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Le Rut ou la pudeur éteinte/3

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L’Œuvre de P.-C. Blessebois, Texte établi par Guillaume ApollinaireBibliothèque des Curieux (p. 113-166).


À MADEMOISELLE DE SCAY




Mademoiselle,


En quelque lieu du monde que vous soyez, au bordel, aux Madelonnettes ou à l’Hôpital, cette dernière partie de votre Rut, qui doit courir tout l’univers sur les ailes de la bonne opinion que j’en ai, ne saurait manquer de tomber sous vos pattes. Elle ne vous apprendra rien de nouveau, mais elle vous fera connaître que si j’en savais davantage, je ne vous aurais pas fait l’injure de le passer sous silence. Vous êtes de l’humeur de ces vieux guerriers qui sont charmés au récit qu’un auteur leur fait des anciennes prouesses dont ils ont immortalisé leur nom, et vous n’avez jamais de plus parfaite joie que lorsque l’on réveille en vous le souvenir de vos extrêmes débauches, dont le nombre innombrable ne saurait trouver de place dans une seule caboche. L’on ne saurait si bien dépeindre votre effronterie que vous n’y trouviez toujours quelque chose d’oublié. Si l’on vous disait, par exemple, que la première fois que le marquis de Courcelles vous chevaucha, il le fit cinq fois, vous ne manqueriez pas d’ajouter que vous jugeâtes l’action si glorieuse d’être à cheval sur un marquis que vous lui donnâtes un tour de fesses tellement subtil et inévitable qu’il ne se put défendre d’être à son tour acalifourchonné. Vous aurez beaucoup de ces sortes d’omissions dans ce petit ouvrage, mais vous me les pardonnerez quand je vous aurai assurée que tout ce que j’ai fait jusqu’ici n’a été qu’une épreuve de mes forces, ou qu’un prélude, si vous voulez, après lequel je vous donnerai un branle plus juste et mieux conditionné. Attendez donc, s’il vous plaît, à vous fâcher contre moi que je vous aie manqué de parole, et cependant continuez en votre affection celui pour qui vous avez abandonné votre pays et que vous achèteriez de votre sang, s’il était à vendre.





TROISIÈME PARTIE



Il n’y avait pas encore une heure que le vainqueur de Python brillait de mille feux nouveaux sur les maisons de la Sodome normande[1] lorsque Le Hayer, entendant un bruit confus de voix diverses et ramassées devant sa porte, mit le nez à la fenêtre pour savoir ce que cela voulait dire. Il avisa une infinité de monde qui s’y entrepoussait pour voir la tête du monstre mort-né, si bien que mille remords de ses crimes lui donnant d’éternelles appréhensions, il crut infailliblement que son heure était venue et que l’on n’assiégeait sa maison que pour tirer vengeance des cruautés qu’il avait exercées contre le public. Dans cette juste appréhension : « Ah ! mes amis, s’écria-t-il, arrêtez votre fureur, je vous en conjure, au nom de tous vos parents que mon injustice a conduits en paradis et envers qui votre dévotion ne saurait manquer d’être extrême. J’ai donné lieu à votre emportement, je l’avoue, mais je saurai réprimer mon funeste penchant, si vous ne vous portez pas aux extrêmes résolutions contre ma vie. Je vous ferai connaître à l’avenir, par indulgence que j’aurai pour vos crimes, que le proverbe n’est pas faux qui dit que les hommes changent d’humeur de temps en temps, et que celui-là était hier un tigre insatiable en qui nous trouvons aujourd’hui une douceur de mouton. »

Ce peuple, que la tête de la petite Hïante avait déjà disposé à la joie, ne put s’empêcher d’éclater de toute sa puissance aux discours du pou de la ville et fit des grimaces à la villageoise, si bouffonnes et si comiques que le beau prisonnier aurait sans doute effacé le souvenir de ses chaînes si ce divertissement lui avait été accordé. Sa vaine et ridicule appréhension lui avait fait dire beaucoup d’extravagances, mais un de ses confrères qui l’avait écouté, levant la voix : « Parbleu ! lui dit-il, vous tenez là de plaisants discours. Et qu’avez-vous à redouter de l’impuissance de ces malheureux, dans le sein d’une si bonne ville ? Descendez seulement et nous venez apprendre quel diantre d’oiseau que c’est celui que nous voyons à votre porte.

— Ce sera donc sur votre parole », répondit Le Hayer, à qui la présence du quidam avait rendu une partie de son assurance.

Là-dessus, il vint ouvrir sa porte, accompagné de certaine garce conjugale dont je tairai le nom, parce que je l’ai oublié.

L’aspect de la petite Hïante ne le surprit pas moins que le reste des spectateurs, mais il déguisa mieux son étonnement, et connaissant à peu près que c’était une pièce qu’on lui avait joué, il la détacha promptement et fit accroire aux crédules rustiques que c’était la tête d’un singe que son frère avait tué dans la forêt. Après cela, il se renferma pour s’aller habiller, et les dogues s’en allèrent au marché, bien satisfaits d’avoir vu, sans qu’il leur en coûtât davantage que leur temps, une chose inconnue dans leur village.


            Mais je m’éloigne de mon but ;
            Muse, revenons à l’histoire,
            Et de mon encre la plus noire
            Achevons de peindre le Rut.


La pauvre Hïante avait assez mal passé la nuit, et son mari, qui s’était aperçu que son ventre était vide, voulait savoir ce qu’était devenu le fruit des labeurs de ses voisins. Il pestait et faisait rage dans sa chambre, et combien qu’elle lui jurât qu’il n’y perdrait rien et que la défunte n’était pas de son ouvrage, il était en humeur de quereller et voulait, à quelque prix que ce fût, que Hïante la retrouvât. Elle qui s’aperçut que Jean n’était ainsi terrible que parce qu’il était à jeun : « Tiens, lui dit-elle, Jean, prends cet écu, va boire et nous laisse en repos… ».

— Quand je t’aurais brisé les côtes, dit-il alors, en se radoucissant, je n’en serais pas plus gras, et ce serait un sabbat éternel dans mon ménage ; il vaut donc mieux que je sorte et que j’aille


            Noyer l’excès de mon chagrin
 Dans les rubis de quelque pot de vin.


Après qu’il eut fait la place nette, Dorimène vint savoir en quel état était la triste commère, et la trouvant trop faible pour l’accompagner en prison, elle y fut toute seule :


            Mais quel fut son étonnement
            Quand elle apprit que son amant,
            Par une heureuse destinée,
            En était sorti hautement !
            Son âme fut abandonnée
      Au plus sensible et plus cruel tourment
            Qu’elle eût ressenti de l’année.


Elle monta dans sa chambre, où trouvant le solitaire Poquet. « L’ingrat a donc bien pu s’en aller sans prendre congé de moi ? lui dit-elle. Hélas ! qui l’aurait cru capable de cette infidélité, et que les jeunes gens sont légers ! Ma foi ! je lui en ferai bien des reproches par le courrier.

— Voilà, lui dit Poquet, une lettre qu’il m’a donné charge de vous rendre ; peut-être y trouverez-vous de quoi vous consoler.

— Voyons, répartit-elle, ce que nous apprendra cet

Adieu de Céladon à Dorimène

            Je ne saurais vous aller dire
            Le bien que mon cœur vous désire,
            Ni l’adieu de remercîment :
            Je n’ai pas un petit moment,
      Tant est cruel le destin qui m’inspire
            Et qui m’ôte du monument
            Que mon amour voudrait élire
            Pour vous voir éternellement.
            Vous m’allez appeler barbare,
            Dans l’excès de votre dépit,
            Mais quand Poquet vous aura dit
La cruelle raison qui de vous me sépare,
      Vous me plaindrez, mon adorable phare,
            Sans me juger indigne du crédit
            Qu’eut chez vous mon fidèle v…
            Au reste, je vous recommande
            Le triste et l’affligé Poquet ;
            Jouez souvent au bilboquet
      Et grossissez tous les jours votre bande.
N’allez pas sottement, l’un de l’autre jaloux,
            À l’exemple de quelques fous,
Vous piquer de constance où le change a des charmes ;

Sur maints objets divers laissez faire vos armes ;
      Mais en faveur de notre liaison,
            Que ce soit toujours en prison
            Où vous bandiez comme des carmes.


Elle ne trouva pas, toute la satisfaction possible dans ce billet, mais comme le mal était sans remède, elle s’en consola le plus aisément qu’elle put. Je la laisserai avec Poquet jouer à pet-en-gueule, afin de parler de Céladon et d’Amarante.

Le beau prisonnier était monté sur un cheval de louage et galopait sur le chemin d’Alençon à Séez, lorsqu’il entendit une voix qui lui cria : « Arrête, Céladon, et dispose-toi à disputer ta vie contre un ennemi qui n’a pas de petites entreprises sur elle. » En disant cela, l’assaillant porta la bride de son cheval à ses dents, et prenant ses pistolets des deux mains les tira tous les deux sur Céladon ; mais comme ils n’étaient pas seulement amorcés, ils prirent rat, et le beau prisonnier, qui reconnaissait Amarante malgré son déguisement, mettant la main aux siens : « Qui que tu sois, lui dit-il en dissimulant, tu n’es guère avisé de n’avoir pas donné meilleur ordre à des armes dont tu prétendais de sacrifier ma vie ; mais tu en recevras la punition. Çà, que l’on chante, ou tu es mort. Après cela, tu m’instruiras de l’offense que je t’ai faite.

