Le Scandale du gazon bleu/04

La bibliothèque libre.
Flammarion (p. 30-39).

IV

L’enquête sur la pelouse

L’Auberge du Gazon Bleu est située au milieu des bois, à quelque distance de la route qui va du charmant château de la Muette, évocateur de tant de souvenirs historiques, jusqu’à l’arche de pierre par où l’on sort de la forêt, dans la direction de Maisons-Laffitte.

Autrefois, c’était une maison de garde. Le sieur Félix Dorlodoux, en quittant, après avoir fait sa pelote, comme il le disait lui-même dans les moments d’expansion, les hautes fonctions qu’il remplissait auprès d’un ministre en qualité de maître-queux, obtint du Domaine, grâce à ses puissantes relations, de transformer en guinguette la vieille construction. Il aménagea des tonnelles discrètes, un jardin ombreux, favorable aux rendez-vous galants et clandestins, une pelouse entourée de gradins, propice aux fêtes équivoques que la police selon les heures, prohibe ou tolère, et tout de suite réussit. Du premier coup, une clientèle appartenant à un monde spécial adopta le Gazon Bleu, et ce fut le succès. L’établissement, aux mois d’été, ne désemplissait pas ; fêtards de toutes sortes, boxeurs noirs ou blancs, en rupture d’entraînement, aviateurs qui venaient là entre deux vols, habitués des hippodromes, gens « du milieu », éphèbes et messieurs mûrs, femmes jeunes ou moins jeunes et de toutes les catégories, s’y réunissaient, s’y coudoyaient, attirés par divers motifs, attirés surtout par la danse et par les numéros pittoresques, — d’un pittoresque très libre — , qui se déroulaient sur la pelouse se trouvant en contrebas, à plus de soixante mètres des bâtiments, la pelouse qui avait donné son nom à l’auberge, la pelouse, bleue sous les hautes lampes aux feux violents et mystérieux.

Et c’est sur cette pelouse que Félix Dorlodoux, ce matin-là, faisant sa tournée habituelle dans le jour frais, comme six heures sonnaient, découvrit gisant en bas du talus le cadavre d’une femme aux cheveux blond ardent, au buste demi-nu, au visage fardé et gardant, jusque dans l’horreur et la souffrance de la mort soudaine, une expression provocante et canaille dont le sourire affreux montrait ses dents.

Devant ce spectacle, le maître du Gazon Bleu eut tout d’abord un recul de stupeur horrifié. Mais la stupeur bientôt se changea en colère, en inquiétude.

— N… de D… ! en voilà une histoire, songea-t-il. Une macchabée chez moi ! zut alors ! Elle avait bien besoin de venir clampser ici, celle-là ! Et on l’a zigouillée, c’est sûr et certain !

Il s’était penché vers le corps, l’examinait. Puis il eut un regard circulaire autour de lui. Personne… Allait-il profiter de cette solitude pour se débarrasser du corps en le traînant loin de son enclos, en le cachant dans des taillis aussi éloignés que possible, où on ne le découvrirait pas tout de suite, pas avant plusieurs jours peut-être, et sans qu’on pût songer à établir un rapport entre cette femme morte et l’Auberge du Gazon Bleu ?

