Le Tibet/V

La bibliothèque libre.
Le Tibet (1886)
Maisonneuve (1p. 70-85).

CHAPITRE CINQUIÈME
Moines et Lamas.
§ 1er. Moines. Monachisme bouddhique. — Moines et nonnes. — Genre de vie. — Monastères. — Costume. — Couleurs ; sectes. — Occupation des moines. — Hiérarchie lamaïque. — § 2. Lamas. Lamas renés. — Le Dalaï-lama. Le Pan-tchen-rin-po-tche. — Origine et destinée des deux pontificats.


§ 1er. — MOINES

Monachisme bouddhique. — Le bouddhisme n’a pas de prêtres à proprement parler. Il divise les hommes en deux classes : ceux qui renoncent à tout pour chercher la perfection (c’est-à-dire le terme de la transmigration) ; ceux qui, ne recherchant pas la perfection, jouissent des biens de ce monde. La première classe se compose d’ascètes isolés ou vivant en société, soumis à une règle sévère, n’ayant rien et n’aspirant à rien de plus que la satisfaction des besoins les plus impérieux de l’existence ; la seconde est chargée de fournir à la première ce dont celle-ci ne peut se passer, la nourriture, le vêtement, le logement.

Moines et nonnes. — La première classe est largement représentée au Tibet, chaque famille tenant à honneur de grossir par un de ses membres au moins cette multitude parasite. Les Tibétains se vantent d’avoir quatre-vingt-quatre mille prêtres, comme ils disent que leurs livres sacrés renferment quatre-vingt-quatre mille sentences : c’est un chiffre traditionnel. Le fait est que la proportion des moines tibétains est considérable. On en compte près de vingt mille à Lha-sa et dans les environs où les couvents sont, à la vérité, fort nombreux. On estime qu’il y en a un sur treize habitants dans le Ladak, un sur sept dans le Spiti. À part quelques exceptions, la vie monastique au Tibet ne répond guère à l’idéal bouddhique : ce n’est pas une vie de privation et de renoncement, c’est une vie d’abondance et de prospérité.

Les femmes peuvent aussi adopter la vie monastique, et il existe des nonnes au Tibet ; mais le nombre en est peu considérable.

Genre de vie. — Parmi ces moines, il en est qui vivent dans une retraite absolue, au sommet de quelque montagne, dans quelque caverne, n’en sortant que très rarement, et recevant leur nourriture au moyen d’un panier attaché à une corde. Quelques-uns vivent chez eux et sont domiciliés ; ils ont même la faculté de se marier. D’autres, au contraire, ne se fixent nulle part et voyagent, on pourrait dire, vagabondent de lieu en lieu. Toutefois, le plus grand nombre habite des édifices construits pour eux, véritables couvents appelés en tibétain gon-pa ou tchos-, et auxquels on donne ordinairement le nom de « lamaserie. » En général, tout moine appartient à un couvent, quand bien même il n’est pas de ceux qui l’habitent constamment.

Monastères. — Les monastères se composent soit d’une grande maison, soit d’une réunion d’édifices. Au centre se trouve le temple, rempli d’images et de peintures, et pourvu d’une bibliothèque. Outre les chambres réservées aux moines, il y a une salle de réunion et un magasin d’approvisionnements, quelquefois une imprimerie. Les édifices lamaïques ne diffèrent pas essentiellement des maisons des riches habitants du pays, ils sont ordinairement entourés de jardins cultivés par les moines ou par des ouvriers aux gages de la confrérie. Ces lamaseries sont généralement très peuplées ; celles qui ne renferment que cinq cents moines doivent être rangées parmi les petites ; il en est qui comptent plusieurs milliers d’habitants. Les « moulins à prière », les Tchorten, les Mani, les Lab-tse abondent aux alentours et sur les toits de ces édifices.

