Le Poulailler/Chapitre09

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Librairie agricole de la Maison rustique (p. 82-96).

CHAPITRE IX


Soins à donner aux élèves. — Sevrage. — Triage des poulets. — Aération des boîtes. — Nettoyage des boîtes. — Boire des poulets. — Nourriture des poulets.



SOINS À DONNER AUX ÉLÈVES.

Nous avons vu comment était disposé le terrain à élevage, comment était disposée la boîte à poulets, et quels soins on avait à donner aux couveuses jusqu’à l’éclosion des petits. Il s’agit maintenant de pousser à bonne fin le travail entrepris et de produire de magnifiques volailles.

Une fois les poussins éclos, mis dans le panier à transport et portés au terrain, on arrive auprès de la boîte destinée a les recevoir. La mère est introduite dans son compartiment, les poussins sont glissés doucement un à un sous son plastron ; on étale devant la mère et tout près d’elle, afin qu’elle ne se lève pas, la pâtée que nous indiquerons plus tard et du millet. La mère, toute bouffie, toute boursouflée, partagée entre la joie de couvrir sa nombreuse famille et la crainte de se la voir ravir, se met, aussitôt qu’on s’est un peu reculé, à faire une multitude de petits cris significatifs que les poussins comprennent parfaitement, et bientôt on les voit sortir en flageolant sur leurs petites jambes encore mal assurées. La mère fait semblant de manger pour leur montrer comment on s’y prend, leur brise en menues miettes la mie de pain un peu trop forte, et en présente tantôt aux uns, tantôt aux autres. La leçon n’est pas longue à porter ses fruits. Chacun fait quelques essais d’abord infructueux, et, au troisième ou quatrième coup, finit par saisir une miette ou un grain ; et tout le monde de déjeuner copieusement.

La couvée retourne bientôt sous la mère chercher cette chaleur vitale qu’aucune couveuse ou mère artificielle n’a pu remplacer encore dans nos climats.

Il faut que, pendant les premiers jours après l’éclosion, il fasse une terrible chaleur pour que les poussins ne soient pas presque toujours sous la poule.

On donne à manger quatre ou cinq fois les premiers jours, parce que la mère dévore tout ce qui reste après chaque repas, et l’on met, le premier jour, la petite auge à boire dans la case de la poule et tout près d’elle, en ayant soin de renouveler l’eau qu’elle boit presque de suite à son arrivée. Quelques poulets, en la voyant boire, l’imitent, d’autres n’apprennent que par hasard à satisfaire ce besoin, en tombant le bec dans l’eau ; ils lèvent alors la tête et avalent la goutte ; surpris de cette bonne aubaine, ils recommencent, et les voilà au courant de la vie.

Le troisième jour, la nourriture des poussins est placée de l’autre côté et près du grillage intérieur. La poule leur montre le nouvel endroit, et petit à petit on recule chaque jour le manger, jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus l’atteindre. Cependant, et pendant la première quinzaine surtout, on met toujours assez près de la poule, pour qu’elle puisse y toucher, une partie de cette nourriture, parce que les poulets, attentifs à son cri d’appel, resteraient auprès d’elle sans aller trouver le manger et en pâtiraient. On conçoit que ce compartiment, fermé au dehors pour les poulets étrangers et au dedans pour la poule, n’étant fréquenté que par les poussins auxquels il appartient exclusivement, n’est jamais souillé et que le manger n’y est point gaspillé.

L’auge à boire est également placée dans le compartiment des poussins, dès le troisième jour, à une largeur de la main de distance de la grille intérieure et au fond de la boîte ; assez loin enfin pour qu’en passant et repassant d’un compartiment à l’autre, ils ne piétinent pas forcément dans l’eau, et assez près pour que la poule puisse, en passant la tête, s’y désaltérer à volonté.
Grav. 48. — Forme du morceau de zinc servant à faire l’augette à boire des poulets.

