt prudente, ét qui ſe-comporte avec moi comme une veritable amie ; ét elle a-été-bién-étonnée de tout-ça ét une chose qui m’a-ſurprise de ſa part, c’eſt qu’elle a-pris ſon parti, de m.lle Manon je veus dire, d’après tout ce que je lui ai-conté, tantôt en-l’excusant, ét tantôt en-ne-crayant pas ce qu’il y-avait de-pis ; ét elle m’a-dit, qu’elle aimerait-mieus mourir que d’en-ouvrir la bouche : car elle dit, qu’une pauvre Fille eſt deja-aſſés à-plaindre d’avoir-été-comme-ça attaquée par des Hommes ſi-fins, qui ont le deſſus d’elle, par leur âge ét leur experience, ét qu’il faudrait tout entendre ét tout voir pour la juger. Mais Moi, je ſuis unpeu plus-rigoureuse, je vous l’avoue, ma chère Madame ; il n’y-a experience ét fineſſe des Hommes qui y-tiénne ; on voit bién quand ils nous veulent attraper, ét ils ne nous attraperaient pas, ſi nous n’avions-un-tant-ſait-peu-envie d’être attrapées : ainſi je penſe au-ſujet de m.lle Manon, tout-comme vous, Madame, ét m.lle Tiénnette[1] ; mais je ſuis biénaise que ma Belleſœur penſe comme elle penſe, parce-que mon Frêre-aîné aura une bonne-famme, ét c’eſt ce qu’il faut ici. Et quant à mon Frère Edmond, je crais qu’il ne m’oublie pas auprès de vous, ét qu’il me-rappelle à votre ſouvenir, toutes les fois qu’il a le bonheur de vous parler à-part. Il était-jalous de moi, ét c’eſt moi qui la ſuis de lui ; à-present, qu’il vous voit tous les jours, ét que je ne vous vois plus ét je lui en-voudrai, ſi je le puis, ſ’il n’emploie pas tout pour me-redonner à Celle que lui ét moi nous regardons, comme notre Protectrice. Qu’eſt-ce qu’on veut apresent que je faſſe ici ? Enverité, j’y-mourrais plutôt fille, que de me-voir faire-la-cour, comme la font nos Patauds, même Ceux qui veulent faire les Polis.

Comme vous m’aviez-demandé une-fois, quand j’avais le bonheur d’être avec vous, chés m.me Canon, que j’embraſſe reſpectueusement, ſa manière de faire ici l’amour, il faut, pendant que j’ai le temps, que je vous conte ça, ma chère Madame, quoiqu’on ne me l’ait-guère-fait encore pour mon compte : mais j’ai-vu ça aux Filles du Village, ét quelquefois à mes deux Sœurs-ainées. Pendant le jour, on ne ſe-dit rién ; mais cependant quand on ſe-rencontre, on ſe-regarde avec un rire niais, ét on ſe-dit, — Boujou’, Glaudine, ou Matron ? Bonjou’ don’, Piarrot, ou Toumas, ou Jaquot-, repond la Fille, en-rougiſſant d’un air gauche, ét en-marchant de-travers, unpeu plus-vîte qu’elle ne fesait auparavant. Mais le beau, c’eſt le ſoir. À l’heure où ſortent les Chauveſouris ét les Chahuans, les grands Garſons après leur ſouper, rôdent dans les rues, cherchant les Filles : Je dis les Grands garſons, parcequ’on n’eſt ici grand-garſon qu’à vingt ans paſſés ; ét alors, on eſt-accepté à-payer la maitrise au Maîtregarſon, c’eſt-à-dire le plus-âgé, ou le plus-ancién paſſé-maître des Garſons ; elle eft de vingt-ſous, qu’un Garſon eſt quelquefois un an à amaſſer dans notre pays, tant l’argent y-eſt rare ! Les Grandsgarſons amaſſent plusieurs maitrises, comme trois ou quatre, ét cela ſert à les regaler