Les monastères les plus renommés sont, dans le Ladak, celui de Himis ; dans le Ngari, celui de Tholing ; dans le Tsang, ceux de Tachiloumpo, de Terpaling, de Sa-skya, auxquels nous joindrons celui du lac Ghalaring dans le plateau ; dans la province de Ou, le monastère de femmes du lac Palte, et dans la vallée du Ki, à Lha-sa et aux environs, les monastères de Potala, Sera, Galdan, Brebong, etc ; auxquels nous ajouterons celui de Dorkia, sur le bord du lac Tengri. Dans le Tibet oriental, nous citerons ceux de Tsiamdo et de Djaya, et, dans la région du lac Bleu, celui de Kounboum.

Costume. — L’habillement des moines se compose d’une tunique ou chemise sans manches, d’un pantalon fixé au corps par un lacet, d’une robe descendant jusqu’au mollet, retenue par une ceinture et qu’on fait entrer dans le pantalon en hiver. Le manteau est une pièce de laine longue et étroite, couvrant l’épaule gauche et passant par-dessous le bras droit laissé à découvert. Les chaussures sont des bottes en feutre et la coiffure un bonnet en feutre ou en toile, de forme conique et double. Un charme quelconque est placé dans l’intérieur du bonnet.

Couleurs, sectes. — La couleur du vêtement, surtout du bonnet, diffère selon la secte ; car il y en a plusieurs. Les deux principales sont celle du bonnet jaune et celle du bonnet rouge. Le Bouddha a prescrit à ses disciples des habits jaunes ; mais du jaune au rouge, en passant par l’orangé, il y a une multitude de nuances. Or, l’habillement des religieux avait pris une teinte rougeâtre dans la dernière moitié du xive siècle, et surtout, ce qui est plus grave, un grand relâchement s’était manifesté dans les mœurs. Les moines se mariaient sans vergogne ; la nécromancie et des superstitions méprisables avaient envahi la confrérie du Bouddha. Un énergique réformateur, Tsong-ka-pa, protesta contre ces altérations, fit refleurir le célibat, et les anciennes mœurs, restaura la discipline et donna, comme marque distinctive de ce retour aux enseignements du Bouddha le retour à la couleur jaune dans l’habillement des moines.

L’influence de Tsong-ka-pa fut immense, et la grande majorité des moines adopta sa réforme. Quelques obstinés résistèrent et gardèrent la couleur rouge. Aujourd’hui, la différence fondamentale des deux sectes n’est plus aussi tranchée qu’autrefois ; la plupart des abus combattus par Tsong-ka-pa ont reparu ou sont remplacés par d’autres équivalents. Les deux sectes n’en subsistent pas moins ; la rouge s’est surtout conservée au Népâl et au Boutan. La jaune domine sans conteste au Tibet ; mais il y reste quelques adeptes du bonnet rouge ; et le célèbre couvent de Sa-Skya est le principal représentant de cette secte.

Nous citerons aussi la secte Ourguyen qui se réclame de Padma-sambhava ; elle paraît n’être qu’une branche de la secte dissidente ; car elle a la réputation d’exceller surtout dans la sorcellerie condamnée par Tsong-ka-pa.

Occupation des moines. — L’étude et la méditation devrait être l’unique occupation des moines, mais elle a peu d’attraits pour eux, et ils préfèrent passer leur temps à mendier, à jardiner, à faire du commerce, à banqueter aux frais de quelque riche dévot ou à leurs propres frais avec leurs amis, enfin à accomplir pour le compte des laïques des cérémonies religieuses bien payées ; car si un moine n’a le droit de rien posséder, il est admis que la confrérie peut être riche.

Pour la construction d’une maison, pour l’entreprise d’un voyage, en cas de mariage, de maladie, de décès, dans mille circonstances de la vie, les particuliers requièrent le ministère d’un membre de la confrérie. Comme les moines sont nombreux, ils se partagent la tâche, les uns étant familiers avec telle cérémonie, les autres avec telle autre. Ceux qui sont astrologues et devins (et il s’en trouve au moins un dans chaque monastère) comptent parmi les plus achalandés. Bref, le clergé tibétain exploite largement la sottise et la crédulité populaires.

Dans toutes leurs cérémonies, les moines tibétains déploient une grande pompe, et font un grand bruit de trompettes et d’instruments de musique.