L’augette à boire est faite d’un seul morceau de zinc (grav. 48), dont les bords, relevés et soudés aux angles, donnent une boîte plate (grav. 49), de 0m.03 de haut, de 0m.09 de large, sur 0m.15 de long. C’est assez grand pour contenir suffisamment d’eau ; assez bas pour que les plus petits poussins puissent y boire, et pas assez haut pour qu’ils s’y noient.
Grav. 49. — Augette à boire des poulets.

Plus tard, on met de distance en distance, dans le terrain (tout en laissant les liquides dans les boîtes), des abreuvoirs plus grands, afin que les animaux trouvent de l’eau en se promenant ; toujours plats, pour que les petits ne puissent s’y noyer, et toujours à l’ombre, pour que cette eau reste fraîche.

Les poussins, comme je l’ai expliqué en décrivant la boîte, peuvent entrer et sortir d’une case dans l’autre, ou du terrain dans la boîte ; leur nourriture se trouve à l’abri des saletés de la poule et préservée de la voracité des gros poulets.

Si l’on se reporte au dessin qui représente la boîte à élevage en service (grav. 36), on voit le compartiment gauche, réservé à la nourriture, clos par son panneau et éclairé en dedans par la vitre supérieure ; l’autre compartiment, occupé par la poule, est clos par le grillage extérieur, qui prend, le matin, la place du second panneau de fermeture. Les poulets vont et viennent librement du dedans au dehors, et, pour faciliter le passage du bord de la boîte au sol, une large motte de gazon est artistement placée de façon à former un petit talus en pente douce.

Pendant les deux ou trois premiers jours, on laisse les deux panneaux de fermeture en place, attendu que les poulets sont trop faibles pour aller et venir du dedans au dehors, et que d’ailleurs il faut qu’ils aient très-chaud.

À moins que la chaleur ne soit tellement violente qu’il y ait danger à laisser la boîte close, ce n’est que le troisième jour qu’on remplace le panneau droit par le grillage.

On sait, du reste, que les deux panneaux (grav. 39) sont vitrés d’une façon mobile. Les vitres sont retirées ou remises, suivant qu’il fait trop frais ou trop chaud, pendant le printemps, surtout la nuit ; de même que, le matin, le grillage ne remplace le panneau que plus ou moins tard, suivant l’âge des poulets, la saison, l’état de la température. Tous les soirs, les panneaux sont mis à la boîte, quelque temps qu’il fasse pendant la nuit, afin de garantir les habitants de toute espèce de danger.


SEVRAGE.

Lorsque la poule commence à rebuter ses élèves, on doit bien prendre garde de la laisser avec eux ; car elle les frappe d’une manière cruelle. Il est, au reste, facile, de le prévoir, parce qu’elle cesse son gloussement d’appel plusieurs jours à l’avance. Il faut alors la veiller, et, dès les premiers indices, la retirer.

Les poulets doivent rester dans la boîte jusqu’à leur entier développement. Ses proportions sont calculées pour cela, et l’écartement des barreaux leur permet ordinairement de passer à travers les grillages, tant que la poule les garde.

Lorsque la poule est retirée, on met à l’abri les deux grillages, qui ne doivent plus servir que l’année suivante, et l’on continue de laisser à l’intérieur une auge à boire placée tout à fait au fond à gauche.

Quoique la mère soit retirée, les poulets continuent à rentrer d’eux-mêmes dans leur boîte, soit pour s’y coucher, soit pour manger.


TRIAGE DES POULETS.

Il est à propos, au moment de l’élevage où nous sommes parvenu, de faire un premier triage, afin que les animaux qui sont visiblement souffreteux et arriérés pour la force, ou bien ceux qui, parmi les poulets de race, présentent une dégénérescence positive ou des défauts de conformation et de plumage, soient sacrifiés comme ne pouvant jamais aller à très-bonne fin. Les soins et les dépenses doivent toujours se reporter sur ce qui en vaut réellement la peine. Ce triage, au reste, n’est fait qu’avec modération, et, je le répète, pour les animaux évidemment défectueux. Plus tard, quand ils ont à peu près atteint la grosseur d’une poule faisane, et suivant l’espèce, on opère un second triage, qu’il faut encore diriger avec discernement, pour ne pas éliminer des sujets précieux. Certaines races subissent tant de changements de forme pendant la durée de l’élevage, qu’on n’est tout à fait sûr du résultat que lorsque la croissance est à peu près achevée.

