Le Poulailler/Chapitre31

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Librairie agricole de la Maison rustique (p. 286-291).

CHAPITRE III

Maladies. — Parasites.



DES MALADIES.

J’ai dit que ce chapitre serait aussi court que possible, et ce n’est pas sans de bonnes raisons.

La plupart des maladies viennent, le plus souvent de la mauvaise constitution des sujets, laquelle est due d’abord à des accidents dont la cause échappe, puis à la mauvaise santé des parents, à l’insuffisance de soins et de nourriture pendant la croissance, à une longue suite de mauvais traitements, etc., etc.

Mais, quelle que soit la cause déterminante de la maladie chez une poule, il n’en est pas moins vrai que, si l’on veut essayer de la rétablir, il faudra tout autant de science, de soins assidus, de dépenses, qu’en demanderait un cheval malade qu’on voudrait guérir.

Comme la chose est impossible, le plus court et le plus simple de tous les remèdes est de lui couper le cou ; on aura tout avantage à ne pas garder un animal improductif, capable seulement de propager dans le poulailler le mal dont il est infecté.

Quand des animaux robustes deviennent malades, c’est presque toujours par suite de la saleté de l’eau ou des poulaillers, de l’infection des espaces restreints où ils sont confinés, et de la privation de substances qu’ils sauraient bien trouver en liberté.

C’est donc par les soins hygiéniques de toute sorte, indiqués dans le cours de cet ouvrage, qu’il faut prévenir les affections qui, la plupart du temps, deviennent contagieuses et causent dans les grandes fermes des ravages vraiment dommageables, et chez les amateurs des pertes souvent irréparables.

Quelques indications que nous croyons utiles peuvent servir en certains cas à la guérison d’animaux précieux.

Les maladies les plus fréquentes sont, le catarrhe nasal (écoulement par le nez), le chancre (aphthes) à la langue, dans le gosier, et enfin l’ophthalmie.

Ces affections sont presque toujours l’indice d’une constitution primitivement mauvaise ou viciée ; elles peuvent être aussi déterminées par des courants d’air, par des logements ou des terrains infectés, par une nourriture ou de l’eau malsaines, et, dans les espèces délicates, comme le crèvecœur, le hambourg, le dorking, etc., par un simple changement de localité et d’habitudes.

Dans le premier cas, elles sont presque toujours incurables, et, dans les autres, la première condition de traitement est l’isolement par un, deux ou trois sujets, dans de petits compartiments planchéiés, tenus très-propres et sablés.

Les narines, les yeux, l’intérieur du bec, sont lavés tous les matins avec de l’eau légèrement acidulée.

Si le chancre produit des mucosités épaisses ou des matières couenneuses, elles sont enlevées au moyen d’une spatule coupante en bois ; la place est lavée, et, si l’on peut, cautérisée au nitrate d’argent.

Une nourriture rafraîchissante, comme le millet, la pâtée de farine d’orge, des herbages et de l’eau très-propre, est le complément du traitement.

Au fur et à mesure que les animaux se guérissent, on les lâche, pour les refaire, dans des endroits enherbés les plus vastes possibles.

Une coutume barbare, aussi ridicule qu’abominable, consiste à arracher, dans la maladie qu’on nomme pépie et qui n’est autre chose que le chancre ou aphthe, la partie cornée de la langue, partie aussi naturelle de cet organe que l’ongle l’est du doigt. J’ai vu des gens prendre une poule malade, lui visiter l’intérieur du bec, puis, s’apercevant qu’elle était affectée du chancre ou aphthe, s’armer promptement d’une épingle et arracher à la malheureuse bête le bout de la langue.

Par précaution, on visitait les volailles de la cour. Toutes ayant le bout de la langue corné, il était décidé que toutes avaient ou allaient avoir la pépie, et alors tout le monde de se mettre à la besogne et d’estropier la basse-cour entière.

Cette blessure est toujours longue à guérir, et souvent incurable.

Une des affections les plus dangereuses, parce qu’à la longue, et sans qu’on s’en aperçoive d’abord, elle finit par envahir toutes les volailles d’un établissement, petit ou grand, est une maladie que je nommerai le blanc. C’est une espèce de gale, causée évidemment par des acares ou des végétations invisibles, qui apparaît d’abord aux pattes, à la crête, aux barbillons, aux joues, aux oreillons, sous la forme de petites plaques farineuses. Ces plaques s’étendent et s’épaississent graduellement jusqu’à boucher tout le conduit auditif, à former des croûtes aux caroncules, à faire des bourrelets aux pattes, à en soulever et faire tomber les écailles, et enfin jusqu’à envahir entièrement l’animal.

