Le Petit neveu de l’Arretin/Pot-pourri sur l’Annonciation

La bibliothèque libre.
N. Laurenceau
Chez don B… aux trois Pucelles (p. 83-93).

Pot-pourri
sur l’Annonciation.

Cantique.
Air : Du cantique de Saint Roch.


Prêtez l’oreille, honorable assemblée,
Aux vérités que j’annonce en ce lieu.
De nos forfaits la mesure comblée,
Jadis en diable allait transformer Dieu ;
Mais ce bon père,
Par fois colère
Pour ses enfans
Eut un faible en tout tems.

Air : Or écoutez peuple chrétien.

C’était pour mieux parer aux coups
De l’enfer armé contre nous,
Que le fils d’un Dieu s’est fait homme :
Je vais, chrétiens, vous chanter comme
Ce grand miracle s’opéra,
C’était vraiment un opéra.

Air : Des fraises.

Dieu voyant tout à l’envers
Dans ce monde intraitable
Mis son bonnet de travers,
Prêt d’envoyer l’Univers
Au diable, au diable, au diable.

Air : De tous les capucins du monde.

J’ai fait, dit-il, un sot ouvrage,
J’ai créé l’homme, et j’en enrage,
Ces marmots là me font damner ;
Faut-il encor que je les noie ?
Mais non ; je suis las de tonner.
De la douceur prenons la voie.

Air : Le port Mahon est pris.

Aussi-tôt il appelle
Gabriel, son ministre fidèle,
À sa voix éternelle,
L’ange qui l’entendit
Se rendit
Et Dieu dit.

Air : Des folies d’Espagne.

Vers Nazareth il est une pucelle,
Son rang est humble, et Marie est son nom ?
Va la trouver, mon fils, c’est la nacelle
Du genre-humain prêt à couler à fond.

Air : Allez madame Thomas, vot’ chat n’est pas perdu.

La poulette est un bloc
Dur et frais comme un roc ;
Sois-en l’amoureux coq :
Je l’ai formée ad hoc.
Il naîtra de ce choc
Un grivois dont l’estoc
Ravira l’homme au croc
De l’infernal escroc.

Air : Menuet d’exaudet.

Dieu voyant
Le galant
Qui balance,
Lui fait faire de Vulcain
Le saut, et dit : Faquin,
Prends-moi la diligence.

Va, descends,
Parle et sans
Périphrase.
L’ange à bas tombe étourdi,
Que Dieu n’a pas fini
Sa phrase.
Il eut dans cette aventure
Sur le corps mainte blessure
Qui meurtrit,
Qui flétrit
Sa chair blonde,
Tous les membres brisés… hors
Un trop utile alors
Au monde.

Air : Vous m’entendez bien

Il se traîne cahin caha
Chez la princesse qui déjà
Songeait à sa toilette,
Eh bien !
Et faisait en cachette,
Vous m’entendez bien.

Air : Un cordelier dit à Lisette.

L’ange à la première visite
D’un geste annonce son projet.
De mon message voici l’objet,
Dit-il à la belle hypocrite.
Voulez-voir, mon petit cœur,
Les pouvoirs dont je suis porteur.

Air : Madeleine à bon droit passa.

La sainte dit : Vous avez là
Une patente bien en forme ;
Mais n’attendez pas pour cela
Qu’à vos ordres je me conforme
Marie au surplus, monseigneur,
Tient votre visite à grand heur.

Air : Et je lui fis sous la fougère.

Tout en recevant ses excuses,
L’ange engageait le doux combat d’amour,
Il en connaît toutes les ruses,
Un ange vaut un page de cour…
Il, etc.

Air : Sous un tilleul.

Ah ! l’imprudent
Dit la vierge en se défendant,
Où va-t-il ? holà.
Eh ! quoi déjà le voilà

Je combats vainement
Le méchant,
Sur moi prend
L’ascendant…
Ah ! si Dieu, par ton fait
Veut, au fait
Que Joseph ait son fait.
Cet ordre exprès
Que tu m’intimes de si près,
Ange de la paix,
De bon cœur je m’y soumets.
Mets.