Ceux du premier comme du second triage peuvent être livrés à la consommation, et leur absence donne plus de place aux animaux de choix qui restent jusqu’à leur achèvement. Il ne doit jamais y avoir de malades si l’on élève avec soin ; mais enfin, si par hasard il s’en présentait un cas qui eût le caractère bien apparent d’une maladie contagieuse, il faudrait se débarrasser du malade.


AÉRATION DES B0ÎTES.

Les élèves de tout âge doivent avoir suffisamment d’air, et l’air doit entrer plus ou moins librement, suivant qu’il l’ait froid ou chaud

Lorsque les premiers poussins viennent de prendre possession de leur demeure, il est indispensable de placer dans le terrain, contre un mur bien exposé au nord et sans réverbération, un bon thermomètre, afin d’être toujours au courant des variations de la température.

Quand les poulets ont quatre ou cinq jours, après qu’on a pris les précautions indiquées ci-dessus, et si la température est entre 8 et 12 degrés au-dessus de 0, il faut continuer de tenir la boîte fermée par les deux panneaux, en ayant soin de laisser sans vitre, dans le jour, l’ouverture d’un des deux panneaux. Comme, pendant la nuit, la température baisse sensiblement, on remet la vitre à la chute du jour ; elle n’est retirée que le lendemain vers neuf heures.

Si la température est entre 0 et 8 degrés au-dessus de 0, il faut tenir les deux vitres en place jour et nuit. S’il fait chaud et que l’on soit dans la belle saison, on laisse les deux vitres ouvertes le jour, et l’on en replace une vers le soir.

Lorsque les poulets ont une ou deux semaines, on leur laisse un peu plus d’air, mais avec une grande prudence, et l’on ne les fait sortir dans le jour que lorsque le thermomètre marque tempéré ; autrement il faut les tenir enfermés dans leur boîte. Ils crient, mais il vaut mieux les entendre crier d’impatience pendant quinze jours que piailler de froid pendant une heure. Il en est de cela comme du reste, il faut observer. On doit tenir les boîtes ouvertes ou closes, suivant que les poulets, lorsqu’ils sont sortis, supportent bien ou mal le degré de température, ce qu’il est très-aisé de voir à leurs allures gaies ou à leur posture transie.

Quand la saison devient plus chaude, ou que les poulets ont un mois ou deux et qu’ils se couvrent de plumes, on devance l’heure de la sortie. Lorsqu’ils sont bien emplumés et qu’ils ont trois mois, on laisse les deux vitres ouvertes, même quand les nuits sont fraîches, parce que la chaleur qui se dégage des corps suffit pour entretenir une température convenable ; et d’ailleurs les déjections rendraient l’air on ne peut plus malsain. Aussi, lorsque les poulets sont tout à fait gros, il faudrait qu’il gelât pour placer une des deux vitres, et il ne faudrait les placer toutes deux que l’hiver et par des froids de 8 degrés et plus au-dessous de zéro.

Quand on est dans la belle saison, à l’époque des grandes chaleurs, on peut ouvrir de très-bonne heure, l’herbe est attendrie par la rosée ; une multitude d’insectes se mettent en mouvement ; on voit alors tout le troupeau occupé à paître et à chasser.

Si le froid est à redouter, la chaleur excessive n’est pas moins à craindre. Aussi est-il très à propos d’entourer les cabanes qui renferment les poussins d’arbustes qui portent ombre, pour les abriter contre les ardeurs du soleil de midi.

Les poussins qui viennent de naître surtout paraissent prendre du plaisir à supporter la chaleur du soleil d’été ; il faut les en préserver, au moins dans les premiers jours.


