Le Salut par les Juifs/Chapitre 31

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Joseph Victorion et Cie (p. 141-144).

XXXI


Tels sont les Juifs, les Juifs authentiques — semblables en tout point à ce Nathanaël aperçu sous l’emblématique figuier, qui faisait dire, malgré tout, à Celui qui s’est appelé la Vérité : « Voici un Israélite véritable, sans déguisement[1] ».

Tels il plut à Dieu de les former à l’origine et tel Il ne craignit pas de se configurer Lui-même, par amour, en tant que Fils d’Abraham selon la chair, passible et mortel.

J’ai trop renoncé depuis longtemps à ne pas déplaire pour être arrêté par la peur de congestionner quelques sacristains fougueux, en disant que Notre Seigneur Jésus-Christ dut porter encore cela comme tout le reste, c’est-à-dire avec une exactitude infinie.

Sans reparler du grand Holocauste qui fut évidemment la « spéculation » la plus audacieuse qu’un Israélite ait jamais conçue, il ne serait pas très-difficile de trouver dans l’extérieur des paroles infiniment aimables et sacrées du Fils de Dieu quelque lien de famille avec l’éternelle pensée judaïque dont bouillonne la Gentilité.

L’Économe infidèle, par exemple, n’est-il pas loué précisément pour sa fraude et l’inéclairable conclusion de Jésus n’est-elle pas le précepte formel de « se faire des amis avec les richesses d’iniquité[2] » ?

C’est, en somme, la traditionnelle recommandation de spolier et de foi-mentir, anciennement notifiée aux six cent mille Hébreux de l’Exode qui s’en allèrent d’Égypte chargés de trésors empruntés pour ne pas les rendre, aidés en cela par le Seigneur même qui les protégea dans leur fuite[3].

Identité perpétuelle en la profondeur de ces Textes saints, dont le sens littéral scandalise tant de malfaiteurs et dont la sublime interprétation par les symboles est pour jamais inaccessible à tous les goîtreux.

On croit tomber dans un abîme lorsqu’on songe que le mot : Égypte — Mizraïm en hébreu, — signifie littéralement Angoisse ou Tribulation ; que le premier Joseph, vendu par ses frères, si nettement figuratif du Verbe fait chair et qui fut obéi de tout ce royaume délivré par lui de la famine, « fut nommé en langue égyptienne : Sauveur du monde[4] » ; et que, par conséquent, Jésus lui-même, le « consommateur » ou concentrateur hypostatique des prophéties et des symboles, exclusivement venu de son Père afin de régner sur l’universelle Douleur, ne fit pas autre chose, après tout, quand il s’évada par l’opprobre de son supplice, que d’emporter avec lui les trésors d’angoisse héréditaire et les économies de tribulations qu’il avait empruntés, pour ne les rendre jamais, à tous ceux qui avaient mis leur confiance en lui.

Après la disparition de ce Banqueroutier adorable du désespoir, les Juifs qui venaient de crucifier en Sa Personne, « sans savoir ce qu’ils faisaient », la conscience même de leur Primogéniture, continuèrent cependant l’Instinct de la Race que l’Incarnation miraculeuse avait amalgamé de façon tellement puissante, — quoique si vainement pour eux, — à la Volonté divine… et il ne resta plus dans leurs mains que ce pauvre Argent massacré qui devait remplacer leur Messie.


  1. Jean, I, 47.
  2. Luc, XVI, 9.
  3. Exode, XII, 35 et 36.
  4. Genèse, XLI, 45.