Aussitôt qu’on s’aperçoit de l’apparition du blanc, il faut y apporter remède au moyen d’un spécifique certain, qui n’est autre chose que de la pommade soufrée, dont la recette suit

Soufre en poudre ou fleur de soufre,
Graisse de porc, saindoux,
En quantités égales.

Ces deux substances, longtemps pétries ensemble, doivent former une pommade très-épaisse, qui sera appliquée abondamment. Si le blanc est déjà ancien et très-farineux, il faut prendre un instrument tranchant, gratter presque jusqu’au vif, même dans les endroits les plus difficiles, appliquer la pommade en quantité et recommencer tous les trois jours, jusqu’à entière guérison. L’application de la pommade aura lieu partout le corps, si tout le corps est envahi, en ayant soin de soulever les plumes par couches, afin de ne pas trop graisser l’animal.

La goutte est une maladie qui appelle le couteau, comme la consomption, les engelures, les convulsions, les fractures, etc.

Somme toute, et règle générale, toute volaille affectée d’une maladie quelconque, et dont on désire le rétablissement, doit être soumise à la séquestration avec la nourriture indiquée. Ce moyen m’a presque toujours réussi sans autre traitement.


PARASITES ET PICAGE.

Une des plus terribles causes de destruction est l’envahissement des poulaillers par les mites. Lorsque cet affreux insecte vient à paraître, il pullule avec une si grande rapidité, que sa présence est bientôt signalée par les désastres qu’il cause.

En effet, ces dégoûtants parasites viennent dans l’ombre, après le coucher des volailles, s’emparer de leur proie, et rentrent avant le jour dans les retraites nombreuses et cachées qu’offrent toujours les poulaillers mal construits ; malheur aux poules qui couchent par terre ou restent dans les nids, sollicitées par l’envie de couver. Des bandes innombrables de ces vampires viennent les trouver, et chaque matin des volailles bien portantes la veille sont étendues mortes ou mourantes à la place qu’elles ont occupée pendant la nuit.

Le feu, le soufre en poudre brûlé ou non brûlé, les poudres pour détruire les insectes, la chaux, rien, rien ne peut débarrasser les poulaillers, les paniers à couveuses, les boîtes à élevage de cet insupportable insecte, si ce n’est le soin continuel de changer les pailles, de nettoyer à fond, et de boucher toute espèce d’interstice pouvant leur servir de retraite.

Trois autres espèces de parasites s’attachent à la volaille et vivent toujours sur son corps. Il y a peu de poules qui en soient exemptes, et les animaux mal portants et rassemblés en grand nombre en sont infestés. La liberté, la propreté, la séparation, peuvent les débarrasser de cette vermine, surtout si l’on a la précaution de leur enduire tout le corps d’une légère couche de pommade soufrée, en ayant soin de soulever les plumes par couches, pour ne pas en inonder le plumage.

Les volailles enfermées dans des parcs étroits, ennuyées d’une longue captivité, privées de substances calcaires, d’herbages, ou, comme nous l’avons déjà dit à la page 94, habituées à manger de la viande, et par la suite privées de cette nourriture, finissent souvent par s’arracher les plumes une à une, les avaler, attaquer la chair et se dévorer les unes les autres jusqu’à ce que mort s’ensuive ; cette étrange maladie se nomme le picage.

Deux seuls moyens peuvent y apporter remède :

La liberté ou le couteau.


RAGE DE COUVER.

On peut presque ranger au nombre des maladies la rage de couver qui s’empare de certaines poules, surtout dans les espèces exotiques, rage à laquelle aucun dérangement ne saurait les arracher ; le remède est d’une grande simplicité. Il faut avoir un petit parc exprès, avec un bout de hangar pour les pluies. On y jette les poules qu’on ne veut pas laisser couver. Aucune nourriture ne leur est donnée pendant quarante-huit heures ; au bout de ce temps, on peut être sûr qu’elles ont à peu près abandonné leur projet de couver. Il est bon de leur donner alors une petite pincée de graine chaque matin, pour qu’elles reprennent petit à petit leur somme ordinaire de manger. Au bout de quatre à cinq jours, elles sont remises à leur cour ou à leur parc, et, huit ou dix jours après, elles reprennent leur ponte. De l’eau fraîche doit être donnée en abondance aux poules qu’on met à découvert.



FIN DE LA TROISIÈME PARTIE.