Hiérarchie lamaïque. — Il y a des degrés entre les moines. Ceux qui sont officiellement reçus membres de la confrérie ont le titre de Gué-long ; au-dessous d’eux sont les Gué-tsoul, novices du 2e degré, et les Gué-nyen, novices du premier degré. Parmi les grades supérieurs appliqués aux plus savants, nous citerons seulement les Khan-po, qui sont les directeurs de monastères, les « abbés » du Tibet.

Quand au titre si connu de Lama qui signifie « supérieur » (sk. gourou), les Européens et quelquefois les Tibétains eux-mêmes l’appliquent à tous les moines ; mais il convient seulement à quelques hauts dignitaires dont il nous reste à parler.


§ 2. — LAMAS

Lamas renés. — Il y a, parmi les moines tibétains, spécialement parmi les Khan-po, une classe particulière d’individus considérés comme des incarnations de Bodhisattvas se perpétuant dans une série indéfinie d’existences. Les Mongols les appellent Khoubilghan (transformés) ou, en raison de leur haute dignité, Khoutouktou (éminent), les Tibétains Tse-rab-lama (lama à existences successives). On leur donne vulgairement en Chine le nom de « bouddhas vivants », expression très impropre. Les bouddhas ne reviennent pas à la vie. Ces personnages, qui sont précisément honorés parce qu’ils y reviennent, ne sont donc pas, ne peuvent pas être des bouddhas ; ils doivent seulement le devenir : ce sont des bouddhas en herbe. Mais le vulgaire ne fait sans doute pas de différence entre celui qui est Bouddha actuellement et celui qui doit l’être un jour.

Quand un de ces personnages est mort, on attend qu’il renaisse ; sa place reste vacante. Au bout d’un certain temps, on apprend qu’il est rené en tel endroit : c’est un enfant de deux ou trois ans. On lui fait alors subir un examen plus ou moins important pour s’assurer qu’il est bien l’individualité que l’on cherche ; on lui fait, par exemple, reconnaître les objets qui lui ont appartenu dans sa précédente existence : après quoi, on le met à la place du défunt. Avec un pareil système, il n’y a pas de décès du dignitaire sans que la dignité subisse un interrègne et une minorité.

On dit qu’il existe, dans le monde lamaïque, cent cinquante à deux cents de ces « bouddhas vivants. » Tous n’ont pas la même importance ; la considération qu’ils obtiennent tient à la personnalité dont ils sont l’incarnation supposée. Le premier de ces personnages extraordinaires est le Dalaï-Lama, de Lha-sa, le deuxième est le Pantchen-rin-pot-che, de Tachiloumpo. Les Mongols, malgré tout leur respect pour les deux dignitaires tibétains, ont voulu avoir le leur ; c’est le Guisontampa ou Taranâtha (sk.) qui réside chez les Khalkas au grand Kouren. Les Chinois, pour ne pas rester en arrière, n’en comptent pas moins de trois dans les couvents lamaïques de Pékin ; le principal est le Tching-lama. Tous les lamas précités sont de la secte jaune. La rouge n’a pas voulu être privée d’un si grand honneur ; mais comme elle est au Tibet dans un état d’infériorité, c’est au Boutan que trône son Grand-lama ; il porte le titre de Dharmarâdja (sk. roi de la loi) et réside à Tassissoudon.

Enfin les nonnes tibétaines ont aussi leurs renées. Telle est « l’abbesse » du couvent féminin du lac Palte, qui vient de temps à autre à Lha-sa, en grande pompe, recevoir les hommages de la multitude dans le centre du lamaïsme. Elle porte le nom singulier de Dordje-phag-mo (truie diamant) ; mais quelques-uns prétendent que phagmo (truie) doit être pris dans le sens de Yoginî nom de divinité, ou de Bhavanî, nom de l’épouse du dieu indien Çiva, dont cette prêtresse serait l’incarnation.

Nous entrerons dans quelques détails sur les deux pontifes tibétains.