Mais le sieur Félix Dorlodoux n’était pas un homme de premier mouvement. Il était prudent et avisé. Qui prouvait que le corps, même caché dans un taillis épais, ne serait pas découvert le jour même dans ces bois si fréquentés, en été surtout ? Ne serait-il pas observé, lui Dorlodoux, pendant la funèbre opération du transport ? Les vagabonds qui couchent au mois de juin à la belle étoile sont nombreux ; les servantes de l’auberge se levaient de bonne heure. Enfin on pourrait établir que la victime était venue la veille au Gazon Bleu ! La police vraiment se mêle de beaucoup de choses, elle fait montre d’une fâcheuse habileté dans l’art de provoquer les témoignages et d’en tirer des déductions gênantes. Il y avait aussi cette question des empreintes qu’il ne fallait pas laisser sur le cadavre. Non ! le stratagème serait trop aisément découvert et quelles conséquences fâcheuses n’en découleraient pas pour son auteur ? Qui sait si on ne l’accuserait pas lui-même de ce crime ? Enfin, et surtout, une considération qui venait soudainement de se préciser à l’esprit du judicieux Dorlodoux, l’incitait à laisser toutes choses en l’état et à prévenir sans retard la police : le crime ferait du bruit, beaucoup de bruit, susciterait des enquêtes de journaux, soulèverait une curiosité et un intérêt énormes : quel merveilleux coup de publicité gratuite pour le Gazon Bleu ! Publicité malsaine sans doute et scandaleuse… mais cela correspondait si bien au genre de succès que cherchait Dorlodoux dont la morale était élastique et qui professait cette théorie : réussir d’abord… et par n’importe quel moyen.

Dorlodoux revint en hâte à l’auberge, raconta à sa femme et à son personnel la macabre découverte qu’il venait de faire, défendit qu’on touchât au corps et même qu’on s’en approchât : « Faut pas brouiller les empreintes », décréta-t-il avec importance. Prenant un drap il en recouvrit soigneusement la morte. Et à sept heures il téléphona au commissaire de police de Maisons-Laffitte.

Le commissaire, prévenu chez lui, arriva avec ses agents une demi-heure plus tard au Gazon Bleu. Après un premier coup d’œil sur le théâtre du meurtre il fit barrer le chemin étroit où se voyaient parmi des traces de roues à demi effacées, les traces plus fraîches laissées par deux autos.

Le commissaire ensuite alerta les différents services et dans la matinée arrivèrent sur les lieux du drame, le Procureur de la République, le juge d’instruction, le médecin légiste, des gendarmes et des inspecteurs de la brigade mobile.

Il fut procédé d’abord à l’examen du cadavre que personne n’avait touché et que l’on débarrassa du drap qui le recouvrait.

Après un bref examen, que l’autopsie pratiquée ensuite devait confirmer, le médecin légiste constata que la femme avait dû mourir presque subitement à la suite d’un coup violent ou d’une pression brutale qui lui avait brisé le larynx.

Interrogé, Dorlodoux, entouré de son personnel qui approuvait ses dires, fit, avec une importance, mitigée par la crainte dissimulée mais constante qu’il avait de la justice, la déclaration suivante :

— Toute la journée d’hier j’ai eu beaucoup de monde et les clients se sont succédé chez moi. Au moment du coup de feu, un peu avant sept heures, j’ai remarqué l’arrivée de cette femme. Je la connaissais de vue, elle était déjà venue deux ou trois fois. Hier elle amenait un type jeune, une trentaine d’années, l’air d’un mécano, rougeaud de figure, les cheveux blond ardent. D’abord, en prenant l’apéritif, ils sont restés dans la salle de mon auberge et ils ont dansé. Puis, ils ont dîné dehors à la première table, là-bas.

— Est-ce qu’ils paraissaient en bons termes ensemble ? demanda le commissaire de police.

— Oh, oui, très copains. Ils blaguaient tout le temps, la femme appelait le type Julot et lui l’appelait la Pierreuse. En dinant ils ont fait connaissance avec deux dames qui mangeaient à la table voisine. Des dames très bien, très chic, minces, l’air distingué et en même temps à la coule, dessalées enfin. Les dames ont blagué avec eux et finalement leur ont offert le champagne et ont payé les quatre dîners. La Pierreuse ne tenait pas en place, elle avait tout d’une excitée. À chaque moment elle se levait pour embrasser les deux dames sur la bouche et leur peloter la gorge. Les autres riaient et se laissaient faire.

— Vous avez une clientèle aux mœurs libres, remarqua sèchement le juge d’instruction, personnage maigre à l’aspect bilieux et vertueux.

— Oh, c’est le genre de l’établissement qui veut ça, ça ne tire pas à conséquence.

— Continuez.

