Le Puits de la vérité/L’amour japonais

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L’AMOUR JAPONAIS



Elle est bien curieuse, cette histoire des amours malheureuses d’un jeune Japonais et d’une institutrice anglaise, et rien ne nous fait peut-être pénétrer plus avant dans la mystérieuse âme de ces petits hommes. Que nous sommes loin des mièvreries légendaires ! Donc un peintre japonais rencontra à Vienne une Anglaise avec laquelle, séduit par son intelligence, il noua des relations d’amitié, et cette amitié, peu à peu, se transforma en un amour éperdu qui ne se maintint dans les limites du sentimentalisme que grâce aux lointaines perspectives d’un mariage futur. Les Japonais, comme tous les peuples de race jaune, ignorent le baiser, ce qui, soit dit en passant, doit leur faire paraître notre littérature romanesque bien singulière : la jeune Anglaise l’initia à ses douceurs et une lettre nous montre le trouble qui saisit l’ignorant Japonais quand il approcha pour la première fois ses lèvres maladroites du jeune front qui s’offrait à lui. Il fallut se séparer, car le Japonais, qui était marié en son pays et qui avait eu de sa femme un enfant (ce qu’il appelle une « faute d’impression »), trompé d’ailleurs, lui ont appris des amis, par cette femme trop longtemps abandonnée, a décidé de demander le divorce, ce qui est très facile au Japon. Libre, il y attendra sa fiancée et c’est l’amour, cette fois, et non une formalité sociale, qui nouera l’union. Quand il part, il est épris au point que la jeune Anglaise, dans son exaltation, l’est à peine autant que lui. Mais le voyage, le retour en son milieu changent brusquement ses idées. Il a été saisi soudain d’un sentiment de honte ! En effet, l’amour au Japon est considéré comme immoral. Les satisfactions de l’instinct charnel y sont admises, mais on considère qu’aimer c’est se mettre en esclavage, c’est se diminuer, c’est s’avilir. Il y a tout de même des amoureux au Japon, mais dans la basse classe et fort méprisés. L’initié au baiser d’amour ne put surmonter les préjugés de sa caste. L’Anglaise, qui était allée le rejoindre, inquiète, le trouva insensible. On assure qu’elle devint désespérée et ne put survivre à sa déception. Et il y a des gens qui veulent nous faire comprendre les Japonais.


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