— Je te demanderais quartier, lui répondit l’amoureuse guerrière, si je croyais que tu fusses d’humeur à me le donner ; mais ton procédé de ce matin me fait assez connaître que tu respires ma mort.

— Je meurs si je t’entends, poursuivit Céladon ; explique-toi plus clairement, et sache que si j’ai péché contre toi, que je ne pense pas avoir jamais vu, je réparerai mon offense au gré de tes désirs.

— Puisque tu m’en assures de si bonne grâce, continua le vaincu, je ne feindrai point de te dire que je suis Amarante qui me viens plaindre à toi du tort que tu me fais de me quitter sans me dire adieu. Je ne pense pas avoir donné lieu à ton indifférence, et celle qui te vient offrir son bien, après avoir donné son cœur, n’avait pas tout à fait mérité ton silence.

— Ah ! mademoiselle, lui dit le rusé Céladon en l’embrassant, à quel péril vous êtes-vous exposée, et dans quel excès de malheur ne m’auriez-vous point abordé si j’avais été assez disgracié du ciel pour répandre une goutte de votre sang que tout le mien ne serait pas capable de payer !

— Je connais votre générosité, répondit Amarante, et d’ailleurs j’ai bien cru que le dieu qui m’a portée sur ses ailes sur vos pas arrêterait votre colère.

— Loué soit-il à jamais ce dieu tutélaire, répondit-il, qui permet que je vous revoie lorsque j’en désespérais !

— Ah ! interrompit Amarante, que vous êtes double, cher Céladon, et que vous êtes un grand maître en l’art de dissimuler. Si vous aviez autant d’amitié pour moi que vous voulez que je le croie, vous n’auriez pas ainsi emporté le chat, et un tendre discours m’aurait assurée de votre ardeur, à votre sortie.

— Je vois bien, lui dit Céladon, que vous n’avez pas reçu une lettre que je vous ai envoyé par mon laquais, dans laquelle je vous marquais mon déplaisir et les raisons que j’avais de ne vous point faire la révérence. C’est pourquoi je vous dirai que, dès l’aube du jour, M. de Colbert a envoyé un de ses secrétaires me décharger, à condition que je sortirais de la ville sans m’y arrêter seulement une heure et sans parler à qui que ce soit. Il est trop grand seigneur et trop puissant en ces endroits pour lui manquer de parole, et cela a fait que j’ai passé par-dessus les suggestions de mon amour, qui voulait à toute force que je vous allasse embrasser avant de partir.

— Si cela est, je vous pardonne, répondit Amarante ; mais pour vous laver entièrement de votre crime, il faut que vous m’accordiez la grâce que je vous demanderai quand votre parole m’aura assurée de n’en être pas dédite.

— Et que voulez-vous exiger de moi ? reprit Céladon ; vous seriez autant injuste que belle si vous doutiez de mon obéissance.

— Je souhaite, acheva la coureuse, que vous me permettiez de vous suivre en l’endroit de la terre où vous avez résolu de vous retirer, ou que vous terminiez cette vie que je ne reçois de vous qu’à cette cause, et qui me serait plus cruelle mille fois que la mort si je la passais loin de celui qui me la fait trouver aimable. »

Ce discours fut sans doute poussé avec beaucoup de tendresse, et Amarante l’accompagna de toutes les grâces dont elle était capable. Elle aimait véritablement Céladon, et elle m’a juré depuis qu’elle se serait plutôt commise à toutes les bassesses du monde que de le quitter sans lui tenir compagnie. Céladon, au contraire, ne la trouvait pas supportable, mais la nécessité de ses affaires lui dénouait la langue à des douceurs où son âme n’avait aucunement part. Il savait bien qu’elle était en état de grossir sa bourse, et c’était ce qu’il lui fallait ; c’est pourquoi, après qu’il l’eut regardée d’une manière capable d’enflammer les glaçons de janvier :

« Je savais bien, lui dit-il, généreuse Amarante, que vous me faisiez l’honneur de m’aimer, mais je n’aurais jamais cru que vous m’eussiez voulu rendre si heureux ; cette faveur est au-dessus de mon mérite, et mon espérance ne trouvait point de degrés pour y monter. Mais enfin, puisque l’excès de ma bonne fortune vous aveugle jusqu’au point de me vouloir suivre, je n’ai garde de rejeter cette consommation de ma gloire, et je vous conjure, au nom de vos adorables appas, dont j’aurai un souvenir éternel, de me tenir parole.

— Je ne vous ai rien demandé où je n’aie mûrement réfléchi, reprit-elle, et pour vous témoigner que je n’ai monté à cheval que dans ce sentiment, j’ai apporté avec moi certain contrat d’une rente qui m’est tombée en partage, que nous pourrons vendre à Boisblés, qui m’en a déjà parlé ; car je puis juger, au chemin que vous tenez, que vous allez coucher à Séez ; et par ce moyen nous subviendrons aux nécessités du voyage que nous entreprendrons. Mais ne perdons point davantage de temps et marchons bon pas. »


Céladon ne pouvait exprimer son transport,
            Sa joie était trop souveraine :
            Tantôt il appelait Amarante sa reine,
Tantôt il la nommait son salutaire port,
Amarante, à son tour, reprenait la parole
            Et lui disait que ses amours
      La conduiraient de l’un à l’autre pôle,
            Sans lui donner de mauvais jours.


Ils firent bien deux lieues dans de semblables entretiens, après quoi Céladon lui ayant demandé comment elle avait pu savoir sa sortie d’Alençon, vu qu’elle s’était faite de si grand matin qu’elle devait être secrète : « Le guichetier, lui dit-elle, m’en est venu avertir, dans l’espérance d’avoir quelques testons ; car je lui promis, il y a deux jours, que lorsqu’il m’apprendrait la nouvelle de votre élargissement il ne perdrait pas sa peine. J’ai donc promptement envoyé ma servante emprunter le cheval de mon cousin de la Normanderie, et après avoir vêtu cet autre habit d’homme, que je fis faire le carnaval passé, pour courir le bal, je suis venue après vous. Mais afin de nous réjouir, poursuivit-elle, chantons quelque nouveauté ; n’avez-vous rien composé ?

— Oui, répondit Céladon, qui n’avait pas envie de s’en défaire si tôt, voici une courante que vous agréerez sans doute ; écoutez :


Quand je vous dis, objet charmant et doux,
            Qui commandez à tous,
            Que je ressens vos coups
            Et que j’en deviens fous,
Hélas ! pourquoi vous mettre en colère ?
Que n’aimiez-vous le beau fils de Cythère ?
      Philis, il a l’air de vous.

Quoi ! pouvez-vous avec tant de rigueur
            Voir l’extrême langueur
            Dont je nourris mon cœur
            Sans prendre de l’ardeur ?
Ma foi, Philis, c’est me faire injustice,
Ah ! bien plutôt de l’amoureux supplice
      Goûtons, vous et moi, la douceur.

Si, tôt ou tard, de ce grand lieu d’amour
            On doit suivre la cour,
            N’attendez point au jour
            De votre froid retour ;
Car quand l’hiver des ans montre sa glace,
Nous n’avons plus de force ni de grâce,
      Et l’amour nous laisse à son tour.


N’avez-vous point remarqué quelquefois
            Les oiseaux dans les bois ?
            Des amoureuses lois
            En naissant ils font choix ;
Que si d’abord la femelle est rebelle,
Dans un instant, de son petit fidèle
      Elle écoute la douce voix.

Si dans nos cœurs par adorations
            L’amour nous recevions,
            Des petits alcyons
            La vertu nous aurions ;
Autorisés de ce dieu de la flamme,
Nous chasserions le souci de notre âme,
      Tandis que nous nous aimerions.

Rangez-vous donc, rigoureuse Philis,
            D’un cœur humble et soumis,
            Sous cet auguste fils
            De l’aimable Cypris.
Pour couronner tant de peines écloses.
Je vais cueillir sur vos lèvres cent roses,
      Et sur votre sein mille lis.

— Vous avez sans doute fait ces vers-là pour quelque ingrate, lui dit Amarante. Ma foi ! vous êtes bien de loisir de donner votre temps à de sottes fières qui se font des crimes d’un plaisir si doux et que la nature, préférable à la loi, autorise.

— Pardonnez-moi, répondit-il, c’est pour une cousine sur laquelle mon amour n’a point droit d’aubaine ; mais vous avez plus de part aux deux couplets que je vous dirai, et peut-être que vous me prierez de les écrire :


J’ai vu mille beautés sous mon corps étendues,
            Entre deux draps blancs toutes nues,
            Sans résistance et sans rigueur ;
Mais je n’ai point trouvé le délice avec elles
            Qu’Amarante mit dans mon cœur.
Lorsqu’elle l’alluma du feu de ses prunelles.
Je ne puis plus aimer, si ce n’est Amarante ;
            Elle seule est toute charmante,
            Je ne révère que ses lois ;
Si je porte les yeux sur quelque autre de même,
            Mon amour revient au doux choix
Qu’il a fait de servir Amarante, qu’il aime.