— Le soir, comme d’habitude quand il fait beau, et surtout le samedi et le dimanche, on a dansé et on a fait des numéros sur la pelouse. Les deux dames ont dansé plusieurs fois, soit ensemble, soit séparément sous la lumière bleue, elles avaient ôté leurs robes dans un fourré et été prendre dans leur voiture de grandes écharpes de gaze lamées, dont elles s’enveloppaient pour danser et sous lesquelles elles étaient quasi nues. Après quoi, elles ont retrouvé les deux autres, la Pierreuse et Julot, et tous quatre ont encore bu une bouteille de champagne qu’un de mes garçons, Amédée, — il sera là tout à l’heure, il prend son service à midi — leur a apportée.

« Vers minuit, j’ai fermé mon établissement, comme le porte le règlement. Tout le monde est parti. Mais l’auto des deux dames n’a pu démarrer et le nommé Julot s’en est occupé. Je les ai vus dans le chemin qui est là quand j’ai fermé la barrière de la pelouse. Après je n’ai plus pensé à eux. Seulement, par la suite, quand je suis rentré à l’auberge pour aller me coucher, j’ai oublié, avant de monter, d’éteindre les deux grandes lampes de la pelouse dont la commande est à côté de la caisse.

— Vous avez oublié, ou bien les avez-vous laissées allumées exprès, parce qu’on vous l’avait demandé ? interrompit un inspecteur.

— J’ai oublié, et ça m’a fait des frais inutiles, mais j’étais fatigué comme un chien. Et qui voulez-vous qui m’ait demandé ça ? Tout le monde était parti. Du moins je le croyais. C’est en me réveillant dans la nuit, vers deux heures, que j’ai repensé à mes lampes et que je suis redescendu tourner le commutateur.

— À ce moment-là, vous n’avez rien remarqué d’anormal dehors ?

— Rien du tout. Du reste, j’étais pressé de me recoucher, je n’ai rien regardé. C’est ce matin à six heures, quand je suis venu faire ma tournée habituelle que j’ai vu que des gens avaient forcé la barrière pour rentrer sur la pelouse. Et tout de suite j’ai aperçu de loin une femme étendue. Je me suis approché et je l’ai reconnue. C’est celle que j’avais remarquée hier soir et qu’on appelait la Pierreuse.

— Vous n’avez touché à rien en vous approchant du corps ? demanda le même inspecteur.

— À rien du tout. Je connais les usages. Je suis seulement remonté chercher un drap pour la recouvrir.

— Dans le chemin qui longe la pelouse on a relevé les traces, effaçant en partie les autres, d’une auto qui est passée en dernier. Vous ne savez rien à ce sujet ?

— Une de mes servantes, — tenez, c’est Maria qui est là et qui vous le confirmera — a entendu cette auto dans le courant de la nuit.

L’inspecteur se retourna vers la domestique désignée par Dorlodoux, une forte fille à l’aspect déluré.

— Quelle heure était-il, et qu’avez-vous entendu ?

Maria fit un effort pour paraître une vierge timide :

— L’heure je ne sais pas. J’avais mal aux dents et je me réveillais tout le temps malgré que les dimanches soirs on soit esquinté. J’ai entendu le bruit des roues et puis du moteur et surtout des freins parce que sûrement la voiture s’est arrêtée. Même elle a manœuvré pour repartir, mais je ne sais pas si c’est tout de suite ou après. Vous savez, quand on dort à moitié…

— Et aucun bruit de voix ne vous est parvenu ?

— Rien du tout. C’est encore loin vous savez. On entend une voiture, on n’entend pas parler.

Le policier reprit, s’adressant à Dorlodoux :

— Et sur la pelouse, vous n’avez rien trouvé ?

— Absolument rien. Du reste, tous les soirs, avant de s’en aller, mon garçon Amédée visite la pelouse et la nettoie des papiers et autres qui peuvent traîner. D’ailleurs le public se tient plutôt sur les gradins à droite et à gauche, ou bien aux tables où on dîne. La pelouse c’est pour la danse.

— Est-ce que la victime a fait un numéro de danse au cours de la soirée ?