un dimanche au-ſoir, ét à donner une danſe, au ſon du hautbois. Si un Garſon ſ’immiſſait de rôder avant l’âge de vingt-ans, pour chercher une Maitreſſe le ſoir, ou avant d’avoir-payé ſa maîtrise les Grands-garſons portent chaqu’un leur houſſine, avec laquelle ils le roſſeraient d’importance. Quant aux Maîtresgarſons, ils ont toute liberté ; ils vont à toutes les portes, cherchant les Filles, juſqu’à ce qu’ils aient-trouvé une Maitreſſe ; Et quant ils en-ont-trouvé Une, ils le declarent au Maîtregarſon, qui en-donne avis aux Autres, en-ces propres termes : « Mes Amis, Jaquot tel, ou Giles tel, va à Margot, Jeanne ou Reine telle ; ainſi, au-cas où Perſone n’aura-jeté ſes vues ſur elle, il ne faut pas le troubler, mais le laiſſer tranquil, juſqu’à conclusion de mariage en-face d’église », Les autres Garſons repondent Un après l’Autre ; ét ſ’il y-a rivalité, Celui qui eſt rival, le declare. Le Maîtregarſon leur dit alors : « Mes Amis, jalousie ne vaut rién ; une Fille eſt une Fille, ét il y-a plus d’une Fille dans le Village, voire-même dans les autres Villages ; par-ainſi, je vous conſeille de vous accorder, ou de tirer à la courte-paille, à Quî l’aura » ? Et ordinairement les Garſons acceptent de tirer, ét tout eſt-dit : mais ſ’ils perſiſtent chaqu’un, alors le Maîtregarſon ſe-borne à leur defendre les voies-de-fait, ſous peine, pour l’Aggreſſeur, d’avoir tous les Garſons ſur le corps, ét d’être-roſſé. Et le Maîtregarſon leur dit : « Courez-en donc l’avanture, ét que les Parens en-decident ; mais quand ils auront-decidé, ainſi que la Fille, j’entens que le Refusé ſe-retire ». Et ſi la Fille voulait l’Un, ét les Parens l’Autre, les Grandsgarſons ne ſe-mêlent pas de decider ; ils laiſſent faire les deux Rivaus, en-defendant ſeulement les voies-de-fait. Mais tout-cela eſt-rare : Le plus ſouvent, à-l’entrée de l’hiver, les Garſons ſe-partagent les Filles, ſoit au ſort, ſoit en-choisiſſant, ét Chaqu’un va tout l’hiver à Celle qui eſt-convenue entr’eux. Voila comme les Filles ſont-ici-traitées ; elles n’ont ſeulement pas la ſatiſfaction de recevoir Celui qui leur plairait le mieux, ét ſouvent elles ont le chagrin d’avoir tout l’hiver à-côté d’elles, à la veillée, ou devant la porte, quand il fait clair-de-lune, un gros Pacant qu’elles deteſtent. Il faut à-present vous dire, comme les Filles voient leur Galant, ét ce quelles mettent du leur, en-fesant-l’amour. Les Garſons vont vers la Fille, longtemps avant de parler aux Parens, pour voir ſi elle leur plaira, ét ſi ils lui plairont. Pour cela ils rôdent quelquefois des mois entiers autour de la maison, avant de lui parler, quoiqu’ils le puiſſent. On en-cause dans le pays, ét la Fille apprend que Piarrot ou Jaguot tel rôde autour de la maison pour elle. Un ſoir, par curiosité pure, elle prend un pretexte pour ſortir, comme d’avoir-oublié de fermer le poulailler, l’écurie aux Vaches, ou de leur avoir-donné de la paille pour la nuit, &c.a Les Parens n’en-ſont pas la dupe : Si le Garſon leur conviént, ils ne disent mot, ét la Fille ſort. Si aucontraire, il