Le Rhin français/09

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Attinger Frères (p. 29-31).

IX

Le vote de 1797.

Il se peut qu’on invoque des souvenirs bien plus récents.

En 1793, nos victoires annexèrent à la France les territoires cisrhénans, qui furent divisés en cinq départements, la Belgique à part, devenue également française : les Forêts (c’est à peu près le Luxembourg dit indépendant ; cette subdivision ne tarda pas à disparaître, au profit du département de la Sarre) ; la Sarre, chef-lieu Trêves ; le Mont-Tonnerre, chef-lieu Mayence ; Rhin-et-Moselle, chef-lieu Coblence ; Roer, chef-lieu Aix-la-Chapelle.

En 1797, le peuple des quatre circonscriptions se jugea protégé plutôt qu’annexé. Il demanda par pétition une incorporation plus complète lui donnant tous les droits et privilèges des Français de France.

Dans les quatre départements, Sarre, Mont-Tonnerre, Rhin-et-Moselle, Roer, les villes votèrent avec enthousiasme, Mayence en tête. Peu de cantons se montrèrent indifférents ; il n’y en eut aucun d’hostile, et la majorité fut superbe.

Depuis lors, le Rhin a versé une mer à la mer. Cent ans de souveraineté teutonne, les déroutes de 1813, 1814, 1815, les triomphes insolents de la Prusse ont évidemment fort accru le prestige de Berlin, fort diminué l’attirance de Paris. Mais sans doute toute cette sympathie n’est pas morte partout ; elle ne l’était pas du moins après 1830, voire après 1848.

Dire qu’elle ne revivra jamais, qu’il est impossible qu’elle renaisse, dépasserait la vérité ; toute étincelle n’est pas encore éteinte. Et certes il n’y aura plus beaucoup de gloire à se dire Allemands.

À quelqu’un qui s’indignait de voir l’Alsace-Lorraine se refuser d’abdiquer la qualité de française, le premier et, l’on doit l’espérer, l’avant-avant-dernier empereur de l’Allemagne, l’« inoubliable grand-père », Guillaume soit-disant le Grand, répondit : « La France n’a possédé la rive gauche du Rhin que pendant vingt ans et les traces en sont visibles encore soixante-dix ans après. »