— Oui. Une sorte de cavalier seul. Chahut et jambes en l’air, vous voyez ça ! Même que j’étais embêté parce qu’elle n’avait pas de cache-sexe et j’ai envoyé Amédée lui dire de ne pas tout montrer comme ça.

— Comment était-elle habillée ?

— Oh, une robe sans plus, et une espèce de chemise qu’elle rabattait jusqu’à la taille, en sorte qu’elle avait le buste nu, sauf une écharpe jaune nouée sous la gorge et qu’elle enlevait tout le temps.

— Et qu’est devenue cette écharpe ?

— Ça, je ne sais pas. Ce matin, je ne l’ai vue nulle part.

Ayant ainsi parlé, le sieur Dorlodoux, conscient d’avoir fait œuvre de bon citoyen en éclairant de son mieux la justice, prit un air digne et vertueux.

Par la suite de l’enquête qui se poursuivit toute la matinée et au courant de l’après-midi, ses déclarations furent confirmées, et sur certains points complétées, par divers gens qui avaient, la veille, dîné et passé la soirée à l’Auberge du Gazon Bleu.

En particulier un groupe de lads et d’entraîneurs de Maisons-Laffitte, lesquels avaient remarqué la Pierreuse et ses compagnons, affirmèrent avoir déjà vu, à plusieurs reprises, les deux femmes élégantes qui s’étaient jointes à Julot et à sa compagne, dans certains bals, aux fort libres allures, des environs et aux bords de la Seine.

Toutes deux ne se quittaient jamais et formaient en quelque sorte un ménage. Elles étaient connues dans la région où leurs danses gracieuses et indécentes avaient un grand succès. On ignorait leurs noms, mais on les appelait les Colombes. Peu sensible à cette poétique appellation la police, ayant eu vent de leurs exhibitions contraires aux bonnes mœurs et stricte morale les recherchait depuis quelque temps déjà.

Les premières éditions des journaux de l’après-midi donnèrent, avec quelques premiers détails, l’information concernant la « femme morte du Gazon Bleu » ; les dernières éditions, paraissant vers cinq heures du soir, reproduisirent les déclarations du sieur Dorlodoux et les témoignages des lads.

Enfermés chez eux, l’un dans son cabinet de travail, l’autre dans la chambre, Patrice et Dominique lurent séparément ces éditions du soir que Patrice était lui-même descendu acheter, ne voulant pas confier ce soin à la femme de chambre, dans la crainte d’attirer son attention par cette acquisition inusitée de nombreux journaux.

Quand il eut terminé sa lecture Patrice rejoignit Dominique. Il réprimait une violente agitation, son visage était pâle et décomposé. Dominique pâlit à son tour et lui demanda d’une voix tremblante :

— Qu’y a-t-il encore ?

Il répondit sourdement :

— Tu n’as pas lu en dernière minute ?

— Quoi donc ?

— Ces lignes : « Le soin immédiat et essentiel à quoi la police apporte toute son activité est de retrouver l’écharpe jaune. Il est évident que la victime portait cette écharpe au moment où elle a été tuée. C’est pourquoi on ne retrouve pas d’empreintes de doigts sur son cou. Il est évident aussi que l’écharpe jaune offrirait des empreintes d’un intérêt capital. Retrouver l’écharpe, c’est retrouver le meurtrier. Les enquêteurs s’y emploient et la piste offerte par la présence d’une dernière auto dans le chemin voisin de la pelouse leur paraît très intéressante. Nous n’en disons pas davantage pour ne pas entraver leur tâche. »

Patrice, hors le lui, se frappait la poitrine avec indignation. Il cria d’une voix étranglée :

— L’écharpe jaune ! Le meurtrier ! Moi, le meurtrier ! Allons donc ! J’aurais possédé cette femme et je l’aurais tuée dans un accès de folie soudaine !… Allons donc !…

La tête dans ses mains, il eut un rire faux, douloureux.