ne leur agrée pas, la Mère ou le Père ſe-lève, repouſſe la Fille ſur ſa chaise, ou ſur ſa ſelle, en-lui-disant, Tînste-là ; j’y-vas moi-même : ét alors le Garſon, ne voyant pas ſortir la Fille, pren le parti d’entrer dans la maison, en-disant aux Parens, V’lez-vous me permette d’appreucher de voute Fille ? On ne le refuse jamais net : on lui dit de ſ’aſſeoir. Il ſe-met à-côté d’elle, ét on lui fait bonne ou mauvaise-mine, juſqu’à ce qu’il ſ’attire un refus, conçu en-ces termes : Tîns-te chés vous. Mais ſi l’on a-laiſſé ſortir la Fille le-ſoir, alors le Garſon l’approche en-câlinant : — Où qu’vou’alez donc Jeanne ? — Douner de la paille à nous Vaches… — J’vas donc vou’ainder ? — Ça n’eſt pas de refus, Jaquot-. Et il lui ainde, Elle ſort enſuite tous les ſoirs, ét elle trouve toujours Jaquot. On ſ’aſſit dans un coin obſcur : La Fille ou file, ou teille le chanvre, ét alors le Garſon lui aide, ét on cause. Les dimanches, on cause ſans rién-faire, ét c’eſt Je jour où le Garſon ſe-hasarde d’embraſſer : il eſt-rare cependant que les Filles ne ſaint pas ſages. Quand il commence à faire-fraid, elle l’invite à entrer à la maison ; ét il accepte, ſi elle lui a-plu ; car c’eſt un premier amour d’eſſai qu’ils ont là-fait juſqu’à ce moment. On fait-ordinairement-l’amour deux ou trois-ans, ét il n’eſt-guère-queſtion de mariage le premier hiver (à-moins qu’il n’y-ait milice) ét les Parens de la Fille ne ſ’avisent guère de faire au Garſon, la demande ordinaire Qu’eſt-qu’tu viéns faire iqui, Jaquot ? que le ſecond hiver de la frequentation.

Quant à moi, ma chère Dame, je vous dirai, que même avant d’avoir-eu le bonheur de vous voir à la Ville, je n’avais auqu’un goût pour cette manière de faire-l’amour ; elle m’a-toujours-deplu ; ét je ne vous ai-parlé de ça, que pour vous obeir, imaginant que ſi j’ai le bonheur de retourner auprès de vous ; j’aurai des choses bién--plus-agreables à vous dire, qui me-ſeront-inſpirées par votre chère presence. Il faut pourtant que je vous avoue un petit ſecret, dans cette Lettre, qui eſt-ſûre, ét que Perſone ne verra ici, pas même mon Frère-ainé ; car je ne la montrerai qu’à Fanchon-Berthier, qui ſera ma belleſœur. C’eſt que j’ai ici un Amoureus que je ne ſaurais ſentir ! Imaginez-vous un demi-Monſieu’-de-Village, qui n’a des manchettes que pour faire ſortir d’avantage la noirceur de ſes mains brûlées par le ſoleil ; qui dit des, Ce n’eſt pât à moi tant d’honneur ; J’ai-diz à mon Père, ét autres ſemblables ; qui par la groſſeur du corps, reſſemble à ces gros tilleuls qui font devant la porte des églises, ét dont l’envelope eſt auſſi groſſière ; voila mon Amoureus d’avant que je partiſſe ; ét ce qui me-met-encore-plûs-en-colère contre Ça, c’eft qu’on le nomme ici un joli-garſon ; mes Parens eux-mêmes, ét les Paysans l’appellent Monſieu’, uniquement acause qu’il a des manchettes. À mon retour ici, ce Monſieu’ ayant-ouï-dire, que c’était pour y-reſter, il en-a-montré une groſſe joie, qui me le fait encore plûs deteſter. Le Manant ! ſe-rejouir de ce gue je— ne ſerais pas avec vous !