Air : Il était une fille.

L’ange fit son annonce
Avec tant d’onction
À ce vase d’élection,
Que pour toute réponse

À l’ave maria,
La vierge s’écria :
Ah !

Air : Des trembleurs.

Mais tandis qu’à ce saint œuvre
De son mieux chacun manœuvre,
Prêt à gâter le chef-d’œuvre,
Joseph arriva soudain
Peu s’en fallut que le rhéitre
Ne leur fit perdre le mètre,
Et ne vint à compromettre
Le salut du genre-humain.

Air : J’entends les dragons qui viennent.

Ciel ! dit à son locataire
Le tendron tremblant,
J’entends le propriétaire.
Ah ! pour Dieu, fuis sa colère,
Ange imprudent,
Engin prudent.

Air : Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il tonne.

Qu’on cogne, qu’on cogne, qu’on cogne,
Laissez-moi finir ma besogne.

Fuir, vos appas, dit l’Adonis,
Ah ! c’est quitter le paradis.

Air : Mon plus beau surplis.

On ouvre, il fallut,
Quelque bien qu’on fut,
Quitter la douce partie.
L’ange, à ce bruit,
S’échappe et dit :
Ma mie,
Vous perdez, mais
Je vous promets
Revanche
Serrez bien le jeu,
Je reviens dans peu,
Nous y rejourons dimanche

Air : Piqué de ce bacchanal.

Femme, s’écria Joseph,
En entrant chez lui comme un rustre,
Vous préparez à mon chef,
À ce qu’il paraît un beau lustre.
Je comprends à votre refrein
Qu’un autre chante mon lutrin,

Faites-moi voir le braconnier
Qui vient tirer sur mon gibier. (bis.)

Air : Mon père était pot.

La sainte voulait s’excuser ;
Mais l’époux qui s’irrite,
Menace au lieu de s’appaiser,
Et par-tout fait visite.
Il se mord les doigts,
Répète cent fois,
Dans l’accès qui l’agite,
Ah ! l’infâme con, ah ! l’infâme con,
Ah ! l’infame conduite !

Air : Je prenais du tabac pas beaucoup.

À ce fracas
Manon n’osa pas
Faire à son gas
Mystère du cas ;
Mais sans retour elle redit
Ce que l’ange a prédit,
Comme il avança
Ça.

Comme il fut éloquent ;
Quand
Son grand discours il fit.
Fi,
Dit l’époux trop instruit.

Air : À la façon de barbari, mon ami.

Vous avez, c’est un guet-à-pent,
Changé mon baptistaire ;
J’étais Joseph et je suis Jean,
Voilà tout le mystère.
Il me manquait cette façon,
La faridondaine, la faridondon.
Je suis, grâce à vous, un mari, biribi ;
À la façon de barbari, mon ami.

Air : Allez-vous-en les gens des noces.

Pour nous affranchir d’un joug rude,
Quand le Seigneur moins courroucé
Transige avec nous, dit la prude,
Par son bon ange poussé.
Qu’y trouvez-vous de déplacé ?… —
Parbleu, madame, c’est l’étude
Où cet acte là s’est passé.

Air : V’là c’que c’est que d’aller aux bois.

Mais à la fin Joseph se tait
Comme tout bon cocu fait ;
De son mieux il entretenait,
Nous dit l’évangile,
En époux docile,
Et la poulette et le poulet,
Comme tout bon cocu fait.

Envoi
Air : Des fraises, des fraises, des fraises.

Belle Eglé, si Dieu voulait
Racheter encor l’homme,
Ici-bas s’il descendait,
C’est à vous qu’il offrirait
La pomme, la pomme, la pomme.


Heureux qui vous porterait
Ces nouvelles étranges ;
Le mortel qui vous dirait
Un pareil ave, serait
Aux anges, aux anges, aux anges.