« Moi ! Moi ! un sadique ! un aliéné ! un dément sexuel ! Quelle absurdité ! Quelle absurdité impossible ! Et puis… et puis quoi ? Admettons un moment d’aberration.. Mais sacrebleu je le saurais ! Elle a crié, cette femme ! Quand elle a crié j’aurais entendu ! Et j’aurais bien su que c’était elle qui était dans mes bras ! Non, le fait que j’ai l’écharpe ne signifie rien ! rien du tout ! Je l’ai ramassée par terre cette écharpe, au hasard, sans en avoir conscience ! Voilà tout !

Il regarda un moment autour de lui, silencieux et farouche. Il parvint à se dominer, haussa les épaules.

— Ma parole, je crois que par moments je perds la tête. Je me laisse émouvoir à ce point par ce qui n’existe pas ! par ce qui ne peut exister ! Écoute, Dominique, il faut nous ressaisir, tenir bon, faire face aux événements, vivre comme si de rien n’était.

— Oh, si nous pouvions, gémit la jeune femme, effondrée dans son fauteuil.

— Il le faut, je te dis ! Il le faut ! Pour commencer nous avions accepté d’aller ce soir au théâtre avec les André Roussel, n’est-ce pas ? Eh bien il faut y aller ! les rejoindre dans leur loge, comme convenu ! Il faut qu’on nous voie partout… là où on avait l’habitude de nous voir ! Tu comprends, il ne faut rien changer à nos habitudes… Tu es de mon avis ?

— Oui, souffla Dominique, passive, accablée.

— Alors habille-toi. Et n’aie pas cet air absorbé, douloureux… Tu es très pâle, farde-toi… Et surtout, n’oublie pas de mettre ton collier… Ton autre collier. C’est la réplique exacte de celui qui t’a… qui a disparu. Personne ne s’est jamais douté que tu en avais deux.

Et comme la jeune femme se mettait debout et se dirigeait vers son cabinet de toilette il vint la saisir aux épaules et d’une voix basse et énergique :

— Courage ! lui dit-il,

— Oui, oui, répondit-elle de sa voix lointaine, indifférente, épuisée.

Patrice se dirigea vers sa chambre et s’habilla rapidement. Puis il prit une boîte à faux-cols ; dans le placard où il l’avait cachée sous une pile de linge, il chercha la fatale écharpe jaune, la plia et la tassa dans la boîte, mit au-dessus une lourde plaque de cristal dont il se servait en guise de presse-papier, assujettit le couvercle, enveloppa le tout dans un papier gris et ficela solidement le paquet.

Il l’emporta en sortant avec Dominique et le laissa, en arrivant au théâtre, dans un petit coffre de devant de son auto, dissimulé sous un chiffon.

Après la pièce, dont il n’avait pas compris un seul mot, il subit ainsi que Dominique le supplice de souper avec leurs amis. Enfin, à deux heures du matin, il put prendre congé et remonter en voiture. La nuit était favorable à son dessein : sombre et pluvieuse. Sans échanger un mot avec sa femme, blême sous son maquillage, il se dirigea vers l’île Saint-Louis.

Non loin du terre-plein où se trouvait autrefois la Morgue, il arrêta sur le quai sa voiture. Il mit pied à terre, portant le paquet dissimulé dans son manteau et, parvenu au parapet, après s’être assuré d’un coup d’œil que tout était désert, que nul passant ne l’observait, il lança le paquet dans l’eau noire où il s’engouffra avec un « plouf » étouffé.

Dominique, restée dans la voiture, l’observait, convulsée de terreur, une terreur sourde, irraisonnée, presque superstitieuse. Ce geste furtif et sinistre de l’homme qu’elle aimait n’était-ce pas un geste de coupable, de criminel ?… Qui noyait-il ?… Son crime ?…

Frissonnante, elle se rejeta en arrière dans le fond de la voiture. Son mari revenait.

Il remonta près d’elle. Livide, les traits contractés, il prit le volant et Dominique l’entendit murmurer avec une sombre horreur :

— Moi, moi !… Un Patrice Martyl !… Agir ainsi !…