Oh ! je l’abhorre plûſ-que tout Homme au monde… Je ne vous aurais-pas-parlé de Ça, ſi je n’eſperais que cette raison vous engajera, ma trés-chère Dame, à me-demander plus-vîte. Vrai, ce vilain Amoureus me-paraît un de ces Satyres, dont j’ai-lu l’hiſtoire chés vous, au-bas d’une Eſtampe. Mais je laiſſe ce ſujet desagreable, pour continuer à repondre à vos aimables queſtions-de-bouche.

Vous m’avez-auſſi-demandé, Quels étaient les goûts que j’avais dans ma jeuneſſe, ét mes occupations, mon caractère, ét comme j’en-agiſſais avec mes Frères ét Sœurs, ſur-tout avec Edmond ? Je vais, ſi je puis, repondre à tout ça, pour avoir le plaisir de vous écrire plus-longtemps ; car il me-ſemble que je vous parle, en-vous écrivant ; ét j’ai-eu ſi-peu le temps de vous parler à a Auxerre, que je n’ai-pu repondre à la moitié des choses, Je vous dirai donc, que mes goûts ont-toujours-été audeſſus de ceux de nos Paysanes ; je n’aimais pas trop, ni leur mise, ni leurs occupations, ét je ſentais audedans de moi-même, que j’avais du goût pour quelque-chose de plus-diſtingué, dont pourtant je n’avais auqu’une connaiſſance. Mais ça-alait juſquelà, qu’un-jour, mon Frêre Edmond m’ayant-dit, qu’il avait-rêvé, que mon Père n’était pas ſon Pére, mais qu’il était fils d’un Duc, qui l’avait-mis chés nous en-penſſion, en-disant : — Gardez-moi ce Fils, ſans lui apprendre ce qu’il eſt, ét je viéndrai le chercher unjour -; Edmond, disais-je, m’ayant-conté ce rêve, moi, je le crus vrai, ét je m’attendais tous les jours qu’un Duc viéndrait chercher notre Edmond, pour l’enmener dans un carroſſe : Et je lui fesais-bién-ma-cours ; ce qui ne m’était pas difficile, attendu qu’avant ſon rêve, je l’aimais deja le-mieus de tous mes Frères ét Sœurs, ét par une bonne raison ; c’eſt que chés mon Père, ét de-tout-temps dans notre Famille, on apparie les Frères ét Sœurs, en-mettant chaque Sœur ſous la defenſe particulière d’un Frère, au chois de tous-deux : Ét il y-a moins de Frères, il a deux Sœurs : Edmond eſt mon defendeur, à moi : vous comprenez, Madame ?… Mais je reviéns à ſon rêve. Cela me-trotait ſi-bién dans la tête qu’Edmond était fils d’un Duc, que je fis auſſi à mon tour le même rêve : il me-ſembla qu’une Marquise venait me-prendre, ét qu’elle donnait à mon Père ét à ma Mère tout-plein, tout-plein d’argent, en-leur disant : — Tenez, voila pour avoir-élevé ma Fille, ét l’avoir-rendue ſi-gentille-. Et j’étais bién-contente de m’enaler avec elle ; ét elle me-disait : — Tu ſeras un-jour marquise comme moi, ét non une Paysane ! viéns, viéns à mon château, où tu auras de beaus habits, de beau linge-… Je m’éveillai de joie : ét je courus, dès que je fus-levée, conter mon rêve à mon Frère-Edmond, qui me dit : — Dame ! ſais-tu que ça pourrait être ? Tiéns, regarde, comme nous ſommes plus-jolis qu’eux-tous, toi ét moi -?