« Je confesse, dit Amarante, que celle-là me plaît beaucoup mieux que l’autre et que ce m’est une grande satisfaction d’apprendre que vous avez songé à moi dans mon absence. » Elle lui fit de grandes protestations, à son tour, de l’aimer jusqu’au dernier soupir et de manger tout son petit fait avec lui, tant qu’il favoriserait par sa correspondance le dessein qu’elle avait de lui servir d’ombre. Un peu après, ils arrivèrent au gîte, et Amarante, qui ne voulait point perdre de temps, de peur que quelque obstacle ne survint, s’en fut incontinent chez Boisblés, avec son habit à la cavalière, pour traiter de son contrat, et Céladon se fut coucher sur un des lits de sa chambre, où il relut cette historiette qu’il avait composée en prison :

« Monsieur Vente était à Rouen, où certaines affaires l’avaient appelé, lorsque le curé de la Madelaine de Verneuil, personnage autant amoureux qu’il est éloquent, s’en fut rendre visite à mademoiselle sa femme. Il la trouva sur son lit de repos, vêtue d’un taffetas si mince que la neige de son corps lui sauta d’abord aux yeux et se glissa jusqu’à son cœur par ses fenêtres émaillées que l’Amour tient toujours ouvertes. Elle était nonchalamment couchée sur le côté droit, et l’une de ses mains d’ivoire, qui semblait en être amoureuse, appuyait honorablement le globe inestimable de sa belle tête ; ses cheveux, d’un merveilleux noir, flottaient jusqu’à ses talons et venaient d’être peignés par les Grâces, avec le peigne de corail de la mère de Cupidon ; sa bouche de rose, qui était entr’ouverte, laissait voir des perles admirables qui étaient si bien rangées, si nettes et tellement égales que l’avocat Blessebois, qui passe pour le plus médisant des jeunes fous du pays, n’y aurait pu décocher les traits de sa satire ; ces astres mondains étaient ensevelis sous les nuages de ses paupières, mais leur vivacité ne laissait pas que de se remarquer et d’opérer des effets puissants sur l’âme de M. de la Madelaine. Elle était déchaussée, et ses belles jambes, qui n’étaient pas voilées de sa jupe, éclataient d’autant mieux que le satin noir du lit où elle reposait était bien de sa couleur. Elle s’était mise de cette façon afin de passer fraîchement l’après-dîner, et son idolâtre s’était glissé dans sa chambre à la faveur de quelque louis dont il avait enrichi la dauphine qui lui avait ouvert la première porte. Le curé, qui découvrait des bijoux qu’il n’avait point encore vu en sa maîtresse, qu’il trouvait mille fois plus adorable que la divinité de sa paroisse, se jetant incontinent à genoux : « Puissance que je reconnaîtrais toute ma vie, lui dit-il sans en être entendu, je te consacre toutes les affections de mon âme, et je confesse que si nous étions encore au temps de nos pères qui ne donnaient pas de moindres prix aux vertus et au mérite extraordinaire que la couronne immortelle, tous nos habitants seraient maintenant au pied de ton image, à t’offrir des victimes et les vœux innocents de leur zèle inviolable ; mais puisque l’erreur leur a fermé les yeux, la bouche et l’âme à ce devoir si légitime, il faut que tu te contentes des respects et des devoirs qu’ils ne te sauraient dénier. Je dis eux, car moi, qui ne connais rien d’auguste ni d’adorable que les divins linéaments de ta glorieuse face et les perfections que ton aimable corps étale à mes yeux enchantés, je te proteste avec vérité de te placer éternellement sur le trône de ma vie, tant que j’aurai le discernement libre et ma raison saine. Je ne trouve qu’une chose à redire en toi, c’est que tu affectes d’être inaccessible à la pitié et impassible à l’amour. Il y a deux lustres que je courbe sous le faix des chaînes que tu m’as imposées, et la dureté de ton sein ne t’a encore jamais permis de l’ouvrir à mes plaintes. Mes yeux et mes actions ont commencé de t’instruire de mes feux, mes services te les ont confirmés, et ma bouche enfin a achevé de développer ce mystère où tu n’as pas voulu donner ton consentement. Perds, adorable beauté, cette rigueur qui me désespère, ou, par un trait de compassion qui me rendra heureux, lâche la bride au pouvoir de tes charmes, afin qu’ils m’étouffent le cœur par l’excès du plaisir que j’aurais à les y enfermer. Veux-tu imiter les rochers en leur insensibilité et te montrer plus inhumaine que les ours et les tigres, qui ne rebutent pas les caresses de leurs pairs ? Sois, hélas ! bien plutôt semblable aux roses de ton parterre qui ouvrent leur sein à la naissance du soleil, afin d’en recevoir les amoureux baisers, ou à celles de tes lèvres incarnates qui n’ont jamais plus de lustre que lorsque tes yeux répandent leurs rayons sur elles. Tu es cette belle rose, et je suis ce malheureux Phébus que ta résistance obscurcit, et qui ne souffrirais pas le parallèle de celui des dieux si le destin me permettait de te fléchir. Où me trouveras-tu un exemple sur la terre de tes refus, si tu considères les ruelles de Verneuil ? De Bretignères ne reçoit-il pas les embrassements de Mlle d’Erard, et le mari de celle-ci ne donne-t-il pas le change à l’autre ? La vicomtesse, toute fanée qu’elle est, a-t-elle jamais coûté le moindre soupir à M. de la Bertauderie, et le vicomte a-t-il fermé les oreilles aux douceurs de la femme de son rival ? L’avocat Blessebois s’est-il fait déchirer le visage pour jouir de la nouvelle receveuse des tailles, et son époux a-t-il longtemps arrosé les pieds de Mlle Dindreville pour faire approuver son servage ? Car de t’aller ici parler du receveur des droits avec Mlle Échalard, de la Verdin avec le public, et de la Rochefort avec les chiens de la ville, ces choses-là sont trop connues pour que tu les puisses ignorer. Je suis donc l’unique au monde qui sois exposé à des martyres inhumains, et ma constance, qui me devrait avoir couronné il y a plus de mille soleils, est la seule qui ne produise point fruit. Ah ! c’est être trop rigoureuse et trop garder de scrupule pour un enfant que tu as fait naître ; j’entends pour mon amour qui tire son origine de tes attraits. Écoute la voix de ton pasteur, qui te prêche la paix et la charité, et ne sois pas rebelle à ses remontrances. Toutes choses te parlent à mon avantage ; tu n’as rien à craindre du côté du secret, nos propres intérêts me noueront la langue si tu me reçois dans tes bras, et mes visites ne le seront point un scandale, vu que ma sagesse ne reçoit aucun doute dans les esprits de mes brebis. Aussi te dois-je ici confesser que je ne croirai point forligner de la vertu de mes ancêtres lorsque je m’enterrerai tout vif dans tes caresses. Tu n’as pas une partie qui ne soit entièrement aimable, et les dieux dont nous devons suivre le sage exemple ne se défendraient pas de ton culte s’ils avaient la gloire de te voir dans l’état où je te considère. Mais que je suis aveugle, et quel respect assez frivole m’empêche maintenant de cueillir le fruit de mes peines ? L’Amour qui me conduit en ces lieux n’est-il pas le même dieu qui t’a plongée dans ce favorable sommeil, et ne serais-je pas enfin digne de tous mes supplices si je laissais échapper l’occasion qu’il me présente de terminer mes ennuis ? » En achevant ces paroles, il se releva de terre et se mit le plus doucement qu’il lui fut possible auprès de Mlle Vente ; il la fit tomber sur le dos petit à petit, et après cela il lui ouvrit insensiblement les cuisses et découvrit enfin le charmant autel, où il sacrifia incontinent après.


            « Que de charmes ! dit-il alors ;
            L’adorable et le divin corps !
            Le beau conduit qui mène à l’âme ! »
            Et puis, redoublant ses transports
            Et la liberté de sa flamme :
            « Le bel animal que la femme !
Voyons si le dedans est comme le dehors. »
            Il se glissa vers la partie
            Où l’amour met l’honneur en sac ;
Car son v.. s’allongeait de même qu’un ziczac
            Et ne faisait jamais une lâche sortie.
Il était mieux fourni de poils frisés et noirs
            Qu’un bœuf n’est bien muni de cornes,
            Il était plus grand que les bornes
            Dont on divise les terroirs.
Au manche d’une hache il était comparable,
      Il répandait son sp.... à gros bouillons,

Il était enrichi de deux hardis c....lons,
Et pour vous témoigner qu’il était admirable,
C’est qu’il était allé comme les papillons.
Trois fois, sans dé..ner, il réchauffa la sauce.
Et la belle endormie ouvrit alors les yeux ;
« Méchant, s’écria-t-elle, amant malicieux,
            Puisqu’aujourd’hui l’amour t’exauce,
            Dis-moi, n’aurais-tu pas fait mieux
De me donner ma part d’un bien si précieux ?
Que ne m’éveillais-tu, cette douceur est fausse ;
Toi, ne m’approche plus, sommeil pernicieux ! »


« Le fortuné pasteur, qui s’était attendu à de cruels reproches, fut extrêmement joyeux de connaître que Mlle Vente ne désapprouvait pas sa témérité, et pour lui témoigner combien il méritait l’honneur de son estime, il recommença ses caresses, pendant qu’il en recevait à son tour qui lui persuadèrent qu’il ne serait pas vu de mauvais œil toutes les fois qu’il reviendrait à la charge. »

Céladon en était là de l’histoire de M. de la Madelaine et de Mlle Vente, lorsqu’il vit entrer Boisblés avec Amarante. Il se leva pour aller recevoir ses civilités, et reçut un contentement extrême d’apprendre de sa bouche qu’il lui venait compter quatre mille francs. Il était tout à fait propre de l’habit que lui avait donné Marcelle, et Boisblés lui dit autant de douceurs que s’il avait été amoureux :

« Je suis ravi, dit-il, de vous voir en liberté, si toutefois on le peut être avec Amarante ; je me figure que ses traits divins ne vous feront pas si bon quartier que vos ennemis et que vous serez plus longtemps son prisonnier que vous n’avez été le leur. » Il lui disait cela afin de l’obliger, car il le connaissait assez pour ne pas lui imputer la sottise d’aimer Amarante, en qui il n’aurait rien vu de supportable si elle n’avait point eu de pistoles. Aussi Céladon l’en remercia en particulier et lui offrit ses services à la pareille. Les compliments cessés de part et d’autre, l’argent se compta sur la table et fut mis entre les mains de Céladon après que le notaire qu’ils avaient emmené avec eux eut fait son devoir. Céladon arrêta Boisblés avec lui à souper, et lui fit si bonne chère qu’il ne ramena pas sa raison au logis. Après qu’il s’en fut allé, nos amants se mirent au lit, où Amarante s’endormit sans coup férir, car le nectar, qui s’était emparé des sens de son camarade, l’avait rendu impuissant de faire l’assaut vénérien ; mais elle n’en perdit que l’attente, et le point du jour venu, qui étend les membres les plus glacés, elle reçut au double la portion différée et souhaitable.


