Le Talisman du pharaon/12

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Librairie Beauchemin, Limitée (p. 67-70).


XII

LA POURSUITE


Presque couchée sur l’encolure de son cheval, qu’elle excitait sans cesse de la voix, de l’éperon et de la cravache, Yvaine galopait… galopait…

Ah ! si elle avait eu la rapide Almée, comme elle aurait bien vite mis une grande distance entre elle et Ahmed. Malgré tous ses efforts, il lui semblait qu’elle n’avançait pas… Elle se rendit bientôt compte que la pauvre bête se fatiguait : sa respiration devenait saccadée, et sa bouche lançait de gros flocons d’écume. Et le camp n’était pas encore en vue !

Soudain, se retournant, la jeune fille s’aperçut qu’Ahmed la poursuivait. En effet quand le traître avait été désarçonné, les rênes étaient restées passées dans son bras, il avait empêché son cheval de fuir, le retenant de sa main de colosse. Toute occupée de sa fuite, Yvaine ne s’en était pas aperçue. Lâchant un effroyable juron arabe, Ahmed se releva, remonta à cheval et les éperons collés aux flancs de sa bête, il se mit à dévorer l’espace.

Il montait une bête vigoureuse qui, bien qu’Ahmed fût pesant, était capable de rattraper le cheval d’Yvaine, chargé seulement de la légère jeune fille.

Et le traître voyait avec un plaisir de brute, la distance diminuer.

— Si je peux la rattraper assez loin du camp, pensait-il, comme je vais me venger !… Von Haffner sera content, et moi…

Yvaine galopait et s’enfonçait de plus en plus dans le désert… Il lui semblait pourtant qu’elle aurait dû apercevoir les tentes… Elle se retourna et comprit… Un éblouissement la prit… Mais le danger la fit se ressaisir. La pauvre enfant s’était trompée de direction. Au lieu de s’en aller vers l’ouest, tournant le dos au Nil, ayant les Pyramides à sa droite, c’est vers le sud, vers le désert qu’elle galopait, désespérément…

Yvaine se vit perdue… Son cheval faiblissait, son galop devenait inégal, son poil gris était couvert d’écume, et son flanc haletait.

Ahmed se rapprochait… Il n’était plus guère qu’à trois cents mètres de la jeune fille…

Yvaine tenta un dernier effort… Elle apercevait, à une vingtaine de mètres, une sorte de fondrière : elle résolut de la sauter… Ahmed, sur son cheval lancé à plein galop ne verrait pas le piège, il ne pourrait pas le franchir et s’abîmerait.

Elle rassembla sa bête, mais le cheval épuisé, ne put fournir l’effort… Il s’abattit…

— Mon Dieu, implora Yvaine, ne m’abandonnez pas… Bonne Vierge, venez à mon secours !…

La jeune fille tenta, mais en vain de relever son cheval… La pauvre bête n’avait plus la force, ses naseaux claquaient, de sa bouche écumante la langue sortait, ses yeux ternes semblaient implorer la pitié…

Alors, Yvaine résolut de se défendre. Elle prit à sa ceinture un excellent petit revolver qu’elle portait par mesure de précaution et tira, visant Ahmed à la jambe, voulant seulement le blesser, pour l’arrêter…

Le traître fit-il faire un écart à son cheval ? Yvaine, trop émue, trembla-t-elle ?… La balle se perdit dans l’espace…

Ahmed, ricanant, les yeux pétillants de désir de vengeance, s’approchait.

Yvaine ferma les yeux.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Elle entendit bientôt le bruit d’une galopade qui s’éloignait, et quand elle regarda elle vit Ahmed qui détalait, rapide, sur son puissant coursier…