NETTOYAGE DES BOÎTES.

Nous voici arrivé à une des opérations les plus importantes. La boîte est, comme on le sait, parfaitement jointe ; aucun interstice ne subsiste, tout est peint, même l’aire. Avant de faire servir la boîte, c’est-à-dire avant de la faire habiter, on répand sur l’aire du sable très-fin, ou du grès pilé, ou de la sciure de bois. L’une ou l’autre de ces matières est également bonne, pourvu qu’elle ait été mise d’avance à couvert, afin d’être employée parfaitement sèche, car autrement elle ne ferait que répandre de l’humidité et atteindrait le but contraire à celui qu’on se propose, qui n’est que d’entretenir la place saine et d’empêcher les fientes de se coller aux animaux.

Quand la poule et les poulets ont passé vingt-quatre heures dans la boîte, il faut en nettoyer l’aire avec le plus grand soin. À cet effet, on se munit d’une petite planchette à rebords sur trois côtés (grav. 50) ; on la glisse sous le plancher de la boîte, et avec un petit balai convenable on attire tout ce qu’on peut recueillir du manger qui reste ; on jette ce manger dans une boîte réservée pour cet emploi, et dans une autre boîte on jette la sciure salie d’excréments, on prend une éponge mouillée d’eau propre, on nettoie la place, et l’on passe à l’autre boîte.
Grav. 50. — Planchette de nettoyage pour la boîte à élevage.

Les restants de nourriture sont donnés aux poules communes que l’on garde comme couveuses, et le produit des nettoyages est déposé dans un endroit où les animaux ne puissent pénétrer, parce qu’ils iraient infailliblement s’y salir ou ramasser le peu de vermine qui pourrait se trouver dans les boîtes. Quand les lavages sont séchés, on repasse partout pour y saupoudrer un peu de sable ou de sciure ; on remet de la nourriture, et ainsi de suite. Toutes les semaines on passe l’éponge sur les parois de la boîte, et, de temps en temps, on visite le dessous pour voir s’il n’y a pas de mites dans le terrain, auquel cas on goudronne le dessous de la boîte avec du goudron non siccatif.

Tous les ans, dès que les poulets sont choisis, sortis des boîtes et parqués, enfin aussitôt que les boîtes sont vides, elles sont visitées avec soin. Les places disjointes par la chaleur sont remastiquées, et les endroits qui en ont besoin, repeints ; après quoi tout est serré et remis dans un endroit sain jusqu’au nouvel élevage.

DU BOIRE DES POULETS.

Il importe que l’eau soit toujours de bonne qualité et que les poulets n’en manquent jamais ; aussi est-il bon d’en laisser toujours le soir dans le compartiment à eux réservé, pour qu’ils en trouvent dès leur réveil. Je le répète, des vases plats (afin que les jeunes ne s’y puissent noyer) doivent être placés partout dans le terrain à élevage, aux endroits les plus ombreux, et l’été l’eau doit être renouvelée deux fois pendant les grandes chaleurs.

Il faut nettoyer à fond les augettes, au moins deux fois par semaine l’hiver et l’été, parce qu’il s’y forme un dépôt vaseux qui infecte bientôt l’eau propre qu’on vient d’y mettre. Le zinc, la terre vernissée et le grès sont préférables aux auges en bois.

L’ordre à apporter dans la distribution et la composition de la nourriture doit être l’objet d’une attention toute spéciale.


NOURRITURE DES POULETS.

Nous avons vu à l’article des couvées que les poulets peuvent continuer à rester vingt-quatre heures sous les poules, sans qu’il leur soit donné de nourriture, car une partie de la substance dont l’animal a pris son alimentation à l’intérieur de l’œuf, s’introduisant tout à coup dans son corps au moment de l’éclosion, continue de le nourrir suffisamment pendant vingt-quatre et même quarante huit heures. Seulement il faut commencer à le faire manger dès le second jour de la naissance.