            Lui qui b...e comme un ânon
Et qui chevaucherait la plus laide guenon,
            Quand l’or enflamme sa poitrine,
Se trouvant redevable à sa vieille Cyprine
De quatre mille francs reçus et bien comptés,
La branla vertement toute la matinée,
            De même que l’après-dînée,
Jusqu’à ce que tous deux ils fussent ef..tés.

Boisblés, qui savait par expérience combien les jeunes gens sont amateurs de beaux chevaux, en monta un sur les quatre heures, dans le dessein d’en faire venir l’eau à la bouche de Céladon. Il y réussit admirablement bien, car à peine l’eut-il aperçu par les fenêtres où il était accoudé qu’il descendit dans la rue pour le voir de plus près. C’était assurément un des plus beaux hongres que l’on eut encore vus à Séez ; il avait une légèreté hors de croyance, et toutes ses parties étaient bien formées ; il était surtout agréable à la main, et sa majesté ne souffrait point de comparaison. Son maître, qui avait envie de s’en défaire, fut ravi au témoignage que Céladon lui donna de le vouloir monter. Ils furent hors de la ville, dans un guéret qui offrit une belle carrière et où le nouvel écuyer le mania avec tant de grâce qu’Amarante, qui les avait accompagnés, tomba dans une nouvelle admiration de l’adresse de son captif et consentit qu’il l’acceptât au rabais des quatre mille livres. « Ce cheval-là nous fera honneur, lui dit-il, et de même qu’une bergère doit avoir soin de fleurir celui de ses moutons qu’elle chérit le plus tendrement, afin de le conserver en son cœur par de nouveaux appas, de même aussi la divinité de mon âme, qui ne peut être que vous, doit approuver que je cherche tous les moyens que j’ai de relever les faibles grâces que je possède, afin de vous entretenir dans les amours dont vous enrichissez ma destinée. »


            « J’y consens, lui répondit-elle,
            Et j’entre dans vos sentiments ;
            Mais d’une monture nouvelle
N’allez pas tant aimer les subtils mouvements
Que je voie expirer les divertissements
            Que respire mon cœur fidèle. »


Céladon sourit à cette leçon et reprit ensuite le chemin de son logis, où il donna quatre cents écus à Boisblés pour son Bucéphale, qui ne fut point dessellé, parce que nos amants voulurent partir une heure après, afin de voyager à la fraîcheur.

Ils avaient déjà fait une lieue quand Céladon, qui n’allait que par courbettes, demanda à sa compagne ce qu’il lui semblait de son dada : « Je ne lui trouve qu’un défaut, répondit la bonne demoiselle, et si vous péchiez par là, je ferais moins de cas de vous que d’un v.. de coq. Je rougis de honte pour les hommes quand je viens à considérer que leur barbarie s’étend jusqu’à priver de leur plus bel ornement de pauvres bêtes dont ils reçoivent d’aussi grands services. Ils sont bien malheureux, ces pauvres animaux, continua-t-elle, de ce que les femmes ne prennent pas le soin de leurs affaires ; on leur verrait une vigueur tout autre et elles leur couperaient plutôt les oreilles que les génitoires. Voyez si les chevaux du Soleil, que pansent des personnes de notre sexe, ne sont pas entiers et si les plus beaux de leurs membres, qui sont ceux qui manquent au vôtre, ne sont pas des objets autant appréhensibles qu’agréables à la vue. Je ne savais pas pourquoi la jument de mon cousin, que je ne suis pas près de lui renvoyer, ne pouvait souffrir votre bel impuissant, ni d’où venait qu’elle lui rue ainsi le c.l, mais j’en suis maintenant bien instruite, et j’approuve fort son indignation. »

Céladon se trouva fort joliment diverti par cette gentillesse, et pour tomber dans le sens d’Amarante : « Il est vrai, reprit-il, que les couillons lui manquent et qu’il vaudrait mieux pour votre cavale qu’il eût perdu les dents de lait ; nous n’entendrions que hennissements de sa part et que petits cris de sensibilité du côté de sa maîtresse ; il tirerait un grand v.. caille de son fourreau, dont il ferait résonner les échos d’alentour par les coups dont il en frapperait son ventre et qui nous feraient passer le temps agréablement ; et elle pisserait le f..... à longs traits et d’une manière si affectionnée que leur impatience serait extrême d’arriver au gîte, pour tenir paisiblement le rut dans leur écurie. L’amour est également naturel à l’un qu’à l’autre sexe, à l’animal qu’à l’homme, et celui de ces deux-là qui s’en affranchit est indigne de la vue de sa femelle. Quant à moi, je prendrais la fuite si la nature ou la malice des hommes m’avait retranché cet instrument qui me fait valoir quelque chose auprès de vous et je me garderais bien d’allumer votre colère au déplaisir de ma présence.

— Ce serait agir en bon connaisseur de mes inclinations, reprit Amarante ; les visions cornues des démons n’effrayent pas davantage les jeunes filles dans leurs draps que celle d’un eunuque, et ceux-là sont de vrais ignorants qui croient que Daphné, la charmante enfant du fleuve Pénée, évita les approches de l’Amour en fuyant la poursuite d’Apollon. Non, non, elle n’était pas si dégoûtée, et Cupidon ne l’avait pas laissée vivre si longtemps sans embraser son âme de ses feux. Mais lorsqu’elle aperçut le jeune homme dont le menton n’était pas encore fleuri, vu qu’il paraissait avoir passé l’âge qui vous le fait cotonner, elle crut infailliblement qu’il était du nombre des châtrés, et ce fut pour cela qu’elle aima mieux souffrir la métamorphose que son approche :


            Et, sans mentir, je doute encore
Si c’était le blondin qui nos maisons redore
            Qui poursuivait cette beauté ;
            Car quelle preuve qu’il l’honore,
            Que la noire méchanceté
De rompre le laurier de son destin l’arbore ?
            Un tel acte d’hostilité
            Semble nous dire, en vérité,
Qu’il était un de ceux que notre sexe abhorre. »


Ce lubrique discours finit justement à l’entrée du bourg, où nos amants mirent pied à terre dans le meilleur cabaret. Ils donnèrent leurs chevaux au palefrenier du logis, mais Amarante ne put voir aller sa triste monture à l’écurie sans la consoler de la sorte :


            « Ne sois point triste, pauvre bête,
            Espère mieux en ton destin.
            Sans doute que demain matin
Je te verrai l’œil gai de plus d’une conquête.
Maint vigoureux cheval de nuit te fera fête.
Je crois que tu sais bien ronger de ton licou
            L’obstacle importun à ta flamme,
Car si tu l’ignorais, sois sûre que ta dame,
            Dût-elle se rompre le cou,
Descendrait t’arracher des côtés de l’infâme
            Dont l’engin est poltron et mou.
Ne prends point garde, en l’excès de ton zèle,
Si c’est cheval de bât, âne ou cheval de selle
            Qui te montera sur le corps ;
La nuit tous chats sont gris, et cette bagatelle
Ne doit point arrêter les amoureux transports. »


Après qu’ils furent montés dans leur chambre, l’hôte s’approchant d’eux : « Messieurs, leur dit-il (car Amarante avait toujours ses habits d’homme), que vous plaît-il qu’on vous accommode à souper ?

— Fais-nous grand’chère de tout ce que tu as, répondit Céladon, et te dépêche. » Cependant on servit toujours du vin, et l’aumônier d’Amarante ayant rempli un grand verre d’été en but un peu et le présenta ensuite à sa demoiselle, en lui disant, pour rire, que son amour était tombé dedans et qu’il s’allait noyer si elle ne le secourait : « J’en suis ravie, répartit-elle, et cela me favorise l’occasion de vous détromper de certain conte dont on insulte aux femmes. On les accuse de n’avoir point d’amour véritable et de n’aimer que par caprice ; mais vous ne pourrez bientôt plus douter que je n’en aie un effectif. » En disant cela, elle porta le verre à sa bouche et avala cette grande verrée dont il était embelli, et parce qu’elle n’avait pu le vider si bien qu’il n’y fût resté quelques gouttes : « L’amour est petit, reprit-elle, et de peur qu’il ne se soit caché dans ce fond, il faut y donner bon ordre. » Alors elle acheva de rincer la dent et fit rire Céladon de tout son courage.

Lui qui la voyait en si bonne humeur : « Je pense, dit-il, que vous pisseriez maintenant une grande dallée, et moi qui en ai aussi envie, il faut faire venir un pot de chambre.

— Non, non, reprit-elle, faisons mieux, et gageons à qui pissera le plus loin.

