Le Secret du cocu à roulettes/09

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La Feuille populaire (p. 37-39).

UN CADAVRE EST PERDU,
DOUZE SONT RETROUVÉS



— Pas de nouvelles de Lautrec ? demanda le chef de la Sûreté.

— Aucune, chef, répondit l’inspecteur Duret.

— Il nous avait promis d’être ici, au plus tard, à dix heures. Il est près de minuit.

— En effet, chef.

— Lautrec est toujours de parole. Quelque incident imprévu est survenu, sans doute. Prenez trois hommes avec vous et allez à sa recherche. Vous savez où ? — Avenue Victor Hugo, chez le comte de Riva.

— Oui. Et surtout de la discrétion et de la prudence !

Vingt minutes plus tard, Duret et ses trois auxiliaire descendaient d’une auto, avenue Victor Hugo. Ils sonnèrent à trois reprises à la porte de l’hôtel. Aucune réponse.

— Forcez la serrure ! ordonna l’inspecteur.

Un instant après, les policiers étaient dans la place. Ils traversèrent les chambres du rez-de-chaussée : personne ! Ils visitèrent les étages : personne ! L’hôtel était vide.

Aucun meuble n’avait été enlevé, pas un objet ne semblait avoir été changé de place ; mais les propriétaires et tout le personnel avaient disparu.

Comme ils descendaient au rez-de-chaussée, les policiers entendirent un bruit sourd suivi d’une plainte. Ils avaient oublié de visiter un boudoir : ils ouvrirent la porte et trouvèrent Lautrec étendu sur le parquet.

— Vite, un médecin ! ordonna Duret.

Le détective s’était soulevé.

— La blessure n’est pas grave, dit-il, mais elle paralyse mes mouvements. J’avais affaire à un rude tireur : la balle a atteint le doigt qui pressait la détente de mon révolver et s’est logée dans mon côté droit en frappant, je crois, le deltoide. Mon adversaire avait dès lors sur moi un trop grand avantage : je me laissai tomber sur le parquet pour qu’il me crût blessé à mort. Cette tactique me permettait de prendre le temps de changer mon arme de main ; mais on m’a enfermé. J’ai voulu agir ; comme je vous le disais, ma blessure paralysait mes mouvements.

J’ai arrêté jusqu’à présent, comme j’ai pu, l’épanchement du sang.

. . . . . . . . . . . . . . .

La blessure de Lautrec, en effet, n’était pas grave. Quelques jours après, le détective était sur pied. Mais il n’avait pas attendu ce moment pour agir. Des perquisitions avaient été faites dans l’hôtel de l’avenue Victor Hugo. Aucune pièce compromettante n’avait été trouvée dans l’habitation et les policiers désespéraient de découvrir le moindre indice, lorsque les regards de l’un d’eux furent attirés, dans le jardin, par une proéminence du sol où la terre avait été fraichement remuée.

On fit aussitôt des fouilles et l’on découvrit un cadavre à peine en décomposition. Les fouilles furent poussées plus loin et l’on exhuma onze autres cadavres. Douze morts ! Quels étaient ces victimes ?…

Les malheureux avaient été enterrés nus. Aucun vêtement, pas le moindre indice ne permettait de les identifier. Seul, le premier cadavre offrait encore des signes distinctifs. Les autres étaient en complet état de putréfaction. Trois d’entre eux n’étaient plus déjà que des squelettes.

Quels effroyables mystères cachaient donc cet étrange hôtel ? Quels rapports existaient entre le comte de Riva et feu le macabre Cocu à roulettes, dont le cadavre restait introuvable ?