Le Dalaï-Lama. — Le dalaï-lama qui réside dans le monastère de Potala est considéré comme

La bénédiction du Lama, d’après Parraud et Billecocq (Voyages au Tibet).
La bénédiction du Lama, d’après Parraud et Billecocq (Voyages au Tibet).

l’incarnation d’Avalokiteçvara, le patron du Tibet ; d’où la vénération dont il est l’objet. Dalaï (ou Talai) mot mongol qui signifie « océan », sert à désigner ce lama parce que le terme océan (océan de vertus, océan de qualités) entrait dans le nom, généralement fort compliqué, de ces pontifes. L’emploi de ce mot dalaï rappelle que les Mongols ont été les plus fermes appuis du grand-lama et sont demeurés ses plus fervents adorateurs.

La réception des visiteurs qui viennent de toutes les parties du monde lamaïque est une des principales occupations de ce personnage. Il est assis sur des coussins empilés. Les dévots se présentent avec leurs dons ; car on ne peut venir que les mains pleines. Un serviteur chargé de recevoir l’offrande délivre en retour le présent du Lama. Alors les adorateurs s’approchent du trône, prosternés la face contre terre (c’est le salut des pieds avec la tête qu’on offrait d’ordinaire à Çâkyamouni). Le lama leur touche la tête avec la main ou avec une touffe de soie fixée à l’extrémité d’une baguette, et les dévots se retirent heureux de la faveur qui leur a été accordée et de la bénédiction qu’ils ont reçue.

Nul n’est exclu pour cause de pauvreté, et le lama reçoit les dons les plus minimes ; mais on lui en fait beaucoup de fort riches. Les objets qu’il donne en retour sont toujours de mince valeur ; et l’on peut dire que, tout compensé, l’échange est à son profit ; il donne un œuf et reçoit un bœuf. Une étoffe que le lama a touchée ou nouée est le présent le plus commun ; mais tout ce qui vient de lui a un prix inestimable. Or, on a parlé de présents venant de sa propre personne, de son corps, entre autres de résidus de sa garde-robe offerts en globules à ses adorateurs, qui les garderaient avec soin comme des amulettes, ou bien les réduiraient en poudre pour en saupoudrer leurs aliments et les priser comme du tabac. Les récits des voyageurs modernes ne semblent pas confirmer ces étranges détails[1]. Faut-il conclure que les récits antérieurs sont controuvés ou que les usages ont été modifiés ? Nous ne savons. Mais nous ne craignons pas d’affirmer qu’il n’y a là rien que de conforme à la tradition bouddhique. Çâkya-mouni donnait volontiers des rognures de ses ongles et de ses cheveux. Ces reliques étaient gardées avec le plus grand soin. Pourquoi les dévots du grand-lama ne tiendraient-ils pas à en avoir de pareilles et n’accepteraient-ils pas toute chose émanant de sa personne ? De quoi la crédulité superstitieuse n’est-elle pas capable ?

Je n’insiste pas sur les pouvoirs politiques du dalaï-lama. En droit, ils sont considérables ; en fait, ils se réduisent à peu de chose. Il les délègue à des subalternes. D’ailleurs, l’autorité chinoise travaille sous main à les annuler. Le respect religieux dont le lama est l’objet lui paraît plus inquiétant encore que l’exercice du pouvoir. Aussi intervient-elle depuis un certain temps dans le choix de ce haut dignitaire. Quand le lama a transmigré, en d’autres termes, quand il est mort et qu’il va renaître, le bruit se répand qu’il a reparu en plusieurs endroits ; car plus d’une famille a l’ambition de donner au monde un grand-lama. Tous les candidats sont soumis à un examen sommaire ; on en retient trois pour les faire passer par des épreuves plus décisives, sinon plus sérieuses, et l’on choisit parmi ces trois celui qui est le véritable Avalokiteçvara, en qui l’âme du précédent lama a réellement passé ; les autres sont renvoyés chez eux avec une indemnité. L’autorité chinoise surveille avec soin cette étrange procédure et s’applique à faire tomber le choix sur un enfant appartenant à une famille dont elle soit sûre.