— J’y consens, poursuivit Céladon, et je ne crois pas que vous me puissiez vaincre en ce genre d’adresse ; mais que voulez-vous gager ?

— Quatre f..tées, lui dit-elle, à payer sans attendre plus longtemps qu’après souper.

— Je n’en viendrais jamais à bout, continua Céladon, et soit que je gagnasse ou que je perdisse, ce serait toujours la même chose pour moi, je n’y aurais aucun profit : je suis un peu fatigué de ce matin, et vous m’obligerez de me laisser reposer.

— Eh bien ! vous me payerez à votre aise, lui répartit-elle ; voyons. » Cela dit, elle fut ouvrir les fenêtres et prenant Céladon par la manche, elle le conduisit contre la muraille, d’où après qu’elle eut ôté son haut-de-chausse, ils se mirent tous les deux à pisser vigoureusement. Leurs forces furent longtemps égales, mais enfin Amarante, qui ménageait mieux l’ambre de son urine que Céladon et qui avait avalé une telle lampée de vin, le passa de plus de dix pas et remporta la victoire. Elle tenait son c.. à deux mains, d’une façon si comique que l’hôtesse, qui les avait écoutés faire leur défi et qui regardait leur posture par un trou qui était à la porte, ne put s’empêcher de faire un si grand cri de joie qu’elle se découvrit.

Céladon fut promptement ouvrir la porte, et la trouvant assez jeune pour n’être pas un trop méchant morceau la fit entrer dans sa chambre, et après avoir un peu folâtré avec elle et ne lui trouvant point de résistance invincible, il la renversa sur un lit, combien qu’Amarante l’empêchât d’enconner autant qu’elle pouvait. L’hôte, qui avait entendu le trépignement de leurs pieds et qui ne savait comprendre à quoi sa femme se pouvait tant amuser dans un temps où ils n’avaient point de servante pour apprêter les viandes, monta en haut et la trouvant sous les ailes de Céladon faisait mine de vouloir se fâcher, lorsqu’elle lui cria, tout essoufflée : « Louis, ne sais-tu pas la chanson :


            Quiconque est chagrin
            De folie a plus d’un grain.


Ne te fâche point, aussi bien ne serais-tu pas le plus fort, et d’ailleurs voilà de quoi te venger : lève la chemise de cette demoiselle que tu vois habillée en garçon et lui relève la queue à la cravate[2].

— Cela est bien, répondit Louis en souriant ; mais notre rôt brûle, il faut se dépêcher. » Alors Louis embrassa Amarante, qui avait les yeux fichés sur Céladon pour voir s’il approuverait qu’elle l’imitât. Lequel l’apercevant : « Il n’y a pas de danger, lui dit-il, et vous devez vous souvenir des conseils que vous avez tantôt donnés à la cavale de votre cousin. » Si bien qu’elle ne se fit pas traîner et qu’elle fut secouée tout son saoul. Nos hôtes se connaissaient alors trop bien pour ne pas boire ensemble ; c’est pourquoi Céladon voulut que Louis et sa femme vinssent souper avec eux. Ils lui obéirent, avec bien des remercîments de l’honneur qu’ils recevaient, et nos quatre personnes firent une débauche si entière qu’ils s’enivrèrent tout de bon, excepté toutefois l’objet des vœux d’Amarante, qui buvait le vin comme les petits enfants font le lait.

Il y a peu de gens qui ne sachent pas par expérience que Bacchus est un grand babillard : il révèle les secrets les plus cachés et se trahit soi-même quand il n’a point d’autres sujets de causer. Ainsi Céladon eut le plaisir d’entendre des choses fort divertissantes, et principalement lorsque, après avoir écouté l’histoire de la femme de Louis, Amarante commença ainsi la sienne : « Le ciel, par sa sainte grâce, me fit orpheline dès l’âge de quinze ans, et comme il y avait déjà beau jour que je m’écoutais pisser et que mes parents étaient d’une vertu un peu trop étroite, si je pleurai de leur mort, je vous assure que ce ne fut que de joie. Le premier papillon qui vint se brûler à ma chandelle fut un gentilhomme de mes parents, qui me trouva si douce et si paisible que je ne lui donnai pas seulement un coup d’ongle lorsqu’il s’émancipa à vouloir prendre ma souris ; et il s’acquitta si vaillamment de son devoir, quand il porta la hardiesse plus avant, qu’au bout de neuf mois je lui fis porter deux beaux petits frères dont il m’avait engrossée. Il les garda chez lui avec beaucoup de soin de leur éducation, mais enfin les cruelles Parques tranchèrent le filet de leurs jours un peu après leur premier lustre. Ne me voyant plus de gage de ma première flamme, je suivis le penchant que j’ai au changement, et comme j’étais un jour prisonnière, pour un enlèvement où j’avais servi mon cousin de la Touche-Saint-Denis, le marquis de Courcelles me vint voir et me trouva si fraîche et tellement à son gré qu’il me jugea digne de son aiguillette et m’en ouvrit les premiers discours. Combien que j’en eusse plus d’envie que lui, je fis pourtant la cruelle, et je me voulais un peu faire prier, afin de le faire trouver meilleur. Il me rendit plusieurs visites qui ne servirent qu’à la conquête de la petite oie, et je ne sais pas encore s’il était rebuté ou s’il me voulait charmer par les douceurs de sa muse, mais quoi qu’il en soit, il m’envoya un jour ces vers :


            De Scay, je renonce à mon titre :
Être votre galant, c’est être malheureux ;
Votre amour en sagesse égale un porte-mître
Et produit des glaçons, loin d’allumer des feux.
            Le mien est un petit bélître
Qui ne sait ce que c’est que d’être scrupuleux ;
Qui pour être mieux vu casse d’abord la vitre,
Et qui parle tout haut quand il pousse des vœux.
            Cette humeur, contraire à la vôtre,
            Veut que je me donne à quelqu’autre
Dont l’inclination à l’amoureuse ardeur,
            Exempte de votre scrupule,
            L’empêche de ferrer la mule
            Aux soupirs de mon triste cœur.


Je les trouvai passables, et l’appréhension que j’eus qu’il ne dît vrai me mit la plume à la main, pour lui répondre en ces termes :


            Quoi ! pourriez-vous, en bonne foi,
            Aimer un autre objet que moi ?
            Si je vous en croyais capable,
Marquis, je taxerais mon destin de coupable,
            Qui me range sous votre loi.
            Je vous reçois ; c’est assez feindre ;
            Venez me voir ce billet lu ;
            Votre amour n’a plus rien à craindre :
            Je vous aime et vous m’avez plu.


Je fus étonnée de sa diligence, et je ne pensais pas qu’il eût encore pu recevoir ma réponse, lorsque je le vis paraître. Je lui tins exactement ma parole, et je m’en trouvai si satisfaite que je formai avec lui une habitude qui dura plus d’un an après mon élargissement et qui m’a coûté une partie de mon bien.

Elle voulait poursuivre, mais un mal de cœur la saisit à ces dernières paroles, qui lui fit rendre ce qu’elle avait pris de trop avec sa suffisance ordinaire ; ce qui l’obligea à se mettre au lit, en quoi elle fut imitée de ses auditeurs.

Céladon ne dormit pas de toute la nuit : il avait trop d’affaires dans la tête. Il avait tiré d’Amarante tout ce qu’il pouvait en espérer et n’avait pas assez de complaisance pour elle, ni si peu de soin de ce qu’on pourrait avancer contre sa gloire, s’il suivait plus longtemps son étendard, que de la garder davantage. Les troupes devaient bientôt partir pour la Hollande, et le désir de se signaler lui tournait les inclinations de ce côté-là. Il eut donc vingt fois envie de monter à cheval et de s’en aller, pendant que la gueuse était profondément ensevelie dans le cercueil des vivants, et il se levait déjà pour en exécuter la résolution, lorsqu’il s’avisa qu’il avait donné congé à son laquais, et qu’ainsi il ne pourrait emmener la cavale du cousin, qui valait bien la peine de n’être pas oubliée ; il crut aussi qu’il ferait mieux de différer quelques jours et de dépayser Amarante, qui n’aurait pas manqué de faire courir après lui, au dépens de jouer de son reste. Cela fit qu’il se recoucha, afin de prendre un peu de repos.

Le lendemain matin, ils partirent, mais avant de se jeter dans les arçons, Amarante ayant considéré que sa bête était triste : « Je vois bien, lui dit-elle, que j’ai mal prophétisé et que tu n’as reçu aucun soulagement à tes peines ; la langueur de tes yeux m’informe assez de ce que tu me dirais si tu pouvais articuler la voix. Mon Dieu ! poursuivit-elle, en s’adressant à Louis, mon Dieu ! mon hôte, vous qui l’avez si beau et si fertile, si vous lui en vouliez faire une soupe au cul, que je vous serais obligée ! Je n’aurai point de repos le long du chemin, et elle ne fera que broncher si vous ne la graissez un peu. »

— Notre-Dame ! Mademoiselle Amarante, répondit le rustaut, que vous êtes dévergondée ! Si vous êtes si pitoyable, vous n’avez qu’à passer votre main sur votre grand ; je m’assure que vous y trouverez encore assez de moelle de c.....lon pour en seringuer la nature de votre bonne amie. Mais sans vous inquiéter de la sorte, songez que si les chevaux vont comme des éclairs lorsque leurs maîtres ont haussé le coude, voire cavale ne doit pas manquer de marcher bien à l’aise, puisque vous avez reçu de moi jusqu’à regorge-museau le baume que vous dites qui lui serait si nécessaire.