J’ai entendu toutes sortes de théories sur les premiers moyens de nutrition ; mais j’ai bien reconnu que les meilleures consistent en une pâtée ainsi composée :

On prend gros comme le poing de mie de pain rassis que l’on émiette très-fin entre les mains. On ajoute un œuf dur, qu’on hache très-menu, le jaune et le blanc compris ; on prend quelques feuilles de salade ou de jeune oseille, de navet, de chou ou de betterave, etc., que l’on hache fin et dont on met à peu près gros comme l’œuf. On mélange ensemble ces substances en les brouillant sans les presser ni manier, de façon que les parties restent désunies et ne forment pas une pâte. L’addition de la verdure conserve pendant le jour une certaine fraîcheur, qui sert de liaison et empêche les mies de pain de durcir. C’est de cette pâtée que l’on commence à nourrir les poussins ; ils en sont extrêmement friands. Dès le premier jour, on donne aussi du millet blanc de bonne qualité. Le compartiment réservé aux poulets doit toujours être pourvu de cette nourriture, aux places indiquées à l’article des soins à donner aux élèves.

Au bout de trois jours, on ajoute du blé, que les poulets quoique petits, commencent à manger.

On passe un nombre régulier de fois par jour, afin de remettre de la nourriture s’il en manque. Il faut aussi la varier, c’est-à-dire que chaque jour un des repas est composé d’une nourriture à part, afin qu’un nouvel élément vienne s’ajouter à l’alimentation générale et réveiller l’appétit des élèves. Ainsi, aujourd’hui, on donne à un des repas du riz cuit ; demain, au repas correspondant, des pommes déterre cuites, pétries avec du son ; après-demain, de la pâtée de farine d’orge ; le jour suivant, du pain grossier détrempé, etc., etc.

Pour qu’on puisse se faire une idée exacte de ce que je veux dire, je donne ici la liste des repas que j’ai dressée pour diriger la personne chargée de mes élèves ;

Après les trois premiers jours, addition de blé tous les matins, soit par terre dans un coin, soit dans une augette.

Depuis ce moment jusqu’à la fin de l’élevage, cette graine doit être donnée à discrétion.

En outre, tous les matins, dès l’apparition du jour, pendant le premier mois, un repas de la pâtée d’œuf.

À dix heures du matin, un repas de millet.

À deux heures du soir, riz cuit.

À six heures du soir, pâtée d’œuf.

Le lendemain, un des repas, celui de deux heures, est changé de nature. Au lieu de riz cuit, on donne une pâtée de pommes de terre avec du son ou avec du remoulage.

Le jour suivant, au même repas, on donne de la pâtée de farine d’orge.

Le jour suivant, on reprend le riz cuit et l’on continue dans le même ordre.

Au bout d’un mois ou six semaines, la pâtée d’œuf est supprimée, ainsi que le millet, et l’on remplace ces substances par une petite ration d’avoine. Il ne faut jamais donner aux poulets trop de cette graine, qu’ils finissent par préférer à toutes les autres, mais qui les échauffe trop et rend leur chair coriace. On peut leur donner, dans les pays où on en récolte, une portion de graine de sarrasin ou blé noir, ou du maïs cuit, etc.

Il n’est pas besoin de dire que la pâtée d’œuf, le millet et toutes les nourritures friandes peuvent être continuées tant que l’on veut pour les poulets très-précieux ; leur suppression n’a lieu que par économie.

La nourriture est variée, autant que possible, jusqu’à l’achèvement de la croissance. Néanmoins, quelque simplifiée qu’elle soit, il est toujours bon d’y faire entrer une pâtée humide, accompagnée d’herbages cuits, comme choux, navets, feuilles de betteraves, etc. Cependant, l’année passée et encore cette année, dans un clos garni d’un épais gazon, et assez grand pour que ce gazon reste toujours abondant, j’ai élevé des poulets auxquels on n’a donné que du blé à discrétion et une petite portion d’avoine. Ils sont parfaitement venus ; mais, je le répète, jamais l’herbe n’a manqué, et, dans ce cas surtout, elle est de la dernière importance. D’autres poulets, élevés de cette façon ou avec la nourriture variée, ont été laissés libres et pouvant parcourir un bois taillis de vingt arpents. Ce sont ceux qui ont grandi le plus rapidement et qui sont devenus les plus vigoureux.

