Le Premier Cartulaire de l’abbaye cistercienne de Pontigny/Chapitre I-I

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Texte établi par Martine GarriguesBibliothèque nationale de France (p. 9-10).

I. Le fonds d’archives de Pontigny.

C’est bien souvent un lieu commun, lorsque l’on étudie le fonds d’une abbaye, de dire qu’il est l’un des plus riches du pays dans lequel elle a été fondée. Mais dans le cas de Pontigny nous ne sommes guère éloignés de la réalité : ses archives, en effet, sont les plus importantes du diocèse d’Auxerre après celles de l’abbaye de Saint-Germain. La richesse de son fonds provient, tout d’abord, du grand nombre de pièces qui sont parvenues jusqu’à nous plus de huit mille documents dont deux mille parchemins et six mille cartons. Ce qui est plus rare encore, c’est le nombre important d’actes des xiie, xiiie et xive siècles qui sont arrivés jusqu’à nous dans un bon état de conservation[1]. Il n’est que d’ouvrir l’Inventaire sommaire des Archives départementales de l’Yonne au tome III de la série H[2] pour voir qu’il subsiste bien des chartes dont certaines sont encore munies de leurs sceaux d’aucuns sont fort beaux, tels ceux des rois de France, Louis VII ou saint Louis, ou du roi d’Angleterre, Henri III, que F. Molard nous décrit dans la préface de l’Inventaire. Un premier groupe de documents est constitué par des copies exécutées au xviiie siècle. Il comprend, tout d’abord, un inventaire général des titres de l’abbaye, rédigé en 1721 avec des additions postérieures. Formé de deux registres sur papier, de trois-cent-cinquante feuillets chacun, il suit l’ordre topographique des domaines du monastère et réunit des actes allant du xiie au xviiie siècle. Il est à noter que l’on n’y trouve aucun acte, pour notre période, qui ne figure soit dans les cartulaires, soit parmi les originaux. Nous trouvons ensuite les copies de deux cartulaires de Pontigny. La première est celle de notre cartulaire, et nous en reparlerons ultérieurement l’autre transcrit un cartulaire rédigé au xive siècle et dont l’original se trouve actuellement à la Bibliothèque nationale (ms. latin 5465).

Vient ensuite une belle série de bulles, qui forment deux liasses. La première contient soixante-neuf pièces sur parchemin, qui traitent aussi bien des problèmes de dogme et de discipline que des grâces accordées par les papes à l’ensemble de l’ordre cistercien. La seconde renferme, au contraire, des bulles qui concernent plus particulièrement Pontigny et ne font qu’entériner les donations, échanges ou ventes relatifs à l’abbaye. Il est à remarquer que notre cartulaire ne contient aucune copie de ces bulles sans doute existait-il un bullaire qui a disparu très tôt, car aucune mention n’en est faite par les divers copistes ou compilateurs des titres de Pontigny. Malheureusement sur les cent-vingt actes de la deuxième liasse bon nombre ont été abimés par l’humidité, ce qui rend souvent leur lecture difficile.

Un troisième groupe de documents rassemble les titres de l’abbaye classés par auteurs. En tête se placent les privilèges et exemptions générales qu’accordèrent, avant tout, les rois de France vingt pièces, dont douze possèdent encore leur sceau, et qui vont du règne de Louis VI à celui de Louis XI. Suivent des chartes des comtes de Nevers, d’Auxerre, de Joigny, de Champagne, de Bar et d’Évreux qui dotèrent Pontigny de privilèges et de terres jusqu’à la fin du xive siècle. Une troisième renferme les actes émanés des prélats locaux l’archevêque de Sens, les évêques d’Auxerre, de Langres, de Troyes et de Nevers. Une liasse particulière contient les donations accordées par les rois d’Angleterre à partir d’Henri III : c’est là le reflet du rôle important joué par Pontigny dans les démêlés entre les archevêques de Cantorbéry et les souverains anglais. Il y a là sept actes originaux dont le dernier date de 1396. Enfin deux petites liasses renferment les dons des simples particuliers jusqu’au xive siècle et quelques accords et transactions avec d’autres abbayes. Sont groupées ensuite des pièces relatives au personnel de Pontigny : elles forment trois liasses qui permettraient de faire l’étude de la structure interne de cette abbaye ’cistercienne, surtout aux xvie, xviie et xviiie siècles.

Sur cette même période portent les actes suivants, grâce auxquels il serait possible de brosser le tableau de toute l’histoire de Pontigny jusqu’à la Révolution. En effet se trouvent là des papiers sur les revenus du monastère au xvie ainsi que ses démêlés avec les Protestants. On y voit également des baux généraux, les créances et les emprunts consentis par Pontigny cela permettrait une étude quantitative sur sa richesse aux xviie et xviiie siècles, alors que pour les périodes antérieures est à déplorer le manque de tout document comptable, ce qui rend impossible ce genre de travail pour la période médiévale.

Enfin sont rassemblés dans un ordre topographique et alphabétique des localités tous les titres de propriété du monastère depuis sa fondation jusqu’à la fin du xviiie siècle, accompagnés, pour la plupart des domaines, de plans dressés aux xviie et xviiie siècles qui décrivent les parcelles. Nous nous trouvons là en présence de la partie la plus importante du fond puisqu’à elle seule, elle renferme les deux tiers des documents qui nous sont parvenus. En définitive, cette rapide description du fonds des archives de l’abbaye de Pontigny nous révèle sa richesse nombre d’originaux pour la période médiévale et documents qui permettraient une étude précise du temporel et de l’organisation interne du monastère à partir du xvie siècle. Bien plus, le classement même de ce fonds, comme nous le verrons, est à peu près semblable à celui de notre cartulaire, de même qu’il reflète les grandes phases de l’histoire de Pontigny pendant les deux premiers siècles de son existence.

  1. P. Tiburtius Humpfner, Archivum Pontiniaci, dans Annal. cisterc., t. II (1946), p.135.
  2. Pour les ouvrages cités ci-après, voir l’état des sources et la bibliographie, p. 76, infra, p. 73-80.