Cette réponse sembla meilleure à Céladon que le vin de cheval, et il en rit encore plus d’une heure après.

Le lecteur me pardonnera si je ne l’entretiens point de toutes tes gentillesses qu’Amarante fit sur le chemin : il faudrait un discours de trop longue haleine, et D. L. D. H. ne m’a payé que pour trois feuilles ; je suis mesquin aussi bien que lui, et je me pendrais s’il m’arrivait que je lui donnasse une syllabe de trop. Je dirai seulement qu’après quelques journées de marche, Céladon, qui avait eu quelque pique avec elle, à cause de son insatiabilité, lui avait juré de ne la baiser de quatre soleils ; elle en était inconsolable et roulait mille funestes desseins dans sa cervelle.

Il avait mis pied à terre pour tomber de l’eau lorsque certain laquais, appelé Hubert, qu’il avait pris en passant par Verneuil, lui cria de toute sa force : « Ah ! monsieur, venez promptement ; dépêchez-vous, monsieur, voilà que mademoiselle se tue ! » Combien que Céladon ne fut guère eu peine de ce qu’Amarante pouvait entreprendre sur soi-même, la curiosité lui servit d’étrier à voler diligemment en selle, et ayant abordé sa femelle au petit galop, il la trouva qui feignait de se vouloir enfoncer un méchant couteau dans le sein. Il se douta aussitôt de son désespoir, et lui voulant être favorable une fois dans sa vie : « Tenez, mademoiselle, lui dit-il, en lui présentant son épée, voici de quoi venir plus aisément à bout de votre résolution ; la pointe de votre glaive est émoussée, vous souffririez mille morts pour une, et ce fer ne vous fera point languir. Il accompagna ces paroles d’un éclat de rire, qui fit assez connaître à sa désespérée le peu de cas qu’il faisait de son action. Elle qui avait pensé que son transport ridicule fléchirait l’âme de son fouteur, se trouvant abusée : « Ma foi, vous êtes un grand fou, lui dit-elle, si vous avez follement cru que je veuille sacrifier ma vie à votre divertissement ; non, la colère fait mal, et je n’ai pas oublié que


            La joie est bonne à quelque chose,
            Et le chagrin n’est bon à rien.


Ce que j’en ai fait n’a été que pour me moquer de vous.

— J’en suis bien aise, reprit Céladon, et les plus courtes folies sont les meilleures. Ne nous fâchons point, si nous pouvons, et excusons mutuellement nos petits défauts.

Quelque temps après, ils arrivèrent à Paris, où, après avoir mis pied à terre dans la Vallée de Misère, dans un cabaret où pend pour enseigne Notre-Dame de Boulogne, Céladon prit sa garce par la main et la mena chez La Serre. Ils entrèrent dans une chambre fort richement meublée, où cette vieille maquerelle les reçut magnifiquement. Un peu après Amarante ayant eu envie de visiter le cabinet secret y fut conduite par une sous-putain du bordel et cependant Céladon prit son temps pour instruire La Serre de sa visite : « Cette fille, lui dit-il, en parlant d’Amarante, est-elle passable ? Que vous en semble ? Vous en pourriez-vous accommoder ?

— Pourquoi non ? répondit-elle. Si ce n’est pas de la première beauté, du moins est-elle encore mettable, et chacun a son goût ; est-ce que vous me voulez la laisser ? » Alors Céladon s’ouvrit entièrement à elle, et afin de l’engager à servir sa retraite, il lui donna deux belles pistoles d’Espagne.

Aussitôt qu’Amarante fut de retour, La Serre, qui n’avait point d’égale en adresse, la fut embrasser en la conjurant de lui pardonner si elle ne lui avait d’abord fait toutes les caresses qu’elle devait à une personne qui allait entrer en sa famille :

— Mon cousin Céladon, lui dit-elle, me vient d’apprendre qu’il vous devait épouser en peu de temps, et ma joie est si grande d’avoir une demoiselle de votre mérite pour parente que je ne la saurais exprimer que par mes embrassades. » Les civilités régnèrent plus d’un quart d’heure de part et d’autre, et enfin Céladon, prétextant sa sortie de quelques affaires qu’il feignait avoir, laissa Amarante dans le plus fameux nid de la reine des villes.

Le jour était déjà écoulé lorsque cette f...teuse, s’étant déjà jetée sur un lit, se laissa vaincre à cette réflexion :


Que fais-tu si longtemps, absent de ta bergère,
            Berger ; quelle pressante affaire
Te dérobe aux transports de mon cœur amoureux ?
Aux pieds de quelque Iris ne romps-tu point nos vœux,
            Ton âme, inconstante et légère,
Me fait appréhender un changement fâcheux.
            Ah ! Céladon, si la fortune
            Te permet de m’en jouer d’une,
Je ne veux pas survivre à ce cruel malheur.
Sans chercher de remède aux coups de ma douleur,
      Je percerai ce trop facile cœur,
Dont la fidélité m’a rendue importune.
            Je ne suis guère fine encor
            D’avoir ainsi donné mon or
            À ce Cupidon trop volage.
            Il n’aurait jamais pris l’essor
            Pour sortir de son esclavage,
Si je l’avais gardé pour appuyer mon âge
            Contre son infidélité.
            Trop niaise sincérité,
            Fatale libéralité.
Franchise condamnable, ah ! que je vous déteste !
Sans vous le beau trompeur n’aurait jamais quitté
            Des bras où l’avaient invité
L’espoir que mon argent lui donnait d’être leste ;
Il fallait lys à lys qu’il fut débité
Et de cette façon je l’aurais arrêté
            Jusqu’à ce qu’il eût le reste.
            Dans la rencontre où je me vois,
            Mon cœur me fait bien des censures ;
Mais qui peut bien aimer et garder des mesures ?
            Amarante ce n’est pas toi.

            Je l’aurais cru couvrir d’injures,
            Si, lorsqu’il me donne la loi,
            J’avais pu retenir pour moi
Ce qui charme en tous lieux toutes les créatures,
Et sans qui ce serait un pauvre homme qu’un roi.


La Serre, qui avait écouté la plainte d’Amarante, et la voulant divertir d’un deuil qui profanait le séjour de la joie :

— Ah ! que veut dire ma belle cousine, lui dit-elle, que vous songez à vous affliger de la sorte ? Comment êtes-vous si peu stoïque ; et pensez-vous, en bonne foi, que le déplaisir puisse opérer de bons effets sur vos grâces ? Quelque grandes qu’elles me paraissent, vous les auriez bientôt éteintes si vous donniez un plus long cours à cette pernicieuse mélancolie.

— Je vous avoue, répondit Amarante, que je n’aime guère à me former des éléphants pour les combattre, mais je ne sais quoi me dit que Céladon me trahit au moment que je vous parle, et je ne puis que je m’en aie beaucoup d’inquiétude.

— Il ne faut pas trouver étrange, reprit La Serre, que Céladon tarde si longtemps ; je connais peu de cavaliers qui aient tant d’amis que lui, et c’est miracle s’il s’en peut débarrasser de toute la soirée. »

Après qu’elle eut dit cela, elle conduisit la nouvelle brebis à l’herbage, où elle ne croustilla pas si mal que son dépit l’avait laissé penser. Amarante ne fut pas plutôt saoule qu’elle s’alla coucher, et il y avait déjà une bonne heure qu’elle dormait, lorsqu’un certain jeune homme, friand des douceurs du changement, et séduit par les amorces que La Serre lui avait faites de dépuceler un tendron, se glissa légèrement à ses côtés. Il était si bouillant et si vigoureux qu’il avait déjà fait cela une fois quand Amarante s’éveilla. Elle, qui crut que c’était Céladon, lui fit mille caresses et n’oublia rien de ce que le marquis de Courcelles, qui était un homme de cour et qui ne baise pas comme les autres gens du monde, lui avait appris, afin de réparer l’injure qu’elle croyait lui avoir faite par ses soupçons et pour l’engager à la répétition.

La nuit se passa en saucuplètes, et, le jour étant venu, Amarante porta les yeux sur l’obligeante personne qui avait si bien secouru sa langueur ; mais voyant que ce n’était pas Céladon :

— Ah ! dieux ! s’écria-t-elle, comment cela s’est-il fait ?…

— Cela s’est fait, interrompit l’écuyer nocturne, que son cri avait éveillé, cela s’est fait avec un v... qui ne le cède pas à un v... du monde, ni en grosseur, ni en longueur, et que les plus grandes ardeurs de mon printemps n’ont jamais pu tarir. Si ce v... là vous accommode, ne pleurez point celui que vous avez perdu. » Alors il lui apprit la tromperie de Céladon et lui en fit le discours avec tant de grâce et si sincèrement, selon l’apparence, qu’Amarante, après avoir un peu gémi son argent, se résolut à porter le plus constamment qu’elle pourrait la bizarrerie de sa destinée.

La Serre, qui avait été bien payée, ne manqua pas de se rendre à leur lit de bon matin, et après avoir embrassé Amarante :

— Ma fille, me dit-elle, ne t’afflige point ; Céladon t’a quittée, mais tu ne manqueras ici de rien et tu y recevras plus de coups de v... en un jour qu’il ne t’en aurait donné en toute une année.

Cette promesse étouffa le ressentiment qu’elle avait de sa supercherie, et les effets qui répondirent aux paroles les lièrent d’une amitié plus grande que la manière de leur c.....