On jugera donc à quel programme on devra s’arrêter, suivant les lieux et la nourriture dont on peut disposer.


DES ŒUFS DE FOURMI, DO SANG, DES VERMINIÈRES, DE LA VIANDE, ET AUTRES SUBSTANCES ANIMALES.

Dès leur naissance, les poulets montrent pour les substances animales une avidité inouïe ; mais ce n’est que dans des cas très-rares que leur emploi est possible.

Lorsque des élèves destinés à être parqués pour racer ont été habitués dès le début à cette nourriture, il faut nécessairement la leur continuer, même pendant les grandes chaleurs de l’été, parce que sa suppression est une des principales causes qui déterminent chez les volailles la maladie du picage. On les voit d’abord avaler les plumes qui tombent. Bientôt après, elles se les tirent réciproquement ; au fur et à mesure que les tuyaux reparaissent, elles les arrachent avec d’autant plus de fureur qu’ils sont sanguinolents ; des tuyaux elles passent à la peau, de la peau à la chair, et le parc n’offre bientôt plus qu’un hideux troupeau de bêtes sanglantes et en lambeaux, qui finissent par périr sans avoir pu rapporter un seul œuf.

En outre, les substances animales déterminent toujours une infection causée soit par leur putréfaction inévitable et rapide, soit par les excréments, qui dégagent une odeur intolérable. Le terrain où se trouvent les animaux est bientôt infecté, et de nombreuses maladies se déclarent à la suite de toutes ces émanations insalubres. La chair des bêtes élevées et entretenues à ce régime contracte un mauvais goût et manque de délicatesse. Les œufs même n’ont pas cette finesse si appréciable chez les poules qui mangent la nourriture ordinaire de la ferme.

L’établissement des verminières, outre les mêmes inconvénients énumérés ci-dessus, présente encore celui de coûter très-cher.

Le sang, qui ne peut être donné que frais dans les pâtées de son et d’herbages, et qui doit être cuit avec une extrême précaution, est ce qu’il y a de moins dangereux ; mais j’ai vu que les animaux s’en dégoûtaient bientôt.

La seule chose qui me paraisse possible et peut-être bonne est l’emploi des œufs de fourmi, quand les poulets sont jeunes.

En résumé, il faut se servir de son jugement et de ses observations pour modifier à propos ce que le pays où l'on se trouve offre de ressources, et adopter ce que l’expérience démontre être le meilleur.

Ainsi, en Normandie, dans le pays d’élève par excellence, les poulets ne sont nourris, jusqu’à deux ou trois mois, qu’avec de la pâtée d’orge cassé ; à cet âge, ceux qui sont destinés à la table sont soumis à l’engraissement, et l’on commence seulement à donner un peu d’avoine et de blé à ceux qui sont gardés pour la reproduction. Petit à petit, les rations de graines sont augmentées, et les animaux adultes finissent par être nourris comme partout. Il est vrai que, dès leur naissance, les élèves courent librement à travers les prés touffus, où ils trouvent de l’herbe et des insectes en abondance.

Je rappellerai encore, quoique j’en aie déjà parlé, qu’il est indispensable et que je regarde comme une des premières conditions de réussite que le terrain d’élevage soit pourvu d’un vaste gazon bien fourni ; il faut, s’il se peut, y ajouter des plantations de salades, choux, colzas, navets, oseilles, betteraves, etc. Lorsque, vers le troisième ou quatrième mois de l’élevage, les produits des semis ont été dévorés, on prend des betteraves, navets ou choux tout élevés, et l’on en fait un repiquage profond pendant les pluies abondantes, quand la terre est très-détrempée. Toutes ces racines reprennent parfaitement et donnent une nouvelle provision de verdure aux élèves.