Le Pan-tchen-rin-po-tche. — Le dalaï-lama, bien que pontife du Tibet tout entier, est spécialement celui de la province de Ou. La province de Tsang a le sien, qui est presque l’égal de l’autre, et, néanmoins, reste au second rang. Sa résidence ordinaire est le monastère de Tachiloumpo ; mais il demeure aussi quelquefois à Decheripgay et à Terpaling. Son titre est Pan-tchen-rin-po-tche (joyau des savants) ; les Mongols l’appellent Bogdo. Les envoyés de la Compagnie des Indes, au xviiie siècle, Bogle, Turner, lui donnent la qualification de Techou-Lama. De qui est-il l’incarnation ? de Mandjouçri, de Tsong-ka-pa ou de quelque autre ? On ne sait pas bien, et cette incertitude n’est sans doute pas sans quelque lien avec son infériorité relative. Du reste, il est, surtout au point de vue religieux, presque aussi vénéré que son confrère de Lha-sa, et ce qu’on a dit de l’un s’applique à très peu de chose près à l’autre, moins la prééminence politique.

Origine et destinée des deux pontificats. — L’institution de ces deux pontificats et celle des « bouddhas vivants, » dont elle n’est qu’un cas particulier, est de date assez récente. On peut la faire remonter à Tsong-ka-pa, mais elle s’élabora lentement et ne fut véritablement constituée qu’au xviie siècle. Elle aurait commencé à Tachiloumpo ; puis le siège principal en aurait été transporté à Lha-sa à la suite d’une rivalité entre les deux pontifes. Navang-lobsang, le dalaï-lama régnant au milieu du xviie siècle, aurait été le vrai fondateur, ou du moins l’organisateur de cette dignité singulière sous la forme actuelle.

Que deviendra t-elle ? Le conflit qui a existé autrefois entre les deux pontifes de Ou et de Tsang renaîtra-t-il ? Quelques-uns le prédisent. Le Tibet oriental a été désolé en 1845 et 1846 par la lutte acharnée des « bouddhas vivants » de Tsiamdo et de Djaya. Faut-il prévoir que le Tibet central le sera par la querelle infiniment plus grave des deux lamas de Lha-sa et de Digartchi ? Cela sans doute n’est pas impossible, mais est peu probable. Il y a un danger plus grand dans la cessation, qui doit se produire un jour ou l’autre, de la renaissance du Lama. Elle devrait être fort éloignée car on ne cesse de renaître Bodhisattva que pour devenir Bouddha ; et l’apparition d’un bouddha ne doit pas se produire avant deux mille ans. Mais nous ne sommes pas ici sur le terrain du bouddhisme classique. On signale des rumeurs d’après lesquelles le Dalaï-lama en serait à son avant-dernière existence. Si cela était, un avenir prochain pourrait voir la fin de cette haute dignité. Mais il n’y a là rien de certain. Nous ne pouvons deviner l’avenir ; et nous devons nous borner à constater le présent autant qu’il peut être connu.

Il se peut que des intrigues surtout chinoises travaillent à ruiner la puissance lamaïque. Mais tant que le lamaïsme subsistera, la dignité des « bouddhas vivants » ne doit pas périr, car elle est une conséquence et une application des théories bouddhiques. En effet, tout être qui meurt renaît dans une des six classes. On ne peut savoir ce qui advient de ceux qui meurent journellement, confondus dans la foule des inconnus ; mais il doit être possible de suivre les plus éminents dans les diverses phases de leur existence, notamment les bodhisattvas, appelés à renaître parmi les hommes. Renaissant parmi les hommes, ils doivent prendre rang parmi ceux qui adoptent la vie parfaite, et parmi les plus distingués. Il est donc tout naturel que les sièges lamaïques du premier ordre soient occupés par des personnages de cette sorte. Cette institution singulière découle donc naturellement et logiquement, si l’on y réfléchit, des théories et des croyances bouddhiques, non pas précisément de celles que Çâkya-mouni et ses successeurs immédiats ont enseignées, mais de ce que les ont faites la suite des temps et le génie des peuples qui les ont acceptées.

Il nous reste à dire maintenant quelques mots sur l’histoire du Tibet et sur les efforts qui ont été faits pour l’explorer.




  1. Pendant notre séjour à Lha-sa, dit Huc, nous avons beaucoup interrogé à ce sujet, et tout le monde nous a ri au nez. (Souvenirs, ii, p. 349.)