Amarante ne pouvait toutefois oublier Céladon. Je ne sais pas de quelle flèche cet amour l’avait percée, mais sa blessure était incurable. Un jour, ayant appris qu’il y avait une fameuse magicienne dans le faubourg Saint-Germain, elle s’y en fut, et après lui avoir donné deux louis :

« Ma bonne, lui dit-elle, si votre vertu s’étend jusqu’à me pouvoir ramener un volage amant qui s’est enfui du servage que mes libéralités lui avaient dressé, je vous promets que je n’en serai pas ingrate et je vous réduirai aux termes de bénir l’heure où vous m’aurez servie. » Combien que l’habile magicienne lût dans l’avenir en gros caractères qu’elle n’en tirerait jamais davantage, elle était obligeante et recevait avec plaisir le sujet qu’on lui offrait à signaler les effets de son art. Ainsi elle lui apprit sur-le-champ que Céladon était à Mousson le plus chéri et le mieux aimé de tous les officiers qui y offraient leurs services aux belles ; qu’il en recevait assez d’encens pour la fortune de toute la garnison. « Il partira dans un mois, lui dit-elle, pour aller en Hollande, et je vous assure que vous le verrez revenir avec le roi. » Amarante fut très satisfaite de la réponse de son oracle et en alla promptement faire part à La Serre, qui ne s’en souciait guère.

Cependant il est constant que la magicienne n’avait rien dit de faux à Amarante, et, fût par connaissance ou par hasard, tout ce qu’elle avait avancé se trouva véritable. Céladon revint avec les volontaires, et quand il fut à Paris, la première chose qu’il fit fut d’aller trouver Amarante. Elle reçut sa visite avec une extase incompréhensible, et après avoir longtemps pleuré de joie, le trouvant un peu délabré, car il avait fait une mauvaise campagne et avait été pris prisonnier à Rées :

— Vous êtes, lui dit-elle, en un pitoyable état, et je suis bien heureuse de quoi réquiper.

— Je suis indigne, répartit le matois, que vous songiez à moi, après vous avoir traitée si indignement ; ce n’est pas que je n’aie assez d’excuses légitimes à opposer à votre indignation, mais j’aime mieux m’avouer coupable et vous demander pardon à deux genoux d’une faute que je n’aurais pourtant jamais commise si l’honneur ne m’y avait fait tomber. Je devais cette campagne à ma gloire, et quoique j’en revienne assez mal en ordre, je n’y ai pas acquis si peu de lauriers que vous deviez condamner le temps que j’y ai donné. Je suis maintenant en résolution de suivre les mouvements de mon amour et d’achever d’unir devant les hommes ce que…

— Je sais ce que vous me voulez dire, interrompit Amarante, et quoique je pusse douter de votre promesse par le passé, je suis assez bonne pour n’en rien faire, et d’ailleurs je ne crois pas que vous fissiez si mal, puisqu’il n’y a pas de fille au monde qui ai tant d’amour pour vous que j’en ai et qui soit si constante à vous vouloir du bien.

Un moment après ils se quittèrent, mais ce ne fut qu’après qu’Amarante eut appris que Céladon logeait à l’hôtel de Montbason. Le beau trompeur se savait bon gré de sa fortune, car il connaissait Amarante si amoureuse, ou pour mieux dire si folle de lui, qu’il ne la crut pas capable de ressentiment, ni d’envelopper dans ses caresses le venin qui s’y trouvera.

Cette fille l’aimait sans doute autant qu’elle eût jamais fait, mais elle n’avait plus le dessein d’attendre le couronnement de ses amours de sa bonne foi ; elle crut qu’en le faisant arrêter, elle l’obligerait à l’épouser, et dans ce dessein, elle s’accommoda avec Gaze, fameux exempt et grand voleur ; et le lendemain, ayant écrit un billet à Céladon, dans lequel elle lui mandait de se trouver incontinent à Saint-Germain-de-l’Auxerrois, il y fut arrêté par l’exempt, qui s’était porté en ce quartier-là. Il fut conduit au Fort-l’Évêque et mis dans un endroit retiré du commerce des hommes, sans qu’il pût savoir pourquoi. Deux jours après on l’en sortit pour prêter l’interrogatoire devant M. le lieutenant criminel.

— N’êtes-vous pas ce méchant garçon qui avez débauché tant de filles ? lui dit le juge dès qu’il le vit.

— Non, monsieur, répondit-il, mais je suis ce jeune garçon que tant de méchantes filles ont débauché.

Le lieutenant criminel sourit à cette gentillesse, et le regardant des pieds jusqu’à la tête, avec des yeux d’une personne qui avait envie de rire :

— Connaissez-vous Amarante ? reprit-il.

— Sans doute, continua Céladon ; je la dois bien connaître, puisqu’à force de présents elle m’a séduit et obligé de coucher avec elle ; c’est une putain à gros calibre, et qui, ayant secoué le joug de la pudeur dès ses plus tendres années, a dépucelé toute la jeunesse d’Alençon.

— Vous faites là un beau portrait d’une personne que vous serez sans doute obligé d’épouser bientôt, ajouta le juge : c’est elle qui vous fait arrêter et qui me demande que vous satisfassiez au contrat de mariage que vous lui fîtes à Séez.

— Quand il serait vrai que je lui eusse fait un contrat, dit Céladon, je ne pense pas pour cela que votre justice, qui n’a point de bandeau comme celle des anciens et qui voit plus clairement, me voulût obliger à lui tenir parole, maintenant qu’elle est un des plus fermes piliers du bordel de La Serre. Je justifierai ce que j’avance, et qui est connu de tout Paris.

Ils eurent une semblable conversation pendant une heure que dura l’interrogatoire, et enfin le juge, se levant, laissa Céladon avec l’assurance qu’il le servirait. Le beau prisonnier fut mis dans une des plus honnêtes chambres de la prison, où il fit d’abord connaissance avec le baron de Samoi, homme, à mon sentiment, le plus grand fou et le plus impudent menteur de l’univers. Il était assurément de qualité, et son air même en aurait pu instruire ceux qui ne l’auraient pas connu. Il était âgé de quarante ans et davantage ; sa taille était celle d’un géant ; ses gestes sentaient la vieille cour, et ses attraits commençaient d’avoir besoin d’emprunt. Il avait un défaut qui n’était pas supportable : c’est qu’il ne pouvait voir à un jeune homme un peu de mine sans en être amoureux. Je vous laisse donc à penser s’il fut bientôt charmé de la beauté de Céladon et s’il eut le pouvoir de lui taire longtemps sa maladie. Dès la première journée qu’ils furent ensemble, après lui avoir fait mille protestations de service, le baron Samoi, lui portant la main gauche sur le cou, l’embrassa avec un transport indicible, et avançant l’autre se disposait à la fourrer dans sa brayette lorsque Céladon, qui connaissait son dessein : « Tout beau ! baron, lui dit-il ; cela n’en est pas ; votre franchise est extrême, mais votre confiance passe les limites. » Le baron de Samoi eut de la douleur de cette résistance, mais il ne désespéra pas de pouvoir la vaincre.

Il en allait venir à des offres avantageuses, lorsque Amarante entra. Céladon fut ému de courroux à son aspect, et peut-être qu’il lui allait faire descendre les degrés à coup de pied au cul, quand cette garce, se jetant à ses genoux et fondant en larmes :

— Mon cher Céladon, lui dit-elle, ne vous emportez pas contre moi, je vous prie ; c’est mon cousin Le Hayer qui vous a joué cette pièce et qui prétend que vous répariez, en m’épousant, l’affront que vous avez répandu sur la famille, en ravissant mon honneur :


      — Quoi ! putain, s’écria l’emporté Céladon,
            Tu viens me demander pardon
      En me faisant une injure nouvelle !
      Ah ! quelle audace ! ah ! quelle erreur !
            Toi qui ne fus jamais pucelle,
            J’ai, dis-tu, ravi ton honneur !
            N’est-tu pas cette même gueuse
            Qui ne saurait s’en abstenir,
Et qui, dedans les flancs de ta mère f..teuse,
            Foutais avecque l’avenir ?
De quoi m’entretient donc ta langue mensongère ?
C’est, dis-tu, Le Hayer qui me fait arrêter.
            Le diable vous puisse emporter !

            J’épouserais plutôt Mégère
            Que de vouloir vous contenter.


Après avoir dit cela, il sortit de la chambre ; car il avait une extrême démangeaison de la battre, et il ne le voulait pas faire. Ainsi elle demeura tête à tête avec le baron de Samoi à qui elle conta son histoire le plus avantageusement qu’elle put. Lui, qui n’était pas encore revenu de l’arcée que lui avait causé Céladon, crut que s’il employait son adresse il pourrait passer sa fantaisie sur elle, et dans cette pensée :

— Mademoiselle, lui dit-il en lui baisant les mains, j’entre dans vos intérêts et partage votre affliction. Mais je ne suis pas si peu homme d’esprit que si vous m’accordiez la douceur de vous baiser je ne trouvasse moyen de réduire Céladon sous le joug de votre obéissance. Je sais la route qu’il faut tenir pour vaincre les dédains de la jeunesse, et, tel que vous me voyez, j’ai servi quantité de filles en telle occasion.

— Ah ! monsieur, s’écria la folle, en lui mettant la langue dans sa bouche, si vous faites ce que vous dites, je n’ai rien à vous refuser, et la grâce que vous me promettez est si grande que je consens de tout mon cœur à vous en remercier avant même de l’avoir reçue.

