Le Triomphe du Sexe/Chapitre IV

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CHAPITRE IV.

La femme n’eſt inférieure à l’homme, que par la dépendance civile à laquelle la providence l’a aſſujettie.



La ſeule inégalité qui diſtingue la femme de l’homme, eſt la dépendance civile à laquelle Dieu l’a ſoumiſe, & que je ne trouve bien exprimée que dans S. Paul. Qu’on ne m’apporte pas pour la prouver, les paroles de la Geneſe : Vous ſerez ſous la puiſſance de votre mari, & il vous dominera. L’Hébreux & la Vulgate ne ſont pas d’accord ſur ce texte, ils l’expriment d’une maniere qui forme un ſens bien différent, & comme l’une & l’autre interprétation, eſt également reçuë dans l’Égliſe, il ſera toujours permis d’admettre celle qu’on voudra. Aux Éphef. 3. 23.Le mari eſt le chef de la femme, dit l’Apôtre, comme J. C. eſt le chef de l’Égliſe. Comme l’Égliſe eſt ſoumiſe à J. C., les femmes doivent être ſoumiſes à leurs maris, &c. La domination que J. C. exerce envers l’Égliſe, n’eſt pas une domination tyrannique. C’eſt un gouvernement plein de ſageſſe & de douceur. Si la femme doit ́être ſoumiſe à ſon mari, comme l’Égliſe l’eſt à J. C. cette ſoumiſſion ne regarde que les devoirs & les engagemens du mariage, & elle ne la doit à l’homme, qu’autant qu’elle lui eſt unie. Si elle eſt dépendante, celui qui domine par elle & qui eſt ſon maître, Homélie ſur la Geneſ.eſt auſſi ſon amant, dit S. Chriſoſtome. Elle n’eſt pas la ſervante, mais la compagne de l’homme ; c’eſt un autre lui-même, puiſqu’ils ne ſont qu’une même perſonne dans un même corps. C’eſt une ſoumiſſion reſpectueuſe qui conſiſte dans la déférence, les bienſéances & les égards qu’un égal doit à ſon égal, un ami à ſon ami. Elle n’ôte pas à la femme le droit de commander dans ſa maiſon, de diſpoſer de ce qui regarde le bien de ſon domeſtique, de concert avec un mari ſage & prudent ; ou de ſuppléer à ſon défaut, quand l’entêtement, le caprice, ou la débauche l’empêchent de pourvoir à ce qui concerne le bon ordre. L’union du mariage eſt une union de volonté, une union de corps, une union d’intérêt. L’homme n’eſt pas plus le maître de ſa volonté que de ſon corps, il eſt ſoumis en tous ces points à ſon épouſe, comme elle lui eſt ſoumiſe. Qu’elle injure à la ſainteté du mariage, que de penſer que la ſupériorité de l’homme conſiſte à faire ce qu’il lui plaît, & qu’il ne dépend de ſa femme, que dans la diſpoſition de ſon corps ! Si l’union du mariage ne conſiſtoit que dans cette dépendance du côté du corps, une alliance ſi ſainte ne ſeroit plus qu’une union purement animale. Si les perſonnes mariées ne font qu’un dans une même chair, c’eſt autant par l’union des volontés que par celle des corps. Le lien qui les unit consistant dans cette dépendance respective & mutuelle, il exclut dès-lors tout ce qui respire le despotisme absolu & la servitude, parce qu’il ne peut subsister que par une entiere égalité. L’homme est comptable à son épouse de sa volonté, de ses actions, de ses plaisirs ; parce que son bien, son corps lui appartiennent : Son épouse lui est également comptable en tous ces points. N’est-ce pas de cette dépendance relative que naît le droit que la femme a de répudier un mari adultère, comme il a celui de ſe ſéparer d’une épouſe infidelle. Si l’homme, comme chef, a le droit de commander dans ſon domeſtique, de diſpoſer de ce qui regarde l’ordre de ſa maiſon, l’établiſſement de ſes enfans ; il ne le doit faire que d’intelligence avec ſon épouſe, qui eſt ſon amie & ſa compagne. S. Pierre Épit. 13.Si Sara appelloit Abraham ſon Seigneur, c’étoit par reſpect qu’elle lui donnoit ce nom. Abraham ne faiſoit rien ſans ſon conſeil. Il changea même ſon nom, qui étoit Reſcha, en celui de Saraï, qui ſignifie Madame ou ma Princeſſe. Il vouloit l’honorer de ce nom, parce qu’elle l’appelloit ſon Seigneur. Dieu lui-même, dans l’alliance qu’il contracta avec lui, lui ordonna de changer le nom de Saraï en celui de Sara, qui ſignifie Dame ou Princeſſe. Preuve certaine de l’égalité qui ſubſiſtoit entr’eux, & qui ſubſiſte encore aujourd’hui entre l’homme & la femme.