… Nous avions alors, lui treize-ans, ét moi dix. Quant à-l’égard de mes occupations, je les choisiſſais toujours à la chambre, ét non à la campagne comme mon Aînée ; j’aimais tous les jolis ouvrages-d’aiguille, comme apresent. Mon caractère a-toujours-été-doux ; mais j’aimais à commander, avant d’être tout-à-fait raisonnable : apresent, ce que je prefererais, ça ſerait de vous obeir : je fuis unpeu-vive, fière, orgueilleuse ; j’aimerais à-paraître, à être-riche… mais je crais que je l’ai-deja-dit, en-parlant de mes goûts. J’ai-toujours-tendrement-aimé mes Frères ét Sœurs ; mais principalement Edmond, ét toute mon envie, ſi jamais je fesais mon chemin, ça ſerait de leur être util, ét d’avoir la gloire, que mon Père ét ma Mère dîſſent le ſoir aux veillées, quand ils causent entreux devant toute leur Famille : — C’eſt pourtant notre fille Urſule, qui procure telle ou telle chose à ſon Frère, à ſa Sœur -! Il me-ſemble que je ſerais bién-glorieuse, ſi on disait ça de moi ; comme je l’ai-entendu dire de vous, Madame, au ſujet d’Edmond ét au mién. C’eſt ſur-tout à Edmond que je voudrais être profitable, quoique je ne ſache pas trop comment ça pourrait-être. Je voudrais-bién auſſi l’être à ma future Belle-ſœur-Fanchon : car vous ne ſauriez-craire, Madame, comme c’eſt une jolie-fille ! je crais pourtant que vous l’avez-vue à notre voyage à Auxerre ; elle y-était, comme vous ſavez Nous ſommes amies dès l’enfance ; car outre qu’il a-toujours-été-dit qu’elle ſerait ma belle-ſœur, c’eſt qu’elle eſt la plus-jolie de tout le Pays, Pays, ét que je me-trouvais plus-honorée d’être avec elle, qu’avec toutes les autres Filles. Et elle m’aimait bién auſſi, de-même que mon Frère-Edmond ; ét je crais que ſi Edmond avait-été l’aîné, deſtiné pour reſter au Village, qu’elle n’en-aurait-pas-été-fâchée : car Pierre eſt par-trop-ſerieus, Mais c’eft pourtant un bon-humain : mais Ça n’a pas cette aimable façon d’Edmond. Et une fois, que j’ai-écrit ici en-cachette de tout le monde à Edmond, pour qu’il me fit venir à la Ville, c’eſt Fanchon qui a-porté ma Lettre à la poſte à V★★★ ; ét quand Edmond eſt-venu, elle lui a-redemandé ma Lettre, depeur qu’elle ne fût-trouvée. Je ne ſais pas ſi vous l’avez-lue, Madame ; car elle était bién-ſimple ! mais je ne ſavais pas encore trop-bién-écrire une Lettre[2], Dans tous nos jeux ét dans tous nos amusemens, j’ai-toujours-preferé Fanchon à mes propres Sœurs. C’eſt qu’elle eſt ſi-aimable, ſi-complaisante ! Et-puis nous-nous-disions tous nos petits ſecrets. Par-exemple, à-present, elle m’avoue, que Pierre notre Aîné lui inſpire du reſpect, ét qu’elle a plûs de confiance en-lui, qu’elle n’en-aurait-eu en-Edmond, quoiqu’elle eût— peutêtre-eu plûs d’amitie pour le Dernier. De mon côté, je vais toujours lui contant mes affaires ét toutes mes penſées, ét que je ne m’écarterai jamais de la crainte de Dieu à la Ville, ſous votre bonne protection, Madame.

Mais voila une bién-longue Lettre ! ét mon papier eſt-fini. Je ceſſe donc, pour vous dire, que j’ai l’honneur d’être avec le plus grand reſpect, madame,

Votre, &ce.

  1. La Flateuse ! elle commence deja à-parler comme elle crait qu’on veut qu’elle parle.
  2. Elle ne ſ’eſt-pas-retrouvée ; ſans-[illisible] qu’elle était trop-ſimple, ét que Fanchon [illisible]