Le baron de Samoi ne perdit point de temps : il la jeta sur son lit et chevaucha romainement. Elle voulut faire un peu de difficulté à recevoir cette nouvelle mode, mais quand elle eut vu que l’engin du sodomiste était si petit qu’il entrait tout seul, elle se mit à chanter : « Courage ! courage ! courage ! »


            Son v.. était un petit nain
            De couleur un peu diaphane,
            Plus vaillant que celui d’un âne,
      Et qui faisait à merveille un deuxain.
            Quoiqu’il appartînt à grand maître,
            Il se perdait dans son néant,
Et lorsqu’il paraissait sur son meilleur séant,
      À peine un c.. le voyait-il paraître.
      Il était gai, du soir jusqu’au matin,
            Il était velu comme un faune,
            De forme d’une épingle jaune,
            Et la tête en pet de p.tain.


Céladon, à qui l’effronterie du baron de Samoi était revenu en l’esprit, crut bien qu’il aurait tenté de passer sa furie sur Amarante, et s’étant rendu, sans faire de bruit, à leur porte qu’ils avaient tirée sur eux, et qui ne se fermait point en dedans, la poussa tout d’un coup, et trouva encore nos bêtes enqueutées :

— Ma foi ! mademoiselle, dit-il à Amarante, je vous en sais bon gré, de payer ainsi pour moi ; allons encore un petit mouvement, je vous prie.

— Prenez donc la place de monsieur, lui dit-elle, car je pense qu’il a fait toute son œuvre.

— Je n’en ferai rien, mais voici un brave homme, reprit-il, en montrant le frère du baron qui entrait, sur la mine duquel je puis asseoir de bonnes espérances pour vous.

M. de La Graverie, c’est ainsi que s’appelait le survenant, était un goulu qui avait mangé vingt fois son bien et celui de sa femme au jeu de Cupidon. Il n’y avait point de crimes dont il ne fît profession, et j’ai encore appris, depuis ce temps-là, que les bassesses les plus grandes ne faisaient que blanchir contre lui quand la gueulée en était. Aussitôt qu’il eut aperçu ce qui se passait : « Mon frère, dit-il en s’adressant au baron, a toujours quelque bonne fortune en main, mais il en est si réservé que combien qu’il n’ait qu’un méchant petit bout de v.. qui s’énerve d’abord, il fait façon de prendre le vigoureux secours de ceux de ses amis qui, comme moi, en sont mieux partagés que de tout autre membre. » En disant cela, il tira un grand diable de serpent cramoisi de sa brayette, qu’Amarante, qui en avait vu de toutes les espèces, ne put s’empêcher d’en témoigner de l’étonnement : « Ah ! qu’il est beau ! Qu’il est mignon ! Le beau fils ! » s’écria-t-elle.

— Hé bien ! mademoiselle, ne pleurez point, reprit La Graverie ; vous l’aurez, je ne vous l’ai point donné. Je crois que ces messieurs auront du plaisir à voir entrer en lice ce monstre avec le vôtre.

— Ma foi, cadet, lui dit le baron de Samoi, rien ne peut t’empêcher de nous donner ce divertissement, si Céladon l’approuve ; car je te proteste que si tu l’enconnes, nous n’aurons eu rien de commun.

— Je m’en doute bien, répondit La Graverie, et cette méthode postérieure, que vous m’appreniez avant que j’eusse le poil follet, vous est de meilleur goût que la naturelle ; vous n’avez jamais eu de domestique qui n’en pût bien servir de témoin, s’il en était bien nécessaire, et le monde ne s’étonnerait pas tant qu’il fait de ce que vous n’avez point laissé tant d’héritiers, si on lui apprenait que vous ne chevauchâtes jamais la défunte que par la rotonde. » Amarante et le baron de Samoi, qui devaient rougir à ces mots, n’en firent qu’augmenter leur enjouement, et Céladon, qui voulait rire aussi, dit à Amarante que rien ne la devait retenir, et que s’il arrivait qu’il fût condamné à l’épouser, il n’en serait ni plus ni moins cocu pour avoir été connue de deux personnes qui ne faisaient rien sur un si grand nombre de rivaux. « Vous avez raison, répondit-elle, et puisque vous refusez de me donner ce dont je ne saurais me passer, je ne suis pas d’avis de le refuser de monsieur. » Ainsi le baron se leva de sur le lit, et son frère, remplissant la place, fit en présence des éclaireurs des courses incroyables sur les terres d’Amarante.


            Jamais v.. ne fit son devoir
            D’une façon si chatouillante,

Et jamais la fouteuse et lubrique Amarante
N’avait vu dans son c.. si fortement pleuvoir.
Un flic-flac redoublé formait un doux murmure,
Et l’ahan de leur cul en arracha main pet
            Tel qu’un brave canon les fait,
Quand le salpêtre sort de sa large embouchure.


Après qu’ils eurent donné à M. de la Graverie les louanges qu’il méritait, le baron de Samoi, qui ne vivait plus que d’intrigues et qui crut pouvoir tirer quelque chose d’Amarante, après en avoir fait l’histoire à son frère, leur parla ensuite en ces termes : « Vous cherchez compagnie, et, l’un et l’autre, cela vous est indifférent de quelle trempe elle soit, pourvu qu’elle entende l’art de sacrifier l’honneur au ressentiment du vice, et qu’elle sache suppléer par son adresse aux trop grands appétits de votre printemps qui traîna encore longtemps sa fin après celle de votre bien. Qui vous empêche donc de tenir bordel et de faire jouer les ressorts de votre piperie sur les dupes du siècle ? C’est une grande folie que de s’arrêter au scrupule, et les gens de qualité, dont nous sommes du nombre, seraient fâchés si le sort leur avait donné une femme, ou à elle un mari, dont la sagesse pût être funeste à l’inclination d’être à la mode. Amarante m’a tantôt confessé qu’elle est la seule personne qui ait fait écrouer Céladon ; il faut qu’elle le décharge, et je la marierai sur-le-champ avec vous, de même que j’ai fait tant de fois pour le service de mes amis, en arborant une figure sacerdotale. »

Céladon avait trop d’intérêt à la proposition du baron de Samoi pour y demeurer muet. Il témoigna à Amarante le ridicule abus où elle était de croire qu’elle pût forcer à l’épouser un jeune homme qui pouvait passer pour son fils, et dont elle n’avait pas seulement une promesse manuelle. Il lui jura de plus que, quand même il se verrait dans le choix, ou de l’épouser ou d’embrasser la mort, il ne balancerait pas à recourir à cette dernière, après toutefois qu’il la lui aurait donnée à elle-même, pour prix de son impudence.

La Graverie, qui, par les yeux de sa débauche, ne voyait rien de difficile à avaler, fit des protestations d’amour et de correspondance à sa rage, qui lui plurent tant qu’enfin Céladon fut banni pour un jour de son cœur. Ainsi, après la collation qui fut servie par le commandement de Céladon, et où fut appelé le plus grand cocu du monde, le concierge de Fort-l’Évêque, Amarante, qui s’était enivrée et qui, d’ailleurs avait goûté la remontrance que lui venait de faire Céladon, consentit à être mariée dans la chambre du baron de Samoi, par lui-même. Il n’eut pas grand’peine à trouver un habit décent. Il y avait, de l’autre côté, un prêtre qu’une légère indisposition tenait au lit : il prit sa soutane et, comme il était chauve par la partie de l’occiput, il n’eut qu’à lever sa perruque pour étaler aux yeux de l’assemblée une copieuse couronne. Dans cet état, il maria son frère avec Amarante, qui regagna, par ce moyen, les affections de Céladon. Mais comme la nouvelle Madame de la Graverie se disposait à sortir de la chambre pour aller décharger Céladon, le baron de Samoi, que le vin avait échauffé, s’y opposa : « Non, non, dit-il, cela ne va pas ainsi ; il ne me sera pas reproché que Céladon ait violé les lois de ma chambre où jamais jeune homme n’est entré sans m’accorder ce que bientôt il m’a refusé, et que je pense avoir maintenant bien mérité ; la faveur n’est pas grande, mais je la veux avoir, ou je proteste de nullité contre tout ce qui s’est fait par mon industrie. »

Combien que Céladon eût une aversion raisonnable et naturelle pour Tes infamies dont le pressait le baron de Samoi, voyant qu’Amarante, le concierge et la Graverie appuyaient sa demande, il fut obligé d’y satisfaire, mais je proteste au lecteur qu’il lava longtemps sa main après l’action. Le baron de Samoi en ressentit un tel chatouillement qu’il en tomba pâmé sur son lit, où il resta comme extasié tout le temps qu’Amarante employa à décharger Céladon. Ensuite de quoi il descendit dans les guichets, pour dire adieu à Céladon qui, depuis, prêcha son insolence dans toutes les ruelles de sa connaissance. La Graverie et Amarante s’en furent louer une nouvelle maison où ils tiennent encore une fameuse école de la jeunesse et où l’on travaille à si bon marché que je conseille à tous les priapes du monde de n’en point prendre d’autres.

Toutes les demoiselles d’Alençon que l’envie de courir a fait sortir de chez elles y dansent fort légèrement tous les branles de Cyprine, et l’on en est quitte pour un chancre vérolé, une chaude-pisse cordée, et quelquefois pour une vérole gangrenée.



FIN
  1. On connaît le Blason de la ville d’Alençon :

                      Alençon,
    Petite ville, grand renom ;
    Autant de putains que de maisons,
    Et si elles étaient bien comptées,
    Autant que de cheminées.

    On sait que la reine de Navarre séjourna à Alençon et que les mœurs des dames de sa cour y étaient très relâchées. Aujourd’hui, cette ville est une des plus honnêtes et des plus insignifiantes de France.

  2. À la croate.