Le Sylphe galant et observateur/03

La bibliothèque libre.
Imprimerie de Tiger (p. 36-37).



§ III.

L’acte auquel il n’a rien manqué.


Monsieur Griffon (Griffon c’est un notaire)
Eut à la fois dans sa maison
Aimable Clerc et femme peu sévère.
Bientôt advint ce dont avez soupçon ;
Griffon le sut : un ami charitable
Lui dit comment sa perfide moitié,
Et le grand clerc pour les fronts sans pitié.
Savaient orner sa tête vénérable.
Griffon eût pu se livrer au courroux ;
Point ne voulut, mais jure sur son ame
De bien prouver que s’il n’est pas jaloux,
Ce n’était pas la faute de madame.
Pour réussir, et sans perdre de tems,
Il trouve un vieux, mais un bon stratagême,
Je vais, dit-il, à ma maison des champs ;
Pour quatre jours ; vous un autre moi-même,

Mon clerc, remplacez-moi jusques à mon retour ?
Il dit et part ; quel moment pour l’amour ;
Comme on prouva son amoureuse flamme ;
Le clerc fait à la fois le notaire et l’époux ;
Lors Griffon reparaît ; un bienfaisant véroux
Ne fermant pas le boudoir de madame ;
Il entre et voit ; et sans être surpris,
Nos deux amants, l’un sur l’autre endormis :
En pareil cas, quelque mari vulgaire,
Par son courroux, sa fureur et ses cris
De son affront découvrait le mystère :
Ne craignez rien, Griffon est de Paris ;
Il part, et près du lit, trace en gros caractère :
L’acte est